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Section spéciale : La COVID-19 sur le secteur humanitaire, quels impacts et quelles pistes de solutions? / Covid-19 and the Humanitarian Sector: What Impacts, and What Possible Solutions?

Entre « universalisme » et « localisme », les degrés de percolation des standards SPHÈRE

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Pages 487-508 | Received 13 Aug 2021, Accepted 23 Mar 2022, Published online: 21 Jul 2022

RÉSUMÉ

Alors que la localisation et la décolonisation sont deux paradigmes actuels de l’humanitaire, nous nous interrogeons sur la pertinence des standards universels SPHÈRE. L’objectif de cet article est de proposer une réflexion sur les mises en application de ces standards, sur leur réception par les acteurs humanitaires et sur les tensions associées. Nous avons été en mesure d’identifier trois niveaux de percolation et résistance aux standards SPHÈRE. Ces résultats indiquent des contradictions inhérentes entre standards universels et la localisation, dans le paradigme de la décolonisation de contenu et des intentionnalités sous-jacentes accéléré récemment par la crise de la Covid-19.

ABSTRACT

While localization and decolonization are two of the current paradigms in the humanitarian field, we question the relevance of the universal SPHERE standards. The purpose of this article is to offer a reflection on the applications of these standards, on how they were received by humanitarian actors and on the tensions that emerge from both their application and their reception. We were able to identify three levels of percolation and resistance to SPHERE standards. Our results point to some inherent contradictions between standards and localization in the paradigm of decolonization of contents and underlying intents, recently intensified by the Covid-19 crisis.

This article is related to:
Apprendre en autonomie dans les camps de réfugiés : une proposition méthodologique pour capturer les perspectives communautaires sur l’enseignement, l’apprentissage et la technologie

Introduction

Sous l’impulsion d’un vent de critiques apparues au début des années 1960, le système humanitaire international s’est mobilisé pour y faire face. La réponse s’est traduite par une accélération du processus de professionnalisation des interventions et par une montée en coordination systémique des capacités d’agir des organisations humanitaires (Dubois Citation2018). Ce faisant, le système humanitaire a élevé son imputabilité (Hopgood Citation2011). Parmi les ajustements réalisés, un en particulier a retenu notre attention. Il a trait à la conception et à l’utilisation, au fil des années 1990, de standards dits « universels » pour encadrer les actions humanitaires. Parmi les standards qui ont vu le jour, nous trouvons ceux associés à l’initiative « SPHÈRE », sujet du présent article.

Sur un front complémentaire à l’apparition de standards universels, l’appel lancé par le Secrétaire général des Nations unies en 2016 a mis au premier plan l’enjeu de la localisation. Selon le Secrétaire, pour être plus efficace et pertinente dans ses interventions, l’action humanitaire devrait être « aussi locale que possible, aussi internationale que nécessaire » (Singh Citation2016). Cet appel représente, selon nous, un élément clé du renouveau du processus de professionnalisation du champ de l’action humanitaire, lequel processus a suscité des réactions vives tout en ouvrant la voie à une diversité de mesures afin d’accorder plus de place aux acteurs locaux. Cet objectif international est aujourd’hui complété par un appel à la décolonisation ou à la désoccidentalisation du système humanitaire (Care Citation2021).

Dans cet article, nous répondrons à la question de recherche suivante. Comment concilier deux processus qui semblent à première vue paradoxaux: « exiger plus d’universalisme tout en demandant plus de localisme »? Nous répondrons à l’aide de l’hypothèse de travail suivante: pour atteindre l’objectif de la localisation, et, éventuellement celui de la décolonisation de l’approche par standards, l’initiative SPHÈRE doit procéder à des changements organisationnels et culturels majeurs.

Après avoir présenté les éléments clés de l’initiative Sphère, sujet de la présente recherche, nous déploierons notre analyse en cinq points. Le premier présentera le cadre théorique support à notre analyse, lequel revisitera l’approche sociologique des standards et des résistances tout en introduisant les concepts de localisation et de percolation sociale. Le deuxième décrira très rapidement notre méthode de travail. Le troisième point portera sur l’analyse des données recueillies sur le processus de percolation des standards Sphère. Le quatrième point nous permettra de développer notre analyse sur les facteurs clés de succès identifier pour atteindre un seuil adéquat de percolation sociale bilatérale. Le dernier point présentera des éléments conclusifs incluant des recommandations.

L’initiative SPHÈRE

L’initiative SPHÈRE () est probablement la plus emblématique des démarches de normalisation de l’action humanitaire. Cette initiative interorganisations est née en 1997 d’un regroupement d’organisations non gouvernementales en association avec le Mouvement de la Croix-Rouge et du Croissant-Rouge. Son but visait à définir des standards minimums d’assistance dans le cadre de crises humanitaires afin d’améliorer la qualité du travail humanitaire en situations post-catastrophe (SPHÈRE Citation2018). Avec cet objectif en tête, les fondateurs ont produit une charte humanitaire et un ensemble de standards humanitaires rassemblés dans un document de référence intitulé « La Charte humanitaire et les Standards minimums de l’intervention humanitaire », également connue sous le nom « Manuel SPHÈRE ». Régulièrement mis à jour, le Manuel est fondé sur les droits humains et présente un consensus sectoriel sur les meilleures pratiques en matière d’intervention humanitaire (SPHÈRE Citation2011).

Figure 1. Écosystème SPHÈRE (notre contribution)

Figure 1. Écosystème SPHÈRE (notre contribution)

Aujourd’hui SPHÈRE est une association à but non lucratif constituée en vertu du Code civil suisse. Sa mission est de « rassembler et soutenir les personnes, communautés, organisations et institutions qui œuvrent à l’application, la promotion et l’encouragement de l’adhésion volontaire aux standards et principes humanitaires » (Association SPHÈRE Citation2016). Elle se veut politiquement neutre et non confessionnelle.

L’association compte une quarantaine de membres et de nombreux partenaires à travers le monde. Ils contribuent via des cotisations qui représentent près de 300 000 USD de revenus sur les 1 300 000 USD de l’exercice 2019 (SPHÈRE Citation2018). « SPHÈRE ne serait pas financièrement viable sans les cotisations annuelles des partenaires » (Communication personnelle, R6, février 2019). Le gros de ses revenus provient de dons et de subventions, notamment du ministère danois des Affaires étrangères, du Département fédéral suisse des affaires étrangères ou encore du ministère allemand des Affaires étrangères.

Le Manuel SPHÈRE

Le manuel SPHÈRE a été conçu pour être utilisé en temps d’intervention afin de guider tous les aspects des actions humanitaires visant une intervention directe sur le terrain. Il informe sur des interventions à mener en trois temps: avant une catastrophe, en termes de prévision des besoins et de sollicitation de ressources auprès de bailleurs de fonds; pendant, en matière d’intervention directe sur le terrain; et, après l’intervention, sous la forme de rapports d’évaluation souvent transmis aux bailleurs de fonds. Le Manuel fournit des informations clés pour le plaidoyer humanitaire servant à financer des interventions immédiates ou futures. En ce sens, il sert de document de référence en matière d’évaluation pour communiquer des résultats visant à rendre compte de l’efficacité et de l’efficience des interventions.

La production de la quatrième édition du Manuel SPHÈRE (Citation2018) est le fruit d’un important processus de consultation qui a permis de récolter plus de 4 500 commentaires en ligne. Quelque 190 organisations et 1 400 personnes ont participé à sa rédaction. Une soixantaine de consultations ont été organisées par des partenaires dans 40 pays. Cette révision reposait sur une division du travail par chapitres auprès d’experts et de spécialistes du secteur humanitaire.

Cette dernière version est divisée en deux grandes sections. Une première inclut « les principes et fondements », la Charte humanitaire, les Principes de protection et la Norme humanitaire fondamentale. La deuxième présente les Standards, lesquels sont regroupés quatre sous-sections: approvisionnement en eau; assainissement et promotion de l’hygiène (WASH); sécurité alimentaire et nutrition; et abris et habitat et Santé.

Afin de mieux cerner la différence entre les données, nous vous proposons deux exemples des chapitres « WASH » et « abris et habitats » (SPHÈRE Citation2018) dans le . L’enjeu repose sur la capacité de mobiliser les personnes ou les organisations ou institutions pouvant être appelées en renfort.

Tableau 1. Composition des sections de la partie technique de SPHÈRE.

Les limites de l’approche SPHÈRE

Le manuel SPHÈRE a fait l’objet de nombreuses critiques dans les années 2000 ayant conduit à des modifications du Manuel à chaque nouvelle édition. Les critiques portaient notamment sur le caractère réducteur de l’approche, sur l’imposition d’une pensée dominante des organisations du Nord, ou encore, sur l’étiolement de l’esprit humanitaire (Dufour et al. Citation2004; Clarke et Ramalingam Citation2008).

L’utilisation du manuel SPHÈRE vise une diversité d’acteurs. Les organisations et agences humanitaires, tant locales, nationales qu’internationales, utilisent les standards minimums SPHÈRE afin d’avoir des références pour intervenir de manière qualitative et quantitative sur le terrain. Ces données servent à exercer des pressions sur les autorités gouvernementales locales, les bailleurs de fonds et autres organisations d’aide afin qu’ils ou elles apportent une assistance de meilleure qualité dans les temps requis. Les communautés locales utilisent aussi le Manuel SPHÈRE pour demander des explications aux équipes internationales œuvrant sur le terrain. Cette voie d’action, informative ou revendicative, est relativement récente et encore peu appliquée. Dans le milieu humanitaire, elle a connu un certain essor à la suite du mouvement #MeToo.

Comme nous l’avons indiqué, les standards du Manuel SPHÈRE sont dits « applicables » dans différents contextes humanitaires et dans différents contextes socio-économiques. Comment faire si les standards, en raison des caractéristiques territoriales des zones en situation d’urgence, sont inatteignables ou irréalistes? Le Manuel sur ce point offre peu de réponses convaincantes (Brauman et Neuman Citation2014).

Des modifications ou des ajustements ont été apportés, tant en ce qui a trait à la stratégie de communication qu’aux partenariats à développer. Tout en reconnaissant que des avancées ont été réalisées avec la quatrième édition de son Manuel, SPHÈRE doit toujours répondre à nombre de questions portant sur son adaptabilité aux contextes singuliers (Patel et Chadhuri Citation2019). Rappelons que la fonction essentielle des standards de qualité SPHÈRE est de réduire les problèmes d’asymétrie d’information et d’incertitude concernant la qualité d’une intervention. En ce sens, la qualité d’une intervention n’est pas à confondre avec son apparent succès.

Cadrage théorique

Nous présenterons, dans un premier temps, des éléments clés de la sociologie des standards. Dans un deuxième temps, nous contextualiserons les principaux concepts utilisés pour cette étude, à savoir ceux de localisation et de percolation.

Approche sociologique des standards et des résistances

Ces dernières années, des chercheurs des sciences sociales ont renoué avec la sociologie de la normalisation et de la standardisation, laquelle se penche sur tous les aspects de la vie en société (Ramognino Citation2007; Niang Citation2014). Cet intérêt découle d’un double besoin. D’une part, une volonté de réguler par des registres politiques, religieux ou communautaires. Dans cette veine, la normalisation prend la forme de directives comportementales faisant appel à des sanctions si elles ne sont pas respectées. D’autre part, le désir de contrôle qui se systématise par l’énoncé de règles ou de règlements visant une normalisation des pratiques ou des comportements. Ce deuxième mécanisme de normalisation se manifeste, par exemple, dans l’élaboration de standards faisant appel à une adhésion volontaire qui n’impliquent pas des mesures fermes de punition. Cependant, ils laissent entendre des effets positifs ou négatifs pour l’organisation ou la personne qui les respectent (Brunsson et Jacobsson Citation2002).

Observer la présence de règles, de normes ou de standards pose la question de leur émergence. Livet (Citation2012) nous informe sur deux modalités distinctes d’apparition d’une norme. Elle peut apparaître de façon immanente, à l’image d’une pratique s’opposant à une pratique antérieure. Elle représente alors une innovation qui permet d’établir une rupture dialectique avec d’anciennes pratiques. La norme peut aussi apparaître de façon délibérée, sans qu’elle ne se définisse en rupture par rapport à des pratiques déjà existantes. À partir du moment où la norme délibérée devient établie et dominante, elle ouvre la voie à des contestations ou à des innovations de rupture.

Après 1945, à l’échelle internationale, les processus de production d’actions normatives se sont accélérés en lien avec la création des Nations unies et son cortège d’organisations affiliées. Ce déploiement institutionnel international s’est fait au moment où on observait une accélération du rythme de création d’États-nations: principalement issus de sociétés non occidentales. De plus, l’essor de cette normalisation mondialisante a correspondu avec le besoin de mieux coordonner des actions et d’en optimiser leur efficacité, généralement pensées par le haut, conduites à distance et faisant fi des réalités régionales ou locales (Higgins et Larner Citation2010).

Dans le secteur humanitaire, l’étude sociologique des normes et des standards a consisté à observer et à cartographier les interactions prenant place entre les différentes organisations et institutions impliquées suite à l’avènement d’une catastrophe. Plus précisément, il s’est agi d’observer comment les injonctions ou les mots d’ordre de la standardisation ont suscité de l’adhésion, des formes de résistance ou même des mouvements de contestation (Ramognino Citation2007). Somme toute, sur ces enjeux, la sociologie des normes et des standards soulève des questions importantes pour analyser le processus de normalisation réalisée par l’initiative SPHÈRE.

Le fait de standardiser évoque la présence d’une forme de domination qui peut être perçue comme une violence structurelle. Théorisée en tout premier lieu par Galtung (Citation1969), cette violence structurelle exprime un rapport de domination intrinsèquement lié à la hiérarchie des rapports sociaux. Le secteur de l’action humanitaire, fort de la mise en place d’un système de normes et de standards, n’échappe pas à cette réalité. Les acteurs dominants du système de l’action humanitaire en sont venus à imposer une façon de concevoir et de réaliser l’action humanitaire (Bouju et Ayimpam Citation2015).

Si les processus de standardisation se déploient dans le secteur de l’action humanitaire, ils mettent consciemment ou inconsciemment en forme des relations de domination, qui ne se font pas sans soulever des réactions de résistance. Qu’elle soit déclarée, involontaire ou discrète, la résistance désigne une « réponse […] à une situation jugée comme constituant une oppression par ceux qui s’en considèrent victimes » ou encore « le fait d’opposer une force à une autre » (Desmond Citation2011, 1132).

Cette résistance peut prendre différentes formes. Elle peut être plus ou moins discrète, plus ou moins organisée. Sur ce point, Hollander et Einwohner (Citation2004) proposent une typologie de sept formes de résistance en fonction des intentions des acteurs et du niveau de reconnaissance de la résistance par les organisations ou les institutions ayant énoncé les normes ou les standards et/ou les observateurs tiers ().

Tableau 2. Typologie de résistances selon Hollander and Einwohner (Citation2004), p. 544.

Par exemple, dans la première catégorie « overt resistance » (ou résistance manifeste), les auteurs mettent en avant le caractère visible et facilement reconnaissable de la résistance. On trouve dans cette catégorie les grèves et les révolutions ainsi que les actes individuels de refus. À l’opposé, dans la catégorie « attempted resistance » (résistance tentée), les actes sont intentionnels, mais échappent à l’attention des cibles ou des observateurs. Nous avons utilisé cette typologie pour étudier le cas de SPHÈRE.

L’injonction professionnelle au localisme puis à la décolonisation

À la suite de critiques et des insuccès connus sur le terrain, le secteur humanitaire a fait l’objet d’un nouveau changement de discours à partir des années 2000. Est alors promue une approche stratégique fondée sur la « localisation des interventions ». L’idée centrale reposait sur une volonté de transférer du financement et de donner plus de contrôle aux intervenants locaux dans l’établissement des stratégies de secours et leur gestion (Juma et Suhrke Citation2002). Il s’agissait alors de penser à la mise en place de modalités de gouvernance et de coordination qui fussent en mesure de respecter les conditions requises pour supporter le développement des capacités.

Quatre phases sont observables en matière de mise à niveau du processus de professionnalisation. La première phase portait sur les droits humains et la deuxième visait à renforcer les modalités de légitimation de l’action humanitaire. Une troisième phase, dite « de résilience et de localisation », a conduit à un renforcement des mécanismes de professionnalisation sans épuiser le besoin de bonification. Le paradigme de la localisation est depuis peu complété par celui de la « décolonisation des interventions » (). Les acteurs du système international se trouvent dans l’obligation d’apporter des changements internes qui ont été accélérés par la crise sanitaire mondiale causée par la Covid-19 (Curion Citation2020).

Figure 2. Succession de paradigmes qui influencent la professionnalisation de l’humanitaire moderne (Alalouf-Hall Citation2020)

Figure 2. Succession de paradigmes qui influencent la professionnalisation de l’humanitaire moderne (Alalouf-Hall Citation2020)

Pour une sociologie de la percolation

La théorie de la percolation est un paradigme pertinent pour étudier les systèmes complexes de nature désordonnée. Elle a été introduite en Citation1957 par Broadbent et Hammersley qui étudiaient le passage d’un fluide dans un filtre partiellement obstrué. Si nous transposons cette théorie de la percolation en sciences sociales, cela fournit un apport intéressant pour l’étude de situations rencontrées dans des systèmes sociaux complexes, tels ceux mis en lumière par Morin (Citation2005).

La composante de ces systèmes, comme celui de l’initiative SPHÈRE, ne représente pas des entités totalement soumises à la structure d’ensemble, mais bien des entités faisant preuve de liberté et de marge de manœuvre par rapport au système les intégrant. Elles le font en insufflant du sens dans un contexte de possible résistance aux effets de domination. Prendre en considération la possibilité de résister permet de comprendre comment les seuils de fonctionnement dans un système sont atteints. Ou à l’inverse, comment les dysfonctionnements, s’ils ne sont pas surmontés, deviennent contre-productifs. La compréhension de ce qui percole bien ou non devient centrale afin de voir comment des systèmes sociaux sont en mesure d’atteindre ou non une plus grande efficience, efficacité et pertinence. Les travaux d’Abrahamson et Rosenkopf (Citation1997) indiquent que la percolation sociale d’un comportement correspondrait au moment ou un individu ou un acteur social adopterait sans résistance et avec facilité le savoir proposé par une institution donnée. Ainsi, le seuil social de percolation serait défini en fonction du fait qu’une certaine proportion d’individus ou d’acteurs l’auraient adopté. L’enjeu revient donc à identifier les conditions requises pour atteindre un tel seuil.

Appliquée aux standards SPHÈRE, la percolation sociale correspondrait au degré d’appropriation ou de non-appropriation des standards dans une population aléatoire: i.e. à un ensemble hétérogène d’organisations privées, publiques et sociales appelées à intervenir au lendemain d’une catastrophe. Ces acteurs interviennent généralement de façon circonstancielle et ils sont amenés à le faire dans l’urgence ou de façon préventive.

C’est autour d’une double réalité que nous utiliserons le concept de la percolation sociale dans l’étude de SPHÈRE. Nous le ferons afin d’identifier les conditions requises aux deux phénomènes de percolation qui entrent en scène: le push (la volonté et le besoin de présenter et de transmettre une méthode/approche professionnalisante d’intervention) et le pull (la volonté et le besoin d’utiliser une méthode efficace, efficiente et pertinente de valorisation des normes et standards du Manuel). Cette dualité percolative représente:

  • des intérêts et des tensions qui s’expriment sous la forme d’une volonté descendante d'offrir une méthodologie d'intervention professionnalisante pour atteindre les objectifs universels d’aide humanitaire que s’est fixée l’initiative SPHÈRE; et,

  • un besoin ascendant, porté par des organismes nationaux, régionaux ou locaux, de faire reconnaître leur expertise/rationalité d’action en matière d'agir en contexte de crise humanitaire concrète.

Méthodologie

Cet article découle d’une thèse doctorale sur la technologie sociale que représente le Projet SPHÈRE. Pour répondre à notre objet de recherche, nous avons mobilisé différentes sources de données qui ont été travaillé à partir de deux grandes méthodes de travail: une revue exhaustive de la littérature et une collecte de nouvelles informations à l’aide d’outils qualitatifs reposant sur des entrevues semi-dirigées et une démarche d’observation participante.

La recension des écrits portait essentiellement sur des textes académiques et des documents de littérature grise produite par des organisations non gouvernementales (ONG) et de l’initiative SPHÈRE. Pour réaliser cette recension d’écrits, nous avons suivi la méthode d’examen systématique proposée par Khan et al. (Citation2003), laquelle s’effectue en cinq étapes: formulation des questions de recherche, identification des publications pertinentes, évaluation et tri des publications, synthèse des données sous forme de tableaux et interprétation des résultats.

Pour la collecte de nouvelles données, nous avons mis en parallèle les normes du manuel SPHÈRE (Citation2018) avec l’application des standards sur le terrain. Nous avons retenu de faire cet arrimage à partir de témoignages de professionnels de l’action humanitaire. Donc, à partir du regard posé par ceux et celles qui mettent en œuvre les normes et qui leur donnent vie en fonction du cadrage SPHÈRE de référence. Nous avons conduit vingt-sept entretiens entre 2018 et 2020 auprès d’acteurs provenant de dix-huit organisations impliquées dans le processus de standardisation de l’action humanitaire et/ou dans le programme SPHÈRE. Sur les 27 personnes interviewées, sept proviennent d’États du Sud (organismes locaux) ou ayant quitté leur pays d’origine (État du Nord) depuis plus de 20 ans. Environ 70% des personnes interrogées travaillent ou ont travaillé au sein d’organisations locales et nationales dans des zones considérées comme fragiles. Un pourcentage faible (environ 15%), mais significatif de répondants ou répondantes sont actuellement ou ont été formateurs ou formatrices SPHÈRE (en plus de leurs activités de travailleurs-es humanitaires). Toutes les entrevues ont abordé l’enjeu de l’appropriation des standards SPHÈRE et la question des résistances associées au processus d’appropriation. Enfin, afin de compléter la collecte qualitative de données, nous avons réalisé des activités d’observation participante en participant à une formation SPHÈRE et une formation « travailleurs humanitaires ». Cette démarche impliquait un exercice de simulation sur trois jours à l’aide de grilles d’observation.

Analyse des résultats

Nous présenterons dans cette section les résultats de notre démarche de recherche. Ils mettent en relation trois degrés de percolation et de résistance. Notre analyse nous permettra, dans un deuxième temps, d’identifier les facteurs clés nécessaires pour atteindre un seuil optimal de percolation.

Les degrés de percolation des standards SPHÈRE et les résistances associées

Nous avons indiqué que pour atteindre un seuil maximal ou optimal d’efficience, d’efficacité et de pertinence dans le déploiement d’actions humanitaires en situation de catastrophe, il fallait que la demande et l’offre de cadres d’intervention puissent bien dialoguer ensemble.

Les données que nous avons recueillies nous indiquent que des obstacles majeurs restent à surmonter. Dans les faits, nous avons observé une situation ou les processus d’appropriation génèrent des niveaux différents de résistance. Cette situation est à la fois positive et négative pour SPHÈRE. Négative lorsque la nature des résistances relève de facteurs qui ne reconnaissent pas le bien-fondé de normes ou de standards. Positive lorsqu’il y a bel et bien une volonté d’utiliser les standards, mais que ces derniers sont mal adaptés. La mal adaptation est ouvre la voie vers d’autres normes qui ne pourront être effectives que si elles sont reconnues. Les formes de résistance sont une source d’information essentielle pour le bon développement du Projet SPHÈRE. En ce sens, la résistance à l’appropriation de la démarche SPHÈRE ou la résistance aux éléments de contenu du Manuel SPHÈRE constituent autant de sources clés d’information pour la bonification de l’approche SPHÈRE et de son Manuel.

Selon les propos des personnes interviewées dans les dix-huit organisations et des intervenants rencontrés en personne ou en ligne lors d’une quinzaine d’événements, nous avons été en mesure d’identifier trois niveaux de percolation/résistance. Ces derniers sont présentés dans la .

Figure 3. Les degrés de percolation et de résistance aux standards SPHÈRE

Figure 3. Les degrés de percolation et de résistance aux standards SPHÈRE

À un extrême du continuum, nous observons une percolation minimale correspondant à un niveau élevé de tensions ou de résistances quant à la pertinence d’utiliser les standards du Manuel SPHÈRE. À l’autre extrémité du continuum, une faible résistance aux standards se traduit par un niveau élevé d’appropriation de ces derniers. Les acteurs sont alors partie prenante de l’initiative SPHÈRE et deviennent mobilisateurs de connaissances et de ressources. La différence entre ces deux situations tient, selon nos observations, à la qualité du niveau de proximité présent entre les acteurs de l’écosystème SPHÈRE. Plus des acteurs de l’humanitaire sont bien insérés et intégrés dans l’approche SPHÈRE, plus ils sont en mesure de bien s’approprier la démarche et offrir moins de résistance au processus de percolation. Moins ils le sont, plus les résistances en font des utilisateurs passagers, moins bien informés et surtout moins bien appuyés ou soutenus dans leurs actions humanitaires d’urgence. Entre les deux extrêmes, le niveau 2 traduit des situations de résistance modérée où les standards percolent relativement bien et sont moteurs dans la définition ou même la redéfinition des actions à faire sur le terrain. L’utilisation du Manuel est souvent complétée par le recours à d’autres données ou à des standards produits localement.

Selon les données des informateurs rencontrés, la stratégie de percolation sociale de SPHÈRE concentre son énergie sur les niveaux 2 et 3 d’intervention. Elle accorde moins d’attention et consacre peu de ressources au niveau 1.

Premier niveau: une percolation sociale minimale des standards ouvrant la voie à une forte résistance

Dans les faits, ce premier niveau concerne de petites organisations de l’humanitaire, moins bien dotées en ressources et souvent situées dans des zones fragiles où les catastrophes sont régulières. Ces organismes sont très rarement membres de SPHÈRE ou du moins ne sont pas en relation avec un point focal relais. Leurs visions, leurs réalités et leurs sensibilités sont très différentes des autres acteurs interrogés. Leurs témoignages se distinguent des autres et mettent en évidence le fait que ce premier niveau témoigne d’une absence de relation directe et d’écoute entre SPHÈRE et les acteurs sur le terrain.

Dans ce premier cas de figure, les acteurs se sentent isolés des discours, mais aussi des réflexions à l’origine de la création des standards. Ils rendent compte d’une asymétrie totale dans les relations. Les organisations locales d’intervention sont entièrement autonomes dans leur approche vis-à-vis de l’écosystème SPHÈRE ou encore du système international de l’aide humanitaire. Il revient à chaque individu/organisation de se documenter et d’utiliser les outils qui sont mis à leur disposition. La stratégie de percolation et la pédagogie développées par SPHÈRE sont perçues comme peu ou pas appropriées à leur réalité et à leur capacité.

Plus précisément, il apparaît clairement que cette grande autonomie (par défaut) ne permet pas de répondre à certains a priori datant de la grande phase de standardisation des années 2000.

À l’époque, il y avait tellement de normes et standards qu’il était très difficile, en tant que travailleur humanitaire de s’y retrouver! Le défaut majeur est que progressivement, la priorité et l’essence même de ces documents se sont perdues. On choisissait les guides de redevabilité les plus utiles pour faire des demandes de subventions ou pour avoir une certaine reconnaissance auprès des grands bailleurs de fonds. Donc redevable oui, mais envers qui? […] La standardisation humanitaire souffre encore de ce phénomène pourtant passé. Ce qui a des impacts sur le terrain en particulier avec les ONG locales. (Communication personnelle, R4Footnote1, mars 2019)

Dans ce cas de figure, les acteurs humanitaires sont très souvent informés de l’existence des documents SPHÈRE. Ils les utilisent parfois, mais ils ne se sentent pas investis dans l’initiative ou dans le débat international. Dans la majorité des entrevues menées auprès de professionnels locaux et internationaux de petites organisations, il a été souligné une certaine réticence à suivre totalement les standards et indicateurs. Les professionnels font plutôt le choix d’une utilisation à la pièce. De plus, ces acteurs humanitaires ont tendance à douter de l’utilité de tels standards eu égard à leur manque de souplesse.

Les documents tels que SPHÈRE sont-ils réellement des outils facilitateurs sur le terrain? Leur passé orienté vers les bailleurs internationaux peut nous faire douter encore aujourd’hui. Toutefois, c’est une mission importante pour la professionnalisation humanitaire: proposer des outils facilitateurs et non pas contraignants. Une contrainte supplémentaire n’est pas envisageable sur le terrain. […] C’est pourquoi certains sont anti-SPHÈRE. Il faut les comprendre, qui voudrait avoir plus de difficultés en intervention? (Communication personnelle, R21Footnote2, novembre 2020)

Certes, des outils de formation et des documents complémentaires sont disponibles en accès libre sur le site internet de l’initiative SPHÈRE: en anglais, français, espagnol et arabe. On trouve plus de 74 documents variés et l’ensemble des éditions du manuel SPHÈRE (en 39 langues). Il est également possible de s’abonner à l’infolettre SPHÈRE.

La majorité des professionnels en provenance de petites ONG locales, ou bien ayant travaillé avec des petites ONG locales, interrogés indiquent se sentir exclus des processus de production et d’usage du manuel SPHÈRE et des divers documents qui en découlent. Ces personnes soulignent de nombreuses barrières à l’entrée telles que: l’aspect trop académique, le caractère payant, la nécessité d’avoir des ressources technologiques suffisantes et des ressources humaines et financières pour accéder aux formations. Les standards SPHÈRE sont ainsi décrits comme une imposition d’un certain pouvoir idéologique du Nord ou au minimum occidental.

L’accès aux documents numériques, bien que gratuit, n’est pas toujours évident partout. Imprimer 300 pages n’est pas toujours facile et je n’ai pas les ressources pour le faire. Le manuel papier est payant pour des raisons évidentes d’édition. C’est malgré tout un frein. Surtout quand tu en as besoin en quantité pour les formations sur le terrain. Si je veux en faire venir [des manuels papier], je dois passer par des moyens détournés. Je demande à des coopérants/consultants internationaux de passage de venir avec une valise remplie de manuels achetés depuis une contrée du Nord. (Communication personnelle, R19, janvier 2020)

SPHÈRE met également à la disposition des acteurs de l’action humanitaire des activités virtuelles ou en présentiel (des formations par exemple). Cependant, elles sont souvent offertes depuis l’extérieur. L’approche apparaît une nouvelle fois comme un cadre d’action du Nord imposé au Sud.

Il y a des endroits où nous devons travailler sans internet, ou Wi-Fi. Et c’est plus souvent qu’on pourrait le penser. Il vaut mieux télécharger son Manuel ou ses outils avant! Des collègues de la Croix-Rouge, CICR, travaillent de plus en plus avec des outils différents. C’est avec le réseau téléphonique. Je peux dire l’application? WhatsApp, par exemple. Est-ce que SPHÈRE propose des ressources adaptées ou nous contacte via cette application? Pas encore. Il me semble. Est-ce que SPHÈRE est informé de ces nouvelles pratiques? Probablement. (Communication personnelle, R4, mars 2019)

Quand il y a des événements en Éthiopie autour des standards SPHÈRE, par exemple. Pourquoi fait-on venir un formateur londonien en Éthiopie pour diffuser les standards? Depuis le temps des formateurs ont été formés en Éthiopie. Ils sont compétents et ils attendent d’être appelés pour mettre à profit leur savoir. Il semble y avoir un manque de suivi ou une faille quelque part. Ça ne peut pas marcher là-bas dans ces conditions! (Communication personnelle, R19, janvier 2020)

De telles contraintes accentuent les résistances à l’utilisation des standards SPHÈRE en raison de son approche non contextualisée ou très occidentalocentrée. Cette résistance frontale contre SPHÈRE est observée tant à l’échelle d’ONG locales qu’au sein d’une partie des acteurs humanitaires de la communauté internationale.

Les acteurs sur le terrain indiquent devoir travailler seuls. Ils n’ont pas à être liés à SPHÈRE, sinon en fonction d’un point de vue technique ou informatif. Cette autonomie par défaut n’empêche pas la création de savoirs et d’une expertise locale, lesquels pourraient être partagés à plus grande échelle. Cependant, SPHÈRE n’est pas en mesure de bénéficier de ces apports par manque de relations de proximité avec lesdits acteurs humanitaires. Ici, on parle de localisation non choisie dans laquelle SPHÈRE instaure malgré elle des verrous qui ne permettent pas aux acteurs de passer aux niveaux suivants de percolation.

Deuxième niveau: percolation sociale modérée et résistance discrète

Plusieurs actions pour faire rayonner les standards induisent un deuxième niveau d’appropriation que nous appelons « percolation sociale modérée ». Ce niveau reprend les caractéristiques du niveau précédent (minimum) auxquelles s’ajoute une plus grande participation des organismes locaux aux maillons clés de la chaîne de commande ou de transmission des principes SPHÈRE: de l’application en passant par la formation et à la diffusion des outils SPHÈRE par l’entremise d’un ou plusieurs membres et de quelques partenaires.

La population d’organisations appartenant à ce niveau de percolation regroupe un ensemble varié d’organismes et d’individus. Ils réalisent des activités en matière de qualité et de redevabilité dans le domaine humanitaire tout en promouvant les standards SPHÈRE sur le plan régional. Ainsi, dans leurs activités habituelles, les promoteurs SPHÈRE de ce niveau cherchent à tisser et à entretenir des liens avec les organismes régionaux, ainsi qu’avec des organisations nationales et locales, tout en gardant l’approche de plaidoyer de SPHÈRE au niveau régional. Les organismes locaux jouent un rôle intermédiaire, ce qui les distingue très nettement du niveau précédent. Ils sont en mesure d’aller chercher l’information et de suivre les formations SPHÈRE adaptées à leur contexte. Il en découle une situation ou les travailleurs humanitaires locaux sont mieux informés et plus formés. Parfois, leurs organisations sont membres d’organisme parapluie partenaire du réseau ou de la communauté SPHÈRE.

Dès ce niveau, nous avons observé que la notion de partenariat entre en jeu. Être partenaire SPHÈRE devient important, mais n’est pas toujours compris de façon uniforme. La nature précise des partenariats établis est difficile à définir en fonction de la mission de l’ONG, mais aussi en raison de l’inégalité des pouvoirs (Lewis Citation1998).

Qu’entendons-nous par partenariats? J’ai travaillé pour plusieurs organismes. Les définitions varient d’un organisme à l’autre. C’est encore plus compliqué si on passe de l’urgence au développement. Le sens associé aux partenariats est encore plus varié. (Communication personnelle, R3, 2019)

Même si, dans les faits, les standards SPHÈRE sont pris en charge localement, d’autres barrières sont à l’origine de tensions: sur le membership (souvent payant) à l’intérieur d’un réseau local géré par un organisme partenaire, lequel permet d’assister aux formations en présentiel; ou encore, des aspects politiques liés à l’organisme partenaire, lesquels peuvent freiner ou rompre le dialogue; enfin, la nature du partenariat, lequel joue favorablement dans l’abaissement de tensions.

Pour faciliter l’accès à nos formations, ils nous arrivent d’offrir des tarifs préférentiels à des étudiants-es qui ne sont pas membres d’un organisme partenaire. (Communication personnelle, R26, février 2020)

Un réseau local, pris en charge par un intermédiaire autonome du réseau SPHÈRE peut entraîner des relations particulières d’inégalité structurelle dont le risque est d’aboutir à un rapport de patronage très éloigné de l’idéal de relations équilibrées recherché par l’initiative SPHÈRE. Bouju et Ayimpam (Citation2015) définissent ce déséquilibre sous la forme d’une violence structurelle, illustrée par le proverbe « la main qui donne est toujours au-dessus de celle qui reçoit ». (3)

On est petit et on ne fait pas partie du bon réseau pour avoir de l’accès aux informations. Mon organisme n’est pas membre du HNR pour de nombreuses raisons, majoritairement financières, disons. Donc oui, SPHÈRE, je connais. Je le trouve intéressant, mais je ne m’y associe pas plus que cela. Par ailleurs, j’ai ma propre formation médicale qui intervient. Il m’arrive parfois de feuilleter SPHÈRE (santé) pour me remettre à jour. C’est très bien fait, ça résume ce que je sais déjà, mais que je peux oublier. Nous aurions tout intérêt à nous former dans notre autre réseau aux standards SPHÈRE. C’est une démarche à entreprendre, un jour peut-être. (Communication personnelle, R10, février 2020)

Ces tensions, nous avons observé qu’elles ne donnent pas lieu à des résistances frontales, mais plutôt discrètes. Ces résistances se traduisent par une plus grande autonomie dans l’adaptation des formations suivies et des connaissances mobilisées au contexte local ou aux intérêts de l’organisme: par exemple, il peut s’agir de faire des ajustements en fonction du contexte local tout en favorisant le respect du vocabulaire SPHÈRE.

Les standards sont utiles en tant qu'outil de discussion et de réflexion. À condition de participer aux discussions, évidemment. C'est dans le processus continu d'adaptation des principes théoriques aux pratiques terrains que réside l’avantage de cet outil. Mais une fois que les standards sont inscrits, comme gravés dans le marbre, ils ne sont plus un outil de réflexion, mais deviennent des fins en soi à respecter. Une vision imposée parfois portée par un intermédiaire qui a lui aussi ses propres valeurs. (Communication personnelle R25, septembre 2019)

Troisième niveau: percolation sociale forte et tensions faibles

Plusieurs actions peuvent être classées dans ce troisième cas de figure, que nous appelons percolation sociale forte. Ce niveau reprend les caractéristiques de la percolation sociale modérée à laquelle s’ajoute une plus grande participation des organismes humanitaires locaux et autres acteurs dans les maillons clés de la chaîne décisionnelle ou d’action. Cela se traduit dans et par la participation à l’élaboration, l’application et la diffusion d’outils et des formations et la conduite d’évaluations. Les grandes spécificités de ce niveau de percolation tiennent à une forte proximité relationnelle, laquelle génère une forte appropriation par un nombre varié d’acteurs. Ces acteurs sont regroupés autour de points focaux. Ils intègrent aussi des professionnels de l’humanitaire, des élus locaux ou des membres du gouvernement. Cette diversité est adaptée aux contextes locaux.

Au cours des dernières années, l’initiative SPHÈRE a mis en place un réseau de 56 « points focaux » nationaux, lesquels sont répartis dans plus de 50 pays dans le monde (données SPHÈRE de mai 2020). Nous avons identifié des points focaux particulièrement actifs, composés d’organisations humanitaires, d’agences gouvernementales, de centres de formation et d’orientation professionnelle, de regroupements de bénévoles.

Beaucoup d’organisations internationales et nationales en RDC utilisent les standards SPHÈRE. Le gouvernement aussi les utilise. Un exemple relativement récent, c’était pour gérer la situation des réfugiés en partenariat avec le HCR en 2012-2013. (Communication personnelle, R27Footnote3, 2019)

Il existe aussi des plus petits points focaux composés de personnes physiques expérimentées, c’est le cas au Niger par exemple. Ces derniers promeuvent et défendent activement la mise en œuvre des standards SPHÈRE sur le plan national. Toutefois, ils ne s’engagent pas financièrement auprès de l’association SPHÈRE.

Ceci s’explique en partie par les ressources disponibles dans le pays et la manière dont les premiers répondants se mettent en place après une catastrophe. Ainsi, pendant les inondations de 2016–2017 au Sri Lanka, l’intervention humanitaire la plus rapide est venue de particuliers et du secteur privé, même si la coordination entre ces acteurs était quasi inexistante. C’est dans cette optique que le point focal sri-lankais, via le Manuel SPHÈRE, a travaillé de façon préventive au fil des ans, de façon à faciliter les collaborations entre particuliers et acteurs privés.

Ainsi, les activités peuvent varier d’un point focal à l’autre, et ce, en fonction des caractéristiques et des orientations prises, mais aussi en lien avec les besoins relevés par les personnes y travaillant. Bien qu’ancrées dans des principes et des valeurs communes, les pratiques et ressources divergent au sein du réseau des points focaux.

Par l’élaboration de ces points focaux, l’initiative SPHÈRE entend se démarquer du reste des organismes travaillant sur l’élaboration d’outils en réponse aux urgences. Elle le fait en développant des collaborations bilatérales tout en préservant sa spécificité originelle d’acteur opérationnel.

En 2017, SPHÈRE a organisé la toute première réunion internationale des points focaux. Nous essayons de créer le lien et de rester en contact le plus possible. Cette expérience sera donc renouvelée régulièrement. (Communication personnelle, R5, 2019)

Une deuxième édition de cette réunion par vidéoconférence a eu lieu pendant la Covid-19 en mai 2020. Vingt-trois points focaux se sont joints à la réunion ainsi que des formateurs et formatrices SPHÈRE.

Les points focaux sont le mode privilégié d’application du Manuel SPHÈRE. Ces derniers ont eu les informations concernant l’application du Manuel en temps de pandémie. Ils ne répondent pas à un modèle unique et s’adaptent aux besoins et aux ressources du pays d’attache. SPHÈRE considère que « le bon fonctionnement du réseau de points focaux est possible grâce à des fondations solides basées sur la confiance » (Communication personnelle, R5, 2019). Chaque point focal facilite grandement le dialogue entre les acteurs de l’humanitaire et permet une mobilisation élargie, ainsi, on a vu revenir dans le cœur des discussions autour de points focaux des organismes hostiles, à l’image du groupe URD en France.

Cependant, malgré cet encadrement de luxe, des tensions restent présentes et invitent à une bonification. Un des points de tension porte sur la hiérarchisation des informations.

Comment sélectionner les priorités dans des situations complexes? j’imagine que cette question revient à chaque individu et à son expérience. (Communication personnelle, R14, mars 2020)

Un autre point, inquiétant, a trait au manque d’amélioration des conditions des personnes formées ou dispensant les formations SPHÈRE. En effet, une des critiques qui revient souvent est qu’il n’y a pas de diplôme certifiant dispensé par SPHÈRE. « Notre modèle peut fonctionner si tout le monde y met du sien. C’est donc une difficulté majeure. Mais c’est aussi une grande réussite si cela fonctionne » (Communication personnelle, R6, février 2019). Dans certains lieux où la percolation sociale est forte, mais les ressources faibles, les personnes formées pensent pouvoir avoir accès à un meilleur avenir du fait qu’elles ont acquis les compétences clés du métier.

Les gens sont formés, ils passent beaucoup de temps à échanger avec SPHÈRE dans l’espoir d’une embauche. Ils ont l’impression parfois que c’est synonyme d’un diplôme d’université permettant alors de trouver du travail. La communication à ce sujet n’est pas très claire. Il y a un déséquilibre dans les attentes. (Communication personnelle, R19, janvier 2020)

Les points focaux sont d’autant plus hétérogènes qu’ils sont créés sur une base volontaire et ne sont pas financés par l’association SPHÈRE. Cependant, le simple fait d’être un relais dynamique des standards SPHÈRE permet une meilleure identification aux standards et une appropriation locale plus réussie. On observe aussi que les résistances à la standardisation sont moins présentes.

Discussion: les facteurs clés pour atteindre un seuil adéquat de percolation sociale bilatérale

Comme en rendent compte les entretiens que nous avons réalisés, si la question des standards est aujourd’hui au cœur de la réflexion humanitaire, ces derniers ne sont pas appliqués de façon uniforme sur le terrain. Ils sont appropriés et percolent dans un mouvement allant du haut vers le bas et du bas vers le haut, en fonction de facteurs variés tels que:

  • la qualité de proximité relationnelle mis en scène par la gouvernance SPHÈRE;

  • le niveau d’identification de l’acteur au projet SPHÈRE;

  • la volonté ou non de s’approprier les standards;

  • la capacité des ressources locales de les mettre en œuvre;

  • la pertinence de l’utilisation des standards SPHÈRE dans différents contextes.

De plus, et à un autre niveau, les relations de pouvoir Nord-Sud demandent aussi à être prises en considération. Dans les faits, ces relations révèlent la présence de rapports de pouvoir entre des agents en situation de domination et des agents dominés. Ces rapports génèrent de facto des tensions plus ou moins fortes qui influencent le processus d’appropriation/non-appropriation des standards SPHÈRE, lesquels rappelons-le sont produits essentiellement à partir d’un cadrage épistémique occidentalocentré.

Sur l’enjeu de la localisation, l’association SPHÈRE se questionne sur son applicabilité dans les interventions des territoires fragiles. Elle reconnaît qu’utiliser des normes et des standards là où le niveau de pauvreté est très élevé représente un défi. La documentation SPHÈRE parle moins de localisation que de contextualisation des interventions. Dans le plan stratégique SPHÈRE 2021-2025, les efforts portés sur la localisation et la contextualisation sont remontés dans les priorités de travail. Le développement du réseau SPHÈRE, priorité du plan stratégique 2015-2020, a ainsi perdu un peu de sa centralité au profit de la localisation et de la contextualisation des standards SPHÈRE.

Localisation et contextualisation: Soutenir l'adaptation nationale et locale aux circonstances locales, aux contextes changeants et aux crises majeures, y compris l'élaboration de conseils techniques adaptés. (SPHÈRE Citation2021, 2)

Ainsi, des données issues de la recherche réalisée, nous dégageons les observations suivantes.

Premièrement, l’élaboration de lignes directrices universelles SPHÈRE et la volonté qu’elles se traduisent par des applications spécifiques pour tenir compte du contexte local et institutionnel où advient une catastrophe est théoriquement jouable, mais difficile à appliquer textuellement sur le terrain. Nous notons la présence d’une contradiction de fond du fait que la prescription de valeurs quantitatives minimales universelles à atteindre pour respecter les directives prescrites impose l’atteinte d’objectifs ou la concrétisation d’indicateurs qui n’étaient souvent pas au rendez-vous avant la catastrophe. Dans les faits, les États dits « forts » vivent par définition au-dessus des minimums SPHÈRE. Par contre, dans les États dits « fragiles », les conditions actuelles de vie sont en dessous des standards promus par SPHÈRE. Les entrevues et les observations permettent de souligner que la marche à monter est plus haute et peut paraître inatteignable, inadaptée et frustrante. Cependant, la plupart des personnes interrogées ont convenu que les standards étaient effectivement universels (au même titre que le droit de vivre dans la dignité ou d’avoir accès à de l’eau potable), mais que ce sont les indicateurs clés qui posent problème, sous-entendant la présence d’une rigidité affirmée (injonction à atteindre) qui est décontextualisée des réalités locales où ces indicateurs doivent être appliqués. C’est l’exemple des 500 m de distance entre un point d’eau et un foyer qui est souvent cité lors des entrevues pour montrer l’inadaptabilité de l’indicateur au contexte.

Deuxièmement, même si les standards SPHÈRE ont fait face à de nombreuses critiques, ils cumulent néanmoins un grand nombre de points positifs et garantissent une forme de succès qui font que ces standards sont néanmoins pertinents. Les groupes d’experts contactés suggèrent que les standards SPHÈRE pourraient, à condition d’y mettre les efforts nécessaires, fournir des outils et des moyens aux populations affectées et aux ONG locales pour leur permettre de se saisir elles-mêmes des cibles à atteindre dans les opérations de secours à la suite d’une catastrophe d’ordre humanitaire. Certes, ce faisant, le risque est d’ouvrir la voie à une balkanisation et à une relativisation conduisant à la production d’une grande variété/diversité d’indicateurs. À notre sens, ce n’est pas tant le fait qu’il existe des standards visant le respect de la dignité humaine qui fait défaut que leur opérationnalité en fonction d’une nécessaire appropriation localisée.

Troisièmement, la percolation sociale des standards SPHÈRE, si tant est qu’elle soit possible, exige une compréhension plus granulaire des ressources et des capacités locales ainsi qu’une relation organique forte entre les acteurs terrains et le réseau SPHÈRE. Elles demandent aussi que les avantages pour et contre le processus de standardisation soient rendus transparents. Élever le niveau de compréhension de part et d’autre est essentiel pour comprendre comment les populations vivaient et quelles actions doivent être prises pour revenir minimalement au niveau de la qualité de vie vécue avant la catastrophe. Ayant atteint ce stade, d’autres interventions, post-catastrophe et de nature développementale, pourront prendre le relais pour élever les niveaux atteints, à condition que les populations y consentent et soient participantes dans les modalités de développement à mettre en place.

Quatrièmement, malgré tous les efforts déployés en date pour contrer ce phénomène, la logique occidentalocentrée est encore très présente dans la professionnalisation humanitaire. Dans le cas de l’approche SPHÈRE, il reste encore de nombreuses barrières à l’entrée. Mentionnons l’accès inégal à internet pour participer aux débats entourant la création et la diffusion des standards ou encore le manque d’appropriation locale en fonction du niveau de percolation.

Cinquièmement, le fait de mobiliser principalement des données établies de façon universelle demanderait de jumeler ces dernières aux standards locaux pré-catastrophe existants de façon à fournir aux ONG mobilisées une base de travail plus proche des conditions matérielles objectives à respecter. Ceci ne signifie pas qu’il ne faille pas améliorer la situation de base pré-catastrophe, mais qu’il s’agit de le faire dans un deuxième temps, une fois que la situation se sera stabilisée et qu’une mise en mouvement plus exigeante sera possible.

Enfin, sixièmement, une partie des tensions et des résistances à l’approche SPHÈRE tient à la persistance de préjugés à l’égard des savoirs locaux, des traditions locales, des savoir-faire et expertises locales. Dans ces éléments culturels locaux se logent de bonnes pratiques, en reconnaître la pertinence demande d’initier un processus de décolonisation progressive du savoir et des cadres normatifs issus de la façon occidentale de penser et définir la normalité.

Quand les médecins internationaux débarquent et parlent de « croyances » pour mentionner les connaissances locales, cela peut être considéré comme inapproprié. Cela ne facilite pas le dialogue. […] Il faut pouvoir accepter du nouveau contenu de connaissance. (Communication personnelle, R10, mars 2019)

Cette posture décoloniale apparaît essentielle pour prendre en compte certaines spécificités culturelles portées par les acteurs locaux et leurs organismes communautaires. C’est en agissant dans ce sens que les standards humanitaires ne seront plus considérés comme des héritiers de la colonisation. Une telle approche critique et anti-oppressive permettrait de déconstruire des valeurs, des politiques et des pratiques coloniales qui tendent à se répéter pendant les interventions dans les situations de catastrophe.

Cette prise en compte est d’autant plus importante que les travaux réalisés récemment sur l’impact de la Covid-19 font état d’une situation inquiétante pour le secteur humanitaire (Audet et al. Citation2020). D’une part, l’efficacité de l’action humanitaire internationale est menottée. En effet, les professionnels humanitaires ne pouvant plus voyager, ils ont été pour la plupart rapatriés par leur employeur dans leur pays, entraînant une révision des modalités de travail: télétravail et prise en charge locale d’interventions. D’autre part, la crise sanitaire a eu un impact sur les capacités de levée de fonds et donc sur les finances des grandes organisations. À titre indicatif, on a vu Oxfam international licencier 1 450 personnes en 2020 en raison de pertes financières (Tchandem Kamgang Citation2020).

Conclusion

Cet article dresse un portrait nuancé sur la réception des standards SPHÈRE et les tensions associées à l’heure de la localisation. Concernant la question portant sur la conciliation des deux phénomènes, « universalisme » versus « localisme », notre étude indique que la réponse à apporter repose principalement sur une révision des approches, des méthodes et de la posture générale de l’initiative SPHÈRE en considérant et en s’adaptant aux trois niveaux de percolation sociale des standards SPHÈRE.

Autrement dit, les standards SPHÈRE percolent différemment en fonction du cas humanitaire concerné (lieu, acteurs engagés, nature de la catastrophe, etc.). Ce qui génère des degrés de résistance plus ou moins forts qui agissent comme un frein à l’atteinte des objectifs de localisation et de décolonisation. Les résistances pourraient également être reçue comme des critiques constructives utiles si les rapports de pouvoir étaient transformés en rapport de collaboration fondés sur l’écoute active. Le seuil optimal de conciliation entre universalisme et localisme ne pourra être atteint qu’au moment où les standards seront produits dans un mouvement allant du haut vers le bas et du bas vers le haut (respect des cinq facteurs clés de succès), que l’approche sera parfaitement appropriée et que les normes et les standards auront été soumis à l’épreuve de situations catastrophiques très diversifiées.

Pour terminer, nous présentons un ensemble de recommandations et pistes d’action visant l’atteinte d’un seuil optimal de conciliation entre « universalisme et localisme ».

D’abord, nous avons vu que le niveau le plus faible de percolation était lié au niveau le plus élevé de résistance à l’utilisation des standards du Manuel Sphère. Nous avons aussi indiqué que ce faible niveau de percolation était le fait d’organisations faiblement en contact avec le réseau SPHÈRE. Deux pistes d’action se dégagent de cette première observation.

Premièrement, il importera, pour SPHÈRE, de mieux comprendre ce qui dérange dans l’application des standards SPHÈRE. Pour ce faire, le niveau de compréhension du message entre les utilisateurs du Manuel et le réseau SPHÈRE demandera à être élevé. Cela demandera de revoir la pédagogie du Manuel SPHÈRE. De la faire passer de passive à active, de fermée à ouverte, de façon à respecter la distance organisationnelle naturelle propre à ce niveau d’interactions (les organisations ne font pas partie du réseau SPHÈRE). En d’autres mots, il s’agira de préparer le Manuel, ou le matériel de formation de façon à présenter un cadre d’application des standards qui tiendra compte des réalités locales. Il n’y aurait alors plus des standards définis de façon universelle, mais plutôt des actions à poser dans l’urgence en fonction d’une idée-standard à moduler de façon variable en fonction du contexte de la catastrophe et du territoire concerné (État fort ou faible). Pour SPHÈRE, cela impliquera de travailler l’universalisme par et dans du spécifique, où le singulier permettra une adaptation de l’idée-standard.

Deuxièmement, il importera, dans la préparation de cette nouvelle approche pédagogique, de réaliser un travail de fond en matière de décolonisation et de localisation de l’approche SPHÈRE et de son Manuel. Ce travail de déconstruction de préjugés et de considérations culturellement non appropriées demandera à être fait de concert avec les grands cadrages culturels dans lesquels les standards seront appliqués. Pour y arriver, un rapprochement sera inévitable avec des organisations clés ayant eu à appliquer les standards et ayant la volonté et la capacité de collaborer avec SPHÈRE.

Ensuite, SPHÈRE est une organisation sous-financée. Elle fait un travail extrêmement important dont l’importance ne va allant qu’en grandissant. Pensons, à titre indicatif, au simple phénomène des catastrophes naturelles à venir liées uniquement à la montée du niveau des océans. Le sous-financement devrait devenir un objectif clé de la réorganisation de SPHÈRE. De un, plus d’argent devrait provenir des différents niveaux de gouvernement, du national à l’international. De deux, des fondations subventionnaires pourraient être plus sollicitées à la cause des catastrophes naturelles. De trois, les secteurs privés pourraient aussi être mis à contribution. Il y a donc place à une stratégie plurielle de financement.

Enfin, notre travail doctoral a resoulevé la centralité des connaissances pour une organisation du type de SPHÈRE. Qu’il s’agisse de connaissances liées aux territoires où adviennent les catastrophes, aux institutions et organisations propres à ces territoires ou encore au déroulement des actions d’urgence, recueillir des données s’avère vital pour améliorer et bonifier tant l’approche SPHÈRE que ses outils (Manuel, formations …). Il importera aussi de développer une réflexivité interne sur le fonctionnement de SPHÈRE. Nous l’avons vu, il est central de bien connaître les niveaux de percolation et de résistance afin de rendre les interventions d’urgence plus efficaces, efficientes et pertinentes. Sur ces différentes observations, il est clair qu’un point focal académique serait à envisager.

Remerciements

Je tiens à remercier mes directeurs de thèse, Jean-Marc Fontan et François Audet pour leurs commentaires constructifs, Yvan Conoir pour les discussions sur Sphère lors de TOT SPHÈRE à Ottawa et toutes les personnes interviewées pour ma recherche.

L'auteure

Diane Alalouf-Hall est candidate au doctorat en sociologie à l’Université du Québec à Montréal (UQAM). Sa thèse porte sur l’impact des pratiques occidentales normatives dans le contexte de solidarité internationale post catastrophe. (Thèse déposée en février 2022). Elle est également chargée de cours à l’UQAM et à l’Université de Montréal. Diane est actuellement chercheure postdoctorale à temps partiel à l’UQAM.

Correction Statement

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Notes

1 R4 : Personne en provenance d’États du Sud (organismes locaux) ou personne ayant quitté son pays d’origine (État du Nord) depuis plus de 20 ans.

2 Idem que R4.

3 Idem que R4.

Références

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