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Des maquisards aux ambaboys: Dette impayée des francophones envers les anglophones

 

Abstract

The establishment of the German colonial administration in Cameroon from 1884 to 1914 has multiple socio-political, cultural and economic consequences. The conquest, division and administration of this territory by the French and the British after the First World War intensified the injustices created by the German administration. A nationalist party, Union des populations du Cameroun [UPC], was created in 1948. It promised to improve the status of life and called for unification and independence. The French colonial administration muzzled its militants or supporters and banned it in 1955. Forced underground, its leaders retreated to British Cameroons where they coordinated an armed uprising until 1971. This region also gave asylum to many people from the region under the French administration. Undaunted by injustices similar to those experienced by East Cameroon under French administration since 1972 and frustrated by the refusal of the dialogue on the structure of the state and the lack of social justice, part of the population of the English-speaking regions have rebelled and are fighting for independence using methods similar to those of the UPC. In response, the Cameroonian state has deployed methods of repression similar to those used by the French forces against the 1950–1971 UPC’s guerilla. People in these areas are also looking for shelter and assistance. These needs remind us of the duty and debt of Francophones towards Anglophone populations. While I contend that after 3 years of intensive fighting, I do not see an engaged response from the francophone side, I intend to clearly identify some similarities between the two conflicts as well as point out deep-seated facts for the continuation of the UPC dream.

RÉSUMÉ

L'implantation de l'administration coloniale allemande au Cameroun, de 1884 à 1914, engendre de multiples conséquences sociopolitique, culturelle et économique. La conquête, le partage et l’administration de ce territoire par les Français et les Britanniques après la Première Guerre mondiale, intensifie les injustices envers les Bamiléké nées de la présence allemande. Un parti nationaliste, l’Union des populations du Cameroun [L’UPC] est créé en 1948. Il promet l'élévation de la qualité de vie des populations et réclame l'unification et l'indépendance pays divisé. L’administration coloniale française muselle les militants ou sympathisants et interdit ce parti en 1955. Contraint à la clandestinité, ses leaders se replient au Cameroun britannique où ils coordonnent une insurrection armée jusqu’en 1971. Cette région donne également l’asile à de nombreux réfugiés francophones. Subissant les injustices proches de celles vécues par le Cameroun sous administration française depuis 1972 et frustrée par le refus du dialogue sur la forme de l’État ainsi que le manque de justice sociale, une partie de la population des régions anglophones s’est insurgée et réclame l’indépendance par les méthodes similaires à celles de l’UPC. En réaction, l’État camerounais déploie les méthodes de répression qui rappellent celles utilisées par les forces françaises contre les indépendantistes de l’UPC. Les populations de ces régions cherchent également les refuges et l'assistance. Ces besoins rappellent un devoir d’assistance des Francophones vis-à-vis de ces populations anglophones à l’instar de celle qu’elles reçurent aussi dans les années 1950 et 1971. Bien que je constate un manque de retour d’ascenseur de la part des francophones, je me propose de relever quelques similitudes des deux conflits.

Disclosure statement

No potential conflict of interest was reported by the author(s).

Notes

1 C’est la classe sociale composée d’esclaves, des peuples dominés de leurs descendants, des femmes, des laissés pour compte du système d’héritage, des employés bénéficiant d’un salaire et des chômeurs frustrés. Voir Jean-François Bayart, L’État au Cameroun, seconde édition revue et augmentée, Paris, PFNSDP, 1979, p. 15 et p. 41.

2 Albert Pascal Temgoua, Le Cameroun à l’époque des Allemands: 1884–1916, Paris, L’Harmattan, 2014, p. 7. www.jstor.org/stable/40341676] 2018. (Page consultée, le 06 décembre 2018).

3 Abel Eyinga, Introduction à la politique camerounaise, Paris, Éditions Anthropos, 1978, p. 11.

4 Léon Kaptue, Travail et main-d’oeuvre au Cameroun sous régime français, 1916–1952, Paris, L’Harmattan, 1986, p. 23.

5 Kaptue, pp. 69–70; Archives nationales de Yaoundé (ANY), 2 AC 8 341, P. Divol, Synthèse sur l’implantation de l’UPC, p. 64.

6 Simon Imbert-Vier, « Particularités du statut de l’indigénat en CFS (18871981) ». Journées d’études « Le régime de l’indigénat et ses métamorphoses », organisées par Isabelle Merle et Simon Imbert-Vier, Paris, 2011 [https://halshs.archives-ouvertes.fr/halshs-00798538] (Page consulté le 18 décembre 2018). Voir aussi pour ce régime Gilbert Doho, Le Code de l’indigénat: ou le fondement des États autocratiques en Afrique francophone, Paris, Éditions L’Harmattan, 2017, p. 17.

7 Pour l’histoire de la nationalisation des anciennes plantations allemandes voir Philippe Blaise Essomba, Regards sur l’histoire économique et sociale du Cameroun, Paris, Éditions du savoir, 2017. Vianney Ombe Ndzana, Agriculture, pétrole et politique au Cameroun: Sortir de la crise? Éditions L’Harmattan, 1987.

8 Jules Sansterre Nkarey, Afrique: l’histoire entre le Cameroun anglophone et le Cameroun francophone de 1472 à 2003, Paris, Éditions Publibook, 2004.

9 Archives Nationale de Buea (ANB). Rapport sur les massacres de Tombel, et Archives provinciales de l’Ouest (APO). 1AA158 Étude concernant la réunification des deux Cameroun, 1er juillet 1959, p. 20.

10 Archives nationales de Yaoundé (ANY). 2AC8341. P. Divol, Synthèse sur l’implantation de l’UPC, 26 mars 1955.

11 Pour cette forme de résistance lire Cilas Kemedjio, « L’arrière-pays contre la violence coloniale ». Études littéraires 35, no 1, 2003, p. 41–54. https://www.erudit.org/fr/revues/etudlitt/2003-v35-n1-etudlitt752/008632ar/

12 APO. 1AA158. Étude concernant la réunification des deux Cameroun, 1er juillet 1959, p. 20.

13 ANB Note 2S/SEC/CC64-4 du 21 février 1966, p. 4.

14 Richard A. Joseph, Le mouvement nationaliste au Cameroun: les origines sociales de l’UPC, Paris, Karthala, 1986.

15 A ce propos, les historiens Thierno Mouctar Bah et Gilbert L. Taguem Fah laissent comprendre que le lamido et le sultan possédant un pouvoir de décision très fort dans la société musulmane, les Français les inféodèrent très tôt pour servir d’intermédiaires politiques. Ils étaient très courtisés et invités à assister aux célébrations marquant le 14 juillet en France à l’instar du Lamido Yaya de Maroua. Voir Thierno Mouctar Bah et Gilbert L. Taguem Fah, « Les élites musulmanes et la politique au Cameroun, sous administration française: 19451960 ». In Jean Boutrais, Peuples et cultures de l’Adamaoua (Cameroun): actes du colloque de Ngaoundéré, du 14 au 16 janvier 1992, Paris, Éditions IRD, 1993, pp. 105106.

16 ANY, 2AC (8) 346 UPC Comité National d’Organisation, 1957.

17 Ibid. Cette réunion enregistre la participation d’une cinquantaine de personnes, notamment les migrants Bamiléké résidant dans la région avoisinante du Mungo: Bernard Kamdem (de Loum), Sylvestre Kemogne (de Penja), Gaston Kamga (de Loum Chantiers), Jean Happi (de Lohe); les représentants des Bamiléké du bercail et les militants upécistes issus des autres ethnies/régions du Cameroun.

18 Archives départementales de Dschang (ADD), NR n° 78 P 17, A du 7 février 1957.

19 Marthe Moumié, Victime du colonialisme français: Mon mari Félix Moumié, Paris, Edition Duboiris, 2006, p. 94, p. 96.

20 APO. 1AA158 Étude concernant la réunification des deux Cameroun, 1er juillet 1959, p. 26.

21 Thomas Deltombe, Manuel Domergue et Jacob Tatsitsa, Kamerun! Une guerre cachée aux origines de la Françafrique, Paris, La Découverte, 2011, p. 239.

22 ANB. Note 2S/SEC/CC64-4du 21 février 1966, p. 11.

23 APO. Documents non classés (DNC) Note confidentielle n 24/CFSMD du chef de subdivision de Mbouda J. Sablayrolles au chef de la région Bamiléké, 10 août 1957.

24 APO. Documents non classés (DNC) Note confidentielle n 24/CFSMD du chef de subdivision de Mbouda J. Sablayrolles au chef de la région Bamiléké, 10 août 1957.

25 Commissariat spécial de Dschang (CSD), DS 679, Note de Renseignements sans numéro (NRSN).

26 ANB. Note 2S/SEC/CC64-4du 21 février 1966, p. 11.

27 APO, 1AC111, L’officier des affaires africaines, Bonaventure Escoffet, BRH du 28 juin au 4 juillet 1958, p. 1.

28 ANB. Conférence sur le renseignement.

29 ANB. Note 2S/SEC/CC64-4du 21 février 1966, p. 11.

30 Ibid.

31 Ibid., p. 7.

32 Meredith Terretta, “‘God of Independence, God of Peace’: Village Politics and Nationalism in the Maquis of Cameroon, 1957-71.” Journal of African History 46, no. 1 (2005), pp. 75–101. https://www.jstor.org/stable/4100830, consulté, le 10 février 2019.

33 ANB PV Audition Benedict Tchamtcheu.

34 ANB no 2 s/SEC/CC64-4du 21 février 1966.

35 Ibid.

36 ANB, voir le dossier concernant les massacres des Bamileke de décembre 1966 à Tombel et le journal de CRTVweb du 24 septembre 2019 et le journal Le Monde/Afrique au sujet de la réaction de l’ONG Human Rights Watch, publié le 24 mai 2019, consulté, le 22 octobre 2019.

37 Correspondance: Ngouo Woungly-Massaga, Cdt Kissamba, Vétéran de l’UPC et de l’ALNKhttp://www.afriquemedia.tv/politique/crise-anglophone-banda-kani-rejouit-arrestation, consulté le 27/10/2019

40 Ibid.

Additional information

Notes on contributors

Jacob Tatsitsa

Jacob Tatsitsa est doctorant en histoire à l’université d’Ottawa. Il explore l’exportation de la Doctrine la Guerre révolutionnaire en Afrique et le rôle des subalternes dans la guerre de libération du Cameroun. Tatsitsa été conseiller historique du documentaire relatant l’assassinat du leader nationaliste camerounais Félix R. Moumié à Genève par un agent des Services secrets français de Frank Garbely, coproduit par la Télévision Suisse Romande et la chaine franco-allemande ARTE. Il est coauteur avec les journalistes français Thomas Deltombe et Manuel Domergue de l’ouvrage Kamerun ! Une guerre cachée aux origines de la Françafrique et de La guerre du Cameroun : l’invention de la Françafrique.

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