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Pour une approche « décoloniale » des récits de banlieue

 

Abstract

This article aims to deal with the « banlieue » narratives, such as testimonial or fictional narratives, according to the epistemic framework of Decoloniality Thought developped in South America and the migrant litterature poetics from Canada. We propose to analyse the memory work-in-progress that these narratives build, whereas cultural representations and collective memories of the « banlieue » populations can hardly reach a social visibility.

Abstrait

Il s’agira dans cet article d’aborder la typologie des récits de banlieue, aussi bien les récits testimoniaux que les récits fictionnels, à partir du cadre épistémique de la pensée décoloniale sud-américaine et de la poétique de la littérature migrante définie au Canada. On s’intéressera alors à la mise en place d’un travail mémoriel qui s’élabore dans ces récits alors même que les représentations et les mémoires collectives parviennent difficilement à accéder à une visibilité sociale.

Notes

1. Il ne s’agit, à travers la terminologie « banlieue », de catégoriser ni l’expérience ni l’espace mais de retenir l’idée d’un espace périphérique dans sa pluralité. L’usage sociologique des termes « cité » ou « quartiers » n’a fait qu’opérer un déplacement lexical du problème car la réalité souffre toujours d’une représentation liée à un « espace-lieu-commun ». En l’occurrence, la multiplicité des expériences fait écho à la diversité des espaces. Aussi, s’agira-t-il d’employer systématiquement le terme au pluriel, « les banlieues », afin d’atténuer l’effet d’écrasement induit par une représentation archétypale, une image-écran.

2. Selon Pierre Nora, « Un objet devient lieu de mémoire dans tous les sens du mot quand il échappe à l’oubli, par exemple avec l’apposition de plaques commémoratives et quand une collectivité le réinvestit de son affect et de ses émotions » (« Entre mémoire et histoire : la problématique des Lieux » in Les Lieux de mémoire. Tome 1 : La République, Gallimard, Citation1984, p. XVII.) L’expression « non-lieux de mémoire » forgée par Gérard Noiriel (Le creuset français, Seuil, Citation1988) porterait ici autant sur la notion de non-lieu où une mémoire a du mal à se fixer qu’à une antinomie du lieu de mémoire.

3. Pour Michel Kokoreff et Didier Lapeyronnie, « la question des cités a une forte dimension politique : elle est le produit de la marginalisation d’une partie de la population qui n’accède plus à la représentation ni aux canaux d’expression publique » (Refaire la cité, Paris, LeSeuil, Citation2013, p. 102).

4. A ce sujet il est intéressant d’analyser la récupération politique de la mémoire des banlieues lors des commémorations des émeutes de 2005, en novembre 2015 : il semblerait que l’on substitue à un travail mémoriel, une mémoire récente fondée uniquement sur des mouvements sociaux de révolte.

5. Nous reprenons l’idée de mémoire empêchée à Paul Ricoeur pour qui, sur le plan de la mémoire collective, elle relève « d’une blessure de l’amour propre national » (Histoire et vérité, Seuil, Citation2001, p. 96).

6 La mémoire multidirectionnelle résulte de la dynamique des transferts de mémoire qui se manifestent entre les lieux et les époques, pendant l’acte de remémoration (« I have proposed the concept of multidirectional Memory, which is meant to draw the attention to the dynamic transfers that take place between diverse places and times during the act of remembrance » Michael Rothberg, Multidirectional Memory – Remembering the Holocaust in the Age of Decolonization, Stanford University Press, Citation2009, p. 11).

7 Nous empruntons ce terme à Lucie Lequin et Maïr Verthuy pour qui l’idée de migrance permet de « mettre de l’avant l’idée d’errance, de mouvement continu » (« Multi-culture, multi-écriture, la migrance de part et d’autre » in Multi-culture, multi-écriture : la voix migrante au féminin en France et au Canada, Paris, L’Harmattan, Citation1996, p. 12, note 1).

8 Notons que Carmen Mata Barreiro insiste aussi sur la fluidité de la « mémoire urbaine qui court » dans les différentes expériences propres à la ville, pour son article « Identité urbaine, identité migrante », dans le cadre d’une approche comparatiste entre le Canada, la France et la Belgique (Recherches sociographiques, XLV, 1, Citation2004, pp. 39-58).

9 Dans un article fondateur, publié en 1989, « Coloniality and Modernity/Rationality », Aníbal Quijano définit le concept de décolonialité comme une décolonisation de la connaissance (Cultural Studies vol. 21, Citation2007, pp. 168-178).

10 Daniel Chartier, « Les origines de l’écriture migrante. L’immigration littéraire au Québec au cours des deux derniers siècles » in Voix et Images, vol. XXVII, n°2 (80), hiver Citation2002, p. 305. Le terme est utilisé la première fois par le poète Robert Berrouët-Oriol en 1986, dans la revue transculturelle Vice versa. Notons que Daniel Chartier distingue la littérature migrante de la littérature ethnique, de la littérature de l’immigration, de l’exil, de diaspora et enfin de la littérature immigrante. On pourrait en quelque sorte considérer que la littérature migrante est une stabilisation de la littérature immigrante par l’effet de résilience.

11 On renvoie à la lecture de l’ouvrage d’Heinz Wismann, Penser entre les langues (Albin Michel, Citation2012) où l’auteur met en évidence que « ce qui se joue entre les langues a lieu au niveau de la syntaxe » (p. 14).

12 On renvoie à la lecture de Maurice Merleau-Ponty, Le Visible et l’invisible, Paris, Gallimard, Citation1964.

13 Isabelle Galichon, Le récit de soi. Une pratique éthiqued’émancipation, Paris, L’Harmattan, coll. ‘‘Ouverture philosophique’’, 2018.

14 Nous renvoyons notre lecteur pour l’idée de dispositif d’écriture extime au texte de Jean-François Louette « La main extime de Sartre », Introduction aux Mots et autres écrits autobiographiques, Paris, Gallimard, coll. La Pléiade, Citation2011.

15 Boris Cyrulnik explique dans Sauve-toi, la vie t’appelle (Odile Jacob, Citation2012) que dans le cadre d’une mémoire traumatique, le travail mémoriel s’effectue par l’arrangement de souvenirs vrais pour en tirer une représentation cohérente : à l’image de la chimère mythologique, la mémoire est alors composée d’éléments réels mais la représentation globale est fictive.

16 Dans Les Gars de Villiers, la cité est décrite comme « un cocon d’araignée », un « territoire, protecteur autant qu’aliénant » (Collectif, Citation2011: 235) si bien qu’il est difficile d’en sortir : les seuls mouvements se réduisent souvent à des déplacements concentriques.

17 Edgar Morin, « Ethique », La Méthode, VI, Paris, Le Seuil, Citation2004, pp. 113-120. Il s’agit de voir en l’autre sa différence et son identité avec nous.

18 Rappelons que Michel Foucault considère que l’écriture de soi a une fonction éthopoiétique comme « opérateur de transformation de la vérité en êthos » (« L’écriture de soi », in Corps écrit, n°5, puf, Citation1983). Il reprend cette notion à Plutarque.

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