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RÉSUMÉ
Les barrières routières et les tracasseries y associées sur le corridor Douala–N’Djamena/Bangui ont souvent fait l’objet d’une attention mettant davantage en exergue leurs incidences macro-économiques sur les sociétés. C’est toutefois à un point aveugle de ce regard sur ces tracasseries routières que se consacre cet essai. Il examine leurs effets violents sur les corps des individus, assurant au concret le mouvement productif sur le corridor, à savoir des chauffeurs qui y opèrent. Cette inscription des barrières et tracasseries routières sur les corps d’individus marqués par une assignation sociale particulière, exprime ainsi un ordre de pouvoir porteur de violence.
ABSTRACT
Roadblocks and the associated hassles along the Douala–N’Djamena/Bangui corridor have often been the subject of attention, placing more emphasis on their macro-economic impact on societies. However, this article focuses on a blind spot in this view of these road hassles. It examines their violent effects on the bodies of the individuals who in concrete terms ensure productive movement along the corridor, namely the drivers who operate there. This inscription of barriers and road hassles on the bodies of individuals, marked by a particular social allocation, thus expresses an order of power-carrying violence.
Remerciements
Je tiens à exprimer ma reconnaissance à Erick Sourna Loumtouang pour ses remarques sur le manuscrit initial de ce texte. Ma gratitude va également à Paul-Crescent Beninga pour les échanges stimulants autour de cette réflexion ainsi que pour la facilitation des enquêtes à Bangui. Mes remerciements à la représentation « Afrique francophone » de la Fédération internationale des ouvriers du transport pour avoir favorisé des contacts avec des acteurs du transport en Afrique centrale et parfois au-delà.
Déclaration
Aucun conflit d’intérêt potentiel n’a été rapporté par l’auteur.
Notes
1 http://apanews.net/fr/pays/cameroun/news/cameroun-vers-la-suppression-des-poches-de-corruption-et-detracasseries-vers-la-rca-et-le-tchad-officiel. https://www.investiraucameroun.com/transport/0502-10211-les-camionneurs-versent-pour-environ-175-milliards-fcfa-de-pots-de-vin-par-an-sur-le-corridor-douala-ndjamena.
2 Pour la période précédant le grand mouvement colonial européen sur le continent, voir par exemple Vansina (Citation1990) sur l’espace forestier équatorial et Lefebvre (Citation2015) sur le Soudan occidental. Ils mettent en exergue, ponctuellement, des registres de contrôle de la circulation dans ces différents espaces.
3 Pour reprendre le vocabulaire de Giorgio Agamben, zoé désigne la vie biologique et bios renvoie à la vie qualifiée, la vie sociale (Agamben Citation1997).
4 Positions clairement exprimées par des représentants des syndicats de chauffeurs du Cameroun, du Tchad et de RCA durant l’atelier sous-régional tenu à Douala en février 2020. Cette assomption de la faiblesse, on s’en doute, est une rhétorique particulièrement mobilisatrice pour inciter à des regroupements collectifs. La posture n'est d'ailleurs pas une spécificité des travailleurs du secteur du transport.
5 Entretien conduit en juin 2019 à N’Djamena.
6 Propos clairement mis en exergue par des chauffeurs interrogés, entre mai et juin 2019, à Garoua-Boulaï et N’Djamena (Tchad) et durant des échanges avec des représentants de syndicats de transports de la sous-région, en février 2020, en marge d’un atelier les impliquant à Douala.
7 Propos exprimés par des chauffeurs à Bangui lors d'entretiens conduits au mois d'octobre 2020. D'après Paul-Crescent Beninga, La séléka est un “concept du Sango véhiculaire dont la signification oscille entre alliance et serment.” Elle réfère à une coalition regroupant des mouvements rebelles dont la CPJP, l'UFDR, la CPSK et bien d'autres qui, en 2013, parvinrent à renverser François Bozize au pouvoir depuis 2003 (Beninga Citation2020).
8 Informations issues d’entretiens conduits auprès de chauffeurs en juin 2019 à Douala, Bertoua et N’Djamena. Elles sont convergentes avec les informations publiques sur la question des tracasseries très souvent soulignées par les syndicalistes (voir – pour des données de 2019: https://www.agenceecofin.com/transports/2606-67282-vers-la-fin-des-tracasseries-et-goulots-de-corruption-sur-le-corridor-douala-n-djamena-bangui; voir par exemple pour le coût moyen déboursé par un camion, pour un voyage aller, sur le corridor en 2016: https://www.camer.be/amp/49567/11:1/cameroun-tracasseries-287-500-fcfa-de-douala-a-ndjamena-cameroon.html) et par les données contenues dans des rapports spécifiques comme celui de la Banque mondiale (2018) déjà évoqué.
9 Aussi bien des sources syndicales camerounaises que des sources institutionnelles comme celles de la BAD qui a conduit une étude sur le corridor au début de l’année 2019. Des données similaires ont été obtenues dans le cadre d’une enquête menée par International Transport Workers’ Federation (ITF) sur le corridor en 2019.
10 Voir la vidéo sur https://www.youtube.com/watch?v=Gp3b3xtmiBw.
11 Cette question a été rapidement évoquée durant l’atelier de Douala de février 2020 susmentionnée, mais aussi lors d’échanges individuels avec des acteurs syndicaux tchadiens en juin 2019.
13 Les faits relatés se seraient déroulés en 2015 selon l’intéressé.
14 Voir sur https://www.youtube.com/watch?v=Gp3b3xtmiBw.
15 Ces points indicatifs, il faut le noter, n’ont pas fait l’objet d’investigations approfondies dans le cadre de cette réflexion, mais ils peuvent servir de points d’impulsion à une recherche dédiée.
16 Options réaffirmées lors d’entretiens avec des leaders syndicalistes tchadiens en juin 2019 à N’Djamena.
17 https://www.jeuneafrique.com/mag/795350/economie/cameroun-des-transporteurs-routiers-sous-pression/.
18 Informations recueillies auprès de sources syndicales et de patrons d’entreprises des transports en juin 2019 à N’Djamena.
19 À ce sujet, c’est le Syndicat National des Ouvriers du Transport et des activités connexes du Gabon (SAO TCG) qui est le plus en vue. Par des marches et points de presse, son président a souvent souligné la multiplication croissante des tracasseries routières et leurs coûts économiques et financiers.
20 Échanges avec un leader syndicaliste du secteur du transport au Gabon, durant les mois de septembre et octobre 2020.
Additional information
Notes on contributors
Calvin Minfegue
Calvin Minfegue est politologue et géographe. Il est enseignant-chercheur à la Faculté de Sciences Juridiques et Politiques de l’Université Catholique d’Afrique centrale, département de Sciences politiques. Ses champs de recherche couvrent les problématiques frontalières en Afrique centrale, les enjeux d’hospitalité et les dynamiques socio-spatiales dans leur rapport au politique ainsi que les transformations contemporaines de l’action publique en Afrique.