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Faire la paix au Mali: les limites de l’acharnement contre-terroriste

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Pages 447-462 | Published online: 17 Nov 2019
 

RÉSUMÉ

L’intervention internationale au Mali est conduite sur la base d’un cadre conceptuel douteux et d’une grille d’analyse peu rigoureuse, soit la thèse de la menace terroriste. Un dispositif militaire impressionnant a ainsi été mobilisé pour contrer cette menace. Nous soutenons que l’importance et la centralité accordées aux efforts contre-terroristes sapent les efforts de résolution des conflits maliens. Face aux critiques concernant le contre-terrorisme, la réponse a été de redoubler d’efforts, via la création d’une force conjointe du G5 Sahel et une présence militaire étrangère en croissance au Sahel-Sahara. Le Mali se retrouve ainsi au centre des débats sur l’avenir du maintien de la paix et des interventions militaires internationales. Au final, le résultat est une posture de guerre perpétuelle qui est perçue comme nécessaire pour concevoir tout espoir de paix et de réconciliation.

ABSTRACT

International intervention in Mali is conducted on the basis of a dubious conceptual framework and an analytical grid that is insufficiently rigorous, namely the theory of the terrorist threat. An impressive military operation has been mobilized to counter this threat. This article argues that the importance and centrality given to counter-terrorist efforts undermines efforts to resolve Malian conflicts. In response to criticisms of counter-terrorism, the response has been to redouble efforts, through the creation of a joint G5 Sahel force and a growing foreign military presence in the Sahel-Sahara. Mali thus finds itself at the centre of debates on the future of peacekeeping and international military intervention. Ultimately, the result is a perpetual war stance that is seen as necessary to envisage any chance of peace and reconciliation.

Déclaration

Aucun conflit d’intérêt potentiel n’a été rapporté par l’auteur.

Notes

1. Mission de formation des forces armées maliennes.

2. La solution ne fait pas l’unanimité, et l’interprétation légale de cette division du travail continue de faire débat au sein des juristes onusiens à New York, où certains remettent en question son fondement juridique (Conversation informelle avec des fonctionnaires onusiens, New York, 28 juin 2018).

3. Sans entrer dans les détails, le concept de l’autorité internationale tel qu’utilisé ici est quelque chose de bien fluide et flexible. L’ONU en fait partie, certes, mais tout recours à des discours ou des concepts vagues comme, par exemple, “la communauté internationale” fait appel à une autorité supérieure à l’État pour justifier les violations de la souveraineté étatique, les interventions ou autre action allant à l’encontre du principe de la souveraineté. L’opposition entre l’autorité étatique (souveraineté) et l’autorité internationale est un principe fondamental du système international, et qui se voit notamment dans les débats sur les interventions militaires (voir la responsabilité de protéger, les interventions humanitaires, etc.). Voir Orford (Citation2003) et Charbonneau (Citation2014).

4. La qualité de ces analyses axées sur le terrorisme soulève beaucoup de questions à propos de l’expertise, notamment lorsque les experts en terrorisme s’invitent en experts du Mali. Sur la production de “l’expertise terroriste,” voir Stampnitzky (Citation2013).

5. À propos de la création et de la planification de Serval, voir Notin (Citation2014). À propos de la MINUSMA, dans le contexte notamment des hésitations à déployer une force africaine (AFISMA), voir Lotze (Citation2015) et Théroux-Bénoni (Citation2014).

6. J’emprunte ici l’image de Guéhenno (Citation2015), “the fog of peace.”

7. Deux entretiens avec des membres de la MINUSMA (Bamako, mars 2018), et communication personnelle d’un membre du Département des opérations de maintien de la paix (équipe Mali, New York, décembre 2017).

8. Observation participante, avec des fonctionnaires onusiens, des chercheurs et des analystes indépendants, Secrétariat de l’ONU, New York, 17 juillet 2018.

9. Nos recherches de terrain depuis 2015 soulignent l’existence des différentes appréciations des problèmes et des solutions à mettre en place pour contrer le terrorisme, tant au sein de l’ONU que dans l’administration et le gouvernement maliens.

10. Entretiens avec un représentant du Ministère des Affaires étrangères du Mali et avec deux membres de la MINUSMA, Bamako, février 2017. Voir aussi Guichaoua (Citation2017).

11. Entretien avec un député malien, Bamako, 8 avril 2015.

12. Conversations informelles avec ambassadeurs européens et africains, Bruxelles, 15 mai 2018. Entretien avec chercheur malien, Bamako, mars 2018.

13. Entretien avec un diplomate malien, août 2017.

14. Les spécialistes ont souligné l’importance de la dégradation de la situation au Centre depuis au moins 2015. Jusqu’en 2019, cette préoccupation n’a pas fondamentalement changé le mandat de la MINUSMA, malgré des mentions sur la situation qui s’aggrave au Centre dans les résolutions du Conseil de Sécurité. Le mandat demeure structuré sur la base des Accords de 2015 et donc sur la lecture d’un conflit entre Bamako et les groupes signataires du nord du Mali. La Résolution 2480 (2 juillet 2019) apporte un changement prudent. Le Conseil décide que la première priorité stratégique demeure la mise en œuvre des Accords de 2015, mais ajoute une deuxième priorité stratégique de protection des civils, de réduction de la violence et d’appui à l’autorité de l’État malien au Centre du Mali (ONU Citation2019).

15. À quoi s’ajoute l’instrumentalisation de certaines milices et groupes armés par Barkhane, dans la région de Ménaka notamment, qui alimente les tensions intercommunautaires (International Crisis Group Citation2018).

Additional information

Funding

Ce travail a reçu le soutien des Affaires mondiales Canada [N/A]; Conseil de recherches en sciences humaines du Canada / Social Sciences and Humanities Research Council of Canada [430-2015-00675].

Notes on contributors

Bruno Charbonneau

Bruno Charbonneau est professeur agrégé en études internationales au Collège militaire royal de Saint-Jean, Canada. Il est directeur du Centre FrancoPaix en résolution des conflits et missions de paix de la Chaire Raoul-Dandurand à l’Université du Québec à Montréal. Il est spécialiste des interventions internationales et de la politique internationale en gestion des conflits en Afrique de l’Ouest.

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