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Caractérisation géochimique et bactériologique des nappes d’une région à climat tropical sec au centre Sud de Madagascar

Geochemical and bacteriological characterization of aquifers in a dry tropical region in south central Madagascar

, , &
Pages 746-759 | Received 16 Jul 2012, Accepted 12 Dec 2013, Published online: 25 Mar 2015

Résumé

Le district de Betroka, soumis à un climat tropical sec, connaît d’importants problèmes de ressource en eau. Cette situation se traduit pour de nombreux habitants par la consommation d’eau de très mauvaise qualité tant sur le plan physico-chimique, que sur le plan bactériologique. Pour tenter d’améliorer cette situation, le gouvernement malgache a entrepris un programme d’alimentation en eau potable et assainissement en milieu rural (projet 350 forages), cadre du présent travail, afin d’assurer à l’eau destinée à l’alimentation humaine une qualité suffisante en termes bactériologique et minéral. L’étude microbiologique de l’eau souterraine du district de Betroka a confirmé l’absence de bactéries d’origine fécale. L’étude hydrochimique a révélé différents processus conduisant à la minéralisation des eaux souterraines en relation avec : (a) la remontée d’eau saline d’origine profonde à partir des fractures transversales du cisaillement majeur de Betroka, et à partir des failles normales à l’origine du graben de Mangoky et du domaine du massif en dôme et bassin du complexe intrusif d’Ianakafy ; (b) la dissolution des aérosols et embruns marins déposés, dissous par la pluie et entraînés jusqu’aux aquifères ; et (c) l’interaction des eaux météoriques et souterraines avec les minéraux des roches encaissantes (scapolite, phlogopite, biotite, hornblende, pyroxène…) qui pourrait également contribuer à la forte minéralisation observée.

Abstract

The district of Betroka, subjected to a dry tropical climate, experiences severe water resource problems. For many inhabitants, this situation results in the consumption of water of very bad quality in terms of both its physical chemistry and bacteriology. Therefore, to improve this situation, the Malagasy government planned to undertake a programme of drinking water supply and purification in rural areas (a project of 350 drillings), as part of which the present work has been carried out, to obtain water for human consumption of acceptable quality in terms of bacteriology and mineralization. The microbiological study of the groundwater of the district of Betroka confirmed the bacteriological purity because it does not contain bacteria of fecal origin. The hydrochemical study revealed different processes leading to the mineralization of the groundwater in relation to: (a) the ascent of the saline water of deep origin along the transverse fractures of the major shearing of Betroka, along the normal faults at the origin of the graben of the Mangoky, and of the domain of the massif in dome and basin of the intrusive complex of Ianakafy; (b) the dissolution of the aerosols and sea spray deposited, dissolved by the rain and integrated into the aquifers; and (c) the interaction between meteoric water and groundwater with mineral rocks (scapolite, phlogopite, biotite, hornblende, etc.) could also contribute to the strong mineralization.

INTRODUCTION

L’accès à l’eau potable de la population du district de Betroka (Centre Sud de Madagascar) est un problème majeur tant sur le plan quantitatif que qualitatif. Cette situation est encore plus manifeste en milieu rural où la population est confrontée quotidiennement à d’importantes contraintes pour satisfaire ses besoins en eau. Une des contraintes majeures est le problème de la pollution bactérienne de la ressource en eau de surface (fleuve Mangoky et ses affluents) qui est la principale source d’approvisionnement en eau ‘non potable’ de toute la zone. Elle n’est ni protégée de la pollution (matières fécales humaines et animales), ni traitée avant sa consommation par les hommes et les bovins. Cela favorise le développement et l’expansion de maladies liées à l’insalubrité et au manque d’hygiène comme la fièvre typhoïde, la dysenterie, le paludisme et la bilharziose. A ces contraintes liées à la pollution bactérienne s’ajoutent les longues distances pour accéder aux points d’eau de surface (fleuve et mares), tâche qui peut prendre plusieurs heures dans la journée et qui est strictement réservée aux femmes et aux jeunes filles.

Pour tenter d’améliorer les conditions d’accès à l’eau, dans un contexte climatique tropical chaud et sec, donc à ressource en eau limitée, la Banque africaine de développement (BAD) a financé un projet d’Alimentation en eau potable et assainissement (AEPA). Ce projet d’hydraulique villageoise par technique du marteau fond de trou (MFT), travail exécuté par la Compagnie chinoise de géo-ingénierie (CGC), a permis la construction de 350 forages sur la zone d’étude pour couvrir les besoins de 540 villages composés de petits groupes de hameaux plus ou moins éclatés (CGC et BAD Citation2001). Le débit d’exploitation des ouvrages a été déterminé après un pompage d’une durée de 4 heures par palier de débits enchaînés et croissants suivi de 2 heures d’observation de la remontée du niveau d’eau. Cependant, par manque de connaissances suffisantes du milieu, notamment de son hétérogénéité, le Bureau français de recherche en géologie appliquée (BURGEAP), chargé des sondages géophysiques, a été confronté dans certains cas (4,5% des forages) au problème de la minéralisation excessive des eaux de nappe (conductivité électrique > 4000 µS cm-1), rendant l’eau souterraine impropre à la consommation humaine. Dans d’autres cas (32,7% des forages), les puits étaient trop peu productifs pour être équipés (débit < 0,6 m3 h-1). Les forages restants, productifs, représentant 63,8% des ouvrages, ont été équipés de pompes à motricité humaine. Dans ce type de contexte climatique, notamment en Afrique, en dehors des processus de mélange par intrusion marine, on peut trouver de fortes minéralisations dans les eaux souterraines dont l’origine naturelle est diverse. Ces processus sont l’évaporation et la concentration des sels dans la zone non saturée au cours de la saison sèche puis leur redissolution au cours de la saison humide (Adams et al. Citation2001), les apports par la pluie et les dépôts secs ou humides (Akiti Citation1980). Les apports d’origine hydrothermale (Traoré Citation1985), le temps de résidence (Wright Citation1992) et les interactions eau–roche (Rabemanana et al. Citation2005) jouent également un rôle.

Cette étude propose (a) de caractériser la qualité physico-chimique et bactériologique des nappes, (b) d’identifier l’origine de la forte minéralisation, et (c) de définir sa variabilité spatiale au sein de la zone d’étude.

DONNEES ENVIRONNEMENTALES

Contexte géographique

Le district de Betroka est situé à environ 630 km au SSO de la capitale Antananarivo entre les hautes terres centrales et la partie Sud de Madagascar (22°58′–23°57′S et 45°20′–46°17′E ; altitude 550–900 m). La zone d’étude occupe une superficie de 14 060 km2 pour une population d’environ 148 000 habitants. Elle est soumise à un climat tropical chaud et sec. La température moyenne est de 27°C. La pluviométrie annuelle varie entre 800 et 1200 mm an-1 avec une évapotranspiration potentielle d’environ 1090 mm an-1 (Dufournet Citation1972).

Du point de vue hydrologique, la zone étudiée appartient en totalité au grand bassin versant du Mangoky (Brenon Citation1953). Ce bassin versant est couvert en grande partie par une vaste étendue savanicole où quelques manguiers se développent en touffes clairsemées. Une mosaïque de forêts galeries se forme dans la plaine alluviale de Mangoky qui s’allonge entre de vastes plateaux assez mollement ondulés où un réseau hydrographique, généralement temporaire, s’encaisse parfois profondément (Brenon Citation1953).

Du point de vue pédologique, il existe des sols ferrugineux tropicaux, des îlots d’associations de sols ferralitiques rouges et/ou jaunes, des sols faiblement ferralitiques et des ferrisols. Cet ensemble est complété dans l’espace de la zone par un complexe lithosol ainsi que des sols peu évolués qui pourraient favoriser l’infiltration au détriment du ruissellement.

Contexte géologique

La zone d’étude fait partie du bloc du Sud de Madagascar (système Androyen) délimité au Nord par le grand cisaillement senestre de Ranotsara daté de 375 Ma (Rolin Citation1991). Le volcanisme et la sédimentation qui ont affecté la zone ont eu lieu au Protérozoïque inférieur (2300 Ma) (Hottin Citation1976). Sur le plan pétrographique, la zone étudiée est formée essentiellement de roches silico-alumineuses de haut grade, conséquence d’un métamorphisme granulitique intense (catazone à ultrazone, métamorphisme de haute température et pression) d’âge panafricain daté entre 580 à 530 Ma (Razakamanana Citation1999). Ces roches sont constituées de leptynites, gneiss, granulites, charnockites et de formations pyroxéniques à scapolite riches en micas (biotite, phlogopite) (Joo Citation1971, Nédélec et al. Citation1992). À l’échelle de la zone d’étude, Rakotondrazafy (Citation1992, Citation1999) distingue trois grandes séries lithologiques :

  1. Série de leptynites constituant le fond géologique de la zone d’étude. A l’échelle des affleurements, ce sont des gneiss leucocrates ou des leucogneiss à quartz et feldspath avec peu de plagioclases.

  2. Série des roches métapélitiques constituée d’un ensemble de gneiss migmatitique à structure massive à rubanée avec succession de lits sombres riches en minéraux ferromagnésiens (pyroxène, biotite) et de lits clairs riches en quartz et feldspaths (orthose perthitique et oligoclase).

  3. Complexes calcomagnésiens constitués d’un ensemble métabasique remarquable par la présence de pyroxènites riches en micas (biotite et phlogopite). Cette dernière série est associée à des marbres et cipolins qui sont relativement rares et qui se présentent en faisceaux lenticulaires.

Du point de vue de la tectonique, la zone d’étude est traversée par un des cisaillements majeurs, celui de Betroka, qui affectent le Sud de Madagascar ( et ). Ce cisaillement de type vertical, aux linéations horizontales de paragenèse granulitique (spinelle-quartz-sillimanite-cordiérite…) (Martelat et al. Citation2000) est orienté N0° à N5° et fait 20 km de large sur toute la zone d’étude. L’extrême Ouest de la zone d’étude est caractérisé par une géométrie ovoïde, fermée, elliptique et plissée correspondant à la structure en dômes et bassins du complexe intrusif d’Ianakafy ( et ) (Windley et al. Citation1994). L’extrême Est est caractérisé par un graben comblé par des alluvions et traversé par le fleuve Mangoky ( et ). Le rejet des failles normales à l’origine de ce graben est d’environ 800 m (Brenon Citation1953, Premoli Citation1977).

Fig. 1 Carte géologique de la zone d’étude.

Fig. 1 Carte géologique de la zone d’étude.

Fig. 2 Coupe géologique de la zone d’étude suivant la ligne AB (Est–Ouest) (d’après Brenon Citation1953).

Fig. 2 Coupe géologique de la zone d’étude suivant la ligne AB (Est–Ouest) (d’après Brenon Citation1953).

Contexte hydrogéologique

Avant ce projet, peu de travaux de recherches ont été effectués dans la zone. On comptait à l’époque un unique puits de 6 m de profondeur creusé dans la plaine alluviale. Ce n’est que dans le cadre du projet AEPA (350 forages) que les investigations hydrogéologiques ont commencé.

Sur le terrain, nous avons rencontré deux aquifères :

  1. un aquifère superficiel contenant une nappe libre située dans la plaine alluviale du graben de Mangoky, dont la surface piézométrique est à moins de 10 m de profondeur en moyenne. La puissance du comblement alluvial dans ce fossé d’effondrement est par endroit de l’ordre de 60 m de profondeur, avec des matériaux grossiers (graviers, galets) et fins (argiles, sables fins). La conductivité électrique des eaux souterraines est inférieure à 300 µS cm-1. Le débit d’exploitation de la nappe, calculé à partir des nombreux essais de pompage, varie entre 0,6 et 10,0 m3 h-1. La conductivité hydraulique varie entre 5 × 10-2 et 10-5 m s-1, tandis que la transmissivité est comprise entre 10-1 et 10-5 m2 s-1, les faibles valeurs correspondant aux bordures du fossé d’effondrement où l’épaisseur des alluvions peut être très faible. Cette nappe est en équilibre avec le fleuve, étant tantôt drainée par le fleuve, tantôt alimentée par lui.

  2. un aquifère profond, composé de deux unités lithologiques, une partie inférieure constituée du socle fracturé et fissuré et une partie supérieure constituée d’une arène d’altération formée de sables grossiers. L’ensemble contient une nappe captive qui peut être artésienne par endroit. La puissance des arènes peut atteindre 10 m. La fonction de stockage (fonction capacitive) est assurée par l’arène sableuse grossière et la fonction conductrice par la zone de socle fracturée et fissurée (Grillot et al. Citation1987, Citation1989, Drouart et Vouillamoz Citation1999).

Dans la plaine alluviale, la couche imperméable séparant les deux aquifères est constituée de sédiments argileux d’épaisseur variable qui ont pour origine un dépôt sédimentaire en concordance avec le dépôt alluvial. En dehors de la zone alluviale, l’aquifère de socle est surmonté par endroits d’une couche ancienne d’altérite argileuse ferralitique, de 2 à 5 m (Brenon Citation1953), issue de l’altération complète des minéraux ferromagnésiens du socle et constituant un niveau imperméable (toit). Le socle fracturé et fissuré peut affleurer directement en surface, dans ce cas la nappe de socle est libre ( et ). Le débit d’exploitation ponctuel de la nappe, calculé à partir d’essais de pompages, varie entre 0,12 m3 h-1 (Ouest) à 14,9 m3 h-1 (Est). La conductivité hydraulique moyenne est de 4 × 10-6 m s-1 tandis que la transmissivité est comprise entre 2 × 10-5 et 5 × 10-5 m2 s-1. La nappe de socle qui est captive dans la zone alluviale, montre des niveaux piézométriques qui varient entre 7,1 m de profondeur et un artésianisme local. En dehors de la zone alluviale, le niveau piézométrique peut atteindre 15,6 m de profondeur sous la surface et certains forages proches de la zone alluviale présentent de l’artésianisme (). La nappe de socle présente une minéralisation plus élevée que la nappe alluvionnaire avec une conductivité comprise entre 300 et 4500 µS cm-1 marquée par une augmentation de la salinité de l’Est vers l’Ouest. Certains forages exécutés dans le socle leptynitique à grenat à l’Ouest de la zone et ayant une faible productivité (Q < 0,6 m h-1) produisent des eaux très minéralisées (). Ceci est à mettre en relation avec la conductivité hydraulique médiocre observée (4 × 10-6 m s-1), à l’Ouest, qui augmente le temps de transfert de l’eau à travers la matrice, facilitant ainsi les échanges avec les éléments minéraux de la roche encaissante (Besairie et Pavlovsky Citation1950).

Fig. 3 Coupe Ouest–Est du système hydrogéologique (cas où la nappe de socle est artésienne dans la plaine alluviale).

Fig. 3 Coupe Ouest–Est du système hydrogéologique (cas où la nappe de socle est artésienne dans la plaine alluviale).

Fig. 4 Photo illustrant l’affleurement du socle fracturé et fissuré.

Fig. 4 Photo illustrant l’affleurement du socle fracturé et fissuré.

Tableau 1 Résultats des analyses physico-chimiques (mg L-1) et bactériologiques (nombres de colonies/100 ml d’eau) (39 échantillons). NA : nappe alluviale ; NS : nappe du socle ; NA + NS : nappe alluviale + nappe de socle ; K : non analysé, négligeable dans le bilan ionique.

Tableau 2 Caractéristiques chimiques et hydrodynamiques des eaux souterraines les plus minéralisées dans la zone d’étude.

L’alimentation de la nappe d’alluvion est réalisée par un impluvium local (plaine alluviale), celle de la nappe de socle par un impluvium discontinu et régional à partir des affleurements du socle cristallin fracturé et fissuré qui représentent environ 60% de la surface hors zone alluviale. Les 40% restant du socle cristallin sont surmontés par une couche ancienne d’altérite argileuse ferralitique imperméable (Grillot et al. Citation1990, Dussarat et Ralaimaro Citation1993).

RESULTATS HYDROCHIMIE ET BACTERIOLOGIE

Echantillonnage et mesures

Sur l’ensemble de notre zone d’étude, on dénombre 37 ouvrages dans la zone alluviale, qui captent le plus souvent indifféremment la nappe libre et la nappe de socle sous-jacente, et hors zone alluviale 174 forages alimentés par la zone de socle en nappe libre ou captive.

Pour cette étude, 123 points de forages, toutes formations géologiques confondues, ont été échantillonnés et mesurés. Parmi eux, 99 points, soit 80,5%, sont en équilibre ionique (avec une erreur inférieure à 11%) et ont été interprétés. Ce seuil de 11%, plus élevé que la norme admise couramment (5%), a permis une étude chimique spatialisée plus fine et n’introduit pas de réel biais dans l’interprétation des faciès chimiques des eaux de notre étude. Cette différence sur l’erreur n’est pas liée à l’absence de la mesure de K+, peu présent dans les roches basiques ou à celles de Fe2+/3+et de Al3+, dont la dissolution sous ce type de climat est faible, mais plus probablement à une erreur sur les analyses faites à Madagascar. D’autre part, près des 2/3 des 99 échantillons respectent le critère de 5% (voir pour un sous échantillon représentatif spatialement de 39 points).

Les variables physiques, telles que la température et la conductivité électrique, ont été mesurées sur le terrain. Les variables chimiques, telles que le pH et les ions majeurs, ont été analysées par spectrométrie d’absorption atomique, () au laboratoire de la société JIRAMA (Eau et électricité de Madagascar) à Antananarivo. Les variables bactériologiques (germes totaux, coliformes totaux et fécaux) () ont été mesurées au laboratoire de l’entreprise CGC à Betroka à l’aide d’un équipement portable. La méthode employée, la filtration sur membrane, consiste à filtrer 100 ml d’eau sur une membrane poreuse, calibrée pour retenir les bactéries (0,45 µm). La membrane est ensuite placée sur un milieu nutritif autorisant le développement des bactéries par incubation pendant 24 heures à 37°C (germes et coliforme totaux) et 44°C (coliformes fécaux). Après 24 heures, les bactéries présentes forment des colonies identifiables à l’œil nu. Les résultats sont exprimés en nombre de colonies par 100 ml d’eau filtrée.

Présentation statistique des résultats

Dans notre analyse statistique, nous utiliserons les résultats chimiques et bactériologiques des 99 forages retenus précédemment, dont seul un sous échantillon de 39 points bien répartis spatialement et représentatif des différents faciès chimiques observés est présenté dans le . Sur ces 39 points, sept forages captent uniquement la nappe libre d’alluvion, trois forages captent simultanément la nappe alluviale et celle de socle sous les alluvions. En dehors de la zone alluviale, 21 points concernent la nappe de socle dans sa partie captive (surmontée par la couche d’altérite ferralitique) et huit points concernent la nappe de socle dans sa partie libre (socle fracturé et fissuré affleurant).

Sur le plan bactériologique, les eaux souterraines des 99 forages ont une teneur en germes totaux qui varie entre 10 et 305 germes/100 mL et aucun échantillon analysé ne présente de coliformes fécaux. La teneur en germes totaux de la nappe de socle, à l’état captif, varie de 56 à 120 germes/100 mL (). Celle de la nappe de socle à l’état libre varie de 55 à 305 germes/100 mL. Celle de la nappe libre d’alluvion varie de 56 à 120 germes/100 mL. Malgré cette forte teneur, les germes totaux sont constitués uniquement par des organismes non pathogènes responsables de la décomposition de la matière organique sur les premiers horizons du sol et ne présentent pas de contre-indication microbiologique à l’utilisation humaine de l’eau de la nappe. Cependant, cette migration bactérienne verticale vers la nappe alluviale et la nappe de socle à l’état libre montre que les eaux souterraines de la zone étudiée ne sont pas à l’abri d’une éventuelle pollution fécale en cas de pollution anthropique locale. On note aussi que, dans la partie captive de la nappe de socle, le transfert horizontal transporte les germes même si le niveau de contamination est moindre. Les coliformes totaux varient peu, entre 0 et 5 coliformes totaux/100 mL. D’après l’OMS, le nombre limité de coliformes totaux est éventuellement un indicateur d’efficacité du traitement des eaux rejetées (stérilisation) et ne sont donc pas indicateurs d’une pollution fécale (Vandepitte et al. Citation1994, Drouart et Vouillamoz Citation1999), mais dans notre zone d’étude les rejets ne sont pas traités.

La température des eaux souterraines (99 points) varie de 27,5 à 28,5°C. On constate que l’amplitude thermique des eaux souterraines reste faible. Les eaux captées à moins de 30 m de profondeur présentent une température de 27,5°C et les plus profondes correspondent à un gradient géothermique de 1°C par 33 m.

Sur le plan chimique, le pH des eaux varie de 4,00 à 7,74. Plus de 80% des échantillons d’eau présentent un pH qui approche de la neutralité (6,68 à 7,74), le reste étant plus acide (de 5,75 à 6,01, à l’exception du forage 364N (nappe de socle à l’état libre) présentant un pH de 4). Cette forte acidité s’expliquerait d’une part, par la nature du sol très siliceux, qui pourrait être associé à une forte décomposition de la matière organique avec aussi comme conséquence secondaire une désorption plus importante des métaux de transition divalent (Cu, Zn…) (Derron Citation2004).

La conductivité électrique des eaux souterraines (99 points) varie sur une large gamme (), ceci indiquant des processus de minéralisation des eaux souterraines non uniformes. Les facteurs pouvant influencer la minéralisation sont liés à la diversité de la minéralogie, à la variabilité de la transmissivité, et aussi à des facteurs morphotectoniques, parmi lesquels, principalement, les mouvements verticaux, entraînant un apport de flux minéralisé des parties plus profondes, par rapport au seuil hydraulique du cisaillement, du graben et la fracturation néotectonique du socle et des altérites (Arthaud et al. Citation1990, Dussarat et Ralaimo Citation1993).

Les eaux les moins minéralisées (moins de 300 µS cm-1) représentent 56% de la totalité des échantillons analysés (99 forages). Ces points sont généralement repartis à l’Est du cisaillement majeur de Betroka, plus précisément dans la plaine alluviale du Mangoky et sont à rattacher aux eaux de la nappe alluviale ().

Fig. 5 Distribution spatiale des conductivités électriques, EC (99 échantillons).

Fig. 5 Distribution spatiale des conductivités électriques, EC (99 échantillons).

Les eaux moyennement minéralisées (entre 300 et 1000 µS cm-1) représentent 29,1% de la totalité des échantillons. Ces points d’eau sont repartis de part et d’autre du cisaillement majeur de Betroka et concernent les eaux de la nappe arène-socle située hors zone alluviale.

Les eaux très minéralisées (conductivité > 1000 µS cm-1) représentent 14,6% de la totalité des échantillons d’eau analysés. Ces points d’eau sont répartis uniquement à l’Ouest de la zone d’étude, entre le cisaillement de Betroka et le massif en dôme et bassin du complexe intrusif d’Ianakafy et concernent les eaux de socle. On observe donc une évolution progressive de la conductivité électrique des eaux de l’Est vers l’Ouest.

Interprétation des faciès chimiques

Le report des points d’eau sur le diagramme de Piper définit quatre faciès chimiques prédominants (). Il s’agit de Mg2+-Ca2+-HCO3-/Ca2+-Mg2+-HCO3- ; Na+-HCO3- ; Na+-Cl- et Mg2+-Ca2+-SO42-(Cl-)/Ca2+-Mg2+-SO42-(Cl-). Le calcium et le magnésium sont les cations dominants pour la plupart des eaux, souvent suivis du sodium. Le bicarbonate est l’anion dominant mais avec l’augmentation de la conductivité électrique, Cl- devient prédominant.

Fig. 6 Représentation des faciès chimiques de l’eau souterraine dans un diagramme de Piper (99 échantillons).

Fig. 6 Représentation des faciès chimiques de l’eau souterraine dans un diagramme de Piper (99 échantillons).

Les faciès chimiques Mg2+-Ca2+-HCO3-/Ca2+-Mg2+-HCO3- représentent généralement les eaux de la nappe du socle de la série des roches métapélitiques située hors zone alluviale. La mise en solution des espèces minérales silicatées (Ca, Mg) en présence d’eau et de CO2 répond à une réaction du type:

(1)
La majorité des points d’eau analysés se regroupent dans un nuage relativement resserré, représentatif de ces deux faciès. L’eau de ces deux faciès se distribue le long de la bordure Ca-Mg proche, soit de l’apex calcique, soit de l’apex magnésien du diagramme de Piper. Les eaux traversant des roches mafiques et ultramafiques, hors zone alluviale, sont plus minéralisées que celles de la série des leptynites et des roches métapélitiques (Derron Citation2004).

Les eaux les moins minéralisées, de conductivité fréquemment inférieure à 100 µS cm-1, appartiennent à la nappe alluviale. Dans le , les neuf points captant uniquement la nappe alluviale ont des conductivités s’échelonnant entre 50 et 380 µS cm-1, trois points (Q38S, T19 et Q15) présentent les faciès chimiques Mg2+-Ca2+-HCO3-/Ca2+-Mg2+-HCO3- liés au processus normal de minéralisation par dissolution des minéraux du sol au cours de la recharge (Adams et al. Citation2001, Rajaobelison et al. Citation2001), les six points restants (T08, T18, Q17, Q26, Q28 et 415) présentent un faciès chimique Na+-HCO3-, que l’on peut lier aux pratiques culturales irriguées (riziculture) sur le dépôt alluvial qui conduirait par évaporation à la rétention du sodium pendant la saison sèche et à sa lixiviation massive jusqu’à la nappe pendant la saison des pluies. Na+ est issu de l’altération des minéraux de feldspaths (oligoclases et plagioclases sodique). Les trois autres points prélevés en zone alluviale résultent d’un mélange de la nappe alluviale et de la nappe de socle et contrastent au niveau de la conductivité (entre 1057 et 2440 µS cm-1) et en terme de faciès (Na+-Cl-) pour deux d’entre eux (T15S et Q14) ce qui est caractéristique d’un type de chimisme correspondant aux eaux du socle.

Ces trois faciès Mg2+-Ca2+-HCO3-/Ca2+-Mg2+-HCO3- et Na+-HCO3- se distribuent généralement à l’Est du cisaillement de Betroka où la conductivité hydraulique est très élevée.

Les faciès chimiques Mg2+-Ca2+-SO42-(Cl-)/Ca2+-Mg2+-SO42-(Cl-) représentent les eaux des roches du complexe calcomagnésien renfermant de la scapolite (pyroxénite à scapolite), de la pyrite et des micas riches en chlorures (biotite et phlogopite). Les eaux du complexe calcomagnésien (mafique et ultramafique) sont caractérisées par des teneurs élevées en magnésium et calcium, généralement Mg2+ > Ca2+. La scapolite ou wernérite de formule générale [(Si2 Al O8)6] (SO4, Cl2, CO3) (Na, Ca) est un minéral silicaté (feldspath) qui forme une série isomorphe entre les deux extrêmes sodique et calcique (Rakotondrazafy Citation1992).

Enfin, le faciès chimique Na+-Cl- illustre la dissolution possible des minéraux salins. Il est caractéristique en général des terrains sédimentaires contenant des séquences évaporitiques (halite, sylvinite) alors que le fond géologique de la zone étudiée est constitué uniquement de formations cristallines. Cela suppose donc l’ajout d’ions Na+ et Cl- (Wang et al. Citation2013) dont nous définirons plus loin les origines possibles. Les faciès Ca2+-Mg2+-SO42-(Cl-) et Na+-Cl- se rencontrent généralement à l’Ouest de la zone d’étude.

Si on étudie les concentrations des éléments chimiques et leur corrélation avec la minéralisation totale (), on constate que pour la majeure partie des points d’eau, la variabilité de la minéralisation totale est liée principalement aux chlorures, sodium, magnésium et calcium avec des coefficients de détermination de R2 = 0,845 pour le chlorure, R2 = 0,881 pour le sodium et le magnésium et R2 = 0,883 pour le calcium. Ces quatre éléments chimiques sont les principaux facteurs contribuant à la minéralisation de tous les points analysés. Le sulfate explique une part moins importante de la minéralisation. Le bicarbonate dont la teneur diminue au profit de celle du chlorure apparait plus indépendant.

Fig. 7 Relation entre les éléments chimiques majeurs et la minéralisation totale (99 échantillons).

Fig. 7 Relation entre les éléments chimiques majeurs et la minéralisation totale (99 échantillons).

La , qui représente le rapport [Na+]/[Cl-] en fonction de la conductivité électrique (99 échantillons), permet de définir deux origines minérales principales pour ces éléments. Pour les valeurs faibles de conductivité électrique, le rapport [Na+]/[Cl-] est en général supérieur à 0,86 (le rapport théorique de l’eau de mer). Il y a également un apport de sodium lié à l’altération des minéraux silicatés (plagioclase sodique). Pour les valeurs plus fortes en conductivité électrique, le rapport [Na+]/[Cl-] se rapproche du rapport marin, et doit être mis en relation avec un apport des aérosols et embruns marin transportés verticalement dans le sol qui vont ainsi contribuer à la minéralisation de ces eaux. [Na+]/[Cl-] peut être aussi très inférieur à 0,86 (avec ou sans une conductivité élevée dépendant de la part des aérosols marins dans la minéralisation) suggérant un apport de chlorures non liés au sodium qui semble représentatif, dans notre contexte géologique, de processus de lixiviation des inclusions fluides riche en Cl- d’une part et de l’altération de certains minéraux comme les micas (biotite, phlogopite) et scapolite d’autre part (Rabemanana et al. Citation2005).

Fig. 8 Rapport [Na+]/[Cl-] en fonction des conductivités électriques (99 échantillons). Les points, dont les sites G19, T15S et H34 (,) présentant un rapport ionique autour de 0,86, indiquent une origine marine (embruns, lixiviation des dépôts de sels dans le sol) principalement pour les deux composants ; les points, dont les sites 316 et 103, ayant un rapport <<0,86, indiquent une origine minérale d’altération ou de lixiviation d’inclusion pour le chlorure principalement ; et les points, dont les sites H14 et 415 présentent un rapport >>0,86, indiquent une origine minérale d’altération pour le sodium.

Fig. 8 Rapport [Na+]/[Cl-] en fonction des conductivités électriques (99 échantillons). Les points, dont les sites G19, T15S et H34 (Tableau 1,) présentant un rapport ionique autour de 0,86, indiquent une origine marine (embruns, lixiviation des dépôts de sels dans le sol) principalement pour les deux composants ; les points, dont les sites 316 et 103, ayant un rapport <<0,86, indiquent une origine minérale d’altération ou de lixiviation d’inclusion pour le chlorure principalement ; et les points, dont les sites H14 et 415 présentent un rapport >>0,86, indiquent une origine minérale d’altération pour le sodium.

La , qui représente [Ca2+]/[SO42-] en fonction de la conductivité électrique (99 échantillons), peut être analysée de la même manière que [Na+]/[Cl-]. Pour [Ca2+]/[SO42-] aux alentours de 0,36 (le rapport théorique de l’eau de mer), on peut le relier à une contribution d’origine marine à partir d’embruns et d’aérosols emmenés jusqu’à la nappe par les précipitations. Pour [Ca2+]/[SO42-] supérieur à 0,36, le processus principal correspondrait à une minéralisation importante à partir des minéraux silicatés riches en Ca2+ et Mg2+ comme les pyroxènes (Ca, Fe, Mg) (SiO3), hornblende (Na, Ca)2 (Fe, Mg, Al)2 [(Si, Al)8 O22] (OH-, Cl-, F-) et les plagioclases calciques. On peut noter que Mg2+ et Ca2+ augmentent en même temps. Enfin pour [Ca2+]/[SO42-] inférieur à 0,36 on aurait la marque de la contribution de minéraux sulfatés contenus dans la scapolite ou contenant du soufre sous d’autres formes comme la pyrite.

Fig. 9 Rapport [Ca2+]/[SO42-] en fonction de la conductivité électrique (99 échantillons). Rapport [Ca2+]/[SO42-] vs EC (99 samples). Les points, dont les sites Q38S, H28N, F16 et G19 (), présentant un rapport ionique autour de 0,36, indiquent une origine marine (embruns, lixiviation des dépôts de sels dans le sol) principalement pour les deux composants ; les points, dont le site H22, ayant un rapport <<0,36, indiquent une origine minérale d’altération ou de lixiviation d’inclusion pour le sulfate principalement ; et les points, présentant un rapport >>0,36, indiquent une origine minérale d’altération pour le calcium.

Fig. 9 Rapport [Ca2+]/[SO42-] en fonction de la conductivité électrique (99 échantillons). Rapport [Ca2+]/[SO42-] vs EC (99 samples). Les points, dont les sites Q38S, H28N, F16 et G19 (Tableau 1), présentant un rapport ionique autour de 0,36, indiquent une origine marine (embruns, lixiviation des dépôts de sels dans le sol) principalement pour les deux composants ; les points, dont le site H22, ayant un rapport <<0,36, indiquent une origine minérale d’altération ou de lixiviation d’inclusion pour le sulfate principalement ; et les points, présentant un rapport >>0,36, indiquent une origine minérale d’altération pour le calcium.

DISCUSSION SUR L’ORIGINE DE LA SALINITE

En dehors de la minéralisation, issue de la dissolution des minéraux par l’eau traversant la zone non saturée et lors de la circulation de l’eau dans l’aquifère, trois hypothèses de processus majeurs semblent être à l’origine de la salinité, notamment en Na+-Cl-, de la nappe de socle dans notre zone d’étude :

  1. La remise en solution, par les pluies, des aérosols/embruns marins et des sels précipités dans la zone non saturée durant la période sèche, processus observé dans les îles ou dans les zones à climat sec (Wang et al. Citation2013). Cette hypothèse peut être mise en relation avec le rapport [Na+]/[Cl-] des eaux de nappe qui se rapproche du rapport marin (0,86) ou qui est très inférieur à celui-ci (). Les observations hydrodynamiques montrent que ce phénomène contribue de manière importante à la minéralisation de la nappe captive à l’Ouest de la zone étudiée où la circulation du flux est faible. En effet, le rapport [Na+]/[Cl-] < 0,86 fréquent montre cet apport d’origine marine, qui s’ajoute au processus de minéralisation lié au long temps de transit de l’eau dû aux faibles transmissivités mesurées. Rabemanana et al. (Citation2005) confirment que l’essentiel de la salinité des eaux de cette région a pour origine la dissolution des sels stockés dans le sol par la forte évaporation, à laquelle pourraient s’ajouter les aérosols et les embruns marins ainsi que des apports anthropiques. Rajaobelison et al. (Citation2001, Citation2003) ont montré à partir d’un diagramme Cl- vs 18O que le lessivage de dépôts de sels dans la zone non saturée contribue à la salinité des eaux souterraines du socle cristallin.

  2. La remontée d’eau saline d’origine profonde vers la surface à partir de failles est un processus assez fréquent (Barroll et Reiter Citation1990, Benderitter et Elsass Citation1995, Stober et al. Citation1999). Dans notre contexte, ces eaux remonteraient à travers le cisaillement majeur de Betroka et se mélangeraient avec les eaux de la nappe issues de l’infiltration des pluies. Selon ce même schéma, les failles normales, à l’origine du fossé d’effondrement du Mangoky, favoriseraient également la remontée d’eau fortement minéralisée. La répartition spatiale des eaux très minéralisées à l’Est entre le cisaillement majeur de Betroka et le complexe intrusif d’Ianakafy (massif d’anorthosite) ne fait que renforcer cette hypothèse. Rajaobelison et al. (Citation2001, Citation2003) suggèrent que les eaux salines dans l’aquifère fracturé et fissuré trouveraient leur origine dans la remontée de fluides très minéralisés, datant de l’époque des métamorphismes intenses du Précambrien, canalisées par les réseaux de fractures et fissures transversales créés le long des axes des cisaillements majeurs dont celui de Betroka, et du domaine en dôme et bassin (intrusion d’anorthosite). La chimie a montré que l’effet d’un tel fluide sur la salinité des eaux souterraines serait plus significatif que celui lié au processus d’altération (Rajaobelison et al. Citation2003).

  3. L’interaction de la nappe avec des éléments minéraux riches en ion Cl- de la roche encaissante fracturée et fissurée, ou le lessivage des inclusions fluides des minéraux, ces deux processus pouvant être favorisés par le contexte géologique (Lacroix Citation1922, Nordstrom et Olsson Citation1987). L’apport salin par inclusions fluides ne semble pas être le processus privilégié ici car d’après Nordstrom et Olsson (Citation1987) la nappe doit être en condition statique. Dans notre cas d’étude, même si nous n’avons pas de données fiables concernant les volumes exploités, on peut supposer que le grand nombre de forages exploités n’est pas propice à la conservation d’un état d’équilibre. Ranaivoson (Citation2005) a mis en évidence, au Sud-Ouest de la zone d’étude, l’existence de fortes minéralisations en chlorures, que l’on retrouve dans certains de nos forages profonds (eaux prélevées à une trentaine de mètres de profondeur, ). On ne note pas de relation entre profondeur de l’eau échantillonnée et minéralisation, ce qui suggère que la salinité est liée plutôt à la faible vitesse de circulation locale des flux, qui favoriserait ainsi l’augmentation de la charge saline de l’eau au sein des aquifères à perméabilité de fracture (Besairie et Pavlovsky Citation1950). La présence importante sur la zone d’étude de formations pyroxénites riche en différents minéraux pouvant contenir des chlorures en trace, pyroxène, pyrite, azurite, calcite, apatite, sphène, anhydrite, fluorite, spinelle, actinolite, pyrrhotite, thorianite, zircon, anorthite, suppression, mais surtout biotite K2 (Mg, Fe) [Al Si3 O10]2 (OH-, Cl-, F-), phlogopite K2 Mg6 [Al Si3 O10] (OH-, Cl-, F-)4 et scapolite (Na, Ca)4 [Al3 Si9 O24] Cl-, rend cette hypothèse recevable. D’après Aurouze (Citation1959) l’altération des minéraux ferromagnésiens de la zone étudiée pourrait produire 200–600 mg kg-1 de chlorures dont la plus grande part proviendrait des micas et de la scapolite, le passage des chlorures se faisant par échange anionique avec leur groupe hydroxyle respectifs (Kourdian Citation2002).

A ces trois processus naturels s’ajoutent les activités anthropiques de surface générant aussi un apport de chlorures et d’autres éléments. Cette hypothèse est confirmée par la présence de fortes teneurs en nitrates () dans les eaux des forages 103 (nappe de socle libre à proximité d’une porcherie) et Q26 (nappe libre alluviale, à proximité du fleuve) où un troupeau de bovins est concentré, l’apport de nitrates par des fertilisants semblant négligeable. Rajaobelison et al. (Citation2001, Citation2003) concluent d’ailleurs à partir de la relation δ15N vs NO3- que les nitrates viendraient d’une minéralisation biologique progressive des matières organiques (excreta animal et humain).

CONCLUSION

La zone d’étude, soumise à un climat tropical sec, connaît d’importants problèmes de ressources en eau tant en quantité qu’en qualité. L’analyse géochimique et bactériologique des eaux souterraines a permis de clarifier un certain nombre de processus. L’étude microbiologique de tous les points d’eau analysés a mis en évidence une potabilité bactériologique des nappes d’eau souterraine, bien qu’elles restent vulnérables à une éventuelle pollution par les matières fécales. L’étude hydrochimique a montré la coexistence possible de divers processus conduisant à la forte salinité observée des eaux de la nappe du socle. Il s’agit (a) de la remontée des eaux salines d’origine profonde canalisées par les réseaux de fractures du cisaillement majeur de Betroka, les failles normales à l’origine du graben du Mangoky et le domaine du massif en dôme et bassin du complexe intrusif d’Ianakafy ; (b) de la dissolution des aérosols et embruns marins à laquelle pourrait s’ajouter la dissolution des sels stockés dans les premiers mètres de la zone non saturée en relation avec le processus saisonnier évaporation/infiltration ; et (c) de l’interaction entre l’eau de la nappe et les minéraux de la roche encaissante (biotite, phlogopite).

Une étude hydrologique beaucoup plus approfondie portant sur l’ensemble de la région de Horombe serait indispensable pour avoir des informations précises sur le degré de salinité des eaux souterraines de cette région et sur son étendue. En complément, la mesure des isotopes stables de l’eau : deutérium (2H) et oxygène (18O) ; et radioactifs : tritium (3H) et carbone (14C) seraient un atout majeur dans cette étude pour mieux comprendre la minéralisation de l’eau et son évolution ainsi que les temps de transfert de la surface jusqu’à la nappe. Enfin, une étude hydrodynamique fondée sur une campagne de pompages d’essai de longue durée pourrait être utile pour mettre en évidence la pérennité des ouvrages d’alimentation en eau potable.

Déclaration de divulgation

Aucun conflit d’intérêts potentiel n’a été rapporté par le(s) auteur(s).

Remerciements

Cette étude n’aurait certainement pas vu le jour sans la collaboration étroite du Ministère de l’énergie et des mines (MEM), de la Compagnie chinoise de géo-ingénierie (CGC) et de la Société nationale de l’eau et de l’électricité de Madagascar (JIRAMA). Merci à Zalhat Bacar, Rakotondrazafy Raymond, Ralison Bruno, Ratrimo Voahangy, Ramasiarinoro Voahanginirina, Ratsizafy Olivier et Li Xian Chun pour les discussions fructueuses. Le personnel du laboratoire (JIRAMA Antananarivo) qui a participé à la réalisation des analyses physico-chimiques est vivement remercié.

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