Enjeux socio-culturels et réception de la comédie Les Garçons et Guillaume, à table !

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Abstract

Cet article étudie les représentations de genre et de sexualité véhiculées par la comédie Les Garçons et Guillaume, à table ! (Guillaume Gallienne, 2013). Après avoir replacé ce film dans son contexte de production, nous mettrons en lumière la manière dont il travaille les tensions idéologiques qui traversent alors la société française, en portant une attention particulière à l’usage qu’il fait de l’humour. Un examen de la réception dont il a fait l’objet sur internet nous permettra d’élaborer des hypothèses sur les raisons de son succès critique et public. Nous montrerons ainsi comment l’ambivalence de son discours sur la masculinité et la féminité d’un côté, et sur l’hétérosexualité et l’homosexualité de l’autre, lui a permis de séduire à la fois un public progressiste et un public plus conservateur sur les questions de genre et de sexualité.

Notes

1. http://www.jpbox-office.com/fichfilm.php?id=13841 (consulté en juillet 2015).

2. Commentaire de Mansonette sur AlloCiné, 11 mars 2014.

3. Dans l’émission « L’esprit de l’escalier » du 2 février 2014 sur RCJ.

4. Pour ce qui est de la réception du film sur internet, je m’appuierai principalement sur les « critiques spectateurs » postées sur le site AlloCiné, http://www.allocine.fr/film/fichefilm-180103/critiques/spectateurs/ (consulté en mai 2015).

5. « Il est difficile de ne pas voir dans cette histoire de coming out paradoxal d’un garçon efféminé, qui finit par révéler son hétérosexualité, autre chose qu’une bonne occasion de réconciliation nationale. Le film parvient en plein débat sur le mariage pour tous, la question gay, les théories du genre et la remise en question de la famille, à surmonter très habilement toutes les fractures, tous les désordres contemporains en les traitant au plus près d’une expérience intime et par le biais de la comédie » (Péron et Icher 2014).

6. Commentaire de zerwen sur le site AlloCiné, 26 mars 2014. Voir également : « (…) le message du film est clair, la tolérance entre les humains, qu’ils soient homos, hétéros, ou hétéros efféminés, etc. Et aussi il y a le message que la société est trop rigide et qu’elle nous met trop dans des cases, par exemple un hétéro ne peut pas être efféminé » (commentaire de zhurricane sur le site AlloCiné, 4 juin 2014).

7. Voir par exemple cette internaute qui s’exclame : « Top film contre l’homophobie » (commentaire de Anaïs C. sur AlloCiné, 8 juillet 2014).

8. Voir par exemple : « Le film dresse un portrait très flatteur des homosexuels : des hommes qui n’entretiennent que des relations purement sexuelles, des amateurs de partouses et de sadomasochisme obsédés par leur corps… Il fait aussi quelques allusions très subtiles à la saleté des ces gens grâce à une scène de lavement de très bon goût… » (commentaire de Maxime G. sur AlloCiné, 11 avril 2014).

9. Voir par exemple : « La morale du film est simple : les mères possessives, le regard social peuvent contribuer à vouloir faire de vous un homosexuel, mais, victoire ! par la psychanalyse et l’expérience, vous pouvez découvrir que vous êtes en fait hétérosexuel (…) Bref, Monsieur tout le monde sera rassuré : un jeune homme que l’‘on’ aura voulu faire dévier du ‘mauvais côté’ est revenu sur le ‘droit chemin’ » (commentaire de bomsteie sur AlloCiné, 20 novembre 2013).

10. Dans une interview pour le magazine Lui dans lequel il parle de son rôle de Pierre Bergé dans le film Yves Saint Laurent, Guillaume Gallienne témoigne à nouveau de cette vision stéréotypée de l’homosexualité masculine : « J’ai demandé à Jalil Lespert (le réalisateur) : ‘Lequel est l’actif dans le couple ?’ Il m’a répondu : « Je pense que c’est Pierre Bergé » (Beigbeder 2014, 19).

11. Voir par exemple le commentaire de Maxime G. cité plus haut. Ou encore : « d’abord, le héros du film veut absolument nous convaincre que ces relations le conduiraient à être ‘féminin’ et sexuellement ‘passif’, ensuite il y a une très longue et très lourde scène de ‘lavement’ dans une clinique teutonne pour bien nous faire comprendre combien tout cela est dégoûtant » (commentaire de bomsteie sur Allociné, 20 novembre 2013).

12. Sur cette question, voir le chapitre « De la sodomie » dans Réflexions sur la question gay de Didier Eribon (1999, 129–140).

13. Commentaire de Jean-Claude L. sur Allociné, 29 mai 2014.

14. Commentaire de Cinemax77 sur Allociné, 21 novembre 2013.

15. Commentaire de Prad12 sur Allociné, 4 mars 2014.

16. Commentaire de Edou Dc sur la page de AlloCiné intitulée « César 2014 : Guillaume Gallienne triomphe ! » : http://www.allocine.fr/article/fichearticle_gen_carticle=18631186.html#comment-1265194876 (consulté en juillet 2015).

17. Émission « Tout le monde en parle » (Québec), 16 mars 2014: https://www.youtube.com/watch?v=HwREQMaeIeo (consulté en juillet 2015). Voir également une interview pour 20 minutes Suisse : « Je pouvais tout à fait tomber amoureux de garçons, mais en fait c’était pas vraiment que je tombais amoureux, je pense que c’était plus… j’étais attiré beaucoup plus par complexe et par narcissisme. J’avais plus envie de leur ressembler que je n’ai réellement envie de coucher avec » : https://www.youtube.com/watch?v=6udZUqTvXZM (consulté en juillet 2015).

18. Commentaire de Maxime G. sur AlloCiné, 11 avril 2014.

19. Commentaire de Laurent C., 15 novembre 2014. Voir également : « une œuvre très sensible et subtile sur le droit à la différence et très éloigné de tous poncifs auxquels le sujet pouvait donner lieu » (commentaire de FritzLangueur sur AlloCiné, 21 avril 2014).

20. Commentaire de Matthieu H. sur AlloCiné, 24 mars 2014.

21. Commentaire de Fanny C. sur Allociné, 27 décembre 2014.

22. Commentaire de Patrick Braganti sur Allociné, 21 novembre 2013.

23. Commentaire de Mansonette sur AlloCiné, 11 mars 2014.

24. Commentaire de Cine vu sur Allociné, 20 mars 2014.

25. « Le 7/9 », France Inter, 19 novembre 2013.

26. « Tout le monde en parle » (Québec), 16 mars 2014.

27. De même, parce qu’il présente la transidentité comme une phase dont on finit par sortir, le film a conforté les spectateurs conservateurs dans leur transphobie, comme en témoigne le commentaire de cet internaute qui félicite Guillaume Gallienne de ne pas être « tombé dans le ‘on peut choisir son sexe’ » (commentaire de Cinemax77 sur Allociné, 21 novembre 2013).

28. Voir par exemple le commentaire de Joe75 du 8 mai 2014 sur Allociné. Les spectateurs la qualifient également de mère « autoritaire » (Joe75, 8 mai 2014), « abusive » (Prad12, 4 mars 2014), ou encore de « mère dragon » et de « Maman-la-terrible » (Libération).

29. Le seul moment où le film le sous-entend est tellement rapide et allusif qu’il est presque impossible de comprendre la référence si on ne sait pas déjà que son père était violent. Voir l’interview avec Beigbeder (2014, 20) :GG : Le jour de la première, une dame m’a demandé pourquoi je n’avais pas écrit sur mon père et j’ai répondu : « Parce que ce ne serait pas drôle ».FB : Paix à son âme, Jean-Claude Gallienne nous a quittés en 2009.GG : (…) Tu as remarqué qu’à un moment, dans le film, je retire ma ceinture quand je parle à mon père. Tu n’as jamais reçu de coups de ceinture, toi ? (…) Moi, mon père nous prévenait : « Dans quinze minutes, vous allez recevoir des coups de ceinture ».

30. « Le 7/9 », France Inter, 19 novembre 2013. Voir aussi par exemple : « Ce film est une déclaration d’amour au cinéma, aux femmes, aux hommes, car ceux qui m’ont sauvé, ce sont mon psy et mon prof d’équitation » (Attali 2013).

31. Interview pour 20 minutes Suisse : https://www.youtube.com/watch?v=PIq5qWEK65c (consulté en juillet 2015). Voir aussi par exemple : « [j’ai voulu] raconter l’histoire de ce garçon trop passif, trop bien élevé, trop fasciné par sa maman, et qui finalement, passe de la position horizontale de cette grande bourgeoisie vers un jeune homme actif, acteur en tout cas » (« Le 7/9 », France Inter, 19 novembre 2013).

32. Commentaire de jcguerrero sur AllocCiné, 20 novembre 2013.

33. Commentaire de Joe75 sur AlloCiné, 8 mai 2014.

34. Commentaire de Patrick Braganti sur Allociné, 21 novembre 2013.