Savoir dérouter. Pierre Senges, érudit égarant

ABSTRACT

This article examines the ways in which erudition—acquired knowledge drawn from literary or other sources—becomes in Pierre Senges’ books the basis for creating knowledge via the invention of new forms. Combining erudition and imagination, Senges’ fictional encyclopedism produces an atypical cartography of knowledge that playfully subverts the preferred tools for collecting and organizing tous les savoirs du monde, and calls in turn for new figurations and reconfigurations of the world.

KEYWORDS:

• Pierre Senges
• knowledge
• ignorance
• encyclopedism
• imaginary erudition
• idiocy

Notes

1. Ce sont là deux des motifs exposés dans le feuillet concernant la ligne éditoriale de la collection « Le Cabinet des lettrés » où paraît Environs et mesures de Senges.

2. Les références aux ouvrages de Senges se feront dans le texte, suivant les abréviations indiquées dans les ouvrages cités.

3. La Théorie de la démarche, paru en publication pré-originale en 1833 dans L'Europe littéraire, constitue le second traité d'un ensemble de trois intitulé Pathologie de la vie sociale (1839), plus tard réunis dans Études analytiques.

4. Concernant cette contradiction, on consultera l'article de Hilary A. Clark, p. 96–97.

5. On relira à ce propos l'entretien de Pierre Senges accordé au Matricule des anges, p. 21.

6. Voir Audrey Camus, « Une éthique de l'idiotie : l’œuvre de Pierre Senges ».

7. Trope d'ailleurs récurrent chez nombre d’écrivains modernes, tel que le relève Pierssens (177), et qui n'est pas sans évoquer la fameuse page titre de l'ouvrage encyclopédique de Francis Bacon, De Verulamio Novum Organum Scientiarum (1620), où un galion franchissant les colonnes d'Hercule qui flanquent le détroit de Gibraltar signale métaphoriquement l'importance de l'exploration et de l'enquête empirique dans le progrès de la pensée et de la science.

8. Le thème de l’ignorabimus, abréviation du latin « ignoramus et ignorabimus » qui signifie « nous ne savons pas et ne saurons jamais », apparaît en 1872 dans un ouvrage de Emil Du Bois-Reymond portant sur les « grandes énigmes de l'univers » où il désigne les limites de la connaissance humaine.

9. On consultera à ce sujet les thèses de Yves Jeanneret dans Écrire la science et « Poétique de la vulgarisation ».

10. Dans sa « Présentation de L'Encyclopédie », Raymond Queneau parle d'ailleurs de « désencombrement de l'esprit » avant de conclure en ces termes : « Apprendre à apprendre, c'est savoir ignorer, ne pas refuser la nouveauté, ne pas s'opposer à la recherche » (110).

11. « Le système général des sciences et des arts est une espèce de labyrinthe, de chemin tortueux, où l'esprit s'engage sans trop connaître la route qu'il doit tenir », écrit plus précisément d'Alembert dans son Discours préliminaire de l’Encyclopédie (58).

Additional information

Notes on contributors

Nathalie Dupont

Nathalie Dupont is an Associate Professor of French and Francophone Studies at Bucknell University. Her research focuses on the various forms and representations of deviance in experimental writing in post-1968 France. She is the co-editor (with Éric Trudel) of the essay collection “Tout peut servir.” Pratiques et enjeux du détournement dans le discours littéraire aux XX^e et XXI^e siècles (Presses de l'Université du Québec, 2012). She has published articles on Christian Prigent, Valère Novarina, and Éric Chevillard, and is currently co-editing a volume (with Éric Trudel) on the aesthetics of lists in modern and contemporary French literature.