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Article de recherche / Research Article

Potentiel de l'imagerie optique satellitaire à haute résolution pour détecter les dommages engendrés par des épisodes pluvieux extrêmes

Potential of high resolution satellite optical imagery to detect damages following extreme rainfall events

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Pages 66-74 | Received 16 Nov 2020, Accepted 23 Dec 2020, Published online: 21 May 2021

Abstract

De nombreuses données satellites peuvent aujourd'hui être combinées afin de couvrir des surfaces très importantes avec une très haute résolution spatiale (THR) ainsi qu'une haute fréquence de revisite. Le potentiel de ces images pour évaluer et cartographier les dommages engendrés par des pluies extrêmes, en particulier ceux causés par le ruissellement pluvial, a été jusqu'à présent peu étudié. Cette étude propose une méthode pour détecter de la manière la plus exhaustive possible ces dommages à partir de données satellitaires THR et HR acquises au plus près, avant et après, d'un événement de pluie intense. Pour ce faire, nous avons utilisé des images Pléiades (0,7 m) et Sentinel-2 (10 m) acquises au-dessus de la région de l'Aude (France), fortement touchée par des intempéries le 15 octobre 2018. Notre intérêt a porté sur les zones agricoles qui ont fait l'objet de 1119 demandes d'indemnisation en calamités agricoles pour cet événement. Plusieurs indices et filtres spectraux ont été appliqués sur un échantillon d'images Sentinel-2 sélectionnées avant et après l'épisode orageux. Ce travail exploratoire révèle que certains types de dommages agricoles sont bien détectés alors que d'autres, même clairement visibles sur les images Pléiades, sont plus difficiles à distinguer avec les indices et filtres sélectionnés sur les images Sentinel-2. Il démontre également le potentiel de ces méthodes pour discriminer les différents degrés de dégâts relevés sur les parcelles agricoles. Cette étude confirme l'importance de combiner information spectrale, temporelle et contextuelle pour détecter à l'aide de l'imagerie optique les dommages engendrés par des pluies extrêmes, en particulier ceux causés par le ruissellement pluvial. Ces travaux préliminaires ouvrent la voie au développement de nouvelles méthodes de détection, l'utilisation de nouveaux indices ainsi que sur l'intelligence artificielle.

Combination of numerous satellite data has lately become available to cover large areas with very high spatial resolution (VHR) and high revisit frequency. Little studies have yet made use of these images to assess and map damages following an extreme rainfall event, in particular those caused by rainwater runoff. We therefore investigate a specific approach to detect these damages as exhaustively as possible from VHR and HR satellite data acquired as closely as possible before and after an intense rainfall event. To do so, we used Pléiades (0.7 m) and Sentinel-2 (10 m) images taken over the Aude region (France) which was heavily affected by a severe storm on October 15th, 2018. We chose to focus on agricultural lands as 1119 claims for agricultural disaster were registered and certified following this event. Post-event VHR Pléiades images were used to identify claimed damages over a subset of agricultural plots as well as to determine contextual information such as the type of damage (erosion, deposit, uprooting). Several indices and spectral filters were then applied to the selected areas from pre and post-event Sentinel-2 images. This exploratory work reveals that certain types of agricultural damage are well detected while others, albeit clearly visible on Pleiades images, are harder to identify with the selected indices and filters on Sentinel-2 images. It also shows the potential of this approach to discriminate the extent of damage that was declared over agricultural areas. This study emphasizes how relevant the use of combined spectral, temporal and contextual information is to detect damages following an extreme rainfall event, in particular those caused by rainwater runoff, thanks to optical imagery, as spectral knowledge alone does not appear to be sufficient. This preliminary work paves the way for further work based on the development of more advanced change detection methods, clues and filters as well as artificial intelligence.

1 Introduction

Le ruissellement intense pluvial représente un problème environnemental et sociétal majeur. D'après la base de données des catastrophes naturelles (1982 à nos jours), les inondations par ruissellement intense représentent en France la moitié des dégâts liés aux inondations qui elles couvrent environ 85 % des déclarations (CitationBreil et al., 2016). Celles-ci interviennent dans des conditions météorologiques (précipitations d'une intensité, fréquence et/ou durée inédites) et des circonstances (caractéristiques pédologiques, occupation des sols, topographie) spécifiques suite au dépassement de la capacité d'infiltration du sol (ruissellement hortonien) ou sur surface saturée. Cependant, et à la différence des inondations par débordement des cours d'eau principaux, il existe peu de données de validation des modèles de prédiction des zones où le ruissellement d'eaux de pluie est le plus susceptible de se produire. Depuis 2010, l'IRSTEAFootnote1 développe un modèle de score pour cartographier les risques pouvant être liés au ruissellement intense (érosion, coulées de boue, dépôts) en utilisant la méthode IRIPFootnote2 ©. L'évaluation de ces cartes est actuellement réalisée sur la base d'observations de terrain telles que les déclarations individuelles de catastrophes naturelles, de calamités agricoles ou encore les données d'incidents sur les réseaux linéaires (DDTMFootnote3, SNCFFootnote4) (CitationLagadec et al., 2016 ; CitationBraud et al., 2020). Cependant, ces données ou déclarations peuvent être le résultat d'autres phénomènes physiques et ne concernent pour l'essentiel que des zones à enjeux économiques (dommages aux biens, aux personnes). Elles ne fournissent donc qu'une vue partielle des zones réellement touchées. La validation des cartes de prédiction des risques pouvant être liés au ruissellement intense est donc biaisée par un manque de données sur les zones à faible enjeu, sans compter que le système déclaratif n'est pas systématiquement utilisé pour de multiples raisons.

Ces dernières années, la montée en puissance de l'imagerie satellite à haute résolution (HR) et haute fréquence (HF) dans les longueurs d'onde du visible et du proche infrarouge met à disposition de la communauté scientifique de nouveaux moyens d'investigations des phénomènes à la surface. C'est notamment le cas de la famille de satellites Sentinel du programme Copernicus de l'ESAFootnote5. La détection des dommages engendrés par des pluies intenses est donc devenue abordable du fait des fréquences de revisite et de la finesse de résolution disponibles (acquisition tous les 5 jours environ avec une résolution de 10 m pour Sentinel-2) depuis quelques années seulement. L'utilisation de données satellites Pléiades à très haute résolution spatiale (THR, 0,7 m) et à potentiellement haute fréquence temporelle (de 1 à quelques jours mais requérant une programmation dédiée), couvrant des aires de 400 km2, offre encore davantage de perspectives pour inventorier les possibles conséquences du ruissellement pluvial et l'érosion après un événement météorologique majeur.

Toutefois, peu nombreuses sont les études menées sur la détection des conséquences de pluies extrêmes par la télédétection. Le phénomène de ruissellement étant mal connu, c'est souvent les débordements et crues à proximité directe des cours d'eau (CitationHostache et al., 2007) ou encore l'érosion à grande échelle (CitationDwivedi et al., 1997 ; CitationBegueria, 2006 ; CitationSepuru et Dube, 2018) et les glissements de terrain (CitationDanneels et Havenith, 2007 ; CitationMwaniki et al., 2015) que l'on cherche à détecter avec ce type d'image. Les dépôts et coulées de boue, potentielles manifestations du ruissellement pluvial intense, ne sont mentionnés que de manière très succincte dans la littérature associée. Ce type de données satellite est davantage utilisé pour mettre en place des méthodes de classification afin de caractériser l'occupation des sols. En particulier, les cartes OSO d'occupation des sols de la France sont produites depuis quelques années à partir d'images Sentinel-2 par le CESFootnote6 du même nom. Il ressort par ailleurs de l'état de l'art une utilisation majoritaire d'images Landsat (Landsat 4/5 TM et 7 ETM+ avec une résolution de 30 m), SPOT dans une moindre mesure, pour la détection des aléas pouvant résulter de ruissellement pluvial ainsi que pour l'estimation d'écoulements de surface (CitationBabita et Sailesh, 2011).

L'utilisation d'indices spectraux développés pour le suivi des sols et particulièrement de la végétation tels que le NDVI (Normalized Difference Vegetation Index), le NDWI (Normalized Difference Water Index (CitationGao, 1996)), l'IB (Indice de Brillance), le SAVI (Soil Adjusted Vegetation Index, (CitationQiu et al., 2017)) ou encore le PIDS (Product Index for Dark Soil (CitationQiu et al., 2017)), calculables à partir de bandes spectrales entre le visible et l'infrarouge proche (NIRFootnote7 et SWIRFootnote8), donne des résultats très intéressants. Les cas d'étude sont cependant souvent assez limités dans l'espace (quelques centaines de km2) et dans le temps (utilisation d'une seule image) (CitationDanneels et Havenith, 2007). Néanmoins, en utilisant deux images Landsat TM à 3 ans d'intervalle, CitationDhakal et al. (2002) ont réussi à implémenter plusieurs méthodes de détection de zones affectées par des inondations et des phénomènes d'érosion causés par des pluies intenses. Sans mettre à profit d'indices spectraux prédéfinis et avec une résolution moyenne, cette étude a déjà montré le potentiel de l'utilisation de données spectrales multi-temporelles dans la détection d'aléas liés à des épisodes pluvieux extrêmes.

La haute résolution spatiale et temporelle de l'imageur multi-spectral MSI des satellites Sentinel-2 associée à la très haute résolution spatiale du radiomètre de Pléiades ainsi qu'à la disponibilité de données terrain pour la validation et la classification des images représentent un nouvel atout considérable. L'originalité de ce travail repose donc sur la combinaison d'informations spectrale et contextuelle avec des données à hautes résolutions spatiale et temporelle afin de détecter des dommages causés par des pluies intenses. Le présent article reste toutefois encore exploratoire dans (i) son utilisation de l'ensemble des données disponibles, (ii) la mise en place de méthodes de détection, (iii) l'hypothèse que les informations satellites sont en capacité de révéler les marques au sol, sous des formes variées, du ruissellement pluvial. Après avoir présenté la zone d'étude, les jeux de données ainsi que les indices utilisés, les résultats sont interprétés puis mis en perspective dans le cadre de futurs travaux de télédétection pour l'évaluation des aléas engendrés par des pluies extrêmes.

2 Matériels et méthodes

Pour évaluer cette hypothèse, un échantillon de parcelles agricoles ayant fait l'objet de déclaration en calamités agricoles (« vérités terrain ») à la suite d'inondations par ruissellement a été photo-interprété à l'aide d'images Pléiades post événement afin d'identifier les dégâts et de déterminer leur nature. Ces données ont ensuite été confrontées à l'évolution temporelle de différents indices et filtres spectraux calculés à partir de données Sentinel-2 acquises le plus près possible avant et après l'épisode.

2.1 Zone d'étude et vérités terrain

Le 15 octobre 2018, le département de l'Aude (France) a été touché par des précipitations particulièrement intenses sur une courte durée. Selon Météo-France, plus de 300 mm de pluie ont été enregistrés près de Carcassonne, dont environ 200 mm en seulement 6 h (CitationLebouc et al., 2019). Etant donné l'état de saturation des sols, ces pluies ont engendré d'importantes crues, à la fois par débordement et par ruissellement intense, laissant des marques bien visibles sur le paysage. 204 communes ont été déclarées sinistrées par les inondations. Environ 900 dossiers de déclarations de calamités agricoles ont été constituésFootnote9. Ceux-ci sont déposés en cas de perte de production agricole occasionnée par des évènements météorologiques d'importance exceptionnelle. Pour cela, il est demandé de remplir les numéros de parcelles endommagées ainsi que le degré de dégâts, de 1 à 5, grâce à l'appui d'un expert. Ce degré correspond au pourcentage de surface impactée, le degré 1 correspondant à moins de 10 % et le degré 5 à plus de 90 % en moyenne. En tout 1359 parcellesFootnote10 ont fait l'objet d'une déclaration de calamité agricole. Cette étude exploratoire se concentre sur un sous échantillon de 115 parcelles impactées, géoréférencées dans une zone de 1140 km2 () située dans l'emprise de deux images Pléiades. L'image acquise le plus tôt après l'événement, le 3 novembre 2018, a été photo-interprétée pour ne sélectionner que les parcelles avec un dégât clairement identifiable, sur quelques communes impactées, et déterminer leur nature (). Ainsi, quatre types de dégâts ont été retenus : « érosion » : 37 parcelles ; « dépôt » : 31 parcelles ; « arrachage » : 26 parcelles ; « dépôt et arrachage » : 21 parcelles. Enfin, étant donné le fort impact des intempéries sur la totalité du territoire (y.c. hors déclarations), 35 parcelles de nature comparable mais non impactées (degré 0) ont été choisies via photo-interprétation dans les mêmes zones sinistrées pour ajout à l'échantillon. La répartition au sein de chaque type de dégât des degrés renseignés dans les déclarations de calamités agricoles est détaillée dans la .

Fig. 1 Zone d'étude dans le département de l'Aude. Source : l-itinéraire.

Fig. 2 Types d'aléa identifiés par photo-interprétation à partir d'image Pléiades (novembre 2018) au sein de parcelles déclarées endommagées. Composition colorée : R : Proche infrarouge ; G : Rouge ; B : vert. Permet de mettre en évidence la végétation dense qui apparaît en rouge (forte réflectance dans le proche infrarouge).

Fig. 3 Répartition de l'échantillon de parcelles déclarées en fonction du degré (déclaré) et du type de dégât (photo-interprété).

2.2 Produits satellites et photo-interprétation

Ces travaux se sont appuyés sur deux images Pléiades (produit ortho-rectifié et corrigé des effets d'inclinaison et de pente) datées du 03/11/2018 et du 22/02/2019, ainsi que sept images Sentinel-2 (satellite Sentinel-2A, niveau de traitement 2A : données ortho-rectifiées en réflectance de surface FREFootnote11 après correction atmosphérique, avec un masque de nuageFootnote12 – tuiles : T31TDH). Les spécificités des deux capteurs dans le visible et le proche infrarouge ainsi que les dates d'acquisition sont décrites dans le .

Tableau 1 Caractéristiques techniques des imageurs des satellites Pléiades et Sentinel-2 dans le visible et le proche infrarouge (« NIR »).

Les trois types d'aléas identifiés par photo-interprétation sur l'image Pléiades de novembre 2018 se distinguent de la manière suivante :

  • « érosion » : grandes rigoles (ravines) creusant le sol de surface principalement visible sur parcelles agricoles en sol nu ;

  • « dépôt » : de boue ou de sédiments, en aval de zone d'érosion et parfois de plusieurs mètres d'épaisseur, visible sous forme de traînées blanches ;

  • « arrachage » : zone dépourvue de végétation suite à un arrachage par le courant et les coulées de boue.

2.3 Indices, filtres spectraux et statistiques zonales

La capacité de différents indices proposés dans la littérature (NDVI, NDWI, IB, SAVI ou encore PIDS) à détecter chacun des types d'aléas a été testée sur la zone d'étude à partir des données Sentinel-2. Le filtre Sobel a également été testé dans cet objectif. Contrairement aux indices mettant en avant les variations entre différentes bandes spectrales, le filtre Sobel s'appuie sur les variations spatiales pour détecter les contours des éléments de l'image. La formulation, l'utilisation ainsi que l'interprétation de ces indicateurs sont présentées dans le .

Tableau 2 Présentation des indices et filtres spectraux exploités dans cette étude.

Afin de déterminer la capacité de chacun des indices à détecter et discriminer les différents aléas identifiés ainsi que les degrés de dégât renseignés, la différence relative entre les images Sentinel-2 du 05/10/2018 (t1, soit 10 jours avant les inondations) et du 25/10/2018 (t2, soit 10 jours après) a été calculéeFootnote13. La illustre la pertinence des cartes générées comme la variation du NDVI sur les différents types d'aléas en comparaison aux images Pléiades en « vraies couleurs » où les dommages sont visibles. Le calcul de la différence relative DRijk entre les dates t1 et t2 pour le pixel (i,j) et l'indice spectral k correspond à la formule suivante : (1) DRijk=BVijk(t1)BVijk(t2)BVijk(t1)+BVijk(t2),(1) BVijk(t1) désigne la valeur de l'indice k pour le pixel (i,j) à la première date t1.

Fig. 4 Parcelles endommagées par l'aléa érosion (haut, gauche), dépôt (haut, droite), arrachage (bas, gauche) et dépôt et arrachage (bas, droite).

Pour cette étude exploratoire, un ensemble de métriques statistiques a ensuite été évalué sur l'échantillon test de 150 parcelles. La moyenne, la médiane, l'écart-type, le minimum et le maximum des valeurs de la différence relative par pixel DRijk contenus dans chaque parcelle ont été calculés afin de comparer une à une les distributions associées aux zones endommagées et sans aléa.

Afin de déterminer le potentiel de chaque indicateur et de chaque métrique statistique à distinguer deux à deux les groupes de parcelles constitués, le test non-paramétrique de Wilcoxon-Mann-Whitney (WMW) a été utilisé. Celui-ci a été préféré à un autre test, celui du t de Student, en raison de la faible taille des échantillons pour cette étude préliminaire et l'absence d'hypothèse sur la distribution gaussienne des observations. Le test de WMW est un test non-paramétrique sur les rangs consistant à tester l'hypothèse nulle d'« égalité » entre deux distributions en comparant les médianes des deux échantillons. Couramment, il est admis que pour des p-valuesFootnote14 inférieures à 5 %, l'hypothèse nulle d'« égalité » des distributions peut être rejetée. Il est ainsi possible d'évaluer la capacité d'une métrique statistique de la différence relative d'un indice spectral spécifique à différencier une parcelle avec aléa d'une parcelle sans aléa mais aussi à distinguer des types d'aléas entre eux le cas échéant.

3 Résultats et interprétations

Parmi l'ensemble des indices spectraux testés, l'IB semble être le moins adapté pour distinguer les parcelles sans aléa des parcelles avec aléa. Si le NDVI et le NDWI présentent de manière très similaire une bonne capacité à discriminer les sous-échantillons entre eux, tout comme le PIDS, c'est le SAVI qui fournit globalement les meilleurs résultats. La illustre notamment les distributions des métriques « moyenne » et « maximum » par parcelle de la variation du SAVI sur l'ensemble des 150 parcelles étudiées. Les matrices du détaillent pour chaque métrique statistique, avec un code couleur faisant le lien entre les figures et les tables, les p-values issues des tests de WMW réalisés sur les distributions spécifiques à chaque aléa ou degré deux à deux. Les moyennes et maximum ont été rassemblés dans les mêmes matrices pour des raisons pratiques. Les valeurs en rouge indiquent que l'hypothèse nulle d'« égalité » des distributions peut être rejetée au seuil de 5 %.

Fig. 5 Distributions d'échantillon de la moyenne / du maximum (haut / bas) de DRSAVI par parcelle selon les différents types d'aléas / degrés de dégât (gauche / droite) (Images Sentinel-2).

Tableau 3 Test de WMW sur les distributions de la moyenne / du maximum (triangle haut / triangle bas) de DRSAVI par parcelle (Images Sentinel-2).

Ainsi, seuls les aléas arrachage et dépôt ne peuvent être distingués deux à deux sur ce jeu de données. L'influence du degré de dommage sur la variation du SAVI est également visible, dans la forme d'une évolution quasi proportionnelle, croissante, de la médiane de la distribution de la moyenne et du maximum de la variable, sauf pour le degré 3. Nous trouvons que seules les parcelles ayant un degré 2 et celles ayant un degré 4 de dommages déclarées ne peuvent être discriminées par les deux métriques présentées. Cela pourrait s'expliquer par une source de variabilité différente (distincte du type ou du degré de dommage) entre les échantillons. En outre, l'écart-type par parcelle de la différence relative de l'ensemble des indices spectraux testés pourrait aussi contribuer à distinguer les parcelles endommagées, tous aléas et degrés confondus, des parcelles sans aléa (non montré ici).

Enfin, l'application du filtre Sobel sur les images Sentinel-2 post événement a permis de mettre en avant quelques pics sur les profils spatiaux des zones érodées mais, de par la résolution trop faible, la présence d'un aléa si finement marqué n'a pu être spécifiquement détectée. En revanche, l'analyse visuelle du filtrage sur les images Pléiades a montré une détection claire des contours des ravines. Avec une résolution submétrique, le filtre a également détecté les nombreuses irrégularités de la surface dues à une occupation des sols hétérogène et aux caractéristiques particulières du terrain. L'utilisation seule de ce filtre apparaît donc limitée à ce stade.

Sur la totalité du territoire étudié (1140 km2), la variation relative des indices NDVI, NDWI ou encore SAVI est en moyenne plutôt négative (SAVI autour de −0,05), indiquant une hausse de ces indices et donc une modification de la réflectance de certaines bandes spectrales impliquées (rouge et proche infrarouge pour le NDVI et le SAVI). Cela s'explique par des changements de conditions à la surface (rugosité, texture, humidité) liés aux fortes précipitations ayant touché la région le 15 octobre 2018.

Pour l'ensemble des indices spectraux, les distributions des différentes métriques de la différence relative associée aux parcelles sans aléa présentent en majorité, logiquement, une faible variabilité et des valeurs absolues assez faibles. Les aléas dépôt, arrachage ainsi que dépôt et arrachage se démarquent en présentant des variations relatives principalement positives pour ces 3 indices, indiquant une baisse suite au passage des intempéries. Cela correspond bien à une détérioration de la végétation et à la présence de sols dénudés en conséquence du ruissellement intense. Pour l'aléa érosion, les valeurs sont plus faibles et en moyenne négatives. Cela peut s'expliquer en grande partie par la faible dimension des ravines (largeur de l'ordre de quelques mètres) et donc la très faible proportion que représente ce type de dégât comparativement à la taille des parcelles affectées, pour le reste non endommagé. De plus, l'érosion intervient souvent sur terrain relativement nu et n'affecte donc pas la présence de végétation, principal responsable des variations de NDVI, NDWI et SAVI.

La croissance des métriques associées à la différence relative en fonction de la proportion de surface impactée (degré de dégât) atteste également de la pertinence de l'approche choisie et de la qualité des données déclaratives, malgré quelques contradictions. Etant donné la faible taille de l'échantillon et la surreprésentation de l'aléa érosion au sein des parcelles déclarées en degré 3 (12/15), il est toutefois logique que les valeurs de la variation relative soient en moyenne négatives pour ce degré. L'élargissement de l'échantillon de parcelles déclarées pourrait résoudre cette incohérence.

4 Conclusions et perspectives

Ce travail exploratoire est basé sur un échantillon réduit de 150 parcelles agricoles situées dans l'emprise de deux images Pléiades acquises au-dessus du département de l'Aude après les fortes intempéries du 15 octobre 2018 ayant mené à des inondations par débordement et par ruissellement pluvial intense. Il est montré que les distributions de certaines métriques statistiques de la différence relative de plusieurs indices spectraux, calculées par parcelle entre le 5 et le 25 octobre sur des données Sentinel-2, sont significativement différentes entre parcelles déclarées endommagées par les inondations et parcelles sans aléa, ou tout du moins non déclarées. Cela laisse ainsi entrevoir le développement de méthodes de détection à partir de ce type d'indicateurs. La proportion de surface impactée pourrait également être discriminée à l'aide d'une approche similaire. Ces résultats confirment l'importance de combiner information contextuelle (délimitation des parcelles), spectrale (indices), et temporelle (avant/après) pour détecter les dommages engendrés par des pluies intenses.

Plusieurs axes d'amélioration seront directement exploités lors de futurs travaux. Tout d'abord, cette étude n'a tiré avantage que de seulement 115 parcelles sur les 1119 déclarées impactées dans la couverture satellite disponible pour l'événement d'octobre 2018 dans l'Aude. L'élargissement de cet échantillon ainsi que du groupe de contrôle (parcelles non affectées) apportera plus de robustesse aux statistiques. De plus, la réalisation de ces statistiques à l'échelle des parcelles agricoles permettra une identification par champs ainsi que la mise en place d'algorithmes de classification supervisés. L'application de méthodes de détection basées dans un premier temps sur les pixels (pixel-based, p. ex. clustering, réseaux de neurones), non supervisées, puis orientées objet, permettra aussi de réaliser de la reconnaissance de forme. Cependant, la résolution à 10 m de Sentinel-2 n'est pas forcément suffisante pour identifier tous les aléas liés au ruissellement intense (p. ex. ravines de faible largeur). La mise à profit des images Pléiades dans le processus de détection et non plus seulement pour dériver l'information contextuelle par photo-interprétation pourrait fournir une plus grande force de discrimination. Enfin, plusieurs indices spectraux sont exploités indépendamment les uns des autres dans cette étude. D'autres méthodes de classification (p. ex. forêts aléatoires, k-NNFootnote15) basées sur des données transformées par analyse en composante principale ou SCVAFootnote16 permettraient de tirer parti de l'information contenue dans plusieurs indices à la fois. Enfin, afin de tester la robustesse des données déclaratives d'apprentissage et la stabilité des méthodes développées, il pourrait être implémenté (i) une validation croisée sur les parcelles déclarées (ii) une validation sur un panel indépendant de parcelles endommagées non déclarées. La généralisation de ce type d'approche à d'autres régions permettrait également de confirmer leur pertinence à détecter les dommages causés lors d'épisodes pluvieux extrêmes sur l'ensemble du territoire.

Remerciements

Ces travaux ont bénéficié du soutien du Ministère chargé de l'environnement, de l'énergie et de la mer par décision de subvention no 21367400.

Citation de l’article : Cerbelaud A, Favro A, Roupioz L, Blanchet G, Briottet X, Delvit J-M, Breil P. 2020. Potentiel de l'imagerie optique satellitaire à haute résolution pour détecter les dommages engendrés par des épisodes pluvieux extrêmes. La Houille Blanche 6: 66–74

Notes

1 IRSTEA : Institut national de recherche en sciences et technologies pour l'environnement et l'agriculture.

2 IRIP : Indicateur de Ruissellement Intense Pluvial.

3 DDTM : Direction Départementale des Territoires et de la Mer.

4 SNCF : Société nationale des chemins de fer français.

5 ESA : European Space Agency.

6 CES : Centre d'Expertise Scientifique par l'intermédiaire du CESBIO (Centre d'études spatiales de la biosphère).

7 NIR : Near Infrared (0,85 μm).

8 SWIR : Shortwave Infrared (entre 1,0 et 2,5 μm).

9 Source : Boyer B. DDTM11 – Unité Investissement et Développement Rural.

10 Dont 1119 situées dans l'emprise des images Pléiades disponibles.

11 FRE : Flat REflectance. Données ayant subi une correction supplémentaire qui prend en compte les effets de pente.

12 Source : Théia, (CitationHagolle, 2014).

13 Ces deux images sont les plus proches avant et après les intempéries du 15 octobre 2018 présentant une couverture nuageuse inexistante sur l'ensemble des 150 parcelles agricoles étudiées.

14 La p-value est la probabilité sous l'hypothèse nulle d'obtenir une statistique aussi extrême que sur l'échantillon observé.

15 k-NN : k-nearest-neighbor algorithm.

16 SCVA : Spectral Change Vector Analysis.

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