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Les groupes djihadistes au Mali, entre violence, recherche de légitimité et politiques locales

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Pages 415-430 | Published online: 17 Nov 2019
 

RÉSUMÉ

Particulièrement ciblés par les opérations franco-maliennes depuis 2013, les groupes djihadistes qui opèrent dans le cadre du conflit malien ont su faire preuve de résilience. Cet article discute de leur ancrage social, des liens qu’ils ont tissés avec différentes communautés et de leur influence au niveau local. Se définissant sur les territoires qu’ils contrôlent comme des arbitres et des pourvoyeurs de sécurité et biens que l’État malien défaillant ou absent ne peut produire, les groupes djihadistes s’imposent comme des acteurs de la gouvernance locale. S’ils continuent à utiliser une violence de coercition pour contraindre les populations locales, ils instrumentalisent avant tout les tensions inter-et intra-communautaires pour diffuser des modèles alternatifs de gouvernance. Ce faisant, ces groupes contribuent à accentuer la crise de légitimité dont souffre l’État malien sur des pans entiers de son territoire.

ABSTRACT

Heavily targeted by Franco-Malian military operations since 2013, jihadist groups operating in Mali have demonstrated impressive levels of resilience. This article examines how these groups are rooted socially, the connections they have forged with diverse communities in the country, and these groups’ influence at the local level. Positioning themselves as mediators and providers of resources and security in the territories under their control in contrast to an absent and deficient Malian state unable to do the same, jihadist groups have established themselves as legitimately-perceived local governance actors in several regions. While they continue to exert methods of violent coercion to control local populations, jihadist groups in Mali first and foremost leverage inter and intra-communal tensions in order to disseminate alternative modes of governance that dovetail with their vision of an ideal society. In so doing, these groups contribute to heightening the crisis of legitimacy from which the Malian state suffers over large swathes of its national territory.

Remerciements

Cette recherche a été généreusement soutenue par le Käte Hamburger Kolleg Centre for Global Cooperation Research, basé à l’Université de Duisburg-Essen. Dr. Sandor tient à remercier le Centre pour son soutien et sa camaraderie.

Déclaration

Aucun conflit d’intérêt potentiel n’a été rapporté par l’auteur

Notes

1. 52 entretiens réalisés auprès de membres des groupes armés de la Plateforme et de la Coordination des Mouvements de l’Azawad (CMA), des militaires maliens, des commerçants du nord malien, et des officiers de la MINUSMA.

2. Cela rejoint une injonction de Charles Tilly (Citation2004) entre autres, qui appelle à ne pas étudier la violence terroriste comme une violence exceptionnelle. Il faut au contraire considérer les groupes terroristes comme des acteurs presque comme les autres, et analyser comment ils s’insèrent dans des jeux politiques dont ils contestent pourtant les règles.

3. Pour plus de détails sur les trajectoires politiques de Belmokhtar, voir Ould Salem (Citation2014).

4. La dynamique assurant la présence de l’EI au Sahel reste très discutée par les analystes des mouvements djihadistes.

5. Chef de tribu, et pour les Ifoghas, leader spirituel.

6. Al Mansour ag Alkassoum, ayant vécu pendant plusieurs années en Arabie Saoudite, est retourné au Mali pour joindre la rébellion en 2006. Entrevue, représentant de la CMA de la région de Gao, Bamako, 11 février 2018.

7. Bien qu’officiellement membre d’AQMI, Al-Mourabitoune dispose d’une voix à part entière au sein de cette alliance, ce qui démontre son degré d’autonomie.

8. Entrevue, Touareg de Gargando, région de Tombouctou, Bamako, 8 mai 2018.

9. Le répondant veut dire ici qu’il devrait y avoir, selon lui, un moyen de “récupérer” les membres d’Ansar Dine s’ils désirent quitter ce groupe, en créant des programmes d’amnistie sur les modèles algérien et mauritanien.

10. Entrevue, représentant du HCUA de Léré, Bamako, 11 février 2017.

11. La plupart de ces Touaregs et Arabes sont originaires du Nord-Mali. Toutefois, la grande majorité d’entre eux possède la double citoyenneté malienne et algérienne. Les frontières internationales n’ayant que peu de signification pour les habitants de ces contrées, l’appartenance se définit d’abord en termes ethniques ou communautaires.

12. Entrevue, représentant du HCUA de Tombouctou, Bamako, 1 février 2017.

13. Entrevue, notable arabe Bérabiche de Tombouctou, Bamako, 11 février 2018.

14. Entrevue, notable arabe Bérabiche de Tombouctou, Bamako, 18 septembre 2017.

15. Entrevue, représentant du HCUA de Tombouctou, Bamako, 10 février 2018. Entrevue téléphonique, Touareg de Faguibine, 10 aout 2018.

16. Entrevue, étudiant Peul de Koima présent à Gao pendant l’occupation, Bamako, 8 février 2018.

17. Entrevue, Entrevue, Touareg de Faguibine, Bamako 10 mai 2018.

18. Ces tendances ont été identifiées et analysées en détail dans Campana (Citation2018). L’analyse est basée sur un catalogue d’événements violents constitué à partir de sources ouvertes entre 2007 et 2018.

19. Entrevue, responsable du MNLA, Bamako, 10 février 2017. Entrevue, responsable de la MINUSMA, Bamako, 10 février 2017.

20. Sur la scission du MNLA donnant naissance au MSA, voir Desgrais, Guichaoua, et Lebovich (Citation2018).

21. Cette localité est située à 50 km au sud de la ville de Ménaka et à moins de 20 km de la frontière nigérienne.

22. Entrevue, responsable du MSA, Bamako, 7 mai 2018.

23. Entrevue, responsable du MSA, Bamako, 13 février 2018. Entrevue, responsable Daoussahak du HCUA, Bamako, 17 février 2018.

24. Entrevue, responsable du MSA, Bamako, 8 mai 2018. Entrevue téléphonique, responsable du MSA, 20 Aout 2018.

25. Entrevue, Journaliste Touareg de la région de Kidal, Bamako, 2 février 2018.

26. Entrevue, Touareg de Gargando, région de Tombouctou, Bamako, 8 mai 2018.

27. Entrevue, Journaliste Touareg de la région de Tombouctou, Bamako, 10 mai 2018.

28. Par exemple les liens passés, que certains estiment encore actifs, entre le président des autorités intérimaires de la ville de Kidal, Hassan Ag Fagaga et Iyad ag Ghali (RFI Citation2017b).

Additional information

Funding

Ces travaux ont reçu le soutien du Centre for Global Cooperation Research, Université de Duisburg-Essen.

Notes on contributors

Adam Sandor

Adam Sandor est un Chercheur Associé au Centre FrancoPaix en Résolution des Conflits et Missions de Paix. Ses recherches portent sur la gouvernance des menaces transfrontalières.

Aurélie Campana

Aurélie Campana est professeure titulaire au Département de science politique de l’Université Laval et membre externe du Centre FrancoPaix en Résolution des Conflits et Missions de Paix. Ses recherches portent entre autres sur les dynamiques des guerres civiles, au Mali et au Caucase du Nord.

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