Lorsque le bruit fait silence… Retour réflexif sur une ethnographie de cours de salsa

Abstract

The practice of salsa induces conditions of exchange between social actors that are almost exclusively based on the gaze. Beyond the explanation of the conditions of the collection of materials, this article offers a more general methodological reflection on the ethnography of fields in which speech as an instrument of interaction is limited. It allows us to formulate some conclusions on the heuristic value of body language and its conditions of possibility, and on the benefits of considering the “discomforts” of the field as real tools of knowledge.

La pratique de la salsa induit des conditions d’échanges entre les acteurs sociaux quasi exclusivement basées sur le regard. Au-delà de l’explicitation des conditions de recueil des matériaux, cet article livre une réflexion méthodologique plus générale sur l’ethnographie de terrains au sein desquels la parole comme instrument d’interaction est limitée. Il permet de formuler quelques conclusions sur la valeur heuristique du langage corporel et ses conditions de possibilité et sur le gain qu’il y a à considérer les «inconforts» du terrain comme de véritables outils de connaissance.

Keywords:

• Ethnography
• reflexivity
• interactions
• silence
• body language

Mots-clés:

• ethnographie
• réflexivité
• interactions
• silence
• langage corporel

Disclosure statement

No potential conflict of interest was reported by the author(s).

Correction Statement

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Notes

1. Je remercie Daniel Bizeul pour sa relecture critique d’une version antérieure de ce texte.

2. Parallèlement à l’essor des cours de danse salsa dans d’autres espaces de diffusion (bars, restaurants, discothèques, etc.), les services universitaires des sports se sont progressivement intéressés à l’activité.

3. Le séminaire « Ethnographier le silence : pratiques, méthodes et perspectives théoriques », s’est déroulé à l’EHESS, durant l’année 2019/2020, sous la direction de Déborah Puccio-Den. Cette dernière a soutenu une Habilitation à diriger des recherches intitulées « Ethnographier le silence : masques, statues mariales, mafia, nocturnité, danse kizomba ». Il est intéressant de noter qu’elle a précédemment publié l’une des rares références sur l’univers salsa (Puccio, 2000).

4. Le colloque international et pluridisciplinaire intitulé « Faire silence : expériences, matérialités, pouvoirs » a été l’occasion, en mai 2019 à Marseille, d’étudier comment se manifeste l’existence d’un « faire silence » à travers les modalités matérielles, symboliques et politiques du silence.

5. Qui n’en sont pas littéralement puisqu’aucune consigne n’a été au préalable explicitement donnée, encore moins verbalisée.

6. Quand il se laisse entrainer au point, par exemple, de s’offusquer de toutes remarques défavorables sur son activité professionnelle « fictive » puisque relevant de son observation participante.

7. Pour une réflexion approfondie sur la pertinence contextuelle de la notion de participation observante en sciences sociales, voir Soulé, B. (2007). Observation participante ou participation observante ? Usages et justifications de la notion de participante observante en sciences sociales, Recherches Qualitatives, 27, 127–140.

8. À titer d’exemple, Selim s’étant mis en couple avec Charlotte, aucun des deux n’est revenu en cours de l’année universitaire. Selim est revenu, célibataire en septembre 2008, il m’a totalement ignorée. Cette vingtaine d’étudiant.es se sont d’ailleurs vus attribuer le surnom d’« intermittents de la salsa » par les autres pratiquants et très justement d’« éternels débutants » par l’enseignante.

9. Au sens littéral, car jamais avoué verbalement.

10. Il s’agit d’une variante cubaine de salsa qui consiste pour un groupe de couples de danseurs à former un cercle, à synchroniser les passes et à s’échanger les partenaires sous la direction d’un meneur, l’especto.

11. Entendue au sens de Goffman, (1963/2013, p. 18), la situation désigne « la totalité de l’environnement spatial où se tient (ou se rend présent) un rassemblement, dans lequel une personne qui entre devient membre. Les situations commencent quand un contrôle mutuel se met en place entre les personnes coprésentes. Elles se terminent quand la dernière personne restante s’en est allée. »