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LHB
Hydroscience Journal
Volume 108, 2022 - Issue 1
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Special Section: Hydrometrie 2021

Outils et méthodes d’organisation pour améliorer la qualité des jaugeages en hydrométrie

Tools and organizational methods to improve the quality of discharge measurements

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Article: 2210120 | Published online: 26 Jun 2023

RÉSUMÉ

Réaliser des jaugeages au bon moment et faire en sorte que ces jaugeages aient la meilleure qualité possible est un facteur important d’amélioration des données hydrométriques. Nous présentons ici un certain nombre d’actions mises en œuvre au sein du service hydrométrie de la DREAL Bretagne pour progresser dans cette voie. Il s’agit notamment de pratiques et de procédures visant à limiter le risque de problème en lien avec matériel déployé sur le terrain. Des outils d’aide à la décision accessibles sur smartphone permettent aussi d’apporter des informations utiles aux équipes opérationnelles afin de cibler plus finement les jaugeages à réaliser.

ABSTRACT

Performing discharge measurements at the right time and ensuring that these measurements are of the best possible quality is an important factor in improving hydrometric data. We present here a number of actions implemented within the hydrometry service of DREAL Bretagne (France) to progress in this direction. These include practices and procedures aimed at limiting the risk of problems related to equipment deployed in the field. Decision support tools accessible on smartphones also provide useful information to operating teams, in order to more precisely target the discharge measurements to be carried out.

1. Introduction

Réaliser des jaugeages au bon moment et faire en sorte que ces jaugeages aient la meilleure qualité possible est un facteur important d’amélioration des courbes de tarage et des chroniques de débit. Il s’agit d’une part de cibler le plus finement possible les jaugeages à effectuer sur le terrain afin de récolter l’information la plus utile pour vérifier ou améliorer les courbes de tarage ; et d’autre part de réduire au maximum les risques qu’un jaugeage ne puisse pas être réalisé de manière optimale une fois sur place.

L’objet de cet article est de présenter des actions mises en œuvre par le service hydrométrie de la DREAL Bretagne dans le cadre d’une démarche qualité visant à améliorer l’activité de jaugeage. Deux aspects ont été travaillés : en premier lieu, mettre en place des procédures et des pratiques permettant de réduire autant que possible le risque qu’un jaugeage ne puisse pas être réalisé de manière optimale ; en second lieu, fournir aux opérateurs le maximum d’information, de la manière la plus pertinente et le plus rapidement possible, afin de les guider dans leurs choix des sites à jauger en priorité.

Les actions présentées ici n’ont pas vocation à servir de guide car elles sont intimement liées au contexte local dans lequel évoluent les équipes. La sécurité des interventions, la formation des opérateurs et les différentes techniques de jaugeage, également essentielles, ne sont pas abordées.

2. Gestion et utilisation du matériel de jaugeage

2.1. Réduction du risque de défaut matériel

2.1.1. Vérification périodique des instruments de mesure

Le contrôle régulier du matériel de jaugeage vise à détecter une éventuelle dérive voire un dysfonctionnement des instruments de mesure (Puechberty et al., Citation2017; WMO, Citation2010). Ce contrôle est classiquement réalisé via la participation à des journées d’intercomparaison (Bertrand et Besson, Citation2016 ; Le Coz et al., Citation2008) et, pour les courantomètres à hélice, via l’utilisation d’un système de contrôle d’amortissement (MouliDiag, développé par EDF/Sigma Sud) et l’étalonnage en canal de laboratoire (ISO, Citation2013). Ces différentes opérations sont documentées et archivées, et font l’objet d’une priorisation annuelle.

2.1.2. Procédures de gestion du matériel utilisé sur le terrain

Les problèmes en lien avec le matériel de jaugeage rencontrés sur le terrain sont majoritairement de deux natures : absence du matériel ou dysfonctionnement de celui-ci. Pour réduire le risque d’oubli d’un équipement nécessaire à la réalisation des jaugeages, chaque équipement est affecté à un véhicule de jaugeage spécifique afin d’éviter les transferts de matériel qui, en pratique, augmentent le risque d’absence d’un équipement une fois sur site. Lorsqu’un équipement doit être sorti d’un véhicule, par exemple pour recharger un ordinateur, celui-ci est déposé dans un espace bien identifié ()). Les clés du véhicule étant stockées au même endroit, cela réduit le risque d’oubli du matériel lorsqu’une équipe part sur le terrain. Cet espace de stockage permet aussi de transmettre des informations concernant le matériel aux différents opérateurs (ex : « tel matériel affecté au véhicule est défectueux »).

Figure 1. (a) Espace dédié au stockage du matériel affecté à chaque véhicule ; (b) « check-list » de vérification du matériel présent dans les véhicules.

Figure 1. (a) Espace dédié au stockage du matériel affecté à chaque véhicule ; (b) « check-list » de vérification du matériel présent dans les véhicules.

Pour réduire le risque de dysfonctionnement, certains équipements sont doublés voire triplés dans les véhicules (ordinateurs, clés de communication Bluetooth, batteries, etc.). Pour s’assurer que toutes les batteries nécessaires soient toujours opérationnelles, une procédure de gestion des batteries et de leur chargement a été mise en place : chargement systématique la nuit ou roulement des jeux de batteries suivant les équipements. Une fois par mois, une vérification de l’ensemble du matériel présent dans les véhicules est réalisée via l’utilisation d’une « check-list » ()).

2.2. Fiches d’aide et harmonisation des pratiques de jaugeage

En situation de crise et plus particulièrement en crue, une bonne section de jaugeage peut être difficile et longue à identifier. Pour faciliter ce travail, des « fiches jaugeages » sont disponibles pour chaque site hydrométrique, indiquant l’emplacement de la section de jaugeage à privilégier et le matériel à utiliser en fonction de la cote à l’échelle limnimétrique ()).

Figure 2. (a) Exemple de « fiche jaugeage » décrivant les sections de jaugeage pour un site hydrométrique ; (b) exemple de fiche décrivant une procédure de connexion ADCP étape par étape.

Figure 2. (a) Exemple de « fiche jaugeage » décrivant les sections de jaugeage pour un site hydrométrique ; (b) exemple de fiche décrivant une procédure de connexion ADCP étape par étape.

Des fiches didactiques ()) ont été placées dans les véhicules pour aider les opérateurs à résoudre rapidement certains problèmes pouvant survenir sur le terrain lors de la réalisation des jaugeages : résolution de problèmes de communication avec l’ADCP, techniques de jaugeage spécifiques (ex : mesure ADCP section par section), procédure de localisation du traceur GPS du drone aquatique en cas de perte de contrôle, etc. Au début de la saison des crues, une journée est consacrée à la vérification du matériel de jaugeage et à l’entraînement des opérateurs sur ces procédures spécifiques. De manière plus générale, l’organisation et les protocoles de jaugeage sont formalisés autant que possible et rediscutés chaque année au sein du service afin d’homogénéiser les pratiques et de les rendre conformes aux standards nationaux.

3. Organisation et optimisation de l’accès a l’information pour prioriser les jaugeages

3.1. Organisation des déplacements sur le terrain

Les passages sur les stations hydrométriques servent la plupart du temps à vérifier le bon fonctionnement des stations, réaliser des opérations de maintenance, et/ou effectuer des jaugeages. Pour suivre les passages effectués sur les stations hydrométriques, une application web accessible sur smartphone permet aux opérateurs d’indiquer quasiment en temps réel les stations visitées. Cette application est connectée à un autre outil (http://uhbretagne.yo.fr/ouvaisje/ouvaisje.html, )) également accessible sur smartphone, montrant par un code couleur (vert, jaune, orange, rouge) les passages de contrôle à réaliser en priorité en fonction de la date du dernier passage. La fréquence de passage sur les stations est discutée collectivement et dépend des caractéristiques de la station, des enjeux et de la période de l’année. Le croisement de la dernière hauteur d’eau enregistrée à la station avec les plages intéressantes à jauger définies par les hydromètres dans la base de données Bareme permet d’afficher les stations où un jaugeage intéressant peut être réalisé (rose = jaugeage intéressant, violet = jaugeage prioritaire).

Figure 3. (a) Outil web d’aide à la décision pour les déplacements sur le terrain ; (b) outil web utilisé pour prioriser les jaugeages en crue.

Figure 3. (a) Outil web d’aide à la décision pour les déplacements sur le terrain ; (b) outil web utilisé pour prioriser les jaugeages en crue.

L’information fournie aux opérateurs est utilisée pour décider du programme de travail de la journée, voire pour adapter ce programme au cours de la journée. Un retour d’expérience d’une année et demie de fonctionnement opérationnel montre une bonne appropriation de cette organisation et des outils par les opérateurs, et un ciblage beaucoup plus fin des jaugeages réalisés. La relative souplesse de cette organisation nécessite toutefois une bonne communication entre les opérateurs pour coordonner leurs actions (réunion hebdomadaire, communication quotidienne par messagerie instantanée) et implique que l’ensemble des intervenants partagent une vision commune des priorités du réseau.

3.2. Pilotage des jaugeages en crue

Une organisation spécifique est mise en place lors des épisodes de crue dans le but d’optimiser au maximum les jaugeages. Pendant les jours ouvrés, les déplacements des équipes sur le terrain sont pilotés par un agent au bureau suivant au plus près l’évolution de la situation hydrologique en coordination avec le service de prévision des crues. Cet agent rentre les jaugeages au fur et à mesure de leur réalisation dans la base Bareme (donnée brute sans traitement) afin d’assurer la mise à jour rapide des outils de priorisation des jaugeages.

Pour aider à prioriser les jaugeages de crue, en particulier en astreinte, une application spécifique (http://uhbretagne.yo.fr/carte_alarmes.html, )) compare la dernière hauteur d’eau enregistrée à la station hydrométrique à un seuil préalablement défini correspondant à un jaugeage de crue jugé très intéressant. La station s’affiche alors en rouge sur la carte. Une estimation de la période de retour de la crue en cours (Q2, Q5, Q10) est aussi affichée sur la carte afin de fournir aux opérateurs une information supplémentaire permettant de prioriser les sites à jauger.

Dans l’ensemble, cette organisation et les outils déployés ont amélioré la capacité du service à réagir à temps pour jauger les pics de crue, en particulier sur les petits bassins versants très réactifs. Par exemple, lors de l’hiver 2020–2021, de nombreux « plus haut jaugé » ont été obtenus sur les stations hydrométriques gérées par le service pour des épisodes de crue d’importance moyenne (période de retour de l’ordre de 5 à 10 ans). Un retour d’expérience sur l’épisode de crue ayant eu lieu fin décembre 2020 (voir http://uhbretagne.yo.fr/crues_decembre_2020.html) montre toutefois que, sur une quarantaine de pics de crue potentiellement « jaugeables » survenus en journée entre 9 h et 18 h, seuls 23 ont effectivement été jaugés. Les marges de progression restent donc encore importantes.

3.3. Fonctionnement des applications web

Les applications web présentées ici ont été développées par le service hydrométrie de la DREAL Bretagne et codées presque exclusivement en langage Python. Les scripts Python sont exécutés automatiquement par des tâches planifiées sur un ordinateur dédié. Les scripts collectent d’abord les informations nécessaires, principalement dans la base de données Hydro3 (données de hauteur d’eau et de débit sur les stations hydrométriques) et dans la base de données Bareme (jaugeages et courbes de tarage). Les données sont ensuite traités avant d’être insérées dans des pages web au format html, qui sont envoyées sur un serveur d’hébergement web. Ces outils simples et relativement robustes ont montré une bonne fiabilité de fonctionnement après un an et demi d’utilisation.

L’enjeu principal consiste à pouvoir assurer une maintenance rapide de ces applications en cas de panne. Plusieurs choix techniques ont été faits dans ce sens : utilisation d’un langage de programmation (Python) de haut niveau, multi-fonction et maîtrisé par plusieurs agents du service, code « basique » non optimisé afin d’être compréhensible par le plus grand nombre d’agents (ex : pas de code orienté objet), archivage et déploiement des scripts à partir d’un serveur GitLab géré en interne, applications totalement indépendantes les unes des autres.

4. Conclusion

Loin d’être anecdotiques, les problématiques d’organisation ont une influence importante sur la pertinence et la qualité des jaugeages réalisés par un service d’hydrométrie, et in fine sur la qualité des données de débit produites. La mise en place de procédures rigoureuses pour la gestion et l’utilisation du matériel de jaugeage permet de réduire certains aléas en lien avec le déploiement du matériel sur le terrain. L’amélioration de l’accès à l’information via des applications web consultables sur smartphone permet de mieux optimiser les déplacements et de cibler plus finement les jaugeages à réaliser. Ces thématiques touchant à l’organisation du travail de terrain gagneraient à être discutées plus largement entre les différents services d’hydrométrie au niveau national et international. Les outils de retour d’expérience de crue permettant de comparer les jaugeages effectivement réalisés aux pics de crue « manqués » paraissent particulièrement intéressants pour questionner et améliorer les pratiques.

Des applications web plus ou moins similaires à celles utilisées par la DREAL Bretagne existent dans d’autres services d’hydrométrie. Il semble envisageable de diffuser ce type d’outils de manière plus large. Pour assurer une souplesse de déploiement indispensable à l’adaptation de ces outils aux différents contextes locaux, des compétences de base en programmation informatique semblent toutefois nécessaires.

Déclaration de divulgation

Aucun conflit d’intérêts potentiel n’a été rapporté par l’auteur.

Data availability statement

Data sharing is not applicable to this article as no new data were created or analyzed in this study.

Références

  • Bertrand, X., & Besson, D. (2016). Guide pratique. Intercomparaions de mesures de débits en rivière. Cerema.
  • ISO. (2013). ISO 3455 hydrometry – calibration of current-meters in straight open tanks. https://www.iso.org/standard/72298.html
  • Le Coz, J., Pierrefeu, G., Saysset, G., Brochot, J.-F., & Marchand, P. (2008). Mesures hydrologiques par profileur Doppler. Éditions QUAE.
  • Puechberty, R., Perret, C., Poligot Pitsch, S., Battaglia, P., Belleville, A., Bompart, P., Chauvel, G., Cousseau, J., Dramais, G., Glaziou, G., Hauet, A., Hélouin, S., Lang, M., Larrarte, F., Le Coz, J., Marchand, P., Moquet, P., Payrastre, O., Pierrefeu, G., & Rauzy, G. (2017). Charte qualité de l’hydrométrie. Guide de bonnes pratiques. Ministère de l’environnement, de l’énergie et de la mer, France.
  • WMO. (2010). WMO-No. 1044 manual on stream gauging, vol. I: Fieldwork. World Meteorological Organization.