Abstract
S’appuyant sur une enquête auprès de pratiquants de course et de marche à pied à visée d’entretien de soi utilisant des instruments numériques d’autoquantification, ce texte questionne l’échelle de rapport effort/santé véhiculée par ces outils. Le propos vise à montrer que malgré l’adhésion des pratiquants à un imaginaire sportif, les usages de la quantification ne conduisent pas à une rationalisation de l’effort qui inscrirait la finalité de santé dans une logique d’optimisation de la performance. L’enregistrement de données permet de quantifier l’effort que les pratiquants reconnaissent comme source de santé. Toutefois, cette quantification ne semble pas destinée à disposer d’indications sur le rapport convenable à établir entre une grandeur considérée comme un « coût » et une autre considérée comme une finalité valorisée; il parait plutôt constituer un geste rituel par lequel les sujets cherchent à donner une valeur d’expérience à leurs activités ordinaires d’entretien de soi.
Based on an interview survey of runners and walkers who use self-quantification instruments for self-maintenance, this text discusses the scale of the effort/health ratio conveyed by these digital tools. The purpose of the article is to show that, despite the adherence of practitioners to a “sporting” imaginary, the uses of quantification in the practices studied do not lead to a rationalization of effort that would include the goal of health in a logic of performance optimization. The recording of data makes it possible to quantify this effort for health in which practitioners recognize their running/walking activity. However, it does not seem to have been produced with a view to having indications on the more suitable relationship to be established between a quantity considered as a “cost” and another considered as a valued purpose; it seems rather a “ritual” gesture by which the subjects seek to enhance their “ordinary” self-maintenance activities.
Keywords:
Déclaration
Aucun conflit d’intérêts potentiel n’a été rapporté par l’auteur.
Notes
1. Bien que cet article ait largement bénéficié des échanges avec l’équipe du projet et s’appuie sur le matériau empirique recueilli collectivement, les résultats qui en sont tirés n’engagent que l’auteur.
2. La sociologue australienne propose une typologie des pratiques par rapport à la modalité sociale de recueil des données. Elle peut être volontaire, poussée, obligatoire ou exploitée.
3. La recherche socioanthropologique réalisée au sein du Orange Lab par Pharabod et ses collègues est parvenue à élaborer une typologie des logiques de pratique du self-tracking (surveillance, routinisation, performance) associées à des façons spécifiques d’utiliser les données.
4. Il s’agit de pratiques ordinaires du fait de leur finalité intrinsèque qui les différencie des pratiques sportives classiques ayant un but explicite de performance. Elles sont néanmoins « intégratives » (Harries et Rettie, Citation2016), car réalisées dans le but spécifique de réaliser une marche ou une course (ce qui les distingue de la marche « dispersée » étudiée par Pharabod, Citation2019).