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Special Section: Colloque Aménagements et Biodiversité

Les Solutions fondées sur la Nature (SfN) pour la gestion des risques liés à l’eau : quelle institutionnalisation du concept en France ?

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Article: 2341030 | Published online: 07 May 2024

RÉSUMÉ

Circulant dans les arènes internationales, le concept de Solutions fondées sur la Nature (SfN) est apparu au cours de la dernière décennie dans les politiques environnementales et des risques liés à l’eau. Les SfN doivent permettre de répondre à des défis sociétaux tout en préservant ou favorisant la biodiversité. Nous proposons ici de suivre l’institutionnalisation du concept en France en nous appuyant sur des méthodes de sciences humaines et sociales. Au niveau national, nous identifions une institutionnalisation assez forte du concept dans les politiques publiques à travers différents vecteurs d’intégration. Les cas d’étude montrent des modalités d’appropriation du concept variables à l’échelle locale, oscillant entre une absence de mobilisation du concept malgré des pratiques qui semblent similaires à la définition de l’UICN, à un usage du concept stratégique dans certains contextes. Afin d’expliquer cette différence d’appropriation, nous avançons deux hypothèses. La première concerne l’« innovation conceptuelle » que représente les SfN, qui semble adaptée aux modes de fonctionnement des politiques publiques à l’échelle nationale, mais qui trouve certaines limites dans sa déclinaison à l’échelle locale. La seconde concerne les instruments d’action publique mobilisés pour promouvoir le concept, qui ne semblent pas permettre d’aboutir à un processus d’intéressement des acteurs locaux.

ABSTRACT

The concept of nature-based Solutions (NbS) has emerged over the past decade in environmental and water-related risk policies. NbS are designed to meet societal challenges while preserving or developing biodiversity. While the notion has widely circulated in international arenas, the spread of the concept in France remains little studied. In this article, we propose to follow the circulation of the concept in France, at the national scale and within four local case studies, using social science methodology. At the national scale, we identify a rather achieved institutionalisation of the concept, through four main paths. However, at the local level, the appropriation of the concept is more marginal. The case studies show varying degrees of appropriation of the concept, ranging from an absence of mobilisation of the concept despite practices that correspond to IUCN definition, to a strategic use of the concept for specific contexts or objectives. To explain this difference between national and local levels, we identify two hypotheses. First, NbS as “conceptual innovations” seem to be wellsuited to the way public policy operates at national level but entails limits when applied at the local level. Second, we underline how the public policy tools mobilised to promote the concept are limited to produce an interest from local actors.

1. Introduction

Apparu à la fin de la décennie 2000, le concept de Solutions fondées sur la nature (SfN) – ou Nature-based Solutions en anglais – a été depuis de plus en plus utilisé, jusqu’à devenir aujourd’hui incontournable dans les politiques environnementales. Bien que leur définition soit sujette à évolutions et appropriations différenciées, les SfN regroupent généralement des aménagements de l’espace qui utilisent le fonctionnement naturel des écosystèmes pour obtenir des effets favorables à la fois sur la préservation de la biodiversité, et sur des « défis sociétaux ». Concernant les risques liés à l’eau, ces défis sociétaux peuvent être la sécurité hydrique, l’amélioration de la qualité de l’eau, la prévention des inondations, ou plus généralement l’adaptation au changement climatique, etc.) (Cohen-Shacham et al., Citation2016). L’Union Internationale pour la Conservation de la Nature (UICN)Footnote1 est l’organisation qui a principalement œuvré à définir et à diffuser le concept au cours de la décennie 2010, en particulier dans les arènes onusiennes, autour des politiques climatiques et de la biodiversité. Dans le sillage de l’UICN, de nombreuses institutions internationales (Banque mondiale, Programme des Nations unies pour l’environnement) se sont saisies du concept et ont contribué à sa circulation. Les SfN occupent désormais une place centrale dans les arènes internationales des politiques environnementales et sont reprises par une grande diversité d’acteurs comme l’ont montré Drapier, Pelet et al. (Citation2023) à l’occasion du congrès mondial de la nature organisé par l’UICN à Marseille en septembre 2021. Aujourd’hui, à l’instar d’autres concepts comme le développement durable (Pestre, Citation2011), les services écosystémiques (Dufour et al., Citation2016) et leur déclinaison les paiements pour services environnementaux (Rouillé-Kielo, Citation2022), les SfN semblent s’imposer dans les agendas environnementaux internationaux comme un outil dont la spécificité serait d’être capable de répondre conjointement aux multiples « défis sociétaux » (particulièrement la crise climatique) et à la crise de la biodiversité, et sont activement promues par différentes institutions internationales au sein des arènes de négociations (Drapier, Pelet et al., Citation2023 ; Hrabanski & Le Coq, Citation2022). Toutefois, ce concept ne fait pas consensus au sein de ces arènes (Melanidis & Hagerman, Citation2022).

Dans le domaine de l’eau, les SfN peuvent être proposées afin de restaurer ou préserver la biodiversité (des milieux aquatiques, ou des milieux végétalisés) tout en réduisant les risques naturels liés à l’eau comme les inondations, le ruissellement et l’érosion ou les sécheresses (Serra-Llobet et al., Citation2022). Par exemple, la suppression de digues ou d’enrochement de berges peut permettre de reconnecter le chenal d’une rivière avec sa plaine inondable, tout en restaurant des habitats favorables au développement d’une biodiversité. La végétalisation des villes peut permettre de favoriser l’infiltration de l’eau, diminuant le ruissellement urbain, tout en contribuant à l’accueil d’insectes pollinisateurs ou d’espèces faunistiques menacées. Le recours aux SfN dans la gestion des inondations semble s’inscrire dans un paradigme d’action publique qualifié de « gestion durable des inondations » qui repose sur des aménagements alternatifs aux infrastructures telles que les digues, barrages ou épis (Guerrin & Bouleau, Citation2014). En effet, au cours du 20e siècle, c’est avant tout une logique de protection des populations qui a prévalu dans le domaine de la gestion du risque inondation (Guerrin, Citation2014). Dans différents pays, des programmes ou instruments sont développés (depuis les années 1990s en Europe) afin de concilier préservation des milieux aquatiques et protection contre les inondations, comme la préservation/restauration des zones humides et des zones d’expansions de crues (Guerrin et Bouleau, Citation2014). Cette logique se retrouve en France plus récemment dans la création de la compétence Gestion des Milieux Aquatiques et Prévention des Inondations (GEMAPI) qui associe préservation des milieux aquatiques et protection contre les inondations au sein des mêmes institutions (Heitz et al., Citation2018). Ailleurs, la gestion naturelle des crues (« natural flood management ») au RoyaumeUni (Bark et al., Citation2021), le programme « room for the river » aux Pays-Bas (Warner et al., Citation2012), la stratégie d’adaptation des territoires face à la présence de l’eau à l’échelle européenne (Hegger et al., Citation2016) ou encore Engineering with nature aux États-Unis (Bridges et al., Citation2021) visent également à l’intégration de ces dimensions. Les SfN appliquées à la gestion du risque inondation semblent s’inscrire dans la lignée de ces différents dispositifs en essayant de les rassembler au sein d’un « concept parapluie » (Cohen-Shacham et al., Citation2016).

Dans la littérature scientifique, la plupart des publications académiques traitant des SfN sont normatives et participent à la promotion du concept (comme Guerrin, Fernandez et al., Citation2023 en font le constat). Les SfN sont présentées comme des actions écologiquement bénéfiques, rentables économiquement et favorisant la participation pour faire face notamment au changement climatique et aux risques liés à l’eau (inondations, sécheresses, pollutions) (Eggermont et al., Citation2015 ; Kabisch et al., Citation2016 ; Keesstra et al., Citation2018 ; Nesshöver et al., Citation2017). Bien que les travaux scientifiques mentionnant les SfN soient en nette augmentation depuis 2015 (Li et al., Citation2021), la traduction effective du concept de SfN en actions concrètes sur le terrain demeure encore peu étudiée par les sciences sociales. La mise en œuvre des SfN doit pourtant faire face à des enjeux multiples, notamment au regard des enjeux de justice sociale et environnementale liés au déploiement des projets (Sekulova et al., Citation2021). Il s’agit alors d’étudier l’institutionnalisation du concept et son appropriation dans des contextes divers. C’est l’objectif d’un programme de recherche intitulé « Les SfN : de la théorie à la pratique, comparer la France et les Etats-Unis » qui a réuni entre 2021 et 2024 un collectif composé de chercheurs issus de différentes disciplines (science politique, géographie, sociologie, aménagement-urbanisme et sciences de l’environnement) analysant la définition, l’appropriation par différents acteurs, l’institutionnalisation et la gouvernance des SfN pour la gestion des inondations en France et aux Etats-Unis.Footnote2 Après avoir proposé dans d’autres publications une réflexion sur les enjeux pour les sciences humaines et sociales de questionner l’objet SfN pour les risques liés à l’eau (notamment à travers l’introduction d’un numéro spécial de la revue Développement Durable et Territoires : Guerrin, Fernandez et al., Citation2023), une analyse de la circulation du concept dans les arènes internationales (Drapier, Pelet et al., Citation2023) et des premiers éléments de comparaison entre la France et les Etats-Unis (Guerrin, Serra-Llobet et al., Citation2023), l’objectif de cet article est d’analyser l’institutionnalisation et l’appropriation des SfN en France. Comment les SfN sont-elles appropriées par les acteurs des politiques publiques de gestion du risque inondation et de la biodiversité en France ? Ce concept permet-il de recréer du lien entre protection contre les inondations et préservation des milieux aquatiques ? L’article vise à identifier les mécanismes et les acteurs qui se structurent autour du concept au niveau national ainsi que les éventuels freins à l’appropriation du concept à l’échelle locale dans le contexte français.

Après avoir détaillé la méthodologie, nous précisons la manière dont les SfN sont appropriées par les acteurs de la gestion de l’eau à l’échelle nationale et régionale en France, avant d’illustrer avec plusieurs cas d’études les modalités différenciées de mobilisation des SfN par les acteurs locaux. Dans une dernière partie, nous proposons de discuter de la faible appropriation du concept de SfN à l’échelle locale malgré un engouement visible à l’échelle nationale.

2. Méthodologie

Le dispositif méthodologique suit une logique multiscalaire afin de rendre compte des différentes dynamiques de circulation et d’appropriation du concept. Il s’agit à la fois de bien comprendre les dynamiques à chaque échelle d’analyse (nationale, régionale et locale) et de les faire dialoguer entre elles afin d’identifier les effets d’entrainement ou au contraire de freins dans l’appropriation des SfN par les acteurs. Pour cela, nous nous appuyons sur des méthodes qualitatives des sciences humaines et sociales.

Afin de comprendre la circulation et le cadrage des SfN à l’échelle nationale, nous avons réalisé des entretiens semi-directifs avec les acteurs des différentes politiques publiques concernées (gestion de l’eau, prévention des inondations, biodiversité, adaptation au changement climatique). Ces acteurs ont été identifiés soit dans la littérature grise soit en suivant la méthode dite « boule de neige »,Footnote3 c’est-à-dire en demandant aux personnes rencontrées des contacts d’interlocuteurs susceptibles d’être pertinents à interroger. Nous avons ainsi pu réaliser 22 entretiens permettant de cerner les dynamiques autour des SfN à l’échelle nationale (). Bien que réalisés par différents membres de l’équipe de recherche, les entretiens partagent plusieurs objectifs communs. Il s’agit notamment de comprendre la place des acteurs dans les différentes politiques publiques concernées (biodiversité et prévention des inondations) et d’évaluer leur intérêt pour le concept de SfN et la manière dont ils l’approprient et le diffusent. Les entretiens ont pour la plupart été retranscrits et ont fait l’objet d’une analyse thématique.

Tableau 1. Entretiens réalisés au niveau national.

La réalisation d’entretiens semi-directifs a également constitué la base de notre approche à l’échelle locale. Nos travaux s’appuient sur quatre cas d’études en France (). Le choix de ces cas d’étude a été guidé dans l’optique de varier les contextes géographiques (urbain, rural, littoral) et les types de risques liés à l’eau (inondation, érosion, ruissellement) différents. Sur chacun de ces terrains, nous avons réalisé des entretiens avec les acteurs clés comme les porteurs et les principaux partenaires de projets qualifiés ou de type « SfN », c’est-à-dire correspondant à la définition de l’UICN. Les 69 entretiens réalisés sur les différents cas d’étude () ont ainsi permis de comprendre les objectifs des projets, la dynamique entre les acteurs ainsi que le positionnement de ces derniers vis-à-vis du concept de SfN. En complément des entretiens, des visites de sites ont été réalisées, en autonomie ou avec des gestionnaires locaux.

Tableau 2. Principales caractéristiques des cas d’études.

Tableau 3. Entretiens réalisés sur les différents sites d’études.

Enfin, un focus sur le rôle des six agences de l’eau (AE) dans la diffusion du concept a également donné lieu à la réalisation de 36 entretiensFootnote4 (). En effet, les AE sont des agences publiques à l’interface entre le niveau d’action publique national et l’échelon local, et jouent un rôle majeur dans le financement et la gouvernance de la politique de l’eau en France, et en particulier de la restauration des cours d’eau (Morandi et al., Citation2016). Une analyse des modalités d’appropriation des SfN au sein des six agences de bassin permettait d’observer la circulation des SfN à l’intérieur de ces institutions et les impacts potentiels de ce nouveau concept dans les pratiques des agences.

Tableau 4. Entretiens réalisés auprès des Agences de l’eau.

En complément des entretiens, une veille scientifique a été mise en place afin de collecter les documents produits en France en lien avec les SfN (rapports d’étude, brochures, guides, documents réglementaires, etc.). Les membres de l’équipe ont assisté à différents types d’événements (congrès, séminaires, webinaires, formations, etc.) consacrés aux SfN. Cela avait pour but d’une part d’identifier les acteurs qui promeuvent les SfN et leurs liens entre eux. Enfin, plusieurs participants au projet de recherche ont été intégrés au sein de réseaux nationaux, régionaux et locaux, ce qui a permis d’observer les types d’activités menées au sein des différents groupes de travail et d’être tenus informés des actualités en lien avec les SfN (publications, évènements). Certains ont participé à des réunions de la commission Gestion des écosystèmes du comité français de l’UICN, à des réunions du programme ARTISAN à la fois à l’échelle nationale (groupes thématiques) ou régional (en Grand Est). Un travail d’observation a également été mené à l’occasion du forum ARTISAN qui s’est tenu à Lille en mars 2022.

3. Résultats

3.1. Une diffusion du concept plutôt importante au niveau national

Au niveau national, de nombreux acteurs se sont saisis des SfN et effectuent un important travail de promotion et de diffusion du concept, bien que certains montrent des réticences à l’égard de cette notion. Nos résultats montrent que l’appropriation des SfN à l’échelle nationale s’opère selon quatre vecteurs principaux, caractérisés par des cadrages et des portages différents : le Comité Français de l’UICN (CF UICN) a historiquement effectué un travail important de promotion du concept ; la Direction de l’eau et de la biodiversité (DEB) porte les SfN au sein du Ministère de la Transition Ecologique (MTE) ; les Agences de l’eau se font le relais des injonctions de la DEB dans les territoires ; l’Office français de la biodiversité (OFB) pilote le programme ARTISAN, financé par la Commission européenne, qui a comme objectif principal de diffuser les SfN pour l’adaptation au changement climatique. Néanmoins, au niveau national, on sent une moindre appropriation du concept parmi les acteurs de la gestion du risque inondation.

3.1.1. Une promotion des SfN par le comité Français de l’UICN : de l’international au contexte français

En France, le premier acteur à œuvrer à l’intégration des SfN dans les politiques publiques a été le comité français de l’UICN.Footnote5 Cela s’explique par le rôle prépondérant joué par l’UICN afin de promouvoir les SfN dans les arènes internationales (Drapier, Pelet et al., Citation2023). A la suite du Congrès mondial de la nature organisé par l’UICN international en 2012, le CF UICN s’est saisi du concept introduit à cette occasion et l’a importé en France. L’organisation de la COP 21 à Paris en 2015 a constitué une opportunité pour le CF UICN de présenter le concept et plus généralement les actions de l’UICN intégrant la préservation de la biodiversité et le climat dans les arènes nationales françaises :

En 2015, c’est la COP 21 qui se prépare à Paris, qui est le grand événement international. Donc, nous [CF UICN], on se dit : on a ce grand événement international en France, on a des liens quand même assez évidents entre climat et biodiversité, donc quelle contribution le comité français de l’UICN peut apporter à cette conférence internationale ? Et c’est là que je me suis dit : l’axe qu’on va développer, c’est les solutions fondées sur la nature. (Entretien avec un membre du CF UICN, 2022)

Pour le CF UICN, l’aspect novateur des SfN réside dans le lien renouvelé entre le domaine climatique et celui de la biodiversité, c’est à dire le passage d’une relation d’impact (du changement climatique sur la biodiversité) vers une relation où la biodiversité représente une solution pour le climat.

À l’époque, début 2015, on voit très clairement qu’il y a un lien entre biodiversité et climat, mais qui n’est que sous l’angle des impacts ! […] tout le monde a vu les images de l’ours polaire sur son bout de banquise en train de fondre, le blanchissement des récifs coralliens, les changements de végétation, les saisons des vendanges qui deviennent de plus en plus précoces, et non pas tardives. […] Donc, dans les impacts, il y a une référence claire à la nature. Dans les solutions, aucune référence à la nature. Les solutions, c’est le développement des énergies renouvelables, c’est la sobriété énergétique, c’est l’économie circulaire, c’est les transports doux, etc. Mais la nature n’est pas une solution pour lutter contre le changement climatique. C’est là que je me suis dit : c’est cet axe-là qu’on va développer. (Entretien avec un membre du CF UICN, 2022)

L’intérêt du concept de SfN pour le CF UICN est également de diffuser l’importance de préserver la biodiversité dans différents secteurs d’action publique pour que cet enjeu devienne « mainstream », transversal aux politiques publiques (risques naturels, santé, approvisionnement en eau, agriculture, etc.) :

C’est que ce fameux … l’intégration de la biodiversité dans les politiques publiques ou les politiques sectorielles, ce que les anglais appellent le « mainstreaming » de la biodiversité, là on en trouve une illustration concrète. Donc, là, c’est une première illustration concrète à travers climat et risques naturels, et c’est ce qu’on veut continuer à faire, avec notamment l’agriculture, ce que l’UICN appelle le défi sociétal de la sécurité alimentaire. Il y a aussi la santé, l’approvisionnement en eau, le développement socioéconomique. (Entretien avec un membre du CF UICN, 2022)

En amont de la COP21, le CF UICN organise un séminaire en présence de membres de différents ministères (Ministère des Affaires étrangères, DEB) et agences d’État (Office national des forêts), d’élus locaux et d’ONG nationales. Cette rencontre, intitulée « les Solutions fondées sur la nature pour faire face au changement climatique », a été l’occasion pour des représentants de l’UICN international de présenter le concept de SfN en France, pour les membres du CF UICN de présenter leurs actions, et de sensibiliser les acteurs français à ce nouveau concept. A ce moment-là, la DEB du Ministère de l’Ecologie se positionne déjà en faveur de ces solutions, puisqu’en clôture de ce séminaire, le Directeur de l’Eau et de la biodiversité a « salué l’initiative novatrice des solutions fondées sur la nature, en complément des actions réalisées pour préserver la biodiversité de l’impact des changements climatiques, et a recommandé de s’inspirer du fonctionnement complexe de la nature pour identifier les solutions les plus pertinentes ».Footnote6 À l’issue de cette rencontre et à la demande du ministère des Affaires Etrangères, le CF UICN produit un rapport illustrant comment les SfN peuvent permettre de répondre conjointement aux défis globaux que sont le changement climatique et l’érosion de la biodiversité et appelle à leur traduction dans les politiques publiques nationales, et à leur diffusion dans les arènes de négociations internationales.Footnote7

Le CF UICN a également joué un rôle majeur dans l’intégration des SfN dans le cadre des discussions du Sommet du G7 organisé par la France en aout 2019 et dont l’un des thèmes principaux était la « lutte contre les inégalités par la protection de la biodiversité et du climat ». La Charte sur la Biodiversité signée par les membres du G7 dans le cadre du sommet préparatoire qui s’est tenu à Metz en mai 2019 précise que « [les signataires] déploieront les solutions fondées sur la nature » (p. 3) afin de répondre aux défis reliés de l’effondrement de la biodiversité, du changement climatique, de la dégradation des écosystèmes et des risques naturels.

A la suite de la COP21, les SfN s’institutionnalisent au sein du CF UICN, qui crée un groupe de travail « Solutions fondées sur la nature » (interne à la Commission Gestion des Ecosystèmes). Rassemblant des représentants de ministères, d’ONG, des élus et des scientifiques, le groupe de travail a permis des échanges sur les SfN en France et a abouti à la publication de plusieurs rapports. C’est notamment par ce relais que les SfN vont être diffusées au sein d’institutions publiques françaises, comme les directions ministérielles (et notamment la DEB, l’OFB), des associations de professionnels de l’eau françaises ou internationales (comme le Partenariat Français pour l’Eau ou l’Office international de l’eau). Les activités de ce groupe de travail, outre organiser des rencontres régulières et évoquer la manière dont les SfN peuvent être diffusées et mises en œuvre à différents échelons en France, sont la coordination de rapports visant à diffuser la notion et les projets de type SfN, comme le rapport de 2018 sur les SfN dans la prévention des risques naturels,Footnote8 celui sur les SfN pour les risques liés à l’eau en 2019,Footnote9 et en 2022 sur les risques littorauxFootnote10 et sur les risques gravitaires et incendies.Footnote11 Après un rappel de la définition des SfN et des enjeux associés, ces publications sont composées de retours d’expériences en France, cherchant à identifier les actions existantes qui peuvent être qualifiées de SfN, même si elles ont été mises en œuvre en utilisant d’autres termes. Dans la perspective de diffuser la notion en France et l’adapter au contexte français, le CF UICN a également traduit en français le standard mondial initialement publié en anglais par l’UICN international qui vise à définir ce qu’est une (bonne) SfN.Footnote12 Ces publications visent à la diffusion du concept, à démontrer l’efficacité des SfN grâce à l’administration de la preuve par l’exemple, à mettre en avant les freins et les leviers à leur mise en oeuvre, avec l’objectif de faciliter leur développement par les collectivités locales et de sensibiliser les représentants locaux et nationaux :

Donc, il y a l’explication. Il y a la preuve par l’exemple. Donc, c’est ça, on voulait montrer qu’il y avait déjà des projets … En fait, les gens mettent déjà en œuvre, parfois sans le savoir et sans l’avoir cadré comme ça, des projets de solutions fondées sur la nature. Donc, montrer que ça a une existence concrète sur le terrain, et puis identifier où sont les axes possibles d’amélioration, quels sont les freins/leviers, et puis que ça inspire les gens pour pouvoir les dupliquer et les adapter dans d’autres contextes et dans d’autres régions. Et après, effectivement, c’est se servir à la fois de l’explication et de la preuve par l’exemple pour l’appropriation et l’engagement politique, pour que les élus se disent … et pour que les ministères, enfin, les pouvoirs publics se disent : Ah ! Mais c’est vraiment intéressant ! J’ai bien compris l’explication. Je vois que c’est des projets concrets sur le terrain et qui produisent des résultats. (Entretien avec un membre du CF UICN, 2022)

La diffusion du concept par le CF UICN a eu des effets différenciés au niveau national au sein du Ministère de la transition écologique.

3.1.2. Les SfN au Ministère de la transition écologique : entre engouement des secteurs biodiversité et eau, et réticences du secteur inondations

Au sein du Ministère de la Transition Écologique (MTE), la DEB a joué un rôle important de relais de la notion à l’échelle nationale et Européenne par ses politiques publiques. Que cela soit à l’échelle européenne, nationale ou internationale, la DEB « essaie de les [les SfN] promouvoir à chaque occasion » (entretien avec un agent de la DEB le 14/03/2022). Les SfN sont suivies et portées dans les arènes européennes et internationales par la mission internationale de la DEB, dont les agents suivent les négociations internationales relatives à la biodiversité, ou encore par la Direction des affaires européennes et internationales du Ministère. Ainsi, différents services au sein du MTE semblent se saisir du concept et en faire la promotion dans leurs différents travaux.

Les SfN sont aussi intégrées par le prisme des politiques publiques de biodiversité. En 2018, le plan Biodiversité invite déjà à « déployer les solutions fondées sur la nature pour des territoires résilients » afin de répondre aux enjeux posés par le changement climatique. La Stratégie nationale Biodiversité 2030 publiée en novembre 2023 indique clairement la volonté « d’intégrer les objectifs de biodiversité et les solutions fondées sur la nature dans les principales politiques sectorielles » (p. 15), ce qui revient à l’ambition de « mainstreaming » de la biodiversité porté par l’UICN. L’axe 2 de la stratégie porte sur la restauration de la biodiversité pour laquelle il s’agira de « développer les solutions fondées sur la nature » au profit des autres politiques (risques, adaptation au changement climatique).

Concernant les instruments de définition des politiques de l’eau, la DEB a promu l’utilisation des SfN dans différentes publications et rapports, notamment issus d’événements organisés sous son égide. Ainsi, dans le cadre de la 2e séquence des Assises de l’eau en 2018–2019, dont le second volet était « changement climatique et ressource en eau : comment les territoires, les écosystèmes et l’ensemble des acteurs vont-ils s’adapter ? », un groupe de travail s’est constitué autour de « s’appuyer sur les solutions fondées sur la nature » tandis que le rapport final met en avant le rôle des SfN afin d’adapter la gestion de l’eau dans un contexte de changement climatique. En particulier, l’action 11 invite à « renforcer l’utilisation des solutions fondées sur la nature » afin de préserver les rivières et zones humides et en faire des « alliés pour réduire l’impact des risques naturels ». Dans le compte-rendu de l’évènement, le ministre fait la promotion des SfN : « ce changement de modèle demande de s’orienter sur des solutions fondées sur la nature, qui s’appuient sur les écosystèmes pour relever les défis globaux de la lutte contre les changements climatiques. Nous devons construire collectivement ces solutions pour permettre aux territoires et à l’ensemble des acteurs d’adapter leur gestion de l’eau ».Footnote13 Suite aux Assises de l’eau, la DEB a créé un groupe de travail « Climat » mobilisant plusieurs sous-directions du ministère, les agences de l’eau, l’OFB et des services déconcentrés régionaux. Ce groupe représente un lieu de discussion privilégié au niveau national pour évoquer les SfN. La DEB coordonne également au niveau national la stratégie de gestion des eaux pluviales (par l’intermédiaire du Bureau de la lutte contre les pollutions domestiques et industrielles). Les SfN sont ainsi présentes dans le « plan d’action pour une gestion durable des eaux pluviales » publié en novembre 2021. Celui-ci souligne l’apport des SfN pour les eaux pluviales (végétalisation des espaces) afin de rendre les villes plus résilientes face au changement climatique.

Plus récemment, à la suite des sécheresses de l’été 2022 et de l’hiver 2023, le président de la République E. Macron a lancé en mars 2023 le « Plan Eau », officiellement le « plan d’actions pour une gestion résiliente et concertée de l’eau » dont l’un des objectifs affichés est de « développer les solutions fondées sur la nature dans la gestion de l’eau » dans le but de démontrer leur efficacité pour la lutte contre la sécheresse : « 70 projets d’opérations phare (10 par grand bassin hydrographique) labellisées Solutions fondées sur la nature seront lancées à des fins de démonstrateurs de l’action contre les sécheresses, en particulier pour la restauration des zones humides, la renaturation ou encore la restauration des cœurs d’eau. Dans les outre-mer, 10 projets de solutions fondées sur la nature portant sur le petit cycle et le grand cycle de l’eau seront mises en œuvre ».Footnote14 La DEB a œuvré pour que des SfN identifiées dans le cadre de cette mesure répondent également à des enjeux de prévention du risque inondation.

Cet engouement apparent pour la notion de SfN dans les documents de cadrage des politiques publiques nationales des secteurs de l’eau et de la biodiversité ne doit pas masquer néanmoins certaines réticences que l’on observe dans le domaine de la gestion du risque inondations. Dans la littérature grise, les SfN sont qualifiées par différentes institutions comme des solutions intéressantes pour la gestion des risques naturels comme le risque inondation et le ruissellement urbain.Footnote15 Néanmoins, au sein du Ministère de la Transition Ecologique, les SfN sont davantage prises en charge par la direction de l’eau et de la biodiversité que par la direction de gestion des risques. En effet, les acteurs institutionnels nationaux en charge de la gestion du risque inondation semblent encore assez peu enclins à participer à l’appropriation, la diffusion et la promotion du concept de SfN. Au niveau ministériel, le risque inondation est prise en charge depuis 2008 par la Direction Générale de Prévention des Risques, la DGPR.Footnote16 Les services de la DGPR sont mobilisés autour de la protection des populations face aux « risques majeurs », soit des évènements de magnitude forte et de fréquence plutôt rare (de type centennale). Dans ce contexte, la DGPR est plus habituée à soutenir et encadrer le développement d’infrastructures « grises », c’est-à-dire des digues ou des barrages, permettant une protection des citoyens face au risque inondation, ou de développer des politiques de prévention comme les dispositifs d’alerte ou de favoriser la culture du risque. Dès lors, le rôle de la préservation/gestion/restauration d’écosystèmes, même pour la gestion des inondations, est historiquement vu par la DGPR comme relevant de la DEB, car l’effet hydraulique de ces dispositifs ne concernerait que des évènements d’ampleur peu élevés, c’est à dire hors du champ prioritaire de la DGPR (des événements d’une période de retour supérieure à la crue décennale) :

la DGPR aujourd’hui ne travaille pas vraiment sur des sujets de SfN […] c’est des sujets qui relèvent plutôt de la DEB, la DGALN, une autre direction générale du ministère […] La DGPR ce qui est dans son périmètre c’est surtout les évènements de nature à menacer la vie des personnes, à mettre en danger les biens, à occasionner des dommages importants, et ça c’est des périodes de retour qui sont de plusieurs décennies […] et les solutions fondées sur la nature, à notre connaissance […], ces solutions-là ne permettent pas d’atténuer sensiblement les risques liés à des évènements liés à une telle ampleur et une telle période de retour. C’est utile et intéressant pour des évènements courants, une période de retour de l’année, de quelques années, 10 ans maximum je pense, mais en tout cas pour ma part j’ai pas connaissance, même en cumulant plusieurs SfN, de mesures qui permettent d’atténuer sensiblement, d’avoir un impact pertinent pour des évènements de type centennal. Et vu que c’est ça notre cœur de métier, généralement on vérifie la cohérence, mais on n’a pas plus creusé le sujet que ça. Ce que j’en retiens, c’est que ce sont des solutions pertinentes dans différents domaines, on n’est pas contre, on soutient ces solutions, mais en termes d’évènements qu’elles permettent de gérer c’est des évènements qui ne sont a priori pas dans le périmètre de ceux étudiés par la DGPR. (Entretien avec un.e agent.e de la DGPR, 2022)

Par ailleurs, ceci est confirmé par des arbitrages réalisés dans le cadre de financements de projets de recherche que la DGPR soutient habituellement : un projet de recherche proposé à la DGPR sur les SfN n’a pas été financé car cela était considéré comme ne pas relever du champ d’action de la DGPR mais de celui de la DEB : « typiquement, les demandes faites autour des Sfn, il avait été jugé qu’elles n’étaient pas dans le périmètre de la DGPR, que ce n’était pas à la DGPR de la financer mais c’était plutôt à la DEB donc on les avait pas retenues, donc il y avait eu toute une discussion par-rapport à ça » (entretien avec un.e agent.e de la DGPR, 2022).

Ainsi, les SfN se trouvent entre deux directions au niveau ministériel. Si elles sont soutenues de manière explicite par la DEB pour leur effet sur la biodiversité prioritairement, elles sont également intéressantes pour leur co-bénéfices sur les sécheresses et les inondations. Néanmoins, les acteurs en charge du risque inondation au niveau ministériel ne semblent pas considérer les SfN comme efficaces pour prévenir des inondations présentant un risque majeur pour les biens et les personnes :

C’est un peu à cheval entre deux directions générales. Ce que j’en comprends c’est que c’est plutôt une thématique portée par la DEB, après la question peut se poser s’il y aurait des SfN pertinentes pour le risque inondation au sens DGPR, donc au sens risque majeur, qui mettent en danger la vie des personnes, mais c’est un peu à cheval entre les deux, et en fonction des budgets disponibles, des priorités etc … (Entretien avec un.e agent.e de la DGPR, 2022)

La séparation du cycle de l’eau en plusieurs directions du Ministère semble agir en défaveur de l’intégration des SfN dans les politiques de prévention des inondations en France. Néanmoins, des évolutions très récentes invitent à nuancer ce diagnostic. Les SfN sont en effet de plus en plus présentes dans les instruments financiers des politiques de prévention des inondations. Les programmes d’actions de prévention des inondations (PAPI), instruments contractuels entre les collectivités locales et l’État qui permettent de co-financer les projets des territoires relatifs à la prévention des inondations ont évolué depuis 2021. En 2021, le cahier des charges qui définissait les projets éligibles à financements dans le cadre des PAPI mentionnait les SfN seulement dans le diagnostic des dispositifs existants sur le territoire. Or, à l’inverse, le cahier des charges 2023 demande explicitement aux porteurs de projet de considérer les solutions fondées sur la nature dans le diagnostic mais également dans la stratégie à définir, avant de proposer tout autre type d’aménagement :

L’évaluation environnementale doit aider le porteur du PAPI dans sa réflexion stratégique et ses choix d’aménagement en identifiant en particulier les possibilités de s’appuyer sur la biodiversité et les écosystèmes pour réduire l’aléa inondation. En effet, les milieux naturels peuvent constituer des atouts pour gérer les risques d’inondation (mobilisation des zones humides, des espaces de bon fonctionnement des cours d’eau, des marais rétro-littoraux, cordons dunaires, haies, etc.), via les solutions fondées sur la nature (SFN). (Cahier des charges PAPI 3 2023, p. 13)

La stratégie doit promouvoir une véritable gestion intégrée des milieux incluant les enjeux de préservation de la biodiversité. Ainsi, les solutions fondées sur la nature (SFN), s’appuyant sur la biodiversité et les écosystèmes pour réduire l’aléa, seront systématiquement envisagées, notamment la préservation et la restauration d’espaces de bon fonctionnement de cours d’eau et la valorisation des espaces naturels dans la gestion du risque d’inondation. (p. 33)

Les liens entre les instruments de la politique de l’eau (SDAGE) et de la prévention des inondations (PAPI) sont clairement recherchés, et les SfN représentent à ce titre des solutions intéressantes :

Certaines de ces actions relèvent des solutions fondées sur la nature (SFN), qui doivent être systématiquement envisagées lorsque cela est pertinent, dans le cadre de la séquence éviter, réduire, compenser. Elles permettent en effet d’éviter des impacts sur l’environnement et apportent de multiples co-bénéfices (gestion quantitative et qualitative de la ressource en eau, biodiversité, etc.). De manière générale, les actions couplant la gestion des milieux aquatiques et la prévention des inondations sont à favoriser. (p. 43)

Sur les territoires, il semble que cette injonction soit bien saisie par les gestionnaires, bien qu’elle ne soit pas considérée comme pertinente dans tous les contextes :

Quand on monte un PAPI, quand on justifie des actions, il faut en particulier justifier de la mobilisation des solutions fondées sur la nature, et si on ne l’a pas fait, pourquoi les solutions fondées sur la nature ne sont pas adaptées pour telle et telle partie du territoire où l’on va agir […] Pourquoi vous n’avez pas utilisé de solutions fondées sur la nature ? … enfin, elles ne s’appliquent pas partout ! (Entretien avec chef de projet PAPI, 2023)

Les évolutions récentes des PAPI, et la place des SfN dans ces derniers, ont sans doute à voir avec le travail de diffusion de la notion de SfN menée par l’OFB et Artisan (cf infra), qui a travaillé avec le Centre Européen de Prévention du Risque Inondation (CEPRI), une association d’élus autour de la prévention du risque d’inondation, à la création d’un guide sur les Solutions d’adaptation fondées sur la nature,Footnote17 cité dans la version 2023 du cahier des charges des PAPI. Si ce guide propose un recensement des projets qui peuvent avoir un effet bénéfique sur la biodiversité et la réduction du risque inondation, les conclusions de ce rapport rappellent la difficulté pour le secteur inondation à considérer les effets des SfN, notamment en raison de manque de preuves tangibles de l’efficacité hydraulique et économique de ces solutions :

Toutefois les SafN peuvent présenter des limites en matière de réduction des risques d’inondation. Si elles peuvent se révéler efficaces pour limiter des phénomènes d’inondation plus fréquents, la capacité des SafN à faire face à des évènements plus importants reste encore limitée pour bon nombre de projets. (CEPRI, Citation2022, p. 70)

Malgré les réticences du domaine de la prévention des inondations, le Ministère de la Transition Écologique, et en particulier la DEB, semble très actif dans la promotion des SfN dans les orientations des politiques de l’eau. La mise en œuvre de cette politique publique est néanmoins en France du ressort des Agences de l’Eau, qui constituent le bras armé de la DEB dans la diffusion du concept, bien que ces dernières l’approprient différemment selon les bassins versants.

3.1.3. Les Agences de l’Eau : le bras armé de la DEB pour la diffusion des SfN sur les territoires

Dans le domaine de l’eau, les six agences de l’eau constituent des maillons importants dans la diffusion de la notion de SfN, étant à l’interface entre la DEB, leur tutelle, et les maîtres d’ouvrage à l’échelle locale. Les actions financées par les Agences ont pour objectif de restaurer la qualité des milieux aquatiques. Dès lors, les agences de l’eau financent souvent des projets qui peuvent être qualifiés de SfN, mais sans forcément les qualifier de telles, d’une part, et sans non plus chercher à documenter les indicateurs qui permettent de vérifier que ces projets correspondent à la définition de l’UICN (en renseignant par exemple le gain net pour la biodiversité d’un projet d’infiltration d’eau en milieu urbain, ou l’effet de travaux de restauration écologique sur la prévention des crues). A ce titre, il est intéressant d’observer les modalités d’appropriation de ce concept au sein de ces institutions. Les entretiens réalisés avec les chargés de mission des agences de l’eau montrent que ces derniers considèrent que les SfN sont au cœur de leur action, mais sans forcément qualifier les projets qu’ils soutiennent comme telles (pour le cas de l’AERMC, voir Drapier, Guerrin et al., Citation2023). Au niveau national, les Agences de l’Eau sont néanmoins poussées à se saisir de la notion de SfN.

En effet, un vecteur d’intégration important du concept de SfN au sein des AE résulte d’une rationalité administrative et d’un rapport hiérarchique entre la DEB et les Agences. Le groupe de travail Climat de la DEB a travaillé à concevoir un indicateur permettant le suivi quantitatif et financier des opérations de type SfN soutenues par les Agences de l’eau. Cet indicateur a ensuite été intégré dans le contrat d’objectifs et de performance (COP) qui lie les Agences à la DEB. Les SfN sont donc utilisées par la DEB pour demander aux Agences de l’Eau de rendre compte de leurs actions auprès de leurs tutelles. Cela permet, d’une certaine manière, de pousser au développement des SfN de la manière forte, ou de communiquer au niveau national sur la mise en œuvre de SfN dans le cadre des politiques de l’eau. En effet, l’indicateur généré contribue au suivi des actions des agences en matière d’accompagnement à l’adaptation au changement climatique. Les Agences rapportent chaque année le montant consacré au financement d’actions entrant dans le giron des SfN. De 2019 à 2022, le montant engagé par les 6 agences sur les SfN s’élevait à 1,5 milliards d’euros,Footnote18 soit davantage que l’objectif fixé sur la période 2019–2024. Cependant, l’existence de cet indicateur SfN ne signifie pas que les agences se soient pleinement approprié le concept. En effet, il s’agit avant tout d’un indicateur de rapportage destiné à la tutelle, qui ne provoque pas forcément de changement de pratique, comme l’explicite un agent de l’AESN : « ils ont voulu un chiffre, je leur donne un chiffre » (entretien avec un.e agent.e de l’AESN, 2023). La documentation de l’indicateur par les Agences résulte avant tout d’une approche financière et administrative, dans une situation de contrainte des agences du point de vue de leur mode de fonctionnement et d’indexation de leurs projets. Etant donné que ces dernières n’ont pas toutes les informations détaillées sur le bénéfice de chaque projet en matière de biodiversité et de réponse à un défi de société, le choix a été fait d’instruire l’indicateur sur la base de lignes budgétairesFootnote19 et non d’une analyse détaillée des différents projets financés par les agences : « il ne fallait pas que ce soit trop compliqué non plus d’aller chercher l’information. Et en fait, si j’ai bien compris, ils ont des grandes lignes budgétaires, pour vérifier si c’était SfN ou pas, donc l’idée c’était d’identifier les grandes lignes de budget » (entretien avec un.e agent.e de la DEB, 2023). Le choix des lignes considérées a fait l’objet d’échanges entre les agences et la DEB : « c’est les ministères dans le cadre de cette négociation avec des conférences des directeurs généraux des agences qui ont défini que c’est telle ligne programme, telle ligne programme, telle ligne programme qui font que ce sont les lignes dédiées aux solutions fondées sur la nature » (entretien avec un agent.e de AESN, 2023). Malgré ce cadrage initial, les agences de l’eau n’instruisent pas toutes de la même manière le rapportage de cet indicateur. Tandis que certaines agences ont repris tel quel l’indicateur, d’autres ont engagé un travail spécifique afin d’affiner à la fois l’indicateur mais également de « clarifier ce que sont les SfN au sein de l’agence de l’eau » (entretien avec un.e agent.e de l’AERMC, 2021). Ainsi, au sein de l’AERMC, la nécessité d’instruire cet indicateur a permis d’initier un groupe de travail qui s’est réuni deux fois au cours de l’année 2022 afin d’échanger sur ce que recouvrait le concept, sur les impacts potentiels des SfN sur le fonctionnement de l’agence et sur une stabilisation des lignes budgétaires comptabilisées dans l’indicateur. Au sein de l’AERM, cela a fait l’objet d’un travail fin à l’échelle des projets :

ce que j’ai mis en place sur la production de ces indicateurs qui sont des indicateurs annuels, on a essayé d’industrialiser un petit peu tout ça. Mais il y a un passage d’expertise systématique. Une fois par an par les experts chez moi, qui ont une vision d’ensemble de tous les dossiers, un par un qui disent ‘oui, celui-là il contribue ou pas, Oui, il contribue bien ? A quel niveau ? Là, voilà, il y a 30%, 50% 80% du dossier qui est bien SfN, donc il rentre dans la case et on comptabilise. (Entretien avec un agent.e de l’AERM, 2023)

Dans cette agence, il n’y a « pas une grille précise, c’est pas comme ça que ça fonctionne » (entretien avec un agent.e de l’AERM, 2023), mais une appropriation locale de ce que signifie une SfN au sein des projets financés, projet par projet. Au contraire, l’agence de l’eau Loire Bretagne a elle fait le choix de s’appuyer strictement sur les éléments de cadrage fournis avec le COP :

on a un découpage de toutes nos aides en différentes rubriques et ce sont les rubriques qu’on considère comme répondant à celles que je vous ai indiquées, en gros solutions fondées sur la nature qu’on va additionner en termes de montant financier, en termes d’engagement chaque année, et c’est sur cette base là qu’on produit le rapportage. (Entretien avec un.e agent.e de l’AELB, 2023)

Au-delà de l’indicateur de suivi, les agences de l’eau, par les Comités de bassin, participent à l’intégration des SfN par les documents de planification et de gestion de l’eau qui invitent à leur mobilisation. Par exemple, le Schéma Directeur d’Aménagement et de Gestion des Eaux (SDAGE) du bassin Rhin-Meuse pour la période 2022–2027 précise dans l’orientation portant sur la maitrise du ruissellement pluvial qu’il s’agit d’utiliser « dans toute la mesure du possible les solutions fondées sur la nature », notamment car elles permettent de répondre aux enjeux de maîtrise du risque tout en favorisant la biodiversité. Le SDAGE Adour-Garonne « demande aux acteurs de privilégier ces solutions [fondées sur la nature] lorsque cela est possible » (p. 134). Pour autant, les modalités d’intégration des SfN dans ce type de documents relèvent avant tout d’une approche incitative et non contraignante. Cela ne se traduit donc pas (encore) dans les dispositions financières qui accompagnent les actions des agences de l’eau : dans une logique de financement de projets à visée de résultats, la qualification de SfN ne constitue pas un critère d’éligibilité pour obtenir des fonds à ce jour pour les porteurs de projets.

3.1.4. Le programme ARTISAN, vecteur d’intégration des SfN dans les politiques publiques

Un autre vecteur important de diffusion des SfN en France s’articule autour du programme européen Life ARTISAN (Accroitre la Résilience des Territoires au changement climatique par l’Incitation aux Solutions d’adaptation fondées sur la Nature) porté par l’OFB. Sur demande de la Direction de l’habitat, de l’urbanisme et des paysages (DHUP) du MTE, l’OFB a répondu à un appel à projet européen orienté sur l’adaptation au changement climatique. Débuté en 2020 pour une durée de 7 ans et rassemblant 27 partenaires publics et privés, ce programme a comme ambition de « développer une synergie entre l’adaptation au changement climatique et la préservation de la biodiversité »Footnote20 en s’appuyant pour cela sur des projets de « solutions d’adaptation fondées sur la nature » (SafN). Les SafN sont une déclinaison du concept de SfN pour le défi sociétal que représente l’adaptation au changement climatique. La notion de SafN semble spécifique à la France et à ce projet ARTISAN. Ce projet vise à favoriser la mise en œuvre des SafN dans les politiques publiques, à l’échelle locale et nationale (notamment par l’inscription des SafN dans la Stratégie nationale de biodiversité et le PNACC par exemple). Plusieurs méthodes sont mobilisées à cette fin. Le projet finance dix projets de SafN qualifiés de « démonstrateurs » sur différents territoires métropolitains et en outre-mer, pour tester, évaluer et diffuser les bonnes pratiques en termes de mise en œuvre de SafN. L’ambition de ce projet est de partir de financements obtenus par le projet en cherchant à les compléter grâce à des co-financements, par « effet levier ». Par ailleurs, le projet a coordonné et financé la réalisation de nombreuses études afin de faciliter la mise en œuvre des SafN,Footnote21 par exemple sur les financements disponibles, les stratégies d’aménagement favorables aux SafN, la mention des SafN dans les SDAGE, une étude sur les freins et les levies à leur mise en œuvre, etc. Ces ressources alimentent des plateformes d’informations en ligne destinées à donner aux potentiels maitres d’ouvrage dans les territoires des informations sur les SafN et les façons de soutenir leur mise en œuvre. A ce titre, le Centre de Ressources de l’Adaptation au Changement Climatique (CRACC) a intégré une entrée “Solutions d’Adaptation Fondées sur la Nature”.

Un autre type d’action dévelopée par ARTISAN pour diffuser les SfN en France est l’animation territoriale. A cet effet, 14 animateurs régionaux ont été recrutés pour une durée de 5 ans sur financement du projet par les directions régionales de l’OFB ou les agences régionales pour la biodiversité. Ils ont comme principale mission de favoriser l’intégration des SafN dans les politiques publiques régionales et locales, que ce soit au travers d’un appui technique ou de la diffusion de connaissance. Il s’agit de monter des réseaux d’acteurs dans les territoires, des groupes de travail, afin de réfléchir collectivement à la manière de diffuser la notion localement. Ces groupes de travail réunissent en priorité des acteurs publics qui élaborent les stratégies régionales et accompagnent financièrement et techniquement les opérations mais qui ne sont pas eux-mêmes maitres d’ouvrages. Par exemple, dans la région Grand Est, le groupe de travail rassemble, outre l’OFB, des représentants de la Région, de la DREAL Grand Est, du CEREMA Grand Est, de l’ADEME, de la DRAAF et de la Banque des Territoires.Footnote22 Les animateurs ont également comme mission d’accompagner des maîtres d’ouvrage à réaliser des projets de type SfN.

Le projet encadre également la structuration et l’animation de groupes de travail (GT) au niveau national autour des SafN, qui rassemblent des représentants d’institutions publiques, privées, associatives, du monde scientifique et opérationnel, structurés par milieux ou secteurs (Outre-mer, milieu urbain, milieu rural, milieu littoral, Eau, Acteurs économiques). L’ambition de ces groupes est de structurer une communauté en France autour des SafN. Enfin, le projet finance aussi l’organisation de Trophées, une compétition qui récompense des initiatives locales susceptibles d’être qualifiées de SafN exemplaires en France. Ce type d’action vise à reconnaître les bonnes pratiques sur les territoires, les récompenser et les rendre visibles, afin de tenter d’inciter d’autres territoires à prendre exemple sur elles.

Le programme ARTISAN mobilise également un certain nombre d’acteurs qui se font le relais des SafN dans leurs opérations. C’est le cas d’un opérateur de compensation écologique, CDC Biodiversité. Cette entité privée appartenant au groupe Caisse des Dépôts et Consignations organise le financement de la compensation écologique règlementaire dans le cadre de la séquence ERC (Eviter, Réduire, CompenserFootnote23) en cas d’impacts de projets d’aménagements sur la biodiversité. Au-delà de son rôle d’opérateur de la compensation écologique règlementaire, CDC Biodiversité a lancé en 2016 Nature2050, un programme visant à favoriser les financements publics et privés volontaires (donc hors compensation règlementaire) en faveur de la biodiversité. Le programme Nature2050 a été explicitement créé pour contribuer aux objectifs climatiques par le financement de solutions fondées sur la nature en cherchant à attirer des fonds privés, d’entreprises souhaitant améliorer leur RSE, leur ancrage territorial ou leur compétitivité. Les projets financés doivent présenter un gain net pour la biodiversité, et un impact en termes d’atténuation du changement climatique et d’adaptation au changement climatique. Aujourd’hui, le programme Nature2050 collabore avec l’OFB et le CF de l’IUCN dans le cadre du projet ARTISAN en appliquant aux projets financés par Nature 2050 le standard du comité français de l’IUCN afin de faire des fiches de retours d’expériences sur les SafN en France, qui pourront ainsi être diffusées dans le cadre du centre de ressources sur l’adaptation au changement climatique.

Ainsi, les actions du programme ARTISAN sont principalement incitatives, et visent à diffuser un concept et des pratiques dans de nombreux secteurs d’action publique, par la production et la mise à disposition d’information, de bonnes pratiques et retours d’expériences, ou encore la mobilisation d’acteurs potentiellement promoteurs et relais locaux de la notion.

3.2. Un engouement pour les SfN plus relatif à l’échelle locale

Nos résultats montrent une effervescence autour des SfN ou SafN dans les politiques de l’eau et de la biodiversité à l’échelle nationale, avec de nombreux appels et incitations à les mettre en place. Cependant, leur appropriation à l’échelle locale demeure encore hétérogène. L’analyse de quatre cas d’études met en lumière l’existence de projets d’aménagement de type SfN qui ne disent pas leur nom, mais également des projets revendiqués en tant que tels.

3.2.1. Des SfN sans le dire

Les SfN regroupent un certain nombre de pratiques et de types de projets qui étaient déjà réalisés avant la stabilisation conceptuelle opérée par les acteurs internationaux. La dimension « parapluie » des SfN est de fait revendiquée par les promoteurs du concept. Dans ce contexte, des acteurs peuvent réaliser des opérations qu’il est possible de qualifier de SfN mais qu’ils décident de caractériser à l’aide d’autres termes, comme les infrastructures vertes, la restauration de zones d’expansion de crues, la renaturation, etc.

L’Eurométropole de Strasbourg, dans le cadre de l’exercice de la compétence GEMAPI, mène des travaux de restauration de cours d’eau et de prévention des inondations. Par exemple, la commune de Vendenheim, située au nord de l’agglomération, a connu plusieurs inondations et souhaitait réduire leur impact. Plusieurs études ont été menées au cours des année 2010 afin de déterminer la meilleure solution à apporter, tout en suivant une logique intégrée : « dès qu’on peut, si on peut associer prévention des inondations et GEMA, on le fait » (entretien avec un.e agent.e de l’EMS, 2021). Cela a abouti à une opération de remise en thalweg du cours d’eau, associée à un reméandrage et à une reconnexion avec la plaine inondable afin de constituer une zone d’expansion de crues juste à l’amont du villageFootnote24 (). La solution retenue correspond à la définition d’une SfN, mais les services de l’Eurométropole mobilisent eux le terme de « restauration mixte » ou « restauration globale » pour qualifier ce type de projet : « comme ce qu’on a vu sur Vendenheim, où on dévie le cours d’eau, on le fait reméandrer, on reconnecte le lit mineur avec le lit majeur. Ça, c’est ce que j’appelle restauration globale » (entretien avec un.e agent.e de l’EMS, 2021). En effet, l’EMS porte ce type de travaux depuis le début des années 2010, soit avant l’émergence du concept de SfN et a donc constitué son propre référentiel pour qualifier sa stratégie d’intervention.

Figure 1. La zone d’expansion de crue à Vendenheim avec le cours d’eau reméandré (Drapier, 2023).

Figure 1. La zone d’expansion de crue à Vendenheim avec le cours d’eau reméandré (Drapier, 2023).

L’EMS a également été maître d’ouvrage du projet de restauration de la Souffel, un affluent de l’Ill qui s’écoule pour sa partie aval, au nord du territoire de l’Eurométropole. En 2011, la collectivité a remis en thalweg un tronçon de 550 mètres, planté de la ripisylve, créé des annexes hydrauliques, un projet qui constitue « vraiment la première grosse opération de restauration globale » (entretien avec un.e agent.e de l’EMS, 2021) sur le territoire. Bien que l’EMS n’ait jamais qualifié ce projet de SfN, il figure dans le rapport publié par l’UICN dédié aux SfN pour les risques liés à l’eau en 2018. Les agents en charge de sa mise en œuvre ignorent même comment le CF UICN a identifié ce projet comme SfN.

Depuis 2020, la ville de Strasbourg a engagé un programme de transformation des cours d’école visant à réduire l’effet d’îlots de chaleur urbains en désimperméabilisant et en végétalisant ces espaces (). Ce programme s’intègre dans le cadre du Plan Canopée de la ville qui vise à augmenter la surface de canopée sur le territoire de la commune d’ici à 2030, notamment au travers de la plantation d’arbres. De manière générale, ce type d’intervention dans les écoles est largement mis en avant par les acteurs qui promeuvent les SfN dans la mesure où ils permettent à la fois de favoriser la résilience urbaine au changement climatique, de favoriser la biodiversité en développant la nature en ville et de diminuer le risque de ruissellement urbain par l’infiltration des eaux pluviales. Malgré la concordance de la transformation des cours d’école avec la définition des SfN et la qualification de SfN de ce type de projets dans de nombreux réseaux français (ARTISAN) et européens (projet CoolschoolsFootnote25 ou RegreenFootnote26), les acteurs en charge de la réalisation des actions à Strasbourg ne mobilisent que très peu le concept, et rarement pour qualifier directement un projet.

Figure 2. Panneau à l’entrée d’une école dont la cour a été végétalisée (Drapier, 2023).

Figure 2. Panneau à l’entrée d’une école dont la cour a été végétalisée (Drapier, 2023).

Dans l’ouest de la France, la ville d’Angers est traversée par la Maine. Angers est particulièrement exposée aux risques d’inondation, avec 28% du territoire communal situé en zone inondable (Moreau, Citation2014). Les vastes prairies inondables des Basses vallées angevines, au nord de la ville d’Angers, associées au goulot d’étranglement que constitue le verrou rocheux à la traversée d’Angers, constituent un système hydrologique en entonnoir. La stratégie d’Angers Loire Métropole (ALM), qui exerce la compétence GEMAPI sur son territoire se structure en deux grands axes : i) La mise en place d’un panel d’instruments (réglementaires mais aussi conventionnels ou informatifs) pour faciliter la préservation des zones d’expansion des crues ; ii) Le portage de projets d’aménagement urbain dits de « mitigation » (Fournier et al., Citation2016), qui se veulent résilients, adaptés à la problématique de l’inondation et en capacité entre autres de contrôler les crues.

Sur le territoire d’ALM, trois sites ont été choisis pour leur proximité avec des aménagements de type SfN : la zone d’expansion de crue de l’île Saint Aubin au nord, gérée avec des objectifs hydrauliques et écologiques (Natura 2000Footnote27) ; le parc Balzac, aménagé à partir du début des années 2000 et dont la conception a été pensée pour favoriser les synergies entre préservation des milieux naturels et espèces emblématiques des basses vallées angevines et gestion du risque d’inondation ; et le parc Saint Serge, un nouveau parc urbain dans lequel la gestion des eaux pluviales et des crues a été intégrée avec 80% de sa surface végétalisée (). Sur les trois sites, malgré des temporalités différentes, les espaces sont gérés de manière à conjuguer prévention du risque inondation, préservation de la biodiversité et dans certains cas adaptation au changement climatique. En cela, ces trois sites répondent à la définition classique des SfN. Pour autant, ces projets ne sont pas qualifiés en tant que tels par ALM et les services.

Figure 3. Les sites d’études sur le territoire angevin : (A) l’île Saint-Aubin à Angers (Bonnefond, 2021) ; (B) Le parc Balzac (Drapier, 2023) ; (C) Le parc Saint-Serge (Drapier, 2023).

Figure 3. Les sites d’études sur le territoire angevin : (A) l’île Saint-Aubin à Angers (Bonnefond, 2021) ; (B) Le parc Balzac (Drapier, 2023) ; (C) Le parc Saint-Serge (Drapier, 2023).

Dans les trois projets présentés ci-avant, le qualificatif de SfN n’est pas mobilisé par les acteurs pour caractériser leurs projets. Néanmoins, on peut observer une utilisation marginale du concept de SfN avec des objectifs bien précis. Ainsi, la ville de Strasbourg a qualifié le Plan Canopée de SfN dans les supports de communication de la ville, comme ici sur le panneau installé sur une place en centre-ville (). Pour autant, les entretiens réalisés avec les agents de la ville, et notamment au sein du service Espaces Verts et de Nature qui pilote ce plan, révèlent qu’il ne s’agit pas d’un vocabulaire technique mobilisé durant les échanges au sein de l’administration : « on n’emploie pas encore ce terme et on ne développe pas ce concept-là » (2021). Certains élus municipaux en charge de ces thématiques peuvent être amenés à mobiliser le terme, notamment dans le cadre d’interventions dans des colloques ou journées d’études : « c’est un terme que j’utilise et qu’on a l’habitude d’avoir. On ne s’en rend même plus compte, en fait. C’est vrai qu’avec les réseaux européens, c’est ce qu’on utilise comme terme » (entretien avec un.e élu.e de la ville de Strasbourg, 2023). De fait, « c’est un mot très à la mode et très utilisé ! Qui plaît bien ! Qui aide à faire passer pas mal de choses » (entretien avec un.e agent.e de l’EMS, 2021) et qui peut donc être utilisé à des fins de communication à la fois dans certains réseaux ou à destination du territoire. Sur le territoire angevin, bien que les projets menés ne soient pas publiquement qualifiés de SfN, ALM a néanmoins candidaté aux trophées ARTISAN en 2022 dans une optique de labellisation, illustrant la connaissance du concept et son utilisation dans une logique d’opportunité. Cette candidature a été encouragée et accompagnée par l’équipe d’animation du projet ARTISAN en Région Pays de la Loire, pour laquelle le projet d’aménagement récent du parc Saint-Serge a paru comme le projet le plus pertinent vis à vis du concept de SfN.

Figure 4. Panneau présentant le plan canopée dans le centre-ville de Strasbourg (Drapier, 2022).

Figure 4. Panneau présentant le plan canopée dans le centre-ville de Strasbourg (Drapier, 2022).

3.2.2. Des SfN revendiquées comme telles

Dans d’autres territoires, certains acteurs peuvent au contraire se saisir pleinement du concept de SfN, en qualifiant leurs projets comme tels et en se référant aux documents produits par des institutions comme l’UICN. Le Conservatoire des Espaces Naturels (CEN) Auvergne conduit par exemple différents projets autour de la restauration de la dynamique fluviale de l’Allier, principal affluent de la Loire. Il s’agit en effet d’un enjeu clairement identifié depuis plusieurs années par les différents acteurs sur le territoire, que ce soit dans le cadre du schéma d’aménagement et de gestion des eaux Allier aval (porté par l’Établissement public territorial de bassin Loire) ou du contrat de territoire de l’Agence de l’eau Loire-Bretagne, outil de financement des projets de restauration dans le Val d’Allier. Ainsi, le CEN a saisi l’opportunité de supprimer une protection de berge construite dans les années 1970 sur la commune de Maringues (Puy-de-Dôme ; ). Cette opération, réalisée en 2019, avait comme objectif d’une part de restaurer les habitats liés aux cours d’eau (notamment sur les berges), de limiter l’incision du lit par restauration d’une dynamique de recharge sédimentaire par érosion latérale et de restaurer des zones de dissipation de l’énergie du cours d’eau afin de maitriser le risque d’érosion. Le directeur du CEN est membre du GT national du CF UICN sur les SfN et trouvait pertinente son utilisation pour caractériser les actions de l’association, et en particulier dans l’optique de « dépasser le cadrage naturaliste des CEN » (entretien avec un agent du CEN Auvergne, le 06/07/2021) et ainsi souligner l’éventail des bénéfices associés à ce type d’interventions. Il a donc œuvré à intégrer les SfN dans le vocabulaire du CEN, et la restauration de l’île aux cailloux a permis de l’incarner sur le territoire.

Figure 5. Le site restauré l’Ile aux cailloux sur l’Allier (Drapier, 2021).

Figure 5. Le site restauré l’Ile aux cailloux sur l’Allier (Drapier, 2021).

En Camargue, dans le delta du Rhône, un programme de restauration écologique et d’adaptation visant à lutter contre l’érosion littorale, la submersion marine et la salinisation du delta est en cours de réalisation sous l’impulsion d’un collectif associant scientifiques et gestionnaires. Une partie de la stratégie repose sur la gestion adaptative du trait de côte, qui consiste notamment en l’arrêt de l’entretien d’une ancienne digue de protection salicole dans l’objectif de créer une zone tampon face à la montée des eaux et au risque de submersion marine (). Ce projet vise également à restaurer des milieux salins, notamment en favorisant la reconnexion hydraulique des étangs. Afin de présenter les actions menées sur le site des anciens Salins de Camargue, la Tour du Valat (organisme scientifique co-gestionnaire du site) a mobilisé le concept de solutions fondées sur la nature lors d’événements nationaux et internationaux (par exemple lors de la Monaco Ocean Week 2022, ou encore lors du Forum Innovate 4 Water 2022) et dans le cadre de supports de communication présentant le projet. La direction de la Tour du Valat met en avant trois arguments pour expliquer son intérêt pour le concept de SfN : i) mettre en évidence le fait qu’une grande partie des solutions d’adaptation au changement climatique réside dans la nature elle-même et non pas dans des solutions technologiques ; ii) rendre compte du fait que des solutions s’appuyant sur la nature permettent une gestion peu dispendieuse pour les finances publiques ; iii) montrer que les solutions « naturelles » ont de nombreux autres bénéfices associés (préservation des milieux naturels et de la faune). Malgré cela, tous les membres de l’association ainsi que les autres co-gestionnaires du site ne partagent pas l’attrait pour le concept. De plus, suite aux nombreuses contestations de collectifs de riverains autour des modifications d’usages du site, la Tour du Valat évite désormais d’utiliser ce terme à l’occasion d’évènements locaux, le réservant uniquement pour des contextes nationaux ou internationaux (Guerrin, Serra-Llobet et al., Citation2023).

Figure 6. Digue des anciens salins de Camargue qui s’érode (Guerrin, 2022).

Figure 6. Digue des anciens salins de Camargue qui s’érode (Guerrin, 2022).

Le CEN Auvergne, tout comme la Tour du Valat, sont également des promoteurs du concept auprès de leurs partenaires. Ainsi, le directeur du CEN Auvergne sensibilise la Fédération nationale des CEN au sujet des SfN. La Tour du Valat a organisé un événement dédié aux SfN dans les régions méditerranéennes. Les ressources (humaines et financières) investies dans la promotion du concept montrent que ces acteurs se sont non seulement saisis du concept afin de le mettre en œuvre dans les projets qu’ils mènent, mais également qu’ils en sont devenus des promoteurs actifs, à des niveaux spécifiques. En revanche, le CEN Auvergne et la Tour du Valat sont aussi les seuls acteurs à mobiliser le concept de SfN pour ces projets. En Camargue, les autres co-gestionnaires du site (Société Nationale de Protection de la Nature, Parc Naturel Régional de Camargue) ne mobilisent pas le concept. De la même manière, les partenaires locaux du CEN sur le projet de restauration de l’île aux cailloux (EPTB Loire, délégation territoriale de l’AELB) n’ont pas évoqué ce concept lors des échanges avec eux.

Ainsi, entre SfN sans le dire et SfN revendiquées comme telles, l’appropriation locale du concept de SfN semble très différente selon les lieux et les contextes. Comment expliquer cet écart entre divergences locales et l’engouement national pour la notion ?

4. Discussion : Les SfN de la théorie à la pratique, du global au local : quelles articulations ?

L’observation des dynamiques de mobilisation du concept de SfN à différentes échelles met en lumière l’écart entre un niveau national au sein duquel les SfN sont largement promues et présentées comme un outil intégrant les problématiques climatiques et de biodiversité, suivant en cela les dynamiques à l’œuvre au niveau international (Drapier, Pelet et al., Citation2023 ; Hrabanski & Le Coq, Citation2022), et l’échelle locale, où les acteurs mobilisent peu ce concept, ou de manière stratégique, et dans des contextes spécifiques. Au regard de leur récente émergence dans le champ des politiques publiques, les SfN peuvent être qualifiées d’« innovations conceptuelles ». Les innovations conceptuelles définies par Meadowcroft et Fiorino (Citation2017), font référence aux « processus général par lequel de nouvelles conceptions deviennent acceptées dans le domaine des politiques d’environnement » (Meadowcroft et Fiorino, Citation2017, p. 7), autrement dit, il s’agit de la manière dont se diffusent, et deviennent dominants, de nouveaux concepts dans le champ des politiques environnementales. Face au constat d’un écart d’appropriation important entre les échelles, il s’agit de s’interroger sur les raisons du succès rencontré à l’échelle nationale et de la diffusion plutôt limitée (à ce jour) de la notion parmi les acteurs locaux. Trois critères permettent d’évaluer la diffusion et la circulation d’une innovation conceptuelle selon Meadowcroft et Fiorino (Citation2017) : i) la capacité du concept à proposer une conception différente d’un problème, à faire sens pour les acteurs qui s’en saisissent ; ii) la possibilité d’articuler des représentations parfois antagonistes, autrement dit à maintenir un fort degré d’ambiguïté sur ce que recouvre le concept – si un concept peut être interprété de multiples manières, cela élargit d’autant le nombre d’acteurs pour lequel il peut être significatif ; iii) l’innovation conceptuelle ne doit pas remettre en cause les relations établies entre les différents acteurs et s’inscrire dans la continuité des paradigmes dominants. Ce processus d’innovation conceptuelle semble avoir bien pris au niveau national mais manquer de relais au niveau local.

4.1. Une innovation conceptuelle qui s’inscrit bien dans les enjeux nationaux

A l’échelle nationale, la diffusion des SfN s’appuie sur une articulation entre les trois critères définis par Meadowcroft et Fiorino (Citation2017). Les différents groupes de travail (ARTISAN régionaux ou thématiques, commission de l’UICN, GT climat du MTE), évènements nationaux (cérémonie des trophées ARTISAN, Assises nationales de la Biodiversité, etc.) contribuent à la structuration d’une coalition d’acteurs partageant les mêmes valeurs autour des SfN. Les SfN permettent de produire un sens partagé autour de la définition du problème du changement climatique et du problème de l’érosion de la biodiversité, les connectant en présentant la biodiversité ou la nature comme une réponse au changement climatique. De ce fait, ce sont les acteurs qui se retrouvent autour de l’adaptation au changement climatique et de la biodiversité qui promeuvent ce concept. Les échanges entre acteurs lors de ces moments leur permettent de s’accorder sur une définition relativement stabilisée de ce que sont les SfN et des problèmes qu’elles doivent contribuer à résoudre. L’intéressement d’acteurs relativement divers est rendu possible par la plasticité des SfN (illustrée par sa dimension parapluie) et la capacité du concept à produire une « ambiguïté productive », c’est à dire à être assez signifiant pour les acteurs qui s’y référent et être suffisamment souple pour que chacun y perçoive ce qu’il y souhaite (Guerrin, Fernandez et al., Citation2023). Cette plasticité du concept parapluie favorise également la mobilisation du concept au sein des différents documents stratégiques et de cadrage, mais aux enjeux opérationnels limités (Hirsch & Levin, Citation1999). Ainsi, malgré les difficultés du concept à percoler au sein de la DGPR par exemple, ce dernier est tout de même relayé dans des documents de cadrage financiers comme le cahier des charges des PAPI. Néanmoins, cette innovation conceptuelle ne semble pas remettre en cause les relations établies entre les différents acteurs et s’inscrire dans la continuité des paradigmes dominants. En effet, la réticence de la DGPR à se saisir des SfN semble bien expliquée par cette volonté de ne pas remettre en cause le partage du travail ministériel entre les évènements majeurs pour la DGPR et les projets de préservation de la biodiversité pour la DEB.

4.2. Des contextes locaux (encore) peu réceptifs aux SfN

A contrario, pour les acteurs locaux, les SfN ne semblent pas constituer une nouvelle manière d’aborder les problèmes environnementaux. Bien que dans certains contextes, la plasticité d’un terme puisse permettre de négocier avec des acteurs aux intérêts divergents comme l’ont montré Guerrin et Barone (Citation2020) avec le récit autour de la restauration écologique du Rhône, la généricité des SfN semble à l’inverse représenter un frein important à son appropriation par les porteurs de projet à l’échelon local dans les cas étudiés. En effet, la dimension négociée des interactions entre les acteurs dans les dynamiques de projet ne permet pas d’utiliser les SfN en tant que telles comme argument. Lorsqu’il s’agit de négocier les dimensions techniques ou financières précises d’un projet, le recours à un terme générique tel que Solution fondée sur la nature peut ne pas être opératoire a contrario d’autres termes plus précis et techniques (ZEC, remise en thalweg, création de ripisylve, végétalisation, etc.). Le pas en arrière de la Tour du Valat dans le cas de la Camargue en constitue une illustration saillante. Estimant que les SfN pouvaient constituer un argument dans la négociation avec les autres acteurs, la Tour du Valat a aujourd’hui reculé sur sa mobilisation à l’échelle locale face au constat du rejet suscité par l’expression parmi les acteurs locaux.

D’un point de vue conceptuel, les SfN s’insèrent à la suite de nombreux autres concepts mis en avant par le passé qui étaient également présentés comme intégrateurs d’une multitude d’enjeux (le « développement durable » mis en avant suite au Sommet de Rio en 1992 ou encore les « services écosystémiques » dans les années 2000) avec lesquels le dialogue n’est pas toujours clair. Un interlocuteur de l’AERMC souligne par exemple une articulation peu claire entre ces concepts proches :

Pour ne pas simplifier le truc, les mesures naturelles de rétention d’eau que j’évoquais au début, les MNRE, en fait, c’est pareil. C’est un concept officiel de l’Europe. Mais, pour le coup, il n’est pas connu. Dans les MNRE, il y a des SfN, mais tout ce qui est MNRE n’est pas SfN. Et, inversement, tout ce qui est SfN n’est pas MNRE. On est dans des domaines qui se croisent et ça n’aide pas non plus. (Entretien avec un.e agent.e de l’AERMC, 2022)

Ce manque de clarté dans l’articulation entre notions n’incite pas les acteurs à adopter le concept de SfN dans la mesure où son intérêt par rapport à d’autres outils (qu’ils peuvent déjà mobiliser par ailleurs) n’est pas clairement établi (Drapier, Guerrin et al., Citation2023). Aujourd’hui, bien que des éléments d’articulation avec les concepts existants soient proposés par ses promoteurs (par exemple « 8 questions à se poser pour mettre en œuvre des SfN » par le CF de l’UICN) et que la nécessité d’une meilleure articulation avec d’autres concepts avait été signalée dès l’émergence des SfN (Nesshöver et al., Citation2017), la définition des SfN demeure encore floue pour la majorité des acteurs locaux interrogés jusqu’à présent. Dès lors, son utilisation peut nécessiter des explications quand d’autres termes, plus connus ou précis, peuvent être utilisés : « solution fondée sur la nature ou service écosystémique, je l’emploie, mais derrière, ça demande quand même pas mal d’explications » (entretien avec un.e élu.e de la ville de Strasbourg, 2023),

En outre, l’intégration des SfN dans les politiques nationales françaises s’effectue dans un contexte institutionnel morcelé. La multiplication des canaux entre la DEB, l’OFB et le CF de l’UICN, bien que des échanges aient lieu entre ces acteurs, ne permet pas aux acteurs locaux d’identifier une cohérence globale, contribuant alors à renforcer le flou autour du concept. Un interlocuteur de l’AERMC illustre par exemple les difficultés à avoir un interlocuteur unique sur ce sujet : « On se référait à l’UICN, le gardien des clés. Là où ça nous a paru moins clair, c’est qu’on avait l’impression qu’il y avait d’autres acteurs qui donnaient des définitions, avec des nuances. (…) Et puis ARTISAN, ce n’est qu’un aspect des SfN » (entretien avec un acteur de l’AE RMC, 2022). De plus, alors que les agences avaient participé à l’élaboration du programme ARTISAN, « il y a eu un petit gap entre le projet Artisan, qui vivait sa vie, et les agences de l’eau » (entretien avec un agent de la DEB, 2022) ce qui ne permet pas d’assurer une cohérence entre les différents programmes. L’absence d’engagement de la DGPR autour des SfN ajoute à ce morcellement thématique, alors même que les SfN visent précisément à davantage d’intégration et de synergie entre les différentes politiques publiques. L’articulation entre la GEMAPI et les SfN demeure également peu précise pour les acteurs locaux, ainsi que les liens ou différences entre SfN et SafN, spécificité française. De nombreux maîtres d’ouvrages se sont déjà engagés dans des opérations qualifiées aujourd’hui de SfN. Dès lors, les SfN se surimposent aux pratiques des acteurs sans qu’une plus-value pour ces derniers ne soit réellement perceptible. Néanmoins, certains acteurs agissant à l’échelle locale peuvent saisir le flou autour des SfN comme une opportunité. La Tour du Valat ou la FCEN proposent une vision prospective positive des territoires au travers des SfN sans être contraints par des règles ou un cahier des charges précis vis-à-vis de ce concept.

La complexité à la fois du concept et le morcellement institutionnel ne peuvent en outre pas être compensés par un investissement humain dans les territoires afin d’incarner les SfN localement. L’appropriation de nouveaux concepts « qui nous tombent dessus » (entretien avec un.e agent.e de l’AE Artois Picardie, 2023), nécessite un investissement cognitif important et représente une surcharge de travail pour les personnes. Cela est d’autant plus compliqué dans un contexte de restriction des ressources humaines dans les institutions publiques : « c’est difficile de travailler dessus quand on est de moins en moins nombreux » (entretien avec un.e agent.e de l’AE Artois Picardie, 2023). Aujourd’hui, seul le programme ARTISAN dispose de ressources humaines spécifiquement dédiées aux SfN. Or, les postes proposés présentent des conditions peu avantageuses (contrats courts et salaires limités). Concrètement, ces postes, financés sur projet, sont majoritairement occupés par de jeunes diplomé.es et connaissent un important turn-overFootnote28 ne permettant pas d’assurer une continuité dans les actions de sensibilisation et de structuration d’une communauté sur les territoires : « le poste est sur 5 ans, alors que le programme est sur 8 ans. Comme c’est des CDD, c’est 3 ans et 2 ans. Et je pense que c’est notamment pour ça qu’il y a beaucoup de gens dans les premiers postes, et que ce n’est pas très bien payé, et que c’est en CDD » (entretien avec un.e membre du programme ARTISAN, 2022).

4.3. Un processus d’intéressement improductif?

La diffusion d’une innovation, technique ou conceptuelle, réside également dans la capacité de ses promoteurs à intéresser un nombre croissant d’acteurs (Akrich et al., Citation1988). En d’autres termes, une innovation n’est pas adoptée uniquement sur ses caractéristiques techniques, mais également en fonction du contexte social et politique dans lesquels elle est née, et circule.

A l’heure actuelle, la promotion des SfN s’effectue au travers d’actions incitatives qui visent à intéresser les acteurs à ce nouveau concept mais sans moyens supplémentaires dédiés, humains ou financiers. Lorsque les SfN sont présentes dans les documents ayant une portée réglementaire, c’est avant tout sous la forme d’incitations, de recommandations, non contraignantes. Ainsi, dans le SDAGE Rhône Méditerranée 2022–2027, les SfN sont associées aux termes suivants : « autant que possible » ; « invite à prendre en compte » ; « favoriser » ; « recommander » ; « à rechercher en premier lieu ». En outre, dans un contexte de finances limitées et souvent concurrentielles pour les maitres d’ouvrage publics, la qualification de SfN ne constitue pas à ce jour un critère de financement que ce soit dans la politique de l’eau ou de la biodiversité. Le nouveau cahier des charges des PAPI constitue une nouveauté dont les effets doivent encore être mesurés. Autrement dit, le fait de présenter un projet (de restauration d’un cours d’eau par exemple) en tant que SfN par le maitre d’ouvrage ne permet pas, à l’heure actuelle, d’obtenir des financements particuliers. Dès lors, il y a, semble-t-il, peu d’intérêt pour les maîtres d’ouvrage pour le moment à investir du temps pour s’approprier le concept et l’adapter à leur contexte. Il n’y a pas de moyens financiers dédiés supplémentaires créés pour développer les SfN, mais il s’agit plutôt de faire faire davantage aux acteurs publics, avec les mêmes ressources, en multipliant les effets leviers, l’information et la formation des acteurs, espérant que ces derniers utilisent leurs propres ressources pour mettre en œuvre le concept.

Les différents groupes de travail existant à l’échelle nationale, mais également aux niveaux régionaux, sont symptomatiques de cette stratégie : ils ont comme principal objet l’identification et la production de ressources documentaires (retours d’expériences, guides, etc.) ainsi que l’identification des cadres de financement favorables aux SfN. L’objectif est donc de mettre à disposition des porteurs de projets potentiels (notamment les collectivités locales) des informations afin d’encourager la mise en œuvre de SfN dans les territoires. A l’échelle régionale, les groupes de travail réunissent des pilotes thématiques et non des maîtres d’ouvrages potentiels (collectivités locales ou associations), ces derniers ne sont donc pas partie prenante des réflexions menées. Bien que les animateurs aient officiellement une mission d’accompagnement des projets, une seule personne ne peut effectuer qu’un accompagnement limité à l’échelle d’une région. Dans le Grand Est, après une année de réunions, un plan d’actions a été établi, répartissant les différents types d’action (sensibilisation, planification, financement, accompagnement) entre les acteurs. Le groupe est composé avant tout de chargé.e.s de mission thématiques (eau, forêt, énergie, adaptation au changement climatique) qui ne disposent pas de l’autorité pour engager leurs institutions respectives. De plus, l’investissement dans les travaux du groupe de travail se fait le plus souvent en sus de leurs missions principales. Lors d’une réunion de validation des actions du groupe de travail en région Grand Est en présence des chefs de service, certains ont souligné cette difficulté et ont précisé qu’ils ne pouvaient garantir l’implication de leurs agents pour la poursuite des travaux. Un interlocuteur du programme ARTISAN explique que « ce n’est pas prioritaire » pour certains participants et constate par exemple que certains acteurs ne sont pas très investis car « débordés » par ailleurs (entretien avec un.e animateur.rice ARTISAN, 2022). Dès lors, leur capacité à réellement mettre en œuvre les actions, et notamment à sensibiliser leurs partenaires locaux demeure limitée, d’autant que la plupart des participants font le constat d’un manque de temps et de connaissance sur les enjeux d’adaptation et sur les SfN au sein même de leurs institutions.

A cela s’ajoute un manque de ressources financières afin de mettre en œuvre les politiques environnementales de manière générale (Guimont et al., Citation2018). Dans ce contexte de restrictions budgétaires, l’organisation de Trophées (Artisan en 2022 et 2024 par l’OFB ou les Trophées des Agences de l’eau), les sites démonstrateurs du programme Artisan permettent la mise en visibilité d’actions dites exemplaires par l’Etat et ses administrations, à peu de frais. Même les plans d’action nationaux présentés comme des réponses à la crise de l’eau, comme le Plan Eau, manquent de ressources. Avec ce plan, l’ambition du gouvernement était de répondre à la crise de la pénurie d’eau, notamment par des solutions fondées sur la nature. C’est le bureau en charge du climat au sein de la DEB qui a pris en charge la mise en œuvre de cette mesure. Néanmoins, sans nouveau budget spécifique alloué, cette mesure se traduit par l’identification sur les territoires de projets de type SfN déjà financés et dont la mise en œuvre a démarré, ou encore d’une « action de communication de projets déjà existants » (entretien avec un.e agent.e de la DEB, 2024). Il s’agit plutôt pour les agents de la DEB de mobiliser les Agences de l’Eau afin de définir des indicateurs permettant d’identifier des projets qui pourront être labellisés SfN sur leurs territoires, et de les comparer entre eux afin d’identifier les SfN exemplaires. Ce type de dispositifs, qui mettent en concurrence les territoires et visent à distribuer des ressources symboliques (Trophées) ou des financements limités ou « leviers » sont particulièrement courants dans le domaine des politiques environnementales, et s’intègrent dans un modèle de type nouveau management public (Barone et al., Citation2018) qui vise à inciter les territoires à se saisir d’innovations dans une double logique de compétition/coopération qui permet aux récipiendaires de se distinguer et aux autres de disposer d’un référentiel vers lequel tendre, illustrant ainsi une action publique de type « gouvernement par les trophées » (Epstein, Citation2013). Ce type d’instruments incitatifs, caractéristiques du « droit mou », reflète en réalité la manière dont se structure la gouvernance globale des problèmes environnementaux qui s’appuie sur des grands principes, chartes, stratégies mais finalement peu contraignants (Aykut, Citation2020; Friedrich, Citation2013).

5. Conclusion

Les SfN sont apparues récemment dans le champ des politiques environnementales et en particulier les politiques de l’eau. Néanmoins, elles s’inscrivent dans une dynamique déjà engagée, et qui leur est antérieure, de prise en compte des enjeux écologiques dans les projets d’aménagement des cours d’eau. Au-delà de l’engouement à l’échelle internationale et nationale, la traduction locale du concept de SfN peine encore à se concrétiser sur les territoires, comme le démontrent les observations sur nos terrains d’étude en France. Nous avançons deux éléments pour éclairer ce constat : (1) les SfN représentent une innovation conceptuelle pertinente pour les acteurs de l’échelle nationale mais peu en prise avec les acteurs locaux ; (2) à ce jour, le processus d’intéressement, nécessaire à l’adoption de toute innovation, demeure improductif auprès des acteurs locaux car il repose essentiellement sur des instruments incitatifs, sans moyens financiers et humains conséquents.

Face à ce constat, la capacité du concept de SfN à passer de la théorie à la pratique et ainsi transformer l’action publique de manière pérenne et à toutes les échelles peut être interrogée. La dimension temporelle peut néanmoins nuancer ce constat. Les SfN demeurent un concept récent à l’échelle de l’action publique nationale. L’évolution rapide de la diffusion du concept au niveau national peut déjà être mesurée à l’aune de différentes variables (instruments, valeurs, vocabulaire, etc.). Bien que peu d’éléments permettent à ce jour d’observer un changement réel de pratiques induites par l’émergence des SfN dans les politiques publiques, une communauté de personnes investies dans les questions environnementales se structure autour de ce concept de manière à rapprocher les problèmes de la biodiversité et du climat. Il s’agit alors de trouver les outils nécessaires pour opérer le transfert efficace des nombreuses ressources produites au sein de cette communauté vers les territoires afin de contribuer à leur résilience face aux changements globaux. Le développement et la consolidation d’une ingénierie territoriale à même de constituer une interface entre arène nationale et enjeux locaux, à la manière des animateurs régionaux du programme Artisan, nous semble être une voie à suivre. Néanmoins, pour être effective, elle devra être assortie de réels moyens, pérennes, financiers et humains, à la hauteur des enjeux rencontrés.

Dans un contexte de limite des dépenses publiques et de ressources humaines notamment dans le domaine environnemental (Guimont, Citation2018), de la fin de l’ingénierie publique dans le domaine de l’eau (Dedieu, Citation2021), et de décentralisation de nouvelles compétences dans ce domaine comme la GEMAPI, on peut émettre l’hypothèse que le type d’action publique qui vise à développer la mise en œuvre des SfN, incitative et à distance, avec peu de moyens humains et financiers supplémentaires mis à disposition, ne répond pas aux besoins des territoires pour développer davantage de projets de type SfN. Les normes d’action qui caractérisent la diffusion des SfN s’inscrivent dans une forme d’action de l’État basée sur de l’incitation, financièrement peu couteuse, et qui repose d’abord sur la communication et la diffusion d’information, la valorisation de projets existants, la réorganisation et la recherche d’efficience dans la gestion des ressources et des services disponibles, tentant de faire davantage avec (presque) autant de moyens, et usant de financements et des moyens humains sur projets, non pérennes, pour mettre en œuvre ses politiques publiques (adaptation au changement climatique et biodiversité). Le « gouvernement à distance » (Epstein, Citation2005) que donne à voir la diffusion des SfN en France ne semble pas être suffisant pour permettre une appropriation plus importante du concept au niveau local, au moins sur les terrains étudiés, et en l’état de nos connaissances. De manière plus cruciale, ce type d’action publique, qui ne semble pas à la hauteur des enjeux en présence, ne parait pas non plus propice au déploiement de projets de type SfN. Il conviendra néanmoins d’évaluer dans d’autres recherches les besoins des territoires – notamment en termes de moyens humains et financiers – nécessaires afin de mettre en œuvre davantage de projets de type SfN.

Financement

La collecte de données qui a été utilisée pour la rédaction de cet article a été soutenue par plusieurs financements : le projet Post AgreenSkills Fund (PAF_11) intitulé « Nature-based Solutions from Theory to Practice : comparing France and the US » ; le projet SfN Soci’eau (« Quels effets socio-politiques des SfN appliquées aux risques liés à l’eau sur le Bassin RM ») financé par l’Agence de l’Eau Rhône Méditerranée Corse ; le projet BioRisTras (« Concilier protection de la biodiversité et gestion du risque inondation et ruissellement urbain sur le territoire de l’Eurométropole de Strasbourg grâce aux Solutions Fondées sur la Nature ») financé par l’Agence Rhin Meuse. Enfin, ce travail a également bénéficié d’une aide de l’État gérée par l’Agence Nationale de la Recherche au titre du LabEx DRIIHM, programme « Investissements d’avenir » portant la référence ANR-11-LABX-0010 dans le cadre de l’OHM Vallée du Rhône.

Données

The data that support the findings of this study are available from the corresponding authors, LD or JG, upon reasonable request.

Notes

1 L’UICN est une institution internationale de préservation de l’environnement. Qualifiée parfois comme une ONG, il s’agit en fait d’une union. Ses membres sont des Etats ou des agences publiques, des collectivités locales et des ONGs. Certains des outils de l’UICN sont aujourd’hui largement repris et utilisés dans le monde (par exemple, la liste rouge des espèces en danger ou la classification des aires protégées).

3 Cette méthode non probabiliste utilisée dans les enquêtes sociologiques consiste à identifier un échantillon en demandant aux enquêtés de conseiller des acteurs à l’enquêteur. Cette méthode permet d’avoir accès au réseau des enquêtés et de viser à l’identification d’une (quasi) exhaustivité des acteurs ou professionnels impliqués dans un projet ou un secteur d’action publique déterminé (Mucchielli, Citation2009).

4 22 entretiens ont été réalisés auprès de personnes de l’Agence de l’eau Rhône-Méditerranée dans le cadre d’un projet de recherche concomitant portant sur les SfN sur le bassin du Rhône. La réalisation d’un stage de Master 2 en 2023 a permis la réalisation de 13 entretiens auprès de membres des 5 autres agences de l’eau ainsi que des entretiens complémentaires à la DEB.

5 Le comité français de l’UICN est l’un des bureaux nationaux de l’UICN, l’une des plus grandes organisations de préservation de la biodiversité mondiale. Il est organisé autour d’un conseil d’administration, de commissions thématiques et d’une équipe administrative.

7 UICN France (2015). Des solutions fondées sur la nature pour lutter contre les changements climatiques. Paris, France. Document téléchargeable sur : www.uicn.fr/solutions-fondees-sur-la-nature.html.

8 UICN France, 2018, Les Solutions fondées sur la Nature pour lutter contre les changements climatiques et réduire les risques naturels en France. Paris, France.

9 UICN Comité français, 2019, Les Solutions fondées sur la Nature pour les risques liés à l’eau en France. Paris, France.

10 UICN Comité français, 2022, Les Solutions fondées sur la Nature pour les risques littoraux en France. Paris, France.

11 UICN Comité français, 2022, Les Solutions fondées sur la Nature pour les risques gravitaires et incendie en France. Paris, France UICN Comité français, 2022, Les Solutions fondées sur la Nature pour les risques littoraux en France. Paris, France.

12 UICN Comité français, 2021, 8 questions à se poser pour mettre en œuvre les Solutions fondées sur la Nature – un guide d’appropriation du Standard mondial de l’UICN. Paris, France.

13 Dossier de presse des Assises de l’Eau, Edito de François de Rugy, ministre d’Etat, ministre de la Transition Ecologique et Solidaire, disponible à : https://www.ecologie.gouv.fr/sites/default/files/20190701_Dossier_de_presse_Assises_Eau.pdf.

14 Détail des 53 mesures du Plan Eau, disponibles à l’adresse suivante : https://www.gouvernement.fr/preservons-notre-ressource-en-eau/les-53-mesures-du-plan-eau (consulté le 30/01/2024).

15 C’est le cas dans la littérature produite par l’UICN (France et International), par The Nature Conservancy et la FEMA (Federal Emergency Management Agency) aux Etats-Unis (Guerrin, Serra-Llobet et al., Citation2023), ou au sein de certaines Agences de l’eau en France (Drapier, Guerrin et al., Citation2023).

16 En France, les inondations étaient entre 1992 et 2007 gérées par la Direction de l’Eau, qui s’est transformée en 2008 en direction de l’eau et de la biodiversité et a intégré la Direction générale de l’aménagement, du logement et de la nature (DGALN), les inondations donc se retrouvant alors sous le giron des risques naturels au sein de la Direction générale de la prévention des risques (la DGPR), dans la sous-direction risques naturels et hydrauliques, aux côté des risques technologiques et des risques sanitaires qui sont représentés dans deux autres sous-direction.

17 CEPRI, « Les Solutions d’adaptation fondées sur la Nature pour prévenir les risques d’inondation », 2022.

19 Les lignes programme (LP) structurent les budgets des programmes d’actions des agences de l’eau par thématique. A chaque ligne correspond un code et une thématique. Par exemple, la LP24 correspond aux actions qui vise à protéger et restaurer les milieux aquatiques ou humides et leurs milieux connectés au sein de l’AESN. Les lignes peuvent être subdivisées en sous lignes : la LP 2412 correspond aux travaux de restauration de la continuité écologique.

20 OFB, 2020, Le climat change, adaptons-nous avec la nature, LIFE ARTISAN, 6p.

21 https://www.ofb.gouv.fr/le-projet-life-integre-artisan/documentation-life-artisan, consulté le 31/01/2024, pour l’ensemble des ressources produites dans le cadre du projet ARTISAN.

24 Opérations dont les travaux ont été réalisés au cours de l’hiver 2022/2023.

26 https://www.regreen-project.eu/, consulté le 18/01/2024.

27 Le réseau Natura 2000 est institué par la Directive 92/43/CEE du Conseil concernant la conservation des habitats naturels ainsi que de la faune et de la flore sauvages.

28 A titre d’exemple, en Grand Est, le poste a été occupé par une première personne entre novembre 2020 et avril 2022, puis une seconde entre juillet 2022 et avril 2024. Plusieurs animateurs-trices ont déjà changé de poste depuis le début du projet.

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