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L’hymne national du Cameroun: un chant patriotique sans ancrage géo-identitaire

 

Abstract

This paper questions the relationship between identity and space in Cameroon’s national anthem entitled: O Cameroon, Thou Cradle of our Fathers. This “song-poem” was composed in 1928 by the francophone students of Fulasi’s Teachers’ Training School in the southern region of Cameroon. The school’s director asked these students to compose a song that honors the French colonial administrator named Marchand. Thus, this anthem celebrates French colonialism. Can a song-poem with such intent be considered part of Cameroon’s national literature? This problem is especially important considering that a patriotic song should represent a national symbol, such as a country’s seal or flag. My analysis demonstrates that the lyrics of Cameroon’s national anthem lacks nationalist commitment. They do not reflect the geographical and socio-cultural realities, specific to this country. However, the English version composed by Bernard Fonlon in 1961 is immersed in Cameroonian geopolitics, showing therefore its nationalist inclination.

RΈsumΈ

Cet article questionne la relation entre l’identité et l’espace à travers un poème-chant qu’est l’hymne national du Cameroun intitulé Ô Cameroun berceau de nos ancêtres. Composé en 1928 par des élèves instituteurs de l’École Normale de Fulassi dans le Sud-Cameroun, et pour l’honneur du Commissaire Marchand en visite dans cette institution, cet hymne célèbre la colonisation française. Ainsi, il pose le problème du nationalisme littéraire. Ce problème revêt une importance particulière quand il s’agit d’un chant patriotique faisant partie des symboles nationaux, au même titre que les armoiries. Notre analyse vise à démontrer que Ô Cameroun berceau de nos ancêtres se caractérise par son manque d’engagement nationaliste. Son ancrage dans les réalités géographiques et socio-culturelles du Cameroun est quasiment nul. Pourtant, la version anglaise composée par Bernard Fonlon en 1961 prend en compte la géopolitique de ce pays de l’Afrique centrale.

Disclosure statement

No potential conflict of interest was reported by the author.

Notes

1 C’est ainsi que ce chant est désigné par Thomas Théophile Nug Bissohong dans son livre L’hymne national du Cameroun : un poème-chant à décolonialiser et à réécrire.

2 Après l’échec des Allemands à la première guerre mondiale, la France et la Grande-Bretagne se partagent le Kamerun (l’ancien protectorat allemand). La SDN, l’ancêtre de l’ONU, entérine ce partage en 1921 et les deux Cameroun deviendront des territoires sous mandat.

3 Le Cameroun oriental vient d’acquérir le statut de territoire autonome. Il peut avoir un gouvernement local, mais il reste rattaché à la tutelle de Paris.

4 Les deux Cameroun sont devenus des territoires sous tutelle en 1945, après la seconde guerre mondiale.

5 Nous faisons allusion par exemple à la théorie de la « mentalité prélogique » développée par Lucien Levy Brühl pour démontrer l’irrationalité de la pensée négro-africaine.

6 L’analyse de Thomas Théophile Nug Bissohong est contenue dans son essai cité ci-dessus. Dans ce livre, l’auteur démontre, dans le but de le déplorer, que Ô Cameroun berceau de nos ancêtres a un « caractère […] pro-français » (Nug 28). Outre cet objectif, son texte est une réponse virulente à En relisant l’hymne Ô Cameroun berceau de nos ancêtres, un essai qui célèbre cet hymne. Ce texte est corédigé par les professeurs de l’université de Yaoundé I Gervais Mendo Ze, Fosso, Alphonse Tonyè et Germain Eba’a.

7 Le « colonat » est un terme d’origine latine. Étymologiquement, il vient du vocable « colonatus » qui veut dire le domaine du colon. Il désigne aussi la condition des fermiers encore appelés colons dans l’Empire romain. Selon Jerzy Kolendo, le colonat dans l’Empire romain est « une forme d’exploitation du travail des paysans qui étaient obligés de donner au propriétaire de la terre une partie des fruits de leur travail (la rente foncière) ». Cette définition transparaît dans la note numéro 2 des « Notes de l’introduction » de l’ouvrage intitulé Le colonat en Afrique sous le Haut-Empire (Kolendo, Jerzy. Le colonat en Afrique sous le Haut-Empire. Première édition. Besançon : Université de Franche-Comté, 1976). Ce terme est utilisé par Gilbert Doho pour caractériser la colonisation française. Ainsi, il se dégage que l’auteur fait un rapprochement entre la condition misérable des Africains colonisés et celle des paysans exploités dans l’Empire romain.

8 La voix dont il est question est celle de Takou, le frère aîné de Gilbert Doho. Takou décide d’entraîner son jeune frère à la rude épreuve à laquelle ce dernier doit être confronté à l’école. L’objectif est de « mettre fin [aux] appréhensions » (Doho 79) de son jeune frère.

9 Certains, comme Gilbert Doho, utilisent l’orthographe “Foulassi” au lieu de “Fulassi”. Les deux orthographes sont acceptées.

10 Le Togo, la Namibie et le Cameroun sont des anciennes possessions de l’Allemagne. Ils ont subi les mêmes exactions de la puissance germanique. L’Allemagne perd ces territoires parce qu’elle a été vaincue par les forces alliées.

11 C’est ainsi que les Camerounais de cette époque, notamment les élèves, appelaient la France. D’ailleurs, ils chantaient la Marseillaise comme leur hymne, célébrant ainsi la France comme leur patrie.

12 Jacques Fame Ndongo et Thomas Théophile Nug Bissohong citent uniquement Bernard Fonlon comme celui qui a écrit la version anglaise de l’hymne national du Cameroun. Tout laisse donc penser que Fonlon l’aurait fait seul sans être accompagné. Fame Ndongo, par exemple, dans sa préface à l’ouvrage de Nug dit : « L’autre texte de l’hymne national [est] écrit par Bernard Fonlon au moment de la Réunification en 1961 » (Nug 13).

13 Le ministre Jacques Fame Ndongo fait cette observation dans sa préface du livre L’hymne national du Cameroun : Un poème-chant à décolonialiser et à réécrire, publié en 2009.

14 Ainsi que le précise un article du magazine Terra South Africa publié en ligne, l’hymne de l’Afrique du Sud est chanté en cinq langues officielles sur les onze que compte le pays. Il est la combinaison de deux hymnes, ceux que les Noirs et les Afrikaners chantaient pendant l’apartheid.

Additional information

Notes on contributors

Arnaud Tcheutou

Arnaud Tcheutou is currently a PhD Candidate and a Graduate Teaching Assistant in the Department of French Studies at Louisiana State University. His research interests include Francophone literature, African literary theory, African oral literature, feminism, and matriarchy.

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