Résumé
Au sujet du rapport entre l'indigénisation et le phénomène du séparatisme religieux en Afrique subsaharienne, deux thèses majeures dominent actuellement la littérature theologique et missiologique. La première théorie se rapporte à l'étiologie des nouveaux mouvements religieux et établit une relation de cause à effet entre l'attitude négative à l'égard des cultures locales africaines de la part des missionnaires occidentaux et l'émergence des Eglises indépendantes, qui sont interprétées comme une forme de protestation contre cette dépréciation de l'indigénisation. La seconde thèse est liée à la première par un lien de logique interne. Lorsqu'un groupe se détache d'un corps donné, parce qu'il estime qu'une valeur particulière s'y trouve méconnue, il est normal qu'il s'efforce de remettre en honneur et de promouvoir en son propre sein la valeur bafouée qui, précisément, motive ses origines comme association indépendante. Si donc, l'émergence du séparatisme religieux afro-chrétien constitue une protestation contre l'absence d'indigénisation au sein des Eglises établies, on doit s'attendre à ce que les nouveaux mouvements religieux excellent par l'importance qu'ils accorderont à l'intégration d'éléments originaires de la société et de la culture africaines traditionnelles. En d'autres termes, dans un contexte historique où la culture locale se trouve dénigrée, au lieu d'être appréciée, initiative religieuse indépendante et continuité culturelle iront de pair et s'appelleront mutuellement. C'est exactement ce que soutient la seconde thèse, qui jouit d'un audience aussi large que la première. En retournant aux faits, cet article établit que ces deux thèses constituent en réalité des affirmations trop massives et trop peu réfléchies et effectue un plaidoyer en faveur d'une approche plus nuancée du rapport entre indépendance religieuse et indigénisation en Afrique Noire.