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Article de Recherche / Research Article

Apport de la télédétection pour le suivi des rizicultures dans le bassin versant du fleuve Sénégal

Remote sensing in support for monitoring rice in the Senegal catchment

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Pages 60-67 | Received 24 Mar 2020, Accepted 25 Oct 2020, Published online: 21 May 2021

Abstract

La vallée du fleuve Sénégal constitue une source de vie et de fertilité régionale où se mêlent agro-pastoralisme traditionnel et cultures irriguées plus intensives. Les enjeux primordiaux de l'utilisation des ressources en eau du fleuve Sénégal représentent un défi d'envergure, et ce surtout dans un contexte de changement climatique. Les images satellitaires sont une source de données pertinente et peu chronophage pour observer et suivre les changements du territoire et ainsi aider à sa gestion. C'est dans ce contexte que le projet MOSIS (Mutualiser les observations satellitaires pour l'innovation de services) a vu le jour, issu d'une collaboration menée selon une démarche Living Lab entre la SOGED (Société de gestion et d'exploitation du barrage de Diama), la CACG (Compagnie d'aménagement des coteaux de Gascogne) et E2L (Espace et Living Lab). En seulement un an de travail, un outil opérationnel s'appuyant sur le traitement des images satellitaires Sentinel 2 a été co-conçu avec les utilisateurs finaux afin de localiser et quantifier les surfaces rizicoles mises en eau pour améliorer le taux de recouvrement de la redevance liée aux prélèvements d'eau pour l'irrigation. L'utilisation de l'outil WebGIS a déjà montré beaucoup de valeurs ajoutées sur le terrain : meilleure identification des usagers et du foncier, augmentation des recettes de redevance, amélioration de la communication avec les usagers, certification des données, etc. La qualité de la réflexion collaborative entre les membres du consortium a également permis de faire émerger d'autres idées de services potentiels qui viendraient s'appuyer sur les ressources Geo-WEB et la télédétection spatiale afin d'obtenir des indicateurs de gestion spatialisés, fiables et pérennes sur la vallée du fleuve Sénégal.

Senegal River catchment represents a vital source for its four riparian countries Guinea, Mali, Mauritania, and Senegal, which cooperate within the interstate agency OMVS (Senegal River Basin Development Authority). The key issue of integrated water resources management addressed major challenges, especially with climate change. Satellite imagery represents thus a relevant and inexpensive source of data for observing land use changes at large scale and thus provides management support. In this context, MOSIS project (Monitoring of Observations from Satellites for Innovative Services) arose based on a “Living Lab” approach between SOGED, CACG and E2L. Based on the needs of end-users, an operational tool was co-designed in a single year to localise and quantify rice producing areas using Sentinel 2 satellite imagery and Web resources. The purpose of the created WebGIS was to improve the recovery rate of the irrigation fee. Many added values have emerged when used in the field: improved identification of water users and land management, an access to water use history, performance of field agents and improved communication with users and other partners. As a first step, the Senegal River Delta alone was investigated where 80% of irrigated surfaces are. Next steps are (1) the functional improvement of the WebGIS and the satellite image processing, (2) capacity building of SOGED, (3) regulatory certification of the tool and (4) extension of the study zone to the catchment area. The created Geo-Web service also aroused a great deal of interest among different partners and state structures. It enabled to bring out several ideas of other potential services that would rely on WEB resources and remote sensing in order to estimate spatialised, reliable and permanent management indicators on the Senegal catchment.

1 Introduction

Le fleuve Sénégal représente une source régionale d'eau de surface aux enjeux primordiaux. Son bassin s'étend sur quatre pays, que sont d'amont en aval la Guinée, le Mali, le Sénégal et la Mauritanie (CitationNdiaye, 2003). Dans un contexte de grandes sécheresses au début des années 1970, trois gouvernements frontaliers du fleuve Sénégal (Mali, Sénégal et Mauritanie) ont créé l'Organisation pour la mise en valeur du fleuve Sénégal (OMVS) afin de réfléchir ensemble à des solutions (CitationDuvail et al., 2001 ; CitationKipping, 2005). En 2005, la Guinée adhère à l'organisation. Ce type de gouvernance internationale est souvent présenté comme une référence mondiale de coopération entre États pour la gestion de la ressource en eau (CitationAuclair et Lasserre, 2013). Dans les années 1980, la construction de deux grands barrages a été lancée pour assurer la disponibilité permanente de l'eau douce pour des usages divers (CitationTignino et Sangbana, 2016). Le barrage anti-sel de Diama a été mis en fonction en 1986 pour empêcher la remontée des eaux salées marines et le barrage réservoir hydroélectrique de Manantali au Mali a été mis en service en 1988. Ces deux barrages ont permis le développement d'une riziculture irriguée plus intensive (CitationCormier-Salem et al., 2016 ; CitationTaïbi et al., 2007).

La SOGED (Société de gestion et d'exploitation du barrage de Diama) est une société de l'OMVS. Elle est concessionnaire d'ouvrage et délégataire du service public de l'eau du fleuve Sénégal, destiné à plusieurs usages dont l'agriculture irriguée (cultures irriguées vivrières, agrobusiness), la production d'eau potable, les activités minières, la navigation, les besoins environnementaux (parcs nationaux, remplissage des cuvettes de décrue.). La SOGED fonctionne financièrement sur la base de redevances liées aux prélèvements, à l'exception de la production électrique qui est gérée par la SOGEM (Société de gestion de Manantali) (CitationSéné, 2009). Ces revenus (complétés par la contribution des États) servent à assurer la maintenance de ces ouvrages, d'assurer l'accès libre et gratuit à la ressource en eau pour les usages domestiques et de satisfaire les besoins environnementaux (parcs nationaux) et le remplissage des cuvettes. Depuis la mise en place des redevances pour prélèvements en eau du fleuve, l'OMVS a érigé au rang de priorité, l'agriculture irriguée, particulièrement les cultures vivrières (maraîchage de contre-saison, riziculture en saison des pluies et en contre-saison chaude). La politique tarifaire et social de la SOGED est en cours d'évolution afin d'assurer un équilibre d'exploitation et de tendre vers une autonomie financière de la SOGED (CitationSéné, 2009). L'agriculture irriguée dite vivrière (à la différence des agro-business facturé au volume d'eau) est facturée à la surface cultivée avec une redevance comprise entre 2700 et 11 600 FCFA/ha (approximativement 4–18 €/ha) selon les saisons hivernage, contre-saison chaude et contre-saison froide (tarifs en 2018). La nouvelle grille tarifaire va ajuster, de façon marginale, les tarifs de l'agriculture irriguée vivrière et, d'une manière plus conséquente, les tarifs de redevance applicables aux grands usagers (périmètres rizicoles supérieurs à 200 ha). Le nouveau règlement prévoit une approche basée sur les emblavures réelles, pouvant être contestées par les clients, à la place de l'approche déclarative actuellement en vigueur.

Cependant, la SOGED est actuellement confrontée à une faiblesse de ses capacités opérationnelles face à l'accroissement continu de la demande en eau et à la diversification des usages, la taille importante de sa clientèle (plus de 5000 usagers répertoriés pour plus de 120 000 ha emblavées par an), l'importance de la zone d'intervention (800 km de Saint-Louis à Manantali) et les difficultés à assurer un suivi en temps réel des emblavures et des prélèvements d'eau avec des contraintes de terrain opérationnelles importantes. Dans ce contexte, les images satellitaires constituent une source de données pertinente et peu chronophage pour observer, évaluer et suivre les emblavures à la fois historiquement et en temps réel. La SOGED, la CACG (Compagnie d'aménagement des coteaux de Gascogne) et E2L (Espace et Living Lab) ont lancé en 2017 le projet MOSIS (Mutualiser les observations satellitaires pour l'innovation de services ; https://mosis-cacg.e2l-coop.eu/) avec l'implication dynamique et économique de l'Agence de l'eau Adour-Garonne. L'objectif de ce projet est d'accompagner la SOGED afin de construire un système d'information et d'aide à la décision, qui s'appuierait sur des données satellitaires, tout en combinant les mesures de suivi traditionnel afin d'améliorer le recouvrement de la redevance liée à l'irrigation. L'objectif était double :

  • produire un service pérenne basé sur la télédétection, qui permettra d'améliorer le taux de recouvrement de la redevance auprès des usagers ;

  • développer une plateforme web de cartographie partagée qui permette à la SOGED et à ses partenaires d'interagir sur la base d'informations et d'indicateurs spatialisés.

2 Materiel et methodes

2.1 Zone d'étude, cultures et type d'irrigation

Le fleuve Sénégal permet en théorie l'irrigation d'environ 248 000 ha (CitationSDAGE, 2009). On estime à environ 4 milliards de m3 d'eau l'usage de l'irrigation et des besoins environnementaux. En hivernage (juillet–décembre) et en contre-saison chaude (février–juin), la principale culture demeure le riz. Par contre, en saison sèche froide (décembre–février), les spéculations vivrières suivantes se développent : oignon, tomate, gombo, patate, maïs, sorgho, pastèque, arachide.

Afin de tester l'approche, le projet s'est concentré sur l'irrigation par submersion pour la riziculture dans la zone du delta du fleuve entre Saint-Louis et Podor. Cette zone concentre 80 % des surfaces irriguées de la vallée (). Vingt-trois aménagements rizicoles de plus de 200 ha ont été pré-ciblés par la SOGED pour être suivis sur les deux campagnes du riz (hivernage et contre-saison chaude). Une fois la preuve de concept validée, l'objectif final sera de couvrir les 800 km de Saint-Louis à Manantali, géré par la SOGED.

Fig. 1 Cartographie de la zone d'étude.

2.2 Méthodologie de design de service

Une méthodologie dite de Living Lab et de « design de service » a été mise en place tout au long du projet afin de se concentrer sur les besoins et le contexte des utilisateurs finaux (CitationBergvall-Kåreborn et Ståhlbröst, 2009 ; CitationDell'Era et Landoni, 2014). Des ateliers de créativité et de co-conception ont donc été menés dans le but d'analyser correctement les besoins pour les transformer en exigences fonctionnelles et techniques. Une approche avec des cycles itératifs de spécification/programmation/livraison a été menée afin de s'assurer de la cohérence de l'outil avec les besoins de l'utilisateur final. La méthode agile « Scrum » a été utilisée pour le développement informatique (CitationVlaanderen et al., 2011) en suivant les valeurs de l'agilité :

  • interactions régulières avec l'équipe du projet ;

  • opérationnalité du logiciel ;

  • collaboration avec le client ;

  • adaptation au changement.

2.3 Acquisition des données terrain

Des relevés terrain sont nécessaires afin de pouvoir contrôler les analyses produites sur la base des informations satellitaires et de valider la méthode. Trois campagnes de terrain ont donc été réalisées par la SOGED en mai, septembre et décembre 2018. Elles ont permis d'obtenir les périmètres des aménagements à observer et les surfaces emblavées selon les différentes saisons (contre saison chaude et hivernage) avec des relevés GPS. Ces données ont suivi toute une procédure de caractérisation sur le terrain/validation/certification avec la participation des structures étatiques assermentées (SAED, SONADER). À terme, l'objectif sera d'arriver à confirmer une méthode d'analyse robuste permettant d'optimiser ces relevés terrain.

2.4 Méthodologie de traitement des images satellitaires

Les images de Sentinel 2 ont été utilisées dans le cadre de cette étude pendant les différentes saisons culturales du riz (contre-saison chaude et hivernage). Sentinel 2 est une constellation de deux satellites multispectraux (2A et 2B) développée par l'Agence spatiale européenne (ESA) dans le cadre du programme de surveillance de la Terre Copernicus financé par l'Union européenne (). Sentinel 2 a été choisi pour trois raisons :

Tableau 1 Caractéristique des images Sentinel 2A et 2B (https://sentinel.esa.int/web/sentinel/missions/sentinel-2).

  • sa répétitivité temporelle (5–6 jours) ;

  • sa résolution spatiale assez précise (10 m) ;

  • sa disponibilité sur la plateforme Théia (http://theia.cnes.fr), qui fournit gratuitement les images de Sentinel 2, prétraitées des effets atmosphériques sur différentes zones du monde, dont la zone d'étude (CitationHagolle et al., 2010).

Des chaînes de traitement d'image ont été développées avec le langage Python en utilisant la librairie GDAL (CitationBouffier, 2015 ; CitationDu et al., 2016). Une première étape a consisté à homogénéiser le jeu de données dans le cas de données provenant de périodes d'acquisition différentes, mais également à synthétiser l'information pour alléger le temps des traitements. Seulement cinq bandes spectrales ré-échantillonnées à 10 m ont été gardées sur les 13 bandes des images Sentinel 2. À partir de la combinaison linéaire des réflectances dans les différentes longueurs d'onde, deux indices vont être calculés : le NDVI (Normalized Difference Vegetation Index), un indicateur de végétation verte, et le MNDWI (Modified Normalized Difference Water Index), un indicateur de présence d'eau (éq. Equation(1) et Equation(2)) : (1) NDVI=ρPIRρRρPIR+ρR,(1)

ρPIR est la réflectance dans le proche infrarouge (PIR, bande 08) et ρR la réflectance dans le rouge (R, bande 04). Le NDVI est un indicateur normalisé, sa valeur varie entre −1 et 1. Pour un sol nu, le NDVI présente des valeurs proches de 0 (en raison de la faible différence entre le R et le PIR), pour les formations végétales, le NDVI varie de 0,1 à 0,8–0,9 (couvert très dense et vert). Cet indicateur est cependant sensible au type de sol (pour les couverts non couvrants), aux effets atmosphériques, aux conditions de prise de vue et tend à saturer pour des couverts végétaux présentant une importante biomasse (CitationDefries et Townshend, 1994). Le résultat du calcul du NDVI est ensuite croisé avec les images de zone mise en eau pour délimiter les rizières. (2) MNDWI=ρVρMIRρV+ρMIR.(2)

Le MNDWI est dérivé du NDVI ; celui-ci a été modifié pour la détection optique par l'utilisation du moyen infrarouge (MIR, bande 11) à la place du proche infrarouge (bande 08). ρV est la réflectance dans le vert (V, bande 03) et ρMIR (bande 11) la réflectance dans le moyen infrarouge. Il permet de mettre en évidence les masses d'eau en supprimant de manière plus efficace que l'indicateur NDWI (Normalized Difference Water Index) (CitationXu, 2006) le bruit des terrains bâtis, ainsi que celui de la végétation et du sol. Les masses d'eau sont ainsi mieux délimitées par discrimination efficace des surfaces en eau et des surfaces sèches. Le seuil de discrimination est situé autour de 0. À partir de cet indice, une série d'images binaires est créée avec un seuil fixé à −0,25 sur des images en niveaux de gris du MNDWI. Ces images sont ensuite additionnées pour constituer une carte des temps d'inondation ou de mise en eau des éventuelles parcelles de riz. Plus la valeur du pixel est grande, plus le temps de mise en eau est long.

Le MNDWI permet de détecter les lames d'eau dès le début de la saison sur la période de mise en eau : janvier–mars par exemple pour la contre-saison chaude (étape 1–2, ). Les pixels détectés comme mis en eau au moins une fois pendant la saison sont validés ensuite en détectant les cultures qui ont germé, par la valeur de l'image du NDVI (étape 3–4, ). Cette image est choisie à la période où le riz atteint sa phase de maturation. Elle tombe au mois de mai pour la contre-saison chaude et au mois de novembre pour l'hivernage. L'image MNDWI est transformée en raster binaire codé de 0 à 1. La valeur 0 correspond aux pixels non mis en eau et la valeur 1 aux pixels mise en eau. Le raster binaire est croisé avec l'image NDVI en faisant une multiplication des valeurs. Les deux images sont de taille identique (même nombre de ligne et colonnes, même taille de pixel). À l'issue de la validation, de nombreux pixels isolés sont généralement observés et un filtrage est alors appliqué pour les remplacer par la classe majoritaire observée dans les pixels voisins (tamisage). La dernière étape de la méthodologie est la vectorisation des données au format shapefile afin de les intégrer dans une base de données. La table attributaire du fichier vecteur comporte alors un attribut relatif à la classe d'occupation du sol. Enfin, la cohérence des résultats est ensuite contrôlée grâce à des applications tierces (Sentinel HUB) et des relevés terrain (étape 5, ).

Fig. 2 Étapes de la méthode de traitement des images pour la contre saison chaude.

2.4.1 Implémentation et déploiement au sein du WebGIS

Une application WebGIS a été implémentée afin que l'utilisateur puisse suivre les résultats issus de la télédétection en temps réel. L'architecture système de la plateforme se décompose (voir ) en :

Fig. 3 Architecture logicielle et interactions entre le frontend (interface utilisateur) et le backend au sein de l'outil.

  • une chaîne de traitement permettant l'évaluation des surfaces irriguées par télédétection et l'alimentation de la base de données ;

  • un backend afin de traiter les demandes du client ;

  • un frontend pour visualiser les résultats ;

  • une base de données pour historiciser les données ;

  • un serveur cartographique.

L'architecture logicielle utilisée est le « MVT » (Modèle-Vue-Template). Le souci d'ergonomie et de facilité d'usage de l'outil nous a amenés à mettre en place des outils pour recevoir les retours d'expériences des utilisateurs directement via la plateforme. Pour le côté serveur applicatif, nous avons utilisé le framework GeoDjango/Django v2.0 avec un serveur applicatif WSGI (Web Server Gateway Interface), du fait de sa compatibilité avec la bibliothèque de traitement de données spatiales, sa souplesse, sa rapidité et sa sécurité. Nous avons choisi le serveur géographique Geoserver et le serveur de base de données spatiales PostgreSQL v9.6 avec l'extension spatiale PostGIS v2.3. Nous avons développé la partie front end avec les technologies classiques : HTML 5, CSS 3 et JQuery v1.11.3. D'autres bibliothèques et outils de développements ont été utilisés, HighCharts JS v8.1.2 pour visualiser les statistiques, et OpenLayers v4.5.0 pour la cartographie, et Materialize v0.100.2 pour l'interface utilisateur.

3 Resultats et discussion

3.1 La plateforme cartographique MOSIS

Un outil opérationnel a donc été développé s'appuyant sur le traitement d'images satellitaires pour localiser et quantifier les surfaces rizicoles mises en eau. Les principales fonctionnalités de l'outil sont : l'authentification de l'utilisateur, les fonctionnalités de manipulation cartographique classiques, la consultation des statistiques synthétiques concernant les surfaces rizicoles en fonction des échelles choisies, le suivi des évolutions des zones mises en eau par saison (), la mise à jour des données concernant les attributaires, les fonctionnalités d'export de fiche de négociation ou des résultats sous forme vectorielle.

Fig. 4 Exemple de l'interface WebGIS de l'outil MOSIS (http://soged.cacg.fr/).

La SOGED peut donc suivre aménagement par aménagement les mises en eau des parcelles et la confirmation de la pousse du riz via la plateforme. Elle peut comparer ensuite les surfaces télédétectées avec celles qui ont été déclarées et exporter une fiche de négociation avec toutes les informations nécessaires afin de l'envoyer aux clients ou de s'en servir de base pour discuter.

3.2 Les retours de l'utilisation sur le terrain

Le consortium s'était préparé à un comportement un peu réfractaire des usagers vis-à-vis de l'application de cet outil pour payer les redevances liées à l'irrigation. Finalement, les retours terrain ont été surprenants et positifs. Les usagers ont apprécié le fait que les données terrain soient homogènes pour tous et cette base permet d'instaurer un dialogue entre les différents usagers et les agents impliqués dans la gestion des redevances. L'outil permet aussi de renforcer la communication avec les partenaires étatiques de type SONADER, SAED, ADRS, etc. Ces partenaires locaux se sont montrés intéressés par l'utilisation de l'outil avec des services associés potentiels à développer (suivi des rendements agricoles, suivi des plantes envahissantes etc.). Ils ont demandé une formation en géomatique à la SOGED afin de mieux réaliser les missions terrain de caractérisation des contours d'aménagements et des surfaces emblavées.

Au niveau de la SOGED, l'outil permet d'optimiser la performance des agents impliqués dans la gestion des redevances avec peu de moyens humains supplémentaires. Il a permis, à petite échelle pour l'instant, d'augmenter les recettes de redevance à travers l'augmentation de l'assiette de facturation. Sur l'année 2018, l'effectif d'usagers facturés a augmenté de 45 % avec l'intégration de 22 grands usagers facturés individuellement. Grâce à MOSIS, il est donc possible aujourd'hui de généraliser cette approche à l'ensemble des grands usagers. L'effet combiné de la facturation des grands usagers agricoles et du relèvement du niveau tarifaire, se traduira par une nette amélioration du niveau de recouvrement de cette catégorie (près de 33 % des recettes attendues sur la période 2020–2034). Dans un contexte de refonte de l'architecture juridique, réglementaire et tarifaire de la SOGED, l'outil permet d'améliorer fortement les capacités opérationnelles de la SOGED, face à la charge de travail qu'impose l'application du règlement de service et de la grille tarifaire. L'historique des usagers et des surfaces emblavées permet de mieux maitriser la gestion foncière réelle sur le terrain et d'évaluer les impacts financiers de changement de tarif sur les redevances liées aux activités agricoles.

4 Perspectives et conclusion

En seulement un an de travail, une plateforme cartographique a été créé sur la base d'informations satellitaires afin d'instaurer un dialogue entre les différents usagers de l'eau et de permettre d'améliorer le taux de recouvrement de la redevance liée à l'irrigation. Cette plateforme va permettre à la SOGED et à ses partenaires d'interagir sur la base d'informations et d'indicateurs spatialisés. Concrètement, elle permet de visualiser les projets d'aménagement et d'estimer pour chaque saison les surfaces en riz ainsi que les coûts de redevance potentielle. Les résultats du prototype créé sont concluants.

Les perspectives sont donc multiples. Une des premières étapes consiste à opérationnaliser le prototype et à transférer les outils en renforçant le savoir-faire local en télédétection et la prise en main du Web service via des formations afin que les acteurs se l'approprient. L'étape suivante sera d'étendre la zone d'étude jusqu'à Manantali pour couvrir la zone de gestion de la SOGED ainsi que de raffiner son évaluation à des exploitations de surfaces inférieures à 200 ha. La SOGED est aussi intéressée par suivre les autres spéculations telles que la canne à sucre ou le maraichage. Il faudra donc développer des méthodes de traitement d'image pour chaque culture et type d'irrigation. En effet, la méthode développée ici est spécifique à la culture de riz et à une irrigation par submersion. On pourrait donc s'imaginer qu'une méthode de traitement d'image similaire pourrait facilement être développée dans ces contextes culturaux différents. Des limites techniques de l'outil sont encore en cours d'amélioration. Notamment sur la période d'hivernage, où la couverture nuageuse occulte parfois des informations sur les images optiques. L'étape finale consistera à pérenniser l'utilisation de ce service et à le certifier réglementairement afin de faciliter la facturation de la redevance à l'aide de la télédétection.

En travaillant de manière concertée sur ce projet et à l'écoute des besoins des utilisateurs finaux, des idées de nouveaux services pouvant s'appuyer sur la télédétection et les ressources WEB ont vu le jour pour différents utilisateurs (OMVS, SOGED, partenaires, structures relais, attributaires et/ou irrigants) ainsi qu'à différentes échelles spatiales (bassin du fleuve Sénégal, régions, aménagements, parcelles) et temporelles (de 15 ans à une campagne agricole). Ces services concernent des thématiques variées : environnementales, hydrologiques ou encore agronomiques. Des exemples concrets de services opérationnels pourraient être le suivi des inondations contrôlées ou non, le suivi des zones les plus exploitées pour coordonner la maintenance, le suivi de la réalité des exploitations agricoles et des rendements ou encore le suivi de plantes envahissantes. Le développement de ces services sur tout le bassin versant du fleuve Sénégal devra contribuer à une meilleure gestion intégrée de l'eau et de l'agriculture afin d'anticiper les situations de crise et les impacts du changement climatique.

Remerciements

Le consortium tient à remercier l'Agence de l'eau Adour Garonne qui a financé le projet à hauteur de 50 %, ainsi que le CNES qui a participé financièrement au développement de l'outil. Le CESBIO, et en particulier Gérard Dedieu, ainsi que le pôle de données et de services surfaces continentales Theia sont remerciés pour leur participation technique au projet.

Citation de l’article : Lefrancq M, Diarra M, Hane O, Lhuissier L, Ndour T, Thumerel B, Toumiat F, Yena M. 2020. Apport de la télédétection pour le suivi des rizicultures dans le bassin versant du fleuve Sénégal. La Houille Blanche : 60–67

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