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RESUME
La philosophie hégélienne est ‘idéologique’. Le terme ne doit pas être pris dans l'acception marxiste mais dans le sens étymologique; le mouvement dialectique s'explique chez Hegel par la présence immanente de l'Idee à toute réalité. D'un point de vue épistémologique la question se pose de savoir ce qui permet à Marx d'être fidèle à la méthode dialectique après avoir rompu radicalement avec le principe même de l'idéalisme philosophique.
Surtout dans la Critique de la Philosophie du Droit de Hegel on trouve la volonté de Karl Marx d'élaborer une pensée critique à partir d'un mouvement privilégié de l'histoire; cet instant coïnciderait avec l'année 1844. Il s'agit d'une conviction analogue à celle de Hegel qui croyait que l'année 1807 lui permettait de retrouver une philosophie à partir d'un axe historique. Les deux penseurs ont cru non seulement à l'identité du réel et du rationnel; en outre, ils ont partagé la même conviction du caractère historique de la réalité. Pourtant pour Hegel le réel historique n'est lisible dans sa rationalité qu'en référence à l'Idée transhistorique qui fonde l'histoire. L'interprétation de l'identité du réel et du rationnel avancée par Marx est fort différente. Le fondateur du marxisme croit devoir opérer la critique radicale de toute subsomption des faits particuliers sous l'universel ontologique.
L'étude des textes où Marx a élaboré sa critique de la subsomption hégélienne rend manifeste que l'interprétation que Marx a avancée est basée sur un malentendu. La pensée que Hegel a développée dans Les Principes de la Philosophie du Droit est abstraite par Marx de l'ensemble du système hégélien. Le texte où Marx croit trouver le point culminant de la réflexion hégélienne n'est en réalité qu'un moment de la dialectique, notamment celui où Hegel expose la réconciliation entre le terme final de la moralité subjective et celui de la moralité objective.
Il ne suffit pas de démontrer le malentendu sur lequel est fondée la critique marxiste de l'idéalisme. Il faut surtout étudier la solution de rechange proposée par Marx. En parlant de façon dialectique de l'émancipation humaine, Karl Marx recourt à un nouveau type de subsomption des faits particuliers, notamment à la subsomption sous une universalité formelle et abstraite. Il s'agit de la virtualité abstraite de la formalité illimitée, empruntée à la conception que Feuerbach s'était faite de l'infinité de la conscience.
Au cours de sa réflexion Marx a accentué de plus en plus la notion de la praxis. Elle devrait rendre toutes les questions épistémologiques entièrement superflues. En effet, cette notion de la praxis est substituée à celle de l'Idee hégélienne. Elle rend en conséquence le mouvement dialectique à nouveau possible. Mais pour la même raison elle fait réapparaître le problème épistémologique. Ce dernier n'a été résolu qu'en apparence; il a été déplacé en réalité.
Dès lors il faut étudier le schéma logique et formel sous-jacent à l'interprétation des faits pour que ceux-ci obéissent à la notion de la praxis. Il s'avère que cette notion acquiert sa cohérence au prix de l'élimination comme ‘faux problèmes’ de tout ce qui résiste à un mouvement de réduction ‘aux faits’. A cause de ce type de réduction Hegel aurait sans doute assimilé la pensée critique de Marx à la philosophie qu'il croyait être dans sa Phénoménologie de l'Esprit caractéristique des Lumières.