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Hydroscience Journal
Volume 108, 2022 - Issue 1
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Special Section: Hydrometrie 2021

Instrumentation de stations de mesure en continu des flux de sédiments en suspension à l’usine de la Coche dans les alpes Francaises (Savoie)

Instrumentation of stations for the continuous monitoring of suspended sediment flows at the La Coche plant in the French Alps (Savoie)

ORCID Icon, , &
Article: 2087541 | Published online: 20 Jul 2022

RÉSUMÉ

L’aménagement hydroélectrique de la Coche est une Station de Transfert d’Énergie par Pompage située en Savoie dans la vallée de la Tarentaise. Cet aménagement est soumis à d’importants apports sédimentaires au niveau du bassin supérieur dont les conséquences sont d’une part la réduction du volume de la retenue par dépôts des sédiments et d’autre part les risques d’usure des groupes de production par turbinage des sédiments. Afin d’accompagner la réflexion sur la gestion sédimentaire de ce système complexe, un réseau de stations de mesure du transport sédimentaire fin par turbidimètres a été mis en place. Il permet de quantifier les flux de matière en suspension (MES) entrant et sortant du bassin supérieur et transitant par les groupes de la Coche. Les stations de mesure mises en place sont constituées du même type de matériel utilisé classiquement sur l’ensemble du réseau de mesure exploité en milieu naturel ou en canal par EDF-DTG. Cependant, des adaptations du matériel ont dû être apportées pour répondre aux particularités contraignantes du milieu industriel en termes d’instrumentation. L’objectif de cet article est de présenter les spécificités de l’instrumentation mise en place et d’évaluer sa fonctionnalité pour déterminer un bilan de flux de MES entrant dans la cuvette et sortant par les groupes de production.

ABSTRACT

The water of  hydroelectric power plants (HPP) called La Coche is a Pumping Energy Transfer Station located in Savoie in the Tarentaise valley. This HPP is subject to significant sediment inputs at the the upper tanks. The consequences are on the one hand a reduction in the volume of the reservoir by sediment deposits and on the other hand the risk of wear of the production units by turbines sediments. To continue the thinking process on the sediment management of this complex system, a network of stations for measuring fine sediment transport by turbidimeters has been installed. This will quantify the flows of suspended sediment concentration (SSC) entering and leaving the upper basin and passing through the Coche groups. The measurement stations set up consist of the same type of equipment conventionally used on entire stations operated in the natural environment or in canals by EDF-DTG. However, adaptations to the equipment had to be made to meet the specific constraints of the industrial environment instrumentation. The objective of this article is to present the specifics of the instrumentation put in place and to assess its functionality to determine a balance of SSC entering the cuvette and leaving the production units.

1. Mesure en continu des flux de MES à la Coche

L’aménagement hydroélectrique de la Coche est une Station de Transfert d’Énergie par Pompage (STEP) située en Savoie dans la vallée de la Tarentaise près de la commune de Moûtiers. Le bassin inférieur est constitué par la retenue d’Aigueblanche sur l’Isère et le bassin supérieur par la cuvette de la Coche. La représente schématiquement le fonctionnement de la STEP. L’usine est composée de 4 turbines-pompes d’une puissance totale de 320 MW et d’un groupe Pelton de 240 MW, le plus puissant de France, mis en service en 2020. Selon les besoins énergétiques, l’eau est soit turbinée de la cuvette de la Coche vers la retenue d’Aigueblanche (pour des besoins de production) ou soit pompée dans le sens inverse afin de remplir le bassin supérieur (en période de faible besoin de production).

Figure 1. Schéma du fonctionnement de la STEP de La Coche.

Figure 1. Schéma du fonctionnement de la STEP de La Coche.

Les apports en eau dans la cuvette de la Coche sont conduits gravitairement par une galerie collectant les eaux provenant de 8 prises d’eau situées sur les massifs de la Tarentaise et de la Maurienne. L’exploitation du complexe hydroélectrique de la Coche est soumise à d’importants apports sédimentaires dont les conséquences sont à la fois opérationnelles et économiques :

  • comblement progressif de la cuvette : perte de la capacité utile, difficulté de maintenance du génie civil, enjeux de sûreté et transfert des sédiments vers les groupes ;

  • impact sur les machines : usure des groupes par transit des sédiments dans les turbines entrainant une augmentation des opérations de maintenance préventive ou curative.

L’optimisation des modalités d’exploitation en réponse à ces problématiques nécessite de définir une stratégie de gestion sédimentaire cohérente. Pour cela, un réseau de stations de mesure du transport sédimentaire fin par turbidimètres a été mis en place afin de quantifier les flux de matières en suspension (MES) entrants et sortants du bassin supérieur et transitant par les groupes de la Coche. Le matériel utilisé sur les stations de mesure a dû être adapté pour répondre aux particularités contraignantes du milieu industriel en termes d’instrumentation (dans des galeries ou des conduites en charge, sous pression, en sortie de turbine, dans des retenues …). L’objectif du suivi est dans un premier temps de s’assurer que l’instrumentation spécifique mise en place est fonctionnelle puis qu’elle permet de recueillir suffisamment de données pertinentes pour obtenir des premiers éléments de compréhension sur les dépôt, transfert et reprise des sédiments entre les flux de MES entrants et sortants du complexe selon les périodes de l’année. Il est à noter que ce réseau de mesure s’inscrit à la suite d’une étude précédente menée en 2000 sur les apports sédimentaires provenant des prises d’eau alimentant la cuvette de la Coche (Poirel & Bessy, Citation2000).

1.1. Réseau de mesure

Le réseau de mesure de débit était déjà présent sur site et composé de capteurs installés soit en milieu naturel, soit en milieu industriel (notamment des données de débit entonné dans des conduites ou turbiné). Le réseau de mesure de la turbidité (TU) a été mis en place spécifiquement pour les besoins de l’étude. Il est composé de matériel utilisé classiquement sur les 70 stations du réseau de mesure exploitées en milieu naturel ou en canal par EDF-DTG, c’est-à-dire :

  • sondes de turbidité optique Solitax TS-line sc de la marque Hach Lange ;

  • système de transmission (SC200) de la marque Hach Lange ;

  • système d’acquisition (Netdel 1000) de la marque OTT ;

  • système d’envoi des données par modem.

L’emplacement des stations de suivi de turbidité est représenté par les cercles verts décrits par un nom de la . Les chroniques de concentration des matières en suspension sont obtenues en couplant des données de turbidité acquises à l’aide de stations de mesure et des mesures directes de MES sur des prélèvements d’eau (manuel ou par préleveur de type ISCO et pompe). Les prélèvements sont analysés à posteriori en laboratoire par filtration et pesée. Les chroniques de turbidité sont converties en chroniques de concentration de MES en appliquant une relation linéaire de type :

(1) MES=a×turbidite(1)

Figure 2. Complexe hydroélectrique de La Coche et implantation des stations de mesure.

Figure 2. Complexe hydroélectrique de La Coche et implantation des stations de mesure.

où a est le coefficient directeur de la droite. Il est obtenu si possible sur chacune des stations. Il est à noter la difficulté d’obtenir des prélèvements d’eau en quantité et de qualité (dans des gammes de turbidité intéressantes) car la mise en place d’un préleveur automatique qui se déclenche sur seuil de turbidité est compliquée et couteuse sur des piquages de conduite forcé ou des portes étanches. Cela nécessiterait notamment l’installation d’un système d’électrovanne communiquant avec le seuil de turbidité et permettant au préleveur de pomper de l’eau. Dans ces configurations, les prélèvements ont été effectués manuellement à la Coche une fois par mois d’avril à septembre, si possible au moment d’un évènement hydrologique naturel, par un prestataire puis par les exploitants. Actuellement, peu de prélèvements sont exploitables ce qui engendre de l’incertitude sur le coefficient MES/TU et donc sur les flux calculés. Par exemple, la représente la relation MES/TU déterminée au niveau de la station Coche 1 décrite ci-après (seulement 10 prélèvements pour une gamme de turbidité ne dépassant pas 700 mg/l).

Figure 3. Relation MES/TU à la station Coche 1.

Figure 3. Relation MES/TU à la station Coche 1.

1.1.1. Station Coche 1 : entrant cuvette de la Coche

La station Coche 1 mesure la charge de matière en suspension entrant dans la cuvette par la galerie d’adduction (100 m environ en amont du débouché dans la cuvette).

L’accès se fait par une galerie de 500 m de long dépourvue d’énergie électrique et de réseau qui se termine par une porte étanche au niveau de la galerie d’adduction. La station est composée d’une sonde de turbidité longue installée à travers la porte étanche à l’aide d’un système utilisé pour les conduites en charge (3 bars au maximum dans ce cas). La sonde est reliée à une valise mobile équipée d’un système d’acquisition, l’ensemble est alimenté par deux batteries lithium (Accuwatt) 12 V 200 Ah permettant une autonomie d’environ 3 mois (). Les données de turbidité sont acquises en continu au pas de temps horaire et enregistrées localement (pas de télétransmission). Les prélèvements d’eau sont réalisés manuellement à l’aide d’un tube traversant la porte étanche asservi d’une vanne. Cette station fonctionne très bien par contre elle nécessite des visites régulières pour recharger les batteries (au moins tous les 3 mois), récupérer les données (dès que besoin) et faire des prélèvements d’eau (lors d’évènements hydrométéorologiques particuliers).

Figure 4. Station de mesure Coche 1 (entrant cuvette de la Coche) ; (a) porte étanche avec vanne de prélèvement et sonde de turbidité ; (b) vue d’ensemble.

Figure 4. Station de mesure Coche 1 (entrant cuvette de la Coche) ; (a) porte étanche avec vanne de prélèvement et sonde de turbidité ; (b) vue d’ensemble.

1.1.2. Station Coche 2 : cuvette de la Coche

La station Coche 2 permet, comme la station Coche 1, de mesurer les entrants dans la cuvette. Les objectifs de cette station étaient à la fois de pouvoir comparer les données de turbidité avec la station Coche 1 mais aussi de visualiser les données à distance par télétransmission, ce qui pourra être utile pour une gestion des apports sédimentaires en temps réel. La station est composée d’un coffret électrique contenant un système d’acquisition et de transmission (NetDel, SC200, Modem et une alimentation 12 V). Les mesures sont réalisées à l’aide d’un chariot équipé d’une sonde de turbidité. Le chariot se trouve au fond de la retenue au niveau du déflecteur de la galerie d’amenée des eaux entrant dans la cuvette (). Les données de turbidité sont acquises au pas de temps 6 minutes et télétransmises. Cette station fonctionne également très bien. Les données suivent la même tendance mais avec des valeurs toujours légèrement inférieures par rapport à celles de Coche 1, du fait de la décantation et de la déflection. De plus, aucun préleveur automatique de type ISCO ne peut être installé au regard de la profondeur d’immersion du chariot (38 m à cote haute). La station de référence en entrant cuvette est donc Coche 1.

Figure 5. Station de mesure Coche 2 (cuvette de la Coche).

Figure 5. Station de mesure Coche 2 (cuvette de la Coche).

1.1.3. Coche 3 : vanne de tête, sortant cuvette

La station Coche 3 est située au niveau du reniflard des vannes de tête. Elle a un positionnement nodal dans le complexe de la STEP car elle permet de mesurer à la fois les sortants de la cuvette (concentration en MES qui passe dans l’usine) et les entrants dans la cuvette via le pompage dans la retenue d’Aigueblanche. Une sonde de turbidité a été installée dans la conduite d’adduction aux groupes via un système de protection soudé sur le toit de la conduite ().

Figure 6. Station de mesure Coche 3 (conduite vanne de tête) ; (a) sortie du câble de la sonde et vanne de prélèvement sur le reniflard menant à la conduite forcée ; (b) support de protection soudé à la conduite forcée contenant la sonde et le tube de prélèvement.

Figure 6. Station de mesure Coche 3 (conduite vanne de tête) ; (a) sortie du câble de la sonde et vanne de prélèvement sur le reniflard menant à la conduite forcée ; (b) support de protection soudé à la conduite forcée contenant la sonde et le tube de prélèvement.

Le câble de la sonde sort du reniflard par un presse-étoupe pour être relié à une armoire contenant le système d’acquisition des données qui sont enregistrées toutes les 10 minutes. Malheureusement cette station n’a pas fonctionné malgré un changement de sonde lors d’un arrêt de chute programmé. Elle semble être en limite d’utilisation de la sonde (pression maximale entre 6 et 7 bars) avec des vitesses d’écoulement importantes. La sonde changée avait son balais autonettoyant cassé ce qui perturbait la mesure. L’impossibilité de maintenance hormis lors des arrêts de chute (maximum un par an) rend cette station difficilement exploitable. Au regard du positionnement de cette station, elle aurait remplacé les stations implantées en sortie des groupes si elle avait fonctionné correctement.

1.1.4. Coche 4 : sortie usine G1/G4

La station Coche 4 est située en sortie des groupes 1 à 4. L’instrumentation mise en place comprend une sonde et un préleveur de type ISCO au niveau d’un cône de mesure récupérant les eaux turbinées de la cuvette et pompées de la retenue d’Aigueblanche (). L’eau collectée provient d’un piquage sur chaque conduite de sortie des groupes. Elle est acheminée sans pompe grâce à la pression existante. Ainsi, à l’aide d’un réglage des vannes correspondantes à ces piquages, il est possible de choisir la provenance de l’eau dans le cône de mesure. Cependant, il n’est pas possible d’obtenir une mesure pertinente en laissant toutes les vannes ouvertes car le débit prélevé fait déborder le cône de mesure en créant des turbulences. De plus, des effets siphons entre les différents groupes peuvent également brouiller le signal de mesure. L’exploitant règle donc les vannes sur le groupe qui a un programme de turbiné ou de pompage le plus long en faisant l’hypothèse que la turbidité est homogène sur l’ensemble des groupes. Les données de turbidité sont acquises au pas de temps 15 minutes et enregistrées localement. Cette station fonctionne bien si le système de vanne est réglé correctement.

Figure 7. Station de mesure Coche 4 (sortie usine G1/G4).

Figure 7. Station de mesure Coche 4 (sortie usine G1/G4).

1.1.5. Coche 5 : sortie usine G5

La station Coche 5 est positionnée au niveau de la plateforme d’accès au canal de fuite du groupe 5. Une sonde de turbidité et une pompe de prélèvement d’eau ont été positionnées dans la galerie du canal de fuite grâce à des tubes de plus de 30 m de long (). En effet, la sonde a dû être placée le plus loin possible dans le canal de fuite pour éviter les turbulences liées au fonctionnement du groupe. Le coffret électrique de la pompe est positionné au niveau de la plateforme alors que la valise contenant les systèmes d’acquisition et de transmission des données de turbidité a été descendue sous la plateforme pour éviter les nuisances sonores lorsque le groupe turbine. Les données sont enregistrées au pas de temps 6 minutes et télétransmises. Cette station fonctionne très bien (mesures de qualité, système fiable avec peu de pannes).

Figure 8. Station de mesure Coche 5 (sortie usine G5) ; (a) plateforme surplombant le canal de fuite du G5 ; (b) tubes fixés au parement de la plateforme qui descendent dans le ca nal de fuite.

Figure 8. Station de mesure Coche 5 (sortie usine G5) ; (a) plateforme surplombant le canal de fuite du G5 ; (b) tubes fixés au parement de la plateforme qui descendent dans le ca nal de fuite.

1.1.6. Autres systèmes de mesure et d’étude

Un densimètre (modèle : Rhotec ; fournisseur : Centec) a été mis en place par l’entreprise General Electric sur un piquage de la conduite forcée en amont immédiat du groupe 5 en complément du réseau de turbidimètre installé par EDF-DTG. Malheureusement, ce système de mesure n’a pas fonctionné pour des problèmes de colmatage au niveau du piquage sur la conduite forcée.

Devant les difficultés rencontrées pour l’instrumentation des stations de mesure dans des conduites en charge, qui sont généralement les plus stratégiques en terme de mesure (ex : Coche 3), un projet de recherche est en cours sur l’utilisation des mesures issues d’un débitmètre ultrason pour en déterminer des concentrations en MES à l’aide d’un post-traitement spécifique des données. Ce travail se base sur la méthode développée par l’ETH de Zurich (Felix et al., Citation2019).

1.2. Résultats

1.2.1. Connaissance générale des flux

Tout d’abord, le plan d’instrumentation mis en place répond au premier objectif fixé c’est-à-dire acquérir suffisamment de données de turbidité de qualité et en quantité pour permettre un premier bilan de flux solide. Les stations en entrée cuvette (Coche 1) et en sortie d’usine (Coche 4 et 5) ont permis de faire cette analyse. Toutefois, la conversion des données de turbidité en MES doit être consolidée faute de prélèvement en nombre suffisant dans les fortes gammes de turbidité (supérieur à 1 g/l).

L’analyse des chroniques de MES entrants dans la cuvette a montré que les apports de sédiment en suspension dans la cuvette de la Coche se font selon 3 périodes distinctes () :

  • Printemps (période 1) -> la fonte nivale printanière d’avril à juillet : l’augmentation des températures de l’air entraine une fonte de la neige qui se traduit par une augmentation des débits (avec une stabilisation autour des 20 m3/s soit la capacité maximale d’entonnement de la galerie) et des apports en MES relativement modérés (pics autour des 1 g/l) sauf lors d’épisodes particuliers pouvant dépasser 10 g/l (e.g. : lave torrentielle localisée) ;

  • Été (période 2) -> la fusion estivale de juillet à septembre : il est observé une baisse des débits couplée à une augmentation des températures de l’air et une amplification des variations journalières du signal de MES (pics entre 2 et 5 g/l). Ce phénomène est imputé à une fusion glaciaire car le stock neigeux est entièrement consommé à cette période de l’année.

  • Automne (période 3) -> les précipitations automnales de septembre à octobre : une augmentation du débit est observée suite à des pluies engendrant un apport de MES parfois important (pics pouvant dépasser 10 g/l et des apports régulièrement supérieurs à 2 g/l). Le stock neigeux commence à se reconstituer durant cette période.

Figure 9. Graphique des débits entrants journaliers (m3/s), des MES (mg/l), du stock neigeux spatiale modélisé (mm) et des pluies spatiales modélisées (mm), données DTG à Coche 1 du 11/02/2020 au 15/12/2020.

Figure 9. Graphique des débits entrants journaliers (m3/s), des MES (mg/l), du stock neigeux spatiale modélisé (mm) et des pluies spatiales modélisées (mm), données DTG à Coche 1 du 11/02/2020 au 15/12/2020.

Environ 28 000 tonnes de sédiments sont entrées dans la cuvette de la Coche de février à octobre 2020. En 2019, 23 000 tonnes sont entrées dans la cuvette d’avril à septembre (). Il est à noter que ces valeurs sont soumises à de fortes incertitudes liées notamment à l’établissement de l’étalonnage () qui est établi à partir de mesures de MES maximales de 0.7 g/l.

Figure 10. Graphique des MES (mg/l) et du flux cumulé (T) à Coche 1 en 2019.

Figure 10. Graphique des MES (mg/l) et du flux cumulé (T) à Coche 1 en 2019.

Figure 11. Comparaison des flux entrants (station Coche 1) et sortant de la cuvette de la Coche (station Coche 4) d’avril à juillet 2019.

Figure 11. Comparaison des flux entrants (station Coche 1) et sortant de la cuvette de la Coche (station Coche 4) d’avril à juillet 2019.

Un rapport précédent avait indiqué un transport solide en suspension provenant des différentes prises d’eau et entrant dans la cuvette de la Coche estimé à une valeur moyenne interannuelle de 28 000 tonnes avec une fourchette de variabilité interannuelle non symétrique de −5 000 tonnes et +10 000 tonnes (Poirel & Bessy, Citation2000). Le réseau de mesures mis en place spécifiquement sur le complexe de la Coche permet de confirmer cette estimation. Les mois de mai, juin, juillet et août sont les plus productifs en termes d’apport sédimentaire avec environ 6 000 tonnes de sédiment par mois entrant dans la cuvette. Les mois de septembre et octobre apportent également une part importante de sédiment dans la retenue avec environ 3 000 tonnes par mois. L’hiver est par contre la période la moins productive car les précipitations sont stockées sous forme de neige. D’une façon générale, environ 50% du flux solide entre dans la cuvette en 10 % du temps et en 11 % du flux liquide. De plus, sur l’ensemble des mesures de l’année 2020, la première période représente 68% du temps contre 20% pour la période 2 et seulement 12% pour la période 3. Par contre, la période 1 représente plus que 50% du flux cumulé total entrant dans la cuvette alors que les périodes 2 et 3 représentent chacune environ 25% du flux. On note l’importance des apports sédimentaires durant l’été/automne qui sont comparables à la période de fonte printanière. Il est à noter également que le pompage de la retenue d’Aigueblanche vers la cuvette de la Coche par l’usine G1/G4 peut potentiellement entrainer des flux de MES entrants. Cependant, les mesures disponibles montrent que ce phénomène semble négligeable avec seulement 40 tonnes de MES pompées d’avril à juillet 2019.

La chronique de MES sortant d’usine suit les mêmes tendances que celle entrant dans la cuvette avec des valeurs moins importantes dues à la décantation des sédiments dans la cuvette. Ce phénomène s’observe d’autant plus lorsque la comparaison des MES entrants et sortants se fait sur des faibles valeurs. Le flux de MES cumulé sortant de l’usine est d’environ 12 000 tonnes de juin à décembre 2020 pour des valeurs de turbidité parfois élevées mais très ponctuelles. En 2019, le flux de MES cumulé sortant de l’usine est d’environ 7 000 tonnes d’avril à juillet pour des concentrations de MES relativement faibles (sous les 1 g/l hormis un pic à 2 g/l fin juillet). Environ 50 % du flux de MES turbiné passe en 4 % du temps et 6 % du flux liquide sur les deux années de mesure. La comparaison des flux entrants et sortants de la cuvette de la Coche s’effectue sur une même période de mesure et pour un bilan en eau équilibré. En 2019, 10 500 tonnes de sédiments rentrent dans la cuvette de la Coche et 7000 tonnes ressortent par les groupes soit un stockage estimé de 3 500 tonnes de fin avril à début juillet (environ 2 mois), .

1.2.2. Lien entre les flux de MES et l’exploitation

L’analyse des flux de MES au regard des conditions d’exploitation (cote de la retenue, débit entrant et débit turbiné) permet d’apporter des premiers éléments de compréhension sur les phénomènes de stockage et de reprise des sédiments dans la retenue. Par exemple, sur la on observe un équilibre entre les flux entrants et les flux sortants voire un léger stockage des sédiments lorsque la cote de la retenue est haute. Par contre, une baisse importante de la cote semble engendrer une augmentation des flux sortants par rapport aux flux rentrants donc un déstockage des sédiments. Pour l’instant, il s’agit encore d’une hypothèse de fonctionnement hydrosédimentaire qui doit être confirmée par des suivis complémentaires sur les années à venir. Ces mesures ont donc pour vocation d’être un élément complémentaire dans la prise de décision sur la gestion de l’aménagement.

Figure 12. Exemple de comparaison des flux entrants et sortants par rapport à la cote de la retenue.

Figure 12. Exemple de comparaison des flux entrants et sortants par rapport à la cote de la retenue.

2. Conclusion

La STEP de la Coche est soumise à des enjeux importants de transport sédimentaire dont les impacts sont à la fois opérationnels (usure des machines, besoin de travaux de curage …) et économiques (perte de la capacité utile, indisponibilité des groupes de production …). L’optimisation des modalités d’exploitation en réponse à ces problématiques a nécessité dans un premier temps de comprendre le fonctionnement hydrosédimentaire de la STEP. Pour cela, un réseau de mesure en continu des flux de sédiments en suspension a été mis en place. L’instrumentation des stations et l’adaptation du matériel apportée pour répondre aux spécificités ont donné satisfaction pour certaines stations comme Coche 1, Coche 2 et Coche 5. En revanche, des difficultés sont apparues pour certaines stations dont Coche 4 qui nécessite un entretien régulier notamment sur le réglage des vannes. De plus, la station Coche 3 n’a jamais fonctionné car la configuration spécifique du site (dans une conduite en charge pouvant atteindre 7 bars) semble être en limite d’utilisation du matériel. Néanmoins, l’utilisation d’une sonde de turbidité permet de répondre à une grande partie des besoins de mesure des flux de MES en milieu industriel, notamment pour des configurations proches d’une instrumentation en milieu naturel (canaux, retenue, galerie à faible pression). Une autre difficulté concerne la réalisation des prélèvements d’eau pour déterminer le coefficient de relation entre les MES et la turbidité car les stations ne disposent pas de préleveur automatique hormis Coche 4 (un ISCO déclenché manuellement). La solution choisie a d’abord été de faire intervenir un prestataire sur site dès la prévision d’un évènement hydrométéorologique pour réaliser des prélèvements. Cela a permis d’avoir des prélèvements intéressants mais en faible quantité et parfois en dehors des évènements car le temps d’intervention était généralement trop long. La seconde solution a été d’impliquer les exploitants dans la réalisation des prélèvements ce qui a permis de gagner en réactivité. En conclusion, l’adaptation du matériel pour réaliser des mesures à l’aide de turbidimètre en milieu industriel permet sous certaine condition (notamment de pression et d’entretien) d’obtenir des données qui restent encore à être consolidées car elles présentent des incertitudes liées notamment à l’établissement du coefficient MES/TU mais elles devraient permettre d’apporter des éléments de connaissance des flux de MES en prévision d’une gestion adaptée de l’aménagement vis-à-vis des apports sédimentaires.

Disclosure statement

No potential conflict of interest was reported by the author(s).

Data availability statement

The data that support the findings of this study are available from the corresponding author, Olivier Ortiz, upon reasonable request.

Références

  • Felix, D., Albayrak, I., Boes, R. M., Gruber, P., & Abgottspon, A. (2019). Using acoustic discharge measurement (ADM) installations for suspended sediment monitoring in channels, tunnels and penstocks. In Proceeding of hydro conference . paper no. 32.03, The International journal on hydropower&dams, Hydro 2019-Porto.
  • Poirel, A., & Bessy, P. (2000). Etude du transport solide en suspension sur les prises d’eau alimentant le bassin de la Coche (Campagne de mesures 1999). EDF-DTG.