Abstract
En Afrique peut-être plus qu’ailleurs, les rapports entre hommes et bêtes sont souvent mis en fiction. Cette omniprésence reflète une contiguïté qui dépasse les hiérarchisations occidentales entre les règnes et instaure de facto de nouvelles modalités d’approche de l’humain et de l’animal. La figure animale représente dans l’œuvre d’Ahmadou Kourouma une composante poétique déterminante. Elle convoque l’« arrière-pays culturel et mythique » et trace le contour d’une conception du monde propre à son aire culturelle.
Nous analyserons comment s’organise la sacralisation de l’animal dans l’espace mande et le statut qui lui revient et comment l’auteur réactualise à travers la figure du chasseur le patrimoine cynégétique et l’impose comme une figuration de la prédation politique et de l’hégémonie liberticide, notamment dans En attendant le vote des bêtes sauvages. En brouillant les frontières entre les règnes, l’auteur invite à lire son œuvre comme une modalité de questionnement de la violence à travers la figure animale, qui dise les maux qui assaillent l’Afrique. C’est dans ce patrimoine endogène que l’auteur puise toutes ses figures d’« hybrides » politiques, mi-homme, mi-animal, convoquant le phénomène totémique aussi bien que la notion d’homme-métamorphose.
Notes
1 Roger Caillois a abordé cette question dans L’Homme et le sacré, instituant ainsi cette répartition en sacré maîtrisé et sacré non maîtrisé et répertoriant les agents de chacune des deux entités évoquées. J’ai exploité ces données dans l’étude de Kourouma dans le chapitre consacré à l’espace hypoculturel.