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The European Legacy
Toward New Paradigms
Volume 12, 2007 - Issue 6
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Original Articles

La Question irlandaise selon Marx et Engels vue sous un jour nouveau

Pages 679-693 | Published online: 07 Sep 2007
 

Abstract

Que Karl Marx et Friedrich Engels aient à la fin des années 1860 uni la destinée de leur projet de révolution prolétarienne universelle à l’Irlande, est généralement méconnu. Principal obstacle à l’avènement en Angleterre d’un parti ouvrier révolutionnaire, auquel les deux théoriciens avaient assigné le rôle dirigeant de leur stratégie politique, la question irlandaise se devait donc d’être réglée, selon eux, à la faveur de l’indépendance nationale de l’Irlande. Or le fait que jamais ces desseins n’aboutissent, apporte la preuve pour d’aucuns que Marx et Engels s’étaient trompés quant à la nature du problème posé. Qu’en fut-il au juste? L’examen critique dont les deux révolutionnaires allemands font l’objet ne tend-il pas à négliger certains paramètres, ouvrant ainsi la voie à une relecture de l’analyse marxienne vis-à-vis de la question irlandaise?

Notes

Notes

1.  Karl Marx et Friedrich Engels, Correspondance, tome 10 (1869–70) (Paris: Éditions sociales, 1984), 222. Les mots placés entre parenthèses et en italique sont conformes aux textes d’origine, en ce qui concerne toutes les citations issues de la correspondance de Marx et Engels.

2.  Ibid., 344.

3.  Ibid.

4.  Pour un exposé détaillé d’Engels sur l’immigration irlandaise en Angleterre, voir Karl Marx and Friedrich Engels, Marx and Engels on Britain (Moscow: Foreign Languages Publishing House, 1962), 123–27.

5.  Fondé en Angleterre, à la fin des années 1830, le mouvement chartiste fut le résultat d’une alliance de classes entre la fraction de la bourgeoisie, adepte de la pensée radicale du XVIIIe siècle, et l’avant-garde éclairée de la classe ouvrière. Son nom, il le devait à la fameuse Charte du peuple, rédigée en 1838. Jusqu’en 1848, les militants de cette organisation s’efforcèrent d’obtenir des réformes socio-politiques—telles que le suffrage universel pour les hommes à partir de 21 ans—en vue d’améliorer leur condition de vie. Voir James Epstein and Dorothy Thompson, eds., The Chartist Experience: Studies in Working-Class Radicalism and Culture, 1830–60 (London: Macmillan, 1982).

6.  Roger Faligot, James Connolly et le mouvement révolutionnaire irlandais (Rennes: Terre de Brume, 1997), 246–47; John Newsinger, “‘A Great Blow Must Be Struck in Ireland’: Karl Marx and the Fenians,” Race and Class 24.2 (Autumn 1982): 151–52.

7.  Karl Marx et Friedrich Engels, Correspondance, tome 4 (1853–57) (Paris: Éditions sociales, 1974), 308.

8.  Ibid., 307.

9.  “Naguère, je tenais pour impossible que l’Irlande se sépare de l’Angleterre”, écrivait Marx à Engels, le 2 novembre 1867. Voir Karl Marx et Friedrich Engels, Correspondance, tome 9 (1867–68) (Paris: Éditions sociales, 1982), 73.

10.  Ibid., 104–5.

11.  Ibid., 73.

12.  En 1800, soit deux après la répression de la rébellion orchestrée par les Irlandais Unis, le gouvernement britannique—qui ne pouvait désormais plus souffrir la moindre atteinte à la sÛreté de l’État en cette période de guerre avec la France—invalida quasiment toutes les concessions faites à l’Irlande depuis 1782 et lui imposa l’Union anglo-irlandaise, laquelle abolissait le Parlement de Dublin (les Irlandais devant désormais dépêcher une centaine de représentants au Parlement de Londres) et intégrait totalement le pays au système économique britannique. Voir G. C. Bolton, The Passing of the Irish Act of Union (London: Oxford University Press, 1966).

13.  Marx et Engels, Correspondance, tome 9, 105.

14.  Ibid.

15.  A. L. Morton et George Tate, Histoire du mouvement ouvrier anglais (Paris: Maspéro, 1963), 152.

16.  Ibid.

17.  Ibid.

18.  Ibid., 143–53.

19.  Marx and Engels, On Britain, 506–7.

20.  Ibid., 127.

21.  Marx et Engels, Correspondance, tome 10, 222.

22.  Ibid.

23.  Ibid., 343–44.

24.  Ibid., 345.

25.  Ibid.

26.  Ibid., 344.

27.  Ibid., 345–46.

28.  Fondé en 1858, le mouvement Fenian—nommé ainsi par référence aux Fianna, guerriers légendaires de l’Irlande celtique—, ou encore l’Irish Republican Brotherhood, s’était donné pour objectif d’établir en Irlande une République indépendante et laïque, par l’usage de la force. Voir John O’Leary, Recollections of Fenians and Fenianism (1896) 2 vols. (Dublin: Irish University Press, 1968).

29.  Marx et Engels, Correspondance, tome 9, 121.

30.  “C’est en Irlande qu’il faut placer le levier. Voilà pourquoi la question irlandaise est si importante pour le mouvement social en général”, devait écrire Marx à Engels, le 10 décembre 1869. Voir Marx et Engels, Correspondance, tome 10, 232–33.

31.  Karl Marx et Friedrich Engels, Ireland and the Irish Question (London: Lawrence and Wishart, 1971), 151. Sur Marx et Engels et la campagne d’amnistie, voir Newsinger, “‘A Great Blow Must Be Struck in Ireland,’” 162.

32.  Marx et Engels, Correspondance, tome 10, 218.

33.  Newsinger, 164–65; D. R. O’Connor Lysaght, The First Three Socialist Internationals (Belfast: Peoples Democracy, 1989), 8–9.

34.  Cité dans Nicholas Mansergh, The Irish Question, 1840–1921 (London: Unwin University Books, 1968), 101.

35.  Ibid.

36.  La loi Wyndham—du nom du secrétaire d’Etat aux affaires irlandaises, George Wyndham, qui la proposa—permettait aux tenanciers de faire l’acquisition de leur ferme, par le truchement de prêts remboursables à l’Etat en 68 annuités et demi, à 3,25% d’intérêt. Voir Elie Halévy, Histoire du peuple anglais au XIXe siècle. Les Impérialistes au pouvoir, 1895–1905 (1926) (Paris: Hachette littérature, 1975), 374–77.

37.  Mansergh, The Irish Question, 101–5.

38.  Arthur James Balfour (1848–1930), chef du parti conservateur, était à la tête du gouvernement britannique lorsque la loi Wyndham de 1903 fut adoptée.

39.  Et Joannon de citer Mansergh pour étayer son propos, dans la phrase qui suit. Voir Pierre Joannon, Histoire de l’Irlande (Paris: Plon, 1973), 190.

40.  Ibid., 190; Mansergh, The Irish Question, 105–6.

41.  Cette analyse s’inspire largement de la thèse de doctorat de l’auteur du présent article. Voir Olivier Coquelin, “La Révolution conservatrice: genèse idéologique de l’Irlande politique et sociale, 1800–1923” (Ph.D. diss., Université de Rennes 2-Haute Bretagne, 2004).

42.  Ainsi, l’alliance des Irlandais Unis avec les masses catholiques posa les fondements du nationalisme dit “autochtone” en ce sens que, au lendemain de la rébellion avortée de 1798, le nationalisme irlandais allait revêtir un caractère confessionnel (catholique), ethnique (gaélique) et social (populaire) ou œcuménique et irénique tel qu’il se fit “autochtone” et non plus “colonial”, compris comme l’expression d’une communauté religieuse (en l’occurrence les anglicans), établie hors métropole (en l’occurrence en Irlande), et luttant pour sa souveraineté dans un cadre impérial (tels les “patriotes” de Henry Grattan), tout en vilipendant des autochtones (en l’occurrence de confession catholique et de culture celtique) et autres colons dissidents (notamment les presbytériens), soumis en vertu de la législation locale (en l’occurrence au travers des lois pénales). Sur les différents aspects du nationalisme irlandais, voir D. George Boyce, Nationalism in Ireland (London: Routledge, 1995), 18–19; 104–7; J. G. Simms, Colonial Nationalism, 1698–1776 (Cork: The Mercier Press, 1976), 9.

43.  Voir note 12.

44.  Cité dans Freeman's Journal, 5 September 1907, p. 8.

45.  Mansergh, The Irish Question, 103.

46.  Ibid., 233.

47.  Joannon, Histoire de l’Irlande, 190.

48.  D’après un accord tacite passé entre les autorités des deux îles en février 1923, les paysans irlandais ayant contracté un emprunt pour l’achat de leur terre, devaient continuer à régler leurs annuités foncières à la Grande-Bretagne, sous peine de poursuites judiciaires en cas d’insolvabilité. Ce qui eut pour effet de raviver le mécontentement en milieu rural et de déclencher, en 1926, la Campagne des annuités foncières laquelle devait durer jusqu’en 1932. Voir Richard English, Radical and the Republic: Socialist Republicanism in the Irish Free State, 1925–1937 (Oxford: Clarendon Press, 1994), 86–95.

49.  Marx et Engels, Correspondance, tome 10, 227–28.

50.  Voir la citation en note 26.

51.  Joannon, Histoire de l’Irlande, 190.

52.  Marx et Engels, Correspondance, tome 9, 198.

53.  Lors des élections législatives de novembre 1885, le parti autonomiste irlandais de Charles Parnell remporta tous les sièges dévolus à l’Irlande, à l’exclusion de ceux des bastions loyalistes d’Ulster et du Trinity College de Dublin. Parnell et son groupe se retrouvèrent donc en position de conduire sur la plus haute marche du pouvoir, de par le jeu des alliances parlementaires, l’organisation la mieux disposée à octroyer l’autonomie de l’Irlande. Ce furent les Whigs de William Gladstone qui, en définitive, assumèrent ce rôle avec pour corollaire l’introduction d’un Home Rule Bill, en avril 1886. Sauf que la question nationale irlandaise eut tôt fait de diviser le parti libéral entre, d’un côté, les gladstoniens pro-Home Rule et, d’un autre, les “impérialistes” alliés aux conservateurs et aux unionistes protestants d’Ulster. Dans ces conditions, rien d’étonnant à ce que le projet de loi sur l’autonomie fÛt finalement rejeté. Voir Liz Curtis, The Cause of Ireland (Belfast: Beyond the Pale Publications, 1994), 123–41.

54.  Mansergh, The Irish Question, 104.

55.  F. S. L. Lyons, “The Political Ideas of Parnell,” Historical Journal 16.4 (1973): 767–69.

56.  Les historiens s’accordent généralement pour faire remonter les origines de la Révolution irlandaise de 1916–1923—qui devait notamment aboutir à la partition de l’île en deux entités distinctes—à l’insurrection avortée de Pâques 1916, laquelle avait été l’œuvre des miliciens séparatistes des Irish Volunteers, dirigés entre autres par Patrick Pearse et alliés au bataillon ouvrier de James Connolly, l’Irish Citizen Army.

57.  Pearse fait ici référence à un article de l’historien Eoin MacNeill intitulé, “The North Began”, dans lequel il incitait les nationalistes à se guider sur l’exemple de leurs homologues unionistes qui, en janvier 1913, avaient fondé une milice, l’Ulster Volunteer Force, en vue de s’opposer à l’application du Home Rule, prévue pour octobre 1914, par la force des armes si nécessaire.

58.  Patrick H. Pearse, “The Coming Revolution,” in Collected Works of Padraic H. Pearse: Political Writings and Speeches (Dublin: The Phoenix Publishing Co., 1924), 98.

59.  Mansergh, The Irish Question, 104.

60.  Dans la préface de l’édition allemande de 1890 du Manifeste du Parti communiste, Engels rappela l’attachement de Marx et de sa personne au principe suivant: “L’émancipation de la classe ouvrière doit être l’œuvre de la classe ouvrière elle-même”. Voir Marx et Engels, Manifeste du Parti communiste (1847) (Paris: Éditions sociales, 1972), 108.

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