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Special Section: Prévision Des Crues Et Inondations, Novembre 2023

Développement d’outils pour la quantification des incertitudes des données hydrométriques

Developing tools for quantifying streamflow data uncertainty

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Article: 2337704 | Published online: 23 Apr 2024

RÉSUMÉ

La quantification des incertitudes des données hydrométriques (mesure de débit des cours d’eau) est reconnue comme indispensable mais sa mise en œuvre pratique nécessite un ensemble d’outils adaptés au traitement des mesures sur l’ensemble d’une chaîne complexe allant des mesures de terrain (jaugeages, limnigrammes) aux hydrogrammes, en passant par les courbes de tarage. Nous présentons plusieurs méthodes et outils logiciels développés ces vingt dernières années et intégrés dans les pratiques des hydromètres en France. L’incertitude plus forte des débits de crue est un des défis à relever. Outre la poursuite des développements méthodologiques, une réflexion sur la communication et la bancarisation des incertitudes est à entreprendre.

ABSTRACT

Quantifying the uncertainty of hydrometric data (river discharge measurements) is recognised as essential, but in practice it requires a set of tools adapted to the processing of measurements throughout a complex workflow ranging from field measurements (streamgaugings, stage records) to rating curves and discharge time series. We present several methods and software tools that have been developed over the last twenty years and integrated into the practices of field hydrologists in France. The greater uncertainty of flood discharges is one of the current challenges. In addition to continuing methodological developments, there is a need to consider how to best communicate and archive the uncertainties.

1. Introduction

Le débit des cours d’eau est sans doute la donnée la plus informative en hydrologie, et une des plus utiles pour la modélisation et la prévision des crues et des inondations. En tant que résultats de mesure, les données de débit comportent des erreurs qui doivent être corrigées si elles peuvent être détectées et quantifiées. Dans le cas contraire, ces erreurs inconnues induisent des incertitudes qu’il faut estimer. Les erreurs peuvent apparaître à toutes les étapes du processus de production des données hydrométriques, des mesures sur le terrain jusqu’à la publication et la bancarisation des données. Formation, bonnes pratiques, normalisation, et assurance et contrôle qualité sont nécessaires pour éviter, détecter et corriger ces erreurs, et réduire les sources d’incertitude.

Au cours des dernières décennies, des efforts de recherche internationaux ont été consacrés au développement de méthodes pour quantifier l’incertitude des jaugeages (mesures ponctuelles du débit des cours d’eau) et celle des relations hauteur-débit (ou courbes de tarage) calées avec ces jaugeages et utilisées pour établir les séries temporelles de débit (hydrogrammes) de la plupart des stations hydrométriques, selon la chaîne de traitement présentée sur la . Nous présentons différents outils opérationnels développés en France (via le Groupe Doppler Hydrométrie, GDH, constitué en 2005, et la section Hydrométrie de la SHF) et en collaboration internationale pour quantifier l’incertitude hydrométrique. La communauté hydrométrique française s’est en effet mobilisée depuis longtemps sur ce sujet, comme en témoigne le contenu des Chartes Qualité de L’Hydrométrie (Forray et al., Citation1998 ; Puechberty et al., Citation2017) et des colloques SHF Hydrométrie organisés en 2008, 2013, 2017, et 2021.

Figure 1. Workflow le plus courant pour la production de données hydrométriques, avec incertitudes quantifiées à chaque étape (la photo de jaugeur n’est pas contractuelle).

Figure 1. Workflow le plus courant pour la production de données hydrométriques, avec incertitudes quantifiées à chaque étape (la photo de jaugeur n’est pas contractuelle).

D’une part, deux approches complémentaires pour estimer l’incertitude des jaugeages sont illustrées à travers des méthodes de propagation adaptées à différentes techniques de mesure, et la méthode des essais interlaboratoires. D’autre part, l’approche bayésienne BaRatin pour estimer l’incertitude des courbes de tarage et des hydrogrammes est présentée. Le cas particulier des mesures en crue est discuté ensuite.

2. Incertitude des jaugeages calculée par méthode de propagation

En métrologie, la méthode de propagation des incertitudes définie par le GUM, guide pour l’expression de l’incertitude de mesure (JCGM, Citation2008a), est la méthode de référence pour le calcul des incertitudes de mesure. La méthode repose sur l’écriture du modèle de mesure (« Data Reduction Equation », qui en réalité est plutôt un modèle d’erreur), qui exprime le résultat de mesure y comme une fonction f de n grandeurs d’entrée xi :

(1) y=fx1,,xn(1)

Les quantités x1...xn étant considérées comme incertaines, on les traite comme des variable aléatoires, dont l’écart-type uxi quantifie l’incertitude et est appelée incertitude-type dans le vocabulaire de la métrologie. La propagation de ces incertitudes se fait alors via un développement limité d’ordre 1 qui permet d’exprimer l’incertitude-type ucy du résultat de mesure en fonction de celles des grandeurs d’entrée :

(2) uc2y=i=1nfxi2u2xi(2)

Ecrite ainsi, cette expression (EquationEquation (2)) suppose l’indépendance des erreurs affectant chaque grandeur d’entrée ; une version plus complexe (avec des termes de covariance) prenant en compte des erreurs corrélées existe mais est rarement utilisable en pratique. A noter également que cette technique de propagation des incertitudes via un développement limité d’ordre 1 peut être remplacée par une propagation par Monte Carlo ou encore par une inférence bayésienne comme spécifié par des suppléments du GUM.

Son application aux mesures de débit en cours d’eau (jaugeages) est proposée par différents manuels, articles scientifiques et documents normatifs, notamment le HUG, guide pour l’expression de l’incertitude en hydrométrie (ISO/TS 25377, Citation2007) portant sur les principales techniques de jaugeage. Cependant, son application opérationnelle pose un certain nombre de problèmes tant théoriques et pratiques qui expliquent en partie que pendant des décennies, les services hydrométriques ne disposaient souvent pas d’un calcul d’incertitude pour leurs jaugeages. D’abord, l’application directe des principes du GUM n’est pas suffisante pour établir l’incertitude d’un jaugeage car certaines sources d’incertitude importantes et très variables échappent à la modélisation, en particulier les erreurs environnementales (liées aux conditions de mesure sur le terrain), les interpolations et extrapolations de mesure (nécessaires au calcul du débit sur toute la section), et les effets opérateurs (procédure de jaugeage, qualité du déploiement, paramétrages, etc.). Ces composantes d’incertitude doivent être estimées ou modélisées, car elles ne découlent pas directement du modèle de mesure (« Data Reduction Equation » du GUM). Il est également nécessaire de prendre en considération certains biais, ou erreurs systématiques à l’échelle du jaugeage élémentaire (transect ADCP, injection de traceur …) voire à l’échelle de mesures successives (auquel cas prendre la moyenne des résultats de mesure ne permet pas de réduire l’incertitude). Enfin, les diverses techniques de jaugeage étant très différentes, elles appellent des méthodes de propagation d’incertitude adaptées, qui doivent être implémentées dans des outils logiciels pratiques et conviviaux (idéalement, les mêmes logiciels que ceux utilisés pour vérifier les mesures et calculer le débit du jaugeage).

La décennie écoulée a vu le développement de nouvelles méthodes de calcul des incertitudes de jaugeage répondant à ces critères, en particulier au sein du GDH. Comme la méthode IVE développée par l’USGS (Cohn et al., Citation2013), les méthodes Q+ (Le Coz et al., Citation2012) et Flaure (Despax et al., Citation2016) ont été successivement proposées pour améliorer le calcul de l’incertitude des jaugeages par exploration du champ des vitesses (moulinets, courantomètres, jaugeages de surface). Ces trois méthodes reprennent le cadre du calcul d’incertitudes de la norme ISO748, cadre de référence pour la technique de jaugeage par exploration du champ des vitesses, mais proposent des calculs plus explicites et directs des composantes d’incertitude dues à l’intégration verticale des vitesses et à l’intégration latérale (et l’extrapolation aux rives) des débits par unité de largeur. En France, la méthode Q + a été implémentée dans le logiciel Barème (réseau hydrométrique d’Etat) et la méthode Flaure dans le logiciel Jasmine (EDF), tous deux utilisés opérationnellement pour le dépouillement et la gestion des jaugeages des services hydrométriques.

Plusieurs méthodes de calcul des incertitudes ont également été proposées ces dernières années pour les jaugeages par ADCP (profileur hydro-acoustique de courant à effet Doppler) mobiles,Footnote1 notamment le cadre général posé par González-Castro et Muste (Citation2007) et les méthodes RiverFlowUA (González-Castro et al., Citation2016), QUant (Díaz Lozada et al., Citation2023 ; Moore et al., Citation2016), QRev-UA (Mueller, Citation2016) et Oursin (Despax et al., Citation2023).

Cette dernière méthode, développée par des membres du GDH, a été récemment implémentée dans le logiciel QRevIntFootnote2 (cf. ), dans le cadre de la participation française au développement de ce logiciel open-source international. Cela permet de bénéficier, au sein d’un même logiciel libre et largement utilisé, du post-traitement, de l’analyse qualité et de l’analyse d’incertitude des données de quasiment tous les modèles d’ADCP du commerce utilisés en hydrométrie. Egalement basée sur les principes généraux du GUM, la méthode Oursin évalue les incertitudes des débits extrapolés (dans les zones non mesurées au fond, en surface et aux rives, ainsi que les mesures invalidées) à partir d’une analyse de sensibilité aux paramètres de ces débits, sur la base d’un jeu de scénarios expertisés. Ces scénarios calculent des valeurs de débit limites pour différents modèles d’extrapolation des vitesses dans les zones non mesurées, et pour des valeurs extrêmes de leurs paramètres (exposant du profil vertical de vitesse, enfoncement du capteur, distances aux rives, coefficient de rive, cf. Despax et al., Citation2023 pour plus de détail). Pour un débit jaugé établi comme la moyenne des débits de transects successifs, l’incertitude est calculée en distinguant les erreurs indépendantes d’un transect à l’autre et les erreurs au contraire systématiques. En effet, l’incertitude associée aux premières se réduit dans la moyenne, contrairement à l’incertitude associée aux secondes.

Figure 2. Interface du logiciel open-source QRevInt pour le post-traitement des jaugeages ADCP : a) fenêtre principale affichant (dans le panneau du centre à droite) l’incertitude (ici 5,3 %) élargie au niveau de probabilité de 95%, b) graphique de l’onglet « Uncertainty » montrant les contributions relatives à la variance totale des différentes sources d’incertitude estimées par Oursin pour chacun des 6 transects successifs et pour leur moyenne (« All ») : reconstitution des mesures invalidées (en rouge), extrapolation des débits aux rives (en vert) et au fond et en surface (en rose), répétabilité (coefficient de variation des transects successifs, en bleu clair), débit de la zone mesurée (en bleu), interpolation entre les verticales de mesure ou ensembles (en bleu foncé), effets systématiques liés à l’instrument ou au fond mobile (en gris).

Figure 2. Interface du logiciel open-source QRevInt pour le post-traitement des jaugeages ADCP : a) fenêtre principale affichant (dans le panneau du centre à droite) l’incertitude (ici 5,3 %) élargie au niveau de probabilité de 95%, b) graphique de l’onglet « Uncertainty » montrant les contributions relatives à la variance totale des différentes sources d’incertitude estimées par Oursin pour chacun des 6 transects successifs et pour leur moyenne (« All ») : reconstitution des mesures invalidées (en rouge), extrapolation des débits aux rives (en vert) et au fond et en surface (en rose), répétabilité (coefficient de variation des transects successifs, en bleu clair), débit de la zone mesurée (en bleu), interpolation entre les verticales de mesure ou ensembles (en bleu foncé), effets systématiques liés à l’instrument ou au fond mobile (en gris).

Le calcul de l’incertitude des jaugeages par dilution de traceur (salin ou fluorescent) n’a pas fait l’objet d’autant de propositions. A notre connaissance, seule la méthode SUNYFootnote3 (Hauet, Citation2020) propose actuellement un cadre suffisamment exhaustif et conforme aux principes du GUM. Cette méthode a été implémentée dans un code R avec une interface construite avec le package RShiny, pour l’instant uniquement applicable aux instruments TQ-tracer de Sommer.

Ces méthodes de propagation des incertitudes sont utiles à deux niveaux. D’une part, elles fournissent une estimation de l’incertitude de mesure qui accompagne la donnée et permettent à l’utilisateur d’en faire un usage éclairé (McMillan et al., Citation2017). Par exemple, il devient possible de calculer la probabilité qu’un seuil de débit a été dépassé ou non, et de prendre une décision éclairée, que ce soit pour un constat d’infraction au débit minimum biologique, un arrêt de prélèvement d’eau ou d’exploitation de centrale nucléaire, ou encore une déclaration de catastrophe naturelle. D’autre part, le bilan d’incertitude associé permet d’évaluer le poids relatif des différentes sources d’incertitude dans la variance totale (cf. les différents termes de l’EquationEq. 2), et donc de cibler celles qui sont à réduire en priorité en vue de l’amélioration du processus de mesure. Typiquement, pour un jaugeage au courantomètre, on pourra évaluer si l’incertitude peut être réduite en augmentant le nombre des verticales, en les plaçant plus judicieusement, ou plutôt en utilisant un instrument plus adapté aux vitesses rencontrées, etc. Pour un jaugeage par dilution de traceur, on appréciera si l’incertitude du débit est portée principalement par la préparation de la solution d’injection, le bon mélange du traceur dans le cours d’eau, l’étalonnage du capteur en concentration de traceur ajouté, les incertitudes instrumentales, etc. Cependant, il reste un travail important pour modéliser et estimer certaines composantes d’incertitude, notamment celles propres aux performances de chaque modèle d’instrument de mesure, et celles liées à des effets de site et d’opérateur.

En perspective, il reste à développer des méthodes de propagation des incertitudes adaptées à certaines techniques hydrométriques. L’implémentation d’une méthode adaptée aux jaugeages ADCP stationnaires (verticale par verticale) dans le logiciel QRevIntMSFootnote4 est en cours. Elle reprend à la fois des éléments de la méthode Oursin communs aux jaugeages par ADCP mobile et stationnaire, et des éléments des méthodes développées pour les jaugeages par exploration des vitesses, en particulier l’estimation de l’incertitude d’intégration latérale (liée au nombre limité de verticales). Les quatre principales options de la littérature (méthodes ISO748, Q+, Flaure, IVE) devraient être disponibles dans QRevIntMS d’ici fin 2023. Notons que des calculs d’incertitude applicables aux jaugeages par vidéo sont toujours manquants, malgré des développements réalisés sur les incertitudes liées à l’orthorectification des images (Le Coz et al., Citation2021) et à la détermination des déplacements de surface par LSPIV (Bodart, Citation2023). L’assemblage d’une méthode applicable à tout jaugeage vidéo de façon opérationnelle est un objectif pour ces prochaines années.

3. Incertitude des jaugeages estimée par essais interlaboratoires

En complément des approches par propagation, dans lesquelles l’incertitude est en quelque sorte modélisée avec des hypothèses simplificatrices, une approche expérimentale des incertitudes est possible et d’ailleurs utile pour vérifier les méthodes par propagation. Cette approche expérimentale fournit des observations directes des niveaux d’incertitude finale, mais elle comporte ses propres limites (incertitudes d’échantillonnage, protocole limité à l’expression de certaines sources d’incertitude, et résultats valables uniquement pour les conditions spécifiques des essais).

Les services hydrométriques ont organisé des intercomparaisons de jaugeages sur le terrain depuis longtemps, à des fins de vérification des protocoles et matériels, mais c’est il y a une quinzaine d’années seulement qu’a émergé leur utilisation pour quantifier l’incertitude de mesure, avec l’organisation de véritables essais interlaboratoires par le GDH (Despax et al., Citation2019 ; Le Coz et al., Citation2016). Ces essais interlaboratoires sont pratiqués régulièrement dans d’autres domaines de la métrologie (analyses chimiques et biologiques, notamment). Leur organisation et leur exploitation pour calculer l’incertitude sont spécifiées par des documents normatifs (ISO5725-2 et ISO21748). Fondamentalement, il s’agit de réunir un ensemble de participants (ou « laboratoires ») munis de leur équipement de mesure pour mesurer une même grandeur (ou « mesurande ») de façon répétée.

Une analyse de variance (ANOVA) à un facteur, appliquée aux résultats de mesure, permet de quantifier un « écart-type de répétabilité » sr (variabilité moyenne des résultats répétés d’un même participant) et un « écart-type interlaboratoire » sL (variabilité moyenne des résultats moyens entre les participants). La combinaison de ces deux écarts-types fournit une estimation de l’incertitude de mesure de la technique, dans les conditions des essais, biais de la méthode exclu (la référence étant la moyenne de tous les résultats de tous les participants). Si une référence suffisamment précise pour estimer l’incertitude uδ due à ce biais collectif est disponible, elle peut également être prise en compte. La formule généralisée proposée par Le Coz et al. (Citation2016) permet de calculer l’incertitude élargie UQN,P d’une mesure de débit établie comme la moyenne des résultats de P participants ayant fourni chacun N résultats répétés :

(3) UQN,P=ksr2N×P+sL2P+u2δ(3)

avec k le facteur d’élargissement (k=2 pour un niveau d’incertitude à 95%).

L’approche est applicable à toute technique de jaugeage, à condition de pouvoir répéter les mesures (au moins 2 fois) et de réunir plusieurs participants mesurant un même débit (constant) avec une instrumentation et des performances similaires. Des tests statistiques (tests de Cochran et Grubbs, statistiques h et k de Mandel, cf., norme ISO 5725–2, Citation1994 pour les détails) sont appliqués aux résultats bruts pour exclure des participants dont les résultats ne seraient pas homogènes (en justesseFootnote5 et fidélitéFootnote6) avec ceux de l’ensemble des autres participants. La méthode s’avère particulièrement bien adaptée aux jaugeages par ADCP mobile en raison de la rapidité de mesure de cette technique, permettant la répétition d’un grand nombre de mesures, ce qui réduit l’incertitude d’estimation des écarts-types sr et sL. En général, un jaugeage ADCP est la moyenne des débits mesurés par un seul opérateur (P=1) lors de N traversées successives en sens opposé (habituellement N=6 en France : Le Coz et al., Citation2008 ; Puechberty et al., Citation2017). L’incertitude u(δ) due au biais collectif de tous les ADCP est souvent difficile à estimer, faute de référence de débit précise.

De nombreuses intercomparaisons de jaugeage sont organisées régulièrement par des services hydrométriques en France (cf. exemple ) comme dans d’autres pays. Le plus souvent, ces essais visent principalement à vérifier le bon fonctionnement des appareils et leur déploiement correct par les opérateurs, sans objectif de quantifier les incertitudes de mesure par la méthode interlaboratoire. Ils sont donc généralement mis en œuvre dans des conditions de mesure relativement favorables, de façon à mettre plus facilement en évidence des effets instrumentaux ou liés à l’opérateur. Néanmoins, les calculs d’incertitude décrits ci-dessus sont applicables aux résultats obtenus sans effort disproportionné, à condition de disposer d’un logiciel pour cela. L’ensemble des calculs d’incertitude ont été implémentés dans un tableur, qui n’est malheureusement plus maintenu, associé au guide national sur les intercomparaisons en hydrométrie (Bertrand et Collobert, Citation2016).

Figure 3. Quantification empirique des incertitudes des jaugeages ADCP par essais interlaboratoires : a) intercomparaison organisée par le Service de Prévision des Crues Grand-Delta sur la Sorgue (France) en avril 2022 ; b) graphique du logiciel QRAME montrant incertitudes élargies estimées par la méthode Oursin (barres d’erreur) pour chaque participant et en moyenne (en vert), et celle estimée empiriquement avec la méthode interlaboratoire pour l’ensemble des participants (lignes tiretées noires, avec l’incertitude de cette incertitude figurée par l’enveloppe grise). Le débit de référence (ligne tiretée rouge) est ici la moyenne des résultats de tous les participants. Les croix et les points sont respectivement les résultats de mesure obtenus directement via les logiciels de mesure des constructeurs et après post-traitement dans le logiciel QRevInt (noter l’amélioration sensible obtenue ainsi pour l’équipe S03_RR_RR07).

Figure 3. Quantification empirique des incertitudes des jaugeages ADCP par essais interlaboratoires : a) intercomparaison organisée par le Service de Prévision des Crues Grand-Delta sur la Sorgue (France) en avril 2022 ; b) graphique du logiciel QRAME montrant incertitudes élargies estimées par la méthode Oursin (barres d’erreur) pour chaque participant et en moyenne (en vert), et celle estimée empiriquement avec la méthode interlaboratoire pour l’ensemble des participants (lignes tiretées noires, avec l’incertitude de cette incertitude figurée par l’enveloppe grise). Le débit de référence (ligne tiretée rouge) est ici la moyenne des résultats de tous les participants. Les croix et les points sont respectivement les résultats de mesure obtenus directement via les logiciels de mesure des constructeurs et après post-traitement dans le logiciel QRevInt (noter l’amélioration sensible obtenue ainsi pour l’équipe S03_RR_RR07).

Développé récemment par INRAE, le logiciel QRAMEFootnote7 (basé sur QRevInt) permet de rejouer en masse un ensemble de jaugeages ADCP et de calculer l’incertitude moyenne par la méthode des essais interlaboratoires, par application de l’équation 2 pour des valeurs de N et P données (cf. exemple de résultats ). L’incertitude de mesure individuelle du jaugeage de chaque participant est également calculée par la méthode OURSIN présentée plus haut, ce qui permet une comparaison des deux approches (essais interlaboratoires et méthode par propagation). Nous espérons que le logiciel QRAME, par sa facilité d’utilisation, permettra de démocratiser et systématiser l’exploitation des résultats d’intercomparaison de jaugeages pour la quantification des incertitudes de débit, et ce pour des conditions de mesure variées, et potentiellement difficiles pour le jaugeage par ADCP : écoulement complexe et/ou instationnaire, surface libre agitée, écoulement très lent, présence d’obstacles, de végétation aquatique, de fond mobile, etc.

Le plan d’expérience des essais interlaboratoires peut être étendu à l’étude de plusieurs sources d’incertitudes, comme ce fut le cas pour l’intercomparaison ADCP de Chauvan en 2016 (Despax et al., Citation2019). Dans ce cas, chaque équipe participante a répété ses mesures sur un ensemble de sections de cours d’eau, au lieu d’une seule pour les autres intercomparaisons. Cette permutation des équipes sur un ensemble de sections a rendu possible une analyse de variance (ANOVA à 2 facteurs) permettant de séparer l’effet section (conditions du site de mesure) des autres effets (opérateur, instrument, procédure) dans le bilan de variance totale (se référer à Despax et al., Citation2019, pour les détails). Ce type d’expérience est plus exigeant que les essais usuels mais riche d’enseignements sur les sources d’incertitude affectant une technique de jaugeage, dans des conditions de mesure données. Le logiciel QRAME propose également ce calcul d’incertitude à plusieurs facteurs. La possibilité d’importer et exploiter des résultats d’essais interlaboratoires faits avec d’autres techniques de mesure que l’ADCP est une perspective de développement du logiciel QRAME.

4. Incertitude des courbes de tarage et des hydrogrammes (approche bayésienne)

Pour quantifier les incertitudes sur les séries temporelles de débit (ou hydrogrammes) produites selon le workflow classique décrit sur la , il est essentiel de quantifier les incertitudes associées aux courbes de tarage hauteur-débit. Là encore, une bonne dizaine de méthodes ont été proposées par différentes équipes de recherche ces quinze dernières années, reposant sur des principes plus ou moins différents. Six d’entre elles, ainsi que la méthode traditionnelle proposée dans les documents ISO 18320 (Citation2020) et OMM (WMO, Citation2006), basées sur les résidus entre jaugeages et courbe de tarage, ont été comparées sur trois cas de stations hydrométriques par Kiang et al. (Citation2018). La méthode traditionnelle ISO/OMM présente en effet de sévères limitations, la nécessité de disposer d’au moins 12 jaugeages par segment de courbe n’étant pas la moindre. L’exercice de comparaison a surtout montré que les différences de principes entre les méthodes, parfois mineures (trois méthodes étant basées sur l’inférence bayésienne), produisent néanmoins de substantielles différences d’estimation des incertitudes. Ainsi, les résultats ne peuvent être interprétés qu’en fonction des hypothèses statistiques et parfois hydrauliques posées dans chaque méthode.

Parmi les méthodes plus récentes, seulement trois sont à notre connaissance utilisées par des services opérationnels (ce dont nous n’avons pas d’exemple pour la méthode ISO/OMM malgré son ancienneté bien plus grande) : il s’agit de la méthode GesDyn (EDF, Morlot et al., Citation2014) et des méthodes bayésiennes du NVE (Norvège, Reitan et Petersen-Øverleir, Citation2009) et BaRatin (INRAE, Le Coz et al., Citation2014). Cela illustre le chemin qui reste à parcourir entre le développement et la validation d’une méthode, et sa diffusion opérationnelle via un logiciel documenté et utilisable par des hydromètres. Nous présentons ici l’approche bayésienne BaRatin aujourd’hui utilisée par un grand nombres d’acteurs académiques et opérationnels via le logiciel libre BaRatinAGE,Footnote8 dont une vue de l’interface graphique est présentée .

Figure 4. Interface du logiciel open-source BaRatinAGE v2 pour quantifier l’incertitude des courbes de tarage et hydrogrammes : dans le panneau de droite, la courbe de tarage hauteur-débit estimée avec les jaugeages (points noirs et barres d’incertitude) est tracée avec son incertitude paramétrique (rose) et totale (rouge) ; les hauteurs d’activation des trois contrôles identifiés sur cette station sont affichées en vert avec leur enveloppe d’incertitude. Toutes les incertitudes sont exprimées au niveau de probabilité de 95%.

Figure 4. Interface du logiciel open-source BaRatinAGE v2 pour quantifier l’incertitude des courbes de tarage et hydrogrammes : dans le panneau de droite, la courbe de tarage hauteur-débit estimée avec les jaugeages (points noirs et barres d’incertitude) est tracée avec son incertitude paramétrique (rose) et totale (rouge) ; les hauteurs d’activation des trois contrôles identifiés sur cette station sont affichées en vert avec leur enveloppe d’incertitude. Toutes les incertitudes sont exprimées au niveau de probabilité de 95%.

Ce logiciel permet d’établir des courbes de tarage et des hydrogrammes avec des incertitudes quantifiées. Le cadre bayésien permet de définir naturellement des connaissances a priori sur les paramètres de l’équation de la courbe de tarage, elle-même établie à partir de l’identification de contrôles hydrauliques connus ou supposés par l’utilisateur. Ces contrôles sont les caractéristiques physiques du chenal qui déterminent la relation hauteur-débit au point de mesure, et donc la courbe de tarage. Pour simplifier, on distingue deux types de contrôles : les contrôles par section (correspondant au passage de l’écoulement par le régime critique au niveau d’une chute ou d’un rétrécissement) et les contrôles par chenal (correspondant à un écoulement dominé par les pertes de charges par friction). A partir d’informations (précises ou non), facilement fournies par l’hydromètre, sur la nature, les dimensions et l’enchaînement des contrôles, une courbe de tarage « a priori » peut être estimée avec ses incertitudes, avant d’être affinée grâce à l’information contenue dans les observations (les jaugeages eux aussi munis de leur incertitude individuelle) en une courbe de tarage « a posteriori ». Outre la prise en compte des incertitudes des sources d’information et la quantification de celle des paramètres de la courbe de tarage, la base hydraulique, même simplifiée, de BaRatin permet de guider le tracé de la courbe de tarage, en particulier dans les gammes de débit pour lesquelles on ne dispose que de peu voire d’aucun jaugeage, en hautes eaux notamment. BaRatin permet de propager l’incertitude de la courbe de tarage mais aussi l’incertitude du limnigramme pour calculer l’hydrogramme et son incertitude (Horner et al., Citation2018). En revanche, des méthodes métrologiques opérationnelles font toujours défaut pour quantifier l’incertitude des mesures de hauteur d’eau, incluant les principales sources d’incertitude dont fidélité et justesse des capteurs, batillage, déformation de la section, résolution temporelle, représentativité et raccordement à l’échelle de référence, etc.

Le logiciel BaRatinAGE et la méthode BaRatin ont été utilisés par plusieurs centaines d’utilisateurs en France et à l’étranger, académiques ou opérationnels, parmi lesquels on peut citer les services hydrométriques de l’Etat en France, de la Compagnie nationale du Rhône (CNR, France), de l’observatoire national NEON aux Etats-Unis, et de l’Autorité de bassin Matanza Riachuelo (Acumar) en Argentine. Au moins 15 articles scientifiques de groupes extérieurs au développement de BaRatin utilisant la méthode ont été recensés. Outre la documentation du logiciel et les sessions de formation données en français, anglais et espagnol, des vidéos d’introduction à la méthode en français et anglais sont disponibles sur la chaîne YouTube du GDH.

Une version 3 du logiciel BaRatinAGE est en cours de développement. Elle remplace notamment le cœur de calcul par l’exécutable BaM! (Mansanarez et al., Citation2019), une plateforme de simulation bayésienne permettant l’estimation d’une grande variété de modèles, dont le modèle BaRatin. Tout en conservant l’environnement de travail actuel adapté aux courbes de tarage, cela ouvre la voie à l’intégration de méthodes plus avancées pour traiter les courbes de tarage complexes ne se limitant pas à une relation univoque entre hauteur et débit. Ceci peut se produire pour de nombreuses raisons (Mansanarez et al., Citation2019), comme l’hystérèse due au régime transitoire (l’onde de vitesse se propageant plus vite que l’onde de pression, d’autant plus que la pente du chenal est faible et la variation de hauteur d’eau est rapide), un remous (ou influence aval) variable (retenue de barrage, marée, confluence …), des effets de stockage/déstockage d’eau en lit majeur, des pertes de charge à l’interface entre les écoulements du lit mineur et du lit moyen, et enfin des détarages dus à des modifications des contrôles hydrauliques : évolution du lit lors des crues morphogènes, dynamique de la végétation aquatique saisonnière, interventions dans le lit (travaux, barrages de baigneurs ou de castors, etc.). Certains modèles bayésiens pour représenter la relation hauteur-débit dans ces conditions ont été implémentés dans l’exécutable BaM! : formule de Jones pour l’hystérèse (Mansanarez, Citation2016), courbes à double échelle pour le remous variable (Mansanarez et al., Citation2016), famille de courbes de tarage valides sur des périodes successives pour les détarages dus à l’évolution du lit (Mansanarez et al., Citation2019), courbes de tarage dynamiques influencées par la végétation aquatique saisonnière (Perret et al., Citation2021). Par ailleurs, des méthodes ont été proposées par Darienzo (Citation2021) pour détecter les détarages, en analyse rétrospective voire en temps réel, par segmentation bayésienne des résidus des jaugeages à la courbe de tarage (Darienzo et al., Citation2021), par segmentation des niveaux d’eau asymptotiques des récessions hydrologiques, ou encore par estimation du transport sédimentaire cumulé pendant les événements de crue. Toutes ces approches sont probabilistes et compatibles avec le cadre général de BaRatin, et leur opérationnalisation est en cours.

5. Incertitudes hydrométriques spécifiques en crue

La chaîne de quantification des incertitudes présentée en a pour objectif de prendre en compte l’ensemble des facteurs et modes opératoires qui jouent un rôle dans l’estimation du débit d’un cours d’eau. En période de crue, les incertitudes vont être plus fortes sur les trois composantes de la chaîne : mesure de la hauteur, jaugeages et courbe de tarage (Lang et al., Citation2006). Il est important de passer en revue les différents phénomènes à l’origine de cette détérioration de la qualité d’estimation du débit en crue. Rappelons néanmoins que, quoique pour des raisons différentes (détarages, faible sensibilité de la courbe de tarage, végétation aquatique saisonnière, forte incertitude des jaugeages), l’incertitude relative (en %) des débits d’étiage est le plus souvent bien plus élevée que celle des débits de crue.

La mesure de hauteur en crue peut être plus délicate du fait : 1/ du batillage et d’oscillations de la surface libre et de la difficulté à lire la cote à l’échelle pour vérifier et si besoin recaler la cote mesurée par le capteur ; 2/ de variations rapides du niveau répercutées avec retard sur le capteur ; 3/ de vibrations dans le support du capteur induites par des vents violents ou les forts courants ; 4/ d’une complexité de la surface libre et d’un emplacement non optimal du capteur (concentration des écoulements sur une partie de la section en cas de station positionnée dans une courbe du cours d’eau, perte de charge singulière liée à un rétrécissement au droit d’un pont ou au déplacement d’un ressaut hydraulique) ; 5/ d’une surcote temporaire (influence aval d’un affluent en crue, perte de charge liée au vent, à la glace). Le fait de pouvoir contrôler en crue le niveau « réel » à la station, soit via un observateur de terrain soit par des caméras, peut être déterminant pour vérifier une cote jugée « douteuse » en situation de crue. On peut mentionner le cas extrême de destruction du capteur lors de crues violentes, qu’il convient d’anticiper au moment de l’installation de la station ou en doublant la mesure de niveau pour les secteurs stratégiques.

Les jaugeages en crue sont plus difficiles à réaliser du fait des fortes vitesses d’écoulement et de la présence d’objets flottants. On peut basculer sur un mode opératoire simplifié voire dégradé. L’objectif est de réduire le temps de la mesure et l’exposition des opérateurs et du matériel. La section d’écoulement peut être parcourue sur un nombre réduit de points ou verticales, par la méthode d’intégration sur la verticale, ou uniquement en surface. Le fait de réduire le temps de la mesure permet d’affecter plus facilement une hauteur au débit jaugé, lorsque le niveau d’eau varie rapidement. Le recours ces dernières années à des jaugeages « non intrusifs » en période de crue (analyse de vidéo, mesure radar) est un réel progrès. L’incertitude de mesure d’un débit de crue par ces mesures de surface est plus forte que celle d’un jaugeage complet en moyennes eaux, car ni les vitesses sous la surface ni les tirants d’eau ne sont mesurés. Cependant, on dispose au moins d’une mesure, ce qui n’était pas le cas auparavant avec des courbes de tarage fortement extrapolées en crue.

L’incertitude sur la courbe de tarage augmente en période de crue (cf. ), du fait de jaugeages moins nombreux et plus incertains, et de conditions d’écoulement modifiées et/ou plus difficiles à représenter. Pour le lit mineur, il s’agit de changements sur la morphologie de la rivière et de la section d’écoulement (accumulation d’embâcles par exemple), ou encore d’une relation hauteur-débit non univoque (hystérésis) à cause du régime hydraulique transitoire (Perret et al., Citation2022). En cas de débordement en lit majeur, on peut être confronté à : 1/ des pertes de charge spécifiques au moment du débordement du lit mineur dans le lit majeur (Smart, Citation1992) ; 2/ des variations saisonnières dans l’occupation du lit majeur (forêt, cultures d’été, embâcles) ; 3/ un contrôle hydraulique issu de multiples facteurs souvent complexes et variables de façon imprévisible (arches de ponts, embâcles, écoulements très hétérogènes en lit majeur et pertes de charge liées à l’occupation des sols et aux obstacles …) 4/ des conditions d’écoulement qui induisent une relation hauteur-débit plus complexe qu’une simple loi puissance (effet de stockage – laminage dans le lit majeur, induisant un type particulier d’hystérésis hauteur-débit) ; 5/ un « contournement » de la station hydrométrique en cas d’activation de bras secondaires. Dans ces cas complexes comme pour les cas plus simples, la modélisation hydraulique 1D voire 2D est un outil utile pour réduire l’incertitude des parties extrapolées des courbes de tarage, en représentant explicitement les ouvrages et phénomènes que l’on vient de mentionner. L’information hydraulique issue de simulations numériques peut notamment être utilisée pour préciser la courbe de tarage a priori dans la méthode BaRatin. Néanmoins, un modèle doit lui-même être calé avec de l’information a priori et des observations qui ne doivent pas être utilisées une deuxième fois pour l’estimation de la courbe de tarage. L’incertitude des résultats du modèle hydraulique doit aussi être quantifiée, ce qui représente toujours à l’heure actuelle un défi méthodologique.

6. Conclusion et perspectives

Depuis la création du SchapiFootnote9 en 2003 et du GDH en 2005, et en partenariat avec les équipes de recherche et services hydrologiques internationaux, la communauté hydrométrique française a cherché à développer et valider les outils nécessaires à une chaîne de traitement des incertitudes hydrométriques, depuis les mesures de terrain (jaugeages, limnigrammes) jusqu’aux hydrogrammes, en passant par les courbes de tarage. Cet objectif est notamment mis en avant dans la Charte Qualité de l’Hydrométrie (Puechberty et al., Citation2017) qui indique certains des outils présentés dans cet article. La chaîne n’est pas encore complète et les incertitudes ne sont pas encore quantifiables pour toutes les techniques de mesure ni toutes les conditions rencontrées, mais un certain nombre d’outils sont d’ores et déjà opérationnels et largement utilisés. Ils reposent sur l’expertise des agents d’hydrométrie en métrologie et en hydraulique, expertise souvent très significative, et qui en retour est formalisée et valorisée par ces outils.

Ces différents outils permettent aujourd’hui aux producteurs de données hydrométriques d’être capables de quantifier l’incertitude et de la fournir aux utilisateurs de données afin qu’ils en tiennent compte dans toute la variété des post-traitements, assimilations et autres utilisations possibles. Une réflexion est à mener avec les hydrologues et les prévisionnistes en particulier pour définir la forme la plus utile pour leur communiquer ces incertitudes : ensemble de réalisations, distributions, écarts-types, intervalles de confiance, quantiles, niveaux qualitatifs, etc. Cette réflexion est également nécessaire pour que l’incertitude des données hydrométriques soit bancarisée et mise à disposition dans les archives hydrologiques comme HydroportailFootnote10 en France. Certaines unités d’hydrométrie y fournissent déjà l’incertitude de chaque jaugeage.

Dans le contexte spécifique de la prévision des crues et des inondations, des méthodes restent à développer pour estimer l’incertitude accrue des jaugeages non intrusifs par vidéo (Dramais et al., Citation2011) ou par radar (Welber et al., Citation2016) et des estimations post-crue (retours d’expérience, Payrastre et al., Citation2022), notamment pour estimer les conditions d’écoulement (coefficients de surface, résistance hydraulique, remous) et l’évolution des fonds (dont la respiration du lit, avec érosion en montée de crue et comblement en descente de crue, Martín-Vide et al., Citation2019) pendant l’événement. Il faut également mieux prendre en compte les détarages qui peuvent survenir en hautes eaux et mettre à jour l’incertitude des données fournies en temps réel (voir par exemple l’approche proposée par Darienzo, Citation2021). En retour, les prévisions hydrologiques sont souvent utiles pour optimiser les campagnes de jaugeage en crue pour documenter au mieux le haut des courbes de tarage.

7. Remerciements

Le travail de longue haleine pour le développement d’outils pour quantifier les incertitudes hydrométriques a été soutenu de façon essentielle par le Schapi (merci à Rachel Puechberty, Elodie Dufeu, Stéphanie Pitsch, Bruno Janet), la Compagnie nationale du Rhône (merci à Gilles Pierrefeu, Karine Delamarre) et Electricité de France (merci à Christian Perret, Arnaud Belleville). Plus généralement, ces travaux ont bénéficié de nombreux retours d’utilisateurs, dont les hydromètres francophones réunis au sein du Groupe Doppler Hydrométrie (créé en 2005) et à l’international. Qu’ils et elles en soient chaleureusement remerciés ici !

Disponibilité des données

Les données qui étayent les résultats de cette étude sont disponibles auprès de l’auteur correspondant, sur demande raisonnable.

Data availability statement

All data used during the study are available from the corresponding author by request.

Notes

1 C’est-à-dire, déploiement par transect avec référence de vitesse de déplacement (bottom-tracking ou GPS).

2 QRevInt est disponible ici : https://www.genesishydrotech.com/qrevint.

5 Justesse : étroitesse de l’accord entre la moyenne d’un nombre infini de valeurs mesurées répétées et une valeur de référence (JCGM, Citation2008b).

6 Fidélité : étroitesse de l’accord entre les indications ou les valeurs mesurées obtenues par des mesurages répétés du même objet ou d’objets similaires dans des conditions spécifiées (JCGM, Citation2008b).

9 Service central d’hydrométéorologie et d’appui à la prévision des inondations.

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