Les loisirs sportifs à Yaoundé (Cameroun) : produits des interactions non institutionnelles

Abstract

The city of Yaoundé (Cameroon) is experiencing an institutional weakness in the structuring of local sports facilities in relation to the population. This does not prevent sports activities from being held. The practice of sport encourages people to look for space themselves to practice. They turn to owners of private sports facilities, reconvert disused urban areas or occupy urban amenities such as sidewalks, car parks, roundabouts, etc. They create new spatial relationships supported by mechanisms of self-organization of sports practice. This article looks at these models of sports organization which contrast with those of certain countries of the North such as France, where local sports practice is largely structured by public authorities (State, local communities).

La ville de Yaoundé (Cameroun) connaît une faiblesse institutionnelle dans la structuration des espaces sportifs de proximité au regard de la population. Cela n’empêche pas le déroulement des activités de loisirs sportifs. La pratique du sport incite les habitants à chercher eux-mêmes des espaces. Ils vont se tourner vers des propriétaires des espaces sportifs privés ou reconvertir des zones urbaines laissées en friche ou encore occuper les aménagements urbains tels que les trottoirs, parkings, ronds-points, etc. Ils créent ainsi de nouveaux rapports à l’espace adossés sur des mécanismes d’auto-organisation de la pratique sportive. Cet article appréhende ces modèles d’organisation sportive qui contraste avec ceux de certains pays du Nord comme la France où la pratique sportive de proximité est largement structurée par les pouvoirs publics (État, collectivités locales).

Keywords:

• space
• sport
• self-organization

Mots clés:

• espace
• sport
• auto-organisation

Notes

1. Anne-Lise Quiot (2014) souligne le rôle central et majeur opéré par les pouvoirs publics (Etat et collectivités territoriales) dans la programmation et la gestion des équipements sportifs en France.

2. Les collectivités territoriales ont joué un rôle avant-gardiste dans le soutien à la pratique sportive. Le sport s’est développé au cours de la première moitié du vingtième siècle sous une forme associative et éducative. Dans ce cadre, les collectivités ont construit et géré les équipements sportifs pour les mettre à la disposition des clubs et accueillir les publics scolaires pour la pratique de l’EPS.

3. Les promoteurs sportifs ne sont pas ici des acteurs des entreprises privées, il s’agit des personnes ayant un passé sportif comme les anciens joueurs professionnels ou encore des hommes politiques qui veulent consolider leur image auprès des populations notamment la jeunesse. Leurs initiatives sont financées sous fond propre.

4. Commune de Yaoundé II, commune de Yaoundé III, commune de Yaoundé VI, commune de Yaoundé VII.

5. Celui-ci prend appui sur une recherche empirique menée dans le cadre de notre thèse de doctorat co-encadré par Dominique Charrier, Maître de Conférences-HDR à l’Université Paris Sud et Pascal Charitas, Maître de Conférences à l’Université de Paris Nanterre.

6. Cette attitude marquait une ségrégation spatiale avec le territoire rural symbolisé par des zones insalubres, inondables, pentues, vouées à des activités indésirables (polluantes, bruyantes, dangereuses).

7. Ainsi, aux concessions urbaines, composées au départ de quelques bâtiments dans une cour, s’adjoignent progressivement de nouvelles constructions jusqu’à saturer l’espace. Cette saturation de l’espace urbain est une conséquence du phénomène d’exode rural.

8. Entretien n°1, réalisé avec Patrick Bruno Avodo, le 6 janvier 2013 au siège de la mairie de Yaoundé II à Oliga.

9. La commune possède deux types d’organes pour son fonctionnement : un conseil municipal et un exécutif municipal. Le premier est l’organe délibérant de la commune, ainsi, il règle par délibérations les affaires de la commune. Le second est constitué par le maire et ses adjoints, il faut souligner que le nombre d’adjoints tout comme le nombre de conseillers est au prorata du nombre d’habitants. Le maire représente la commune dans les actes de la vie civile et en justice et à ce titre, il est chargé sous le contrôle du conseil municipal de conserver, d’entretenir et d’administrer les propriétés et les biens de la commune, de délivrer les permis de bâtir et de démolir, ainsi que les autorisations d’occupation des sols.

10. La SIC (Société Immobilière du Cameroun) est une entreprise publique chargée de la construction et de l’aménagement des habitats.

11. Les États-Unis ont développé des programmes de mobilité résidentielle, locaux puis fédéraux, depuis plus de 30 ans avec, dans certains cas, des déplacements contraints ou volontaires. Le but est de faciliter le déménagement de ménages résidant dans des quartiers défavorisés vers les quartiers plus aisés grâce à l’attribution d’un certificat couvrant une partie des charges locatives. L’enjeu étant favorisé l’insertion et l’intégration sociales.

12. Les capitaux sociaux ici au sens Bourdieusien du terme sont des ressources susceptibles d’être utilisées consciemment ou inconsciemment dans les concurrences sociales. Avoir ses diplômes permet de se positionner dans le marché de l’emploi par exemple.

13. Entretien n°2, réalisé avec Jean-Marie Étoua, le 18 décembre 2012 au siège de la mairie de Yaoundé II à Biyem-Assi.

14. Entretien n°3, réalisé avec Dieudonné Ambombo, le 18 décembre 2012 au siège de la mairie de Yaoundé III à Éfoulan.

15. Les stades omnisports de Yaoundé, de Douala et de Garoua ont été par exemple construits dans le cadre de l’organisation de la coupe d’Afrique des Nations de football, édition de 1972 organisée par le Cameroun. Actuellement, dans le cadre de la coupe d’Afrique des Nations de football, édition de 2019, le Cameroun s’est lancé dans la construction de deux nouveaux stades, l’un en banlieue proche de Yaoundé (Olembé) et l’autre en banlieue proche de Douala (Japoma). Il va sans dire que les équipements existants sont en train d’être aménagés pour répondre au cahier des charges de la confédération africaine de football.

16. Les agents du ministère des Sports ne travaillent pas avec ceux des communes pour les aider à structurer leurs actions locales dans le domaine du sport. À chaque fois qu’une initiative est engagée au niveau d’une commune, elle est immédiatement critiquée au niveau du ministère des Sports.

17. Il s’agit d’une prise de distance.

18. Le transfert des ressources financières au niveau des communes n’est pas encore effectif dans le domaine sportif. De plus, tous les espaces urbains de Yaoundé sont exclusivement gérés par la communauté urbaine de Yaoundé.

19. Les autochtones sont des personnes qui habitent le lieu d’origine de leurs ascendants.

20. Dans ce cadre, l’enrôlement des membres des groupes sportifs connaît souvent des dérives comportementales entre les pratiquants et les propriétaires des espaces de pratiques sportives.

21. Entretien n°4, réalisé avec Kameni Martin, le 10 juillet 2013, au stade de Biyem-Assi.

22. Les battles consistent à reproduire le plus fidèlement possible le ou les gestes techniques des sportifs professionnels dans le cadre des rencontres sportives.

23. La situation suivant laquelle, les espaces sportifs de proximité appartiennent aux privés notamment les chefs de quartier confortent la thèse qui pointe l’absence de planification de ces équipements par les pouvoirs publics. Dans toutes les communes de Yaoundé, l’État n’a aucun espace dédié aux pratiques sportives de proximité et les urbanistes n’intègrent pas les espaces sportifs dans leurs plans d’aménagement urbain.

24. Cela est possible, car les propriétaires fonciers, propriétaires des espaces sportifs sont aussi des chefs de quartier. Ils sont ainsi des auxiliaires de l’administration.

25. Entretien n°5, réalisé avec Emana, le 6 juin 2011 au stade d’Obobogo (Yaoundé III).

26. Il est nécessaire de le préciser, car des pratiques sportives de loisirs se déroulent sur des espaces urbains publics comme les trottoirs, les ronds-points, les parkings publics. L’idée est de souligner la mise en place des stratégies d’occupation des espaces sportifs privés pour assurer la pratique sportive.

27. Ce sont des habitants du quartier qui ont interrompu leurs études pour des raisons financières. Ils font des jobs précaires comme la vente des habits à la sauvette, des sucettes, des beignets, etc.

28. Entretien n°6, réalisé avec Christian Kamga, le 15 juin 2013 au stade de la Briqueterie (Yaoundé II).

29. Avant l’intervention de Christian Kamga sur le site, les habitants du quartier Briqueterie évitaient cette zone à cause des agressions physiques qui s’y déroulaient. Elles étaient menées par un groupe de jeunes du quartier. Ce responsable a souligné cette action d’aménagement pour montrer que l’espace en question joue plusieurs rôles (voirie, réunions diverses, pratiques sportives, etc.). C’est pour cette raison qu’il a évoqué la reconnexion au quartier.

30. Il s’agit d’une cotisation estimée à 500 FCFA, moins d’1 euro.

31. De plus en plus, des personnes âgées (de 55 ans à 80 ans) pratiquent une activité sportive régulière au sein d’un groupe. Ce n’est plus seulement l’affaire des jeunes dans les quartiers.