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Research Article

La Mère belliqueuse contre la mer pacifique : Corps colonisateurs et espace colonisé dans Un barrage contre le Pacifique

 

Abstract

Representations of the hostile, uninhabitable, and threatening land haunt all of the novels of Marguerite Duras' Indochina cycle. The literal and symbolic importance of natural disasters is already noticeable in The Sea Wall (Un barrage contre le Pacifique), the first novel of the cycle.

This article argues that the diegetic space in The Sea Wall is inscribed on a land where various forces intertwine to create a turbulent and uninhabitable territory, where living is nothing but surviving. The protagonists adopt various mechanisms in order to leave their trace in a space that rejects them systematically and that is invaded from all directions: on a horizontal axis by the waves of the Pacific, and on a vertical axis by laws of the colonial cadaster. Having no other capital to invest in the economy of the space (dominated by monetary exchange), the deprived small settlers resort to a last pledge that would guarantee their survival: their bodies, which merge with the space they claim and who are simultaneously colonizers and colonized.

Notes

1 Le cycle indochinois est constitué de trois romans ayant pour cadre l’Indochine française : Un barrage contre le Pacifique, L’Amant et L’Amant de la Chine du Nord. Dans Le « Cycle du Barrage » dans l’œuvre de Marguerite Duras, Eva Ahlstedt ajoute à ces trois L’Eden Cinéma, ainsi qu’un manuscrit inédit « L’histoire de Léo », et nomme les cinq œuvres « le cycle du barrage » (LeCycle du Barragedans l’œuvre de Marguerite Duras. Göteborg, Acta Universitatis Gothoburgensis, 2003).

2 L’Indochine représente pour Duras un espace en dehors de sa portée car « trop francisée et colonisée pour être purement vietnamienne et trop vietnamisée pour être simplement française, l’Indochine correspond pour la jeune fille à un espace anthropologique impossible et invivable » (Barbé 62). Cette scission géopolitique entre l’empire dominant et la terre assujettie engendre un état liminal de non-appartenance, noté également par Brigitte Cassirame : « elle [Duras] se situe à un point nodal entre la culture regardante et celle regardée, entre un espace colonisateur et colonisé et n’appartenant réellement ni à l’un ni à l’autre » (7).

3 La mer est un espace qui fascine et cause l’effroi dans l’œuvre de Marguerite Duras. Tout au long du roman, le Pacifique incarne une force antagoniste et menaçante. Dans Les Lieux de Marguerite Duras, Duras écrit : « J’ai toujours été au bord de la mer dans mes livres […] La mer me fait très peur, c’est la chose au monde dont j’ai le plus peur » (Duras and Porte 84).

4 Nombreux sont les critiques qui ont associé la puissance des vagues à la violence de la colonisation du territoire de l’Indochine. Martine Antle voit dans l’océan « la métaphore du système colonial, de sa bureaucratie bancaire et administrative », car les vagues et le cadastrage colonial reposent sur les mêmes principes du « ‘flux et reflux’ incessant de distribution et de redistribution du territoire » (88). De même, Carol J. Murphy reconnaît dans les vagues du Pacifique la représentation de l’élan destructif du pouvoir capitaliste qui règne dans la colonie : « The mother’s barrage against the control of the flow of capital by the state as metaphorized by the Pacific is useless » (538).

5 Pour un commentaire sur le rapport entre le désir, la valeur marchande et l’occupation de l’espace de la colonie dans Un barrage contre le Pacifique et L’Amant, voir “Going With the Flow: Duras’s Changing Economies of Desire” de Carol J. Murphy : « Desires restricted or contained exclusively within family relations and limited by flows of capital are translated into the territorial markings of the city, Ram. Place and space in the colony are determined by cash flows » (537).

6 La famille ne quitte la concession pour « la grande ville » que pour essayer de vendre le diamant que M. Jo a offert à Suzanne. Toutefois, comme l’a remarqué Martine Antle, la valeur des objets change en fonction du lieu, ainsi, une fois ramené en ville, le diamant qui « jusqu’à présent n’avait eu d’intérêt qu’en valeur d’échange par rapport au bungalow […] s’avère être un crapaud » (87).

7 Comme montré par Florence de Chalonge, le décor durassien et le personnage sont interdépendants : « La toute première évidence consiste à regarder le décor comme un métonyme (une synecdoque) du personnage. De la partie au tout l’homme s’intègre à son lieu de vie et s’y adapte » (93). Ou encore comme l’explique Philippe Barbé, dans l’œuvre de Duras « les lieux sont irréductiblement associés à un personnage et à son identité sexuelle » (57).

8 « Lorsqu’ils partiraient ce serait cet air-là, pensait Suzanne, qu’ils siffleraient » (Duras 117).

9 D’après l’interprétation d’Erica L. Johnson, cet attachement corporel de la mère à la terre est la conséquence de son statut de non-appartenance aux exploiteurs français, par rapport auxquels elle souhaite se distancier : « Living at the axis of multiple strains of power and exploitation, the mother’s efforts to place and house her body signify her desire to distance herself from the French colonial apparatus by grounding herself in the land itself, beyond national ties or the acceptance of repatriation to France as a solution to her poverty » (123).

10 À l’époque coloniale l’Indochine portait le surnom de « la plus belle perle de l’Empire » (Cooper 80).

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Notes on contributors

Zvezdana Ostojic

Zvezdana Ostojic is a French literature Ph.D. student at Johns Hopkins University. Her research focuses on intertextuality and the rewriting of canonical works in contemporary French crime fiction.

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