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ALA Presidential Address (2018)

Andries Botha et « human elephant »: sculpture et écologie

Pages 15-30 | Published online: 09 Apr 2019
 

Abstract

The South African sculptor Andries Botha is known for his installations, for his bronzes of historical personalities and, with the establishment in 2006 of the foundation “Human Elephant” for his “Lifesize Elephant” sculptures made from recycled materials. Displayed in Europe and America in unusual settings, these elephants are the messengers of Botha’s engagement on behalf of ecology and the environment. Although “environmental art” they are also museum-like. In Durban, the three elephants placed at Warwick Junction elicited strong reactions up to and including their own destruction. The period between their vandalization in 2010 and restoration in 2015 saw something remarkable: the elephants were taken care of and brought back to “life.” This ex cathedra dimension had escaped completely not only the artist but also a recent scholarly publication devoted to the event. Because of conformism? Because of academic patterns of thought? Because of preconceived ideas on the official “copyright holders” of art? The event in Durban is a magnificent example of the public’s spontaneous and creative interaction with a seemingly abandoned work, its truly “humane” appropriation and the putting into social practice of its ecological aim.

RÉsumÉ

Le sculpteur sud-africain Andries Botha est connu pour ses installations, ses personnalités historiques coulées dans le bronze et avec la création de la Fondation « Human Elephant » en 2006, pour ses éléphants grandeur nature, fabriqués à partir de matériaux recyclés. Exposés en Europe et en Amérique dans des lieux inhabituels, ils sont les messagers de l’engagement de l’artiste en faveur de l’écologie et de l’environnement. Bien qu’appartenant à l’art environnemental, ils ont un côté « muséal ». A Durban par contre, les trois éléphants de Warwick Junction ont suscité de vives réactions allant jusqu’à la destruction. Vandalisés en 2010, puis restaurés en 2015, la période de l’entre-deux va provoquer l’irruption de l’inouï: la prise en charge des éléphants « blessés » qui se sont mis à « vivre ». Cette dimension ex cathedra a complètement échappé à l’artiste et à une étude universitaire publiée récemment sur cet événement. Par conformisme? Par académisme? Par idées préconçues quant aux détenteurs autorisés de l’art? L’événement de Durban est un magnifique exemple d’interaction spontanée et créatrice du public avec une oeuvre laissée en jachère, son appropriation réellement « humaine » et la mise en pratique sociale de sa visée écologique.

Disclosure statement

No potential conflict of interest was reported by the author.

Notes

1 A la Durban University of Technology.

2 Cf. par exemple “History has an aspect of oversight in the process of progressive blindness”, installation exposée à la Biennale de Johannesburg, Africa Remix en 2004.

3 Cf. “Genesis-Jesus”, 1986–1990, “Alleenspraak in Paradys” 1991 et “Embarkation”, 1996.

4 “For Rév. John Dube”, 2011. John Langalibalele Dube (1871–1948) fut le précurseur de la vie littéraire et politique en Afrique du Sud. Il créa le premier journal zoulou, Ilanga lase Natal en 1903, et fut l’auteur du premier roman zoulou Insila kaChaka (1933). Président fondateur de la South African Native National Congress ce dernier devint le Congrès national Africain (ANC).

Mentionnons en passant qu’à partir d’un roc poli et lissé par les eaux du fleuve Umzimkulu, il a réalisé la stèle ornant la tombe de l’écrivain Lewis Nkosi au cimetière de Stellawood.

5 L’un est dédié à son ami, le grand poète zoulou (1930–2006), auteur de l’épopée monumentale, Emperor Shaka the Great. A Zulu Epic (1979): “For Mazizi Kunene”, 2011.

6 International Social Science Council. Rapport mondial sur les sciences sociales, 2013: changements environnementaux globaux. Paris, UNESCO. 2015. Ed. Française, p. 16.

7 Nomkhubulwane signifie « celle qui choisit d’être un animal », est la déesse zouloue de la pluie, de la nature et de la fertilité et elle est considérée comme la Terre mère.

8 D’après Le Temps du 28 nov. 2016, 98% des éléphantes naîtraient sans défenses, leur ôtant ainsi la possibilité de se nourrir et de se défendre contre leurs prédateurs. D’après certains scientifiques, cette malformation est consécutive au braconnage. https://www.letemps.ch/sciences/plus-plus-delephants-naissent-defenses (consulté le 19 août 2018).

9 Public Art in South Africa. Bronze Warriors and Plastic Presidents. Edited by Kim Miller and Brenda Schmahmann. Indiana University Press, 2017. La couverture du livre est une reproduction de l’oeuvre de Botha installée à l’aéroport de Durban et intitulée King Shaka. Guerrier et législateur, le roi zoulou, représenté en vacher au milieu de son troupeau, a fait scandale et a été déboulonné tandis que son troupeau nguni est resté. Interrogé sur les raisons de cette interprétation, l’auteur dit s’appuyer sur la vision de Mazizi Kunene réfutant le mythe colonial anglais d’un guerrier sanguinaire au lieu d’un législateur hors pair.

11 Carol Becker. “You Cannot Go Home to Another Place: An Interview with Andries Botha”. Sculpture Magazine. 17 (1998). https://www.sculpture.org/documents/scmag98/sm-dec98.shtml (consulté le 17 août 2018). 

Les traductions des textes de Botha sont de moi.

« Mon père était un ouvrier du rail blanc qui votait pour le Parti nationaliste et croyait sincèrement aux idées qu’il défendait. On attendait de moi que j’en sois l’incarnation, comme c’était le cas pour la plupart des hommes Afrikaners en Afrique du Sud. Très vite, il m’apparut que la raison instinctive qui me poussait à choisir la scène culturelle était en partie le moyen de commencer à négocier ma propre identité. Il me fallut trouver une relation toute nouvelle au paysage, à la fois au plan physique et au plan intellectuel. Car pour sûr, je ne pouvais les trouver dans ma propre mythologie.»

12 Cf. « Afrikaander circa 1600 », 2006.

13 « Je sens que mon identité est bien ancrée en Afrique du Sud et façonnée par elle. Néanmoins, j’ai besoin de la scène internationale pour exprimer cette identité. Je ne me vois pas quitter l’Afrique du Sud. La sphère publique où je veux être le plus opérationnel, c’est l’Afrique du Sud, car je pense qu’il y a là un rôle important à jouer en ce qui concerne la formation et la structuration de la vie culturelle sud-africaine. Il arrive un moment où vous n’avez plus envie de partir car vous ne pouvez vous imaginer ailleurs. Vous ne pouvez pas rentrer chez vous ailleurs.» Ibid.

Cf. l’installation “Home” de 1997.

14 « C’est une organization visionnaire et collective qui initie, coordonne et encourage la discussion et l’innovation des solutions quant aux problèmes suscités par la création d’un monde meilleur, respectueux et durable. »

La fondation donne l’occasion à des individus et des entreprises qui réfléchissent de se réunir, de stimuler leur imagination et de mettre leur créativité au service d’une planète saine de part en part.

Sur le plan fiscal, c’est une manière avantageuse de faciliter et soutenir le développement et l’implémentation de projets novateurs en vue de remédier aux déséquilibres sociaux et aux dérèglements écologiques ainsi qu’aux vulnérabilités causées par l’empreinte de l’homme. Elle suscite des partenariats entre les écoles, les universités, les communautés culturelles et créatrices et les individus.

Les problèmes actuels du monde, on ne peut pas les aborder à l’aide de pronostics ou de formules. Leur solution exige compétence et volonté d’innover et de générer des idées fraiches.

La présence d’un éléphant fait de matériaux recyclés de différentes régions du monde aidera, nous en sommes convaincus, à mobiliser la communauté et à l’impliquer dans des enjeux humains et écologiques fondamentaux.

http://www.humanelephant.org/who.html (consulté le 17 août 2018).

15 Anthony, Laurence and Graham Spence. The Elephant Whisperer: Learning about Life, Loyalty and Freedom from a Remarkable Herd of Elephants. 2009. Panmacmillan: London. 

16 Anthony, Laurence and Graham Spence. The Last Rhinos: The Powerful Story of One Man‘s Battle to Save a Species. 2012. Panmacmillan: London.

18 Francis Poulenc, Jean de Brunhoff : Histoire de Babar, le petit éléphant. Lutin poche de l’école des loisirs, 2015. L’histoire du petit éléphant Babar dont la mère a été tuée par un chasseur date de 1931.

19 Nimrod: Les Éléphantes, poèmes, avec l'artiste Décebal, TranSignum, 2004. Lecture à la galerie Les Caractères au 7 rue de l'Arbalète Paris 5°. Le 10 mars 2013. https://www.dailymotion.com/video/xy4bin (consulté le 27 août 2018).

20 Abraham Sutzkever. “Helfandn bay nakht”. Tel Aviv: Poetishe verk. 1963 (210): 175–226.

21 Ibid. (184)

26 “Ungayithenga inhlizyo nomongo wami (Bibelot africain).

Ce qui signifie en gros : « Vous pouvez acheter mon coeur et mon âme. » Cela s’achète comme un bibelot africain.

L’éléphant incarne la relation romantique du monde à l’Afrique. Il fait aussi partie de la panacée coloniale : on peut domestiquer ce qui est sauvage, l’observer, l’étudier, l’acheter et le ramener dans les salons des pays industrialisés comme trophée sauvage. Il se trouve que l’éléphant est le plus grand mammifère vivant sur terre. L’expansion de notre modernité, la civilization, menace l’existence de cet animal. Notre incapacité à coexister avec d’autres organismes vivants est aussi impliquée dans cette métaphore de l’oeuvre d’art. Ce qui veut dire que notre intelligence est intolérante».

Andries Botha, 2006 https://www.flickr.com/photos/isscworld/10739623944

27 Achille Mbembe. Différence et Répétition. Réflexion sur l’Afrique du Sud d’aujourd’hui. Etre là. Afrique du Sud, une scène contemporaine. Fondation Louis Vuitton: Ed. Dilecta. 2017: 20–21

28 « Il est important que cette oeuvre ait été faite à partir d’arbres recyclés. Il y a quatorze essences différentes que je me suis procurées à Durban, ville du KwaZulu-Natal, recyclées à partir d’arbres morts ou tombés. Les arbres sont le poumon de notre univers et sont menacés par l’expansion de notre paysage industriel et capitaliste.

« Tu peux acheter mon coeur et mon âme » signifie littéralement que tout ce que nous possédons de précieux est assujetti à présent à celui qui veut acheter ou vendre. Tous deux sont implicites dans la définition de la tragédie de l’histoire postcoloniale qui l’a précédée. La dynamique de celui qui veut acheter ou vendre persiste aujourd’hui et soutient l’identité sociale et politique du postcolonial.

L’oeuvre médite sur la nature du pouvoir et les responsabilités mutuelles y afférent et la vision que nous avons de notre future humanité partagée». Ibid.

29 En Afrique du Sud, le recyclage des pneus, vital pour la santé et l’environnement, mis en place par REDISA (Recycling and Economic Development Initiative of South Africa) crée des milliers d’emplois dans les quartiers les plus défavorisés. https://www.livingcircular.veolia.com/fr/industrie/en-afrique-du-sud-le-pneu-de-lavenir (consulté le 27 août 2018).

30 Baudelaire, Charles. « Ébauche d’un épilogue pour la deuxième édition des Fleurs du Mal » (1861).

31 Cf. Masques, vaudou et bidons d'essence : Romuald Hazoumè et l'identité culturelle /Art et développement durable. Expostion à Berne en 2015.

32 Cf. Making Africa: A Continent of Contemporary Design. Vitra Design Museum, Weil-am-Rhein (Allemagne), 2015.

https://www.design-museum.de/en/exhibitions/detailpages/making-africa.html (consulté le 27 août 2018)

33 Berea Mail. February 13, 2015: « Les éléphants appartiennent aux citoyens » : « Je me refusais à voir en l’éléphant un animal politique dans ce cas-là – je les ai fait comme symbole écologique environnemental d’un animal sérieusement menacé et statuait qu’il en était ainsi. Je créai l’animal comme une métaphore pour les forces et les faiblesses de la société. Rétrospectivement je regardai cet événement avec tristesse. J’ai beaucoup appris et je sens que la ville a beaucoup à apprendre en matière d’art ».

34 Mbembe, Achille. op. cit., p. 22.

35 Klee, Paul. Hauptweg und Nebenwege (Chemin principal et chemins latéraux). 1929. Musée Ludwig, Cologne.

Additional information

Notes on contributors

Astrid Starck-Adler

Astrid Starck-Adler is professor emeritus at the Université de Haute Alsace (UHA) and a literary researcher in Germanic and Yiddish Literatures at the Institute for European Languages and Literatures (ILLE). She works also on the field of cultural transfers in South Africa.

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