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Hydroscience Journal
Volume 107, 2021 - Issue 1
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Research Article

Intercomparaison des évènements d’étiage extrême en France depuis 1871

Inter-comparison of extreme low-flow events in France since 1871

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Pages 1-9 | Published online: 24 Jun 2021

RESUME

La profondeur historique des observations de débit est généralement limitée aux 50 dernières années, période trop restreinte pour explorer l’évolution à long terme des étiages extrêmes et des impacts associés. Afin de pallier cette limite, ce travail utilise une réanalyse hydrologique inédite en France, disponible sur la période 1871–2012 pour 661 bassins faiblement anthropisés. Cette réanalyse, baptisée FYRE Hydro, s’appuie sur la combinaison par assimilation de données d’une modélisation hydrologique continue avec la réanalyse météorologique de surface haute résolution FYRE Climate et d’un jeu historique d’observations hydrométriques.

Les évènements d’étiage extrême sont identifiés grâce au Sequent Peak Algorithm. Une procédure de regroupement spatial est ensuite appliquée à l’échelle de la France afin d’avoir une vision nationale des évènements d’étiage extrême. Cette étape est adaptée aux données ensemblistes utilisées, permettant de caractériser des évènements historiques à l’échelle nationale avec les incertitudes associées. Les évènements d’étiage extrême sont décrits par des caractéristiques de durée et de sévérité, puis comparés entre eux en respectant une homogénéité spatio-temporelle sur plus de 140 ans, et sur l’ensemble des 661 bassins versants.

Les résultats mettent en avant des évènements connus tels que ceux de 1921, 1949 ou 1989–1990, mais aussi des évènements plus anciens, et relativement oubliés, comme ceux de 1878 et 1893. Cette étude contribue à l’amélioration de notre connaissance des évènements historiques et fournit une sélection d’évènements de référence pour diverses études hydrologiques.

ABSTRACT

The length of streamflow observations is generally limited to the last 50 years even in data-rich countries like France. It therefore offers too small a sample of extreme low-flow events to properly explore the long-term evolution of their characteristics and associated impacts. To overcome this limit, this work makes use of a daily 140-year ensemble streamflow reanalysis for a reference network of 661 near-natural catchments in France. This reanalysis, called FYRE Hydro, is based on (1) the high-resolution surface reanalysis FYRE Climate combining the outputs of a probabilistic downscaling of the Twentieth Century Reanalysis and historical observations from the Météo-France database, (2) a continuous hydrological modelling using this reanalysis as forcings over the whole period and (3) a data assimilation scheme using all available historical streamflow observations.

This work makes use of tools defining spatio-temporal extreme low-flow events. Extreme low-flow events are first locally defined through the Sequent Peak Algorithm using a novel combination of a fixed threshold and a daily variable threshold. A dedicated spatial matching procedure is then established to identify spatio-temporal events across France. This procedure is furthermore adapted to the ensemble dataset to characterise in a probabilistic way unrecorded historical events at the national scale. Extreme low-flow events are described and compared in a spatially and temporally homogeneous way over more than 140 years on the whole set of 661 catchments.

Many different results can be derived from this work, allowing to better understand and characterise extreme low-flow events. Local severity, duration, dynamics or spatial extent are obtained for each station. The spatial characterisation provides a national outlook of such extreme events, with the region of incidence, the percentage of the territory affected, or the temporal evolution. Applied to the last 140 years, results highlight well-known events like 1949 or 1989–1990, but also older and relatively forgotten events like the 1878 and 1893 events. These results contribute to improving our knowledge of historical events and provide a selection of benchmark events for climate change adaptation purposes.

1. Introduction

Les projections hydroclimatiques pour le xxie siècle s’accordent généralement sur une augmentation de la sévérité des étiages en France, qui pourrait mettre en péril les pratiques actuelles de gestion de l’eau (Chauveau et al., Citation2013). Afin de s’adapter au changement climatique, une bonne connaissance des étiages extrêmes historiques constitue une base de référence pour se préparer aux évènements futurs. Étudier ces évènements requiert un réseau d’observations dense, fournissant des données longues et homogènes à l’échelle de la France. Néanmoins, peu d’observations sont disponibles avant les années 1950 (voir de Caillouet et al. Citation2017). Ainsi, les études à l’échelle de la France se focalisent généralement sur des périodes récentes ou sur des stations spécifiques pour lesquelles les données sont disponibles sur de longues périodes. Des méthodes de reconstruction historique des débits ont été développées, notamment en utilisant des données météorologiques en entrée de modèles hydrologiques (Soubeyroux et al., Citation2010). Ces reconstructions, et notamment la réanalyse Safran (Vidal et al., Citation2010), sont néanmoins limitées par la faible disponibilité des données météorologiques avant les années 1950.

Figure 1. Chroniques hydrologiques pour les bassins de la Corrèze et de l’Ubaye sur la période 1871–2012.

Figure 1. Chroniques hydrologiques pour les bassins de la Corrèze et de l’Ubaye sur la période 1871–2012.

Des reconstructions du climat à l’échelle globale depuis le xixe siècle ont récemment été réalisées, comme la Twentieth Century Reanalysis (20CR) (Compo et al., Citation2011). La résolution spatiale grossière de ces reconstructions nécessite une étape de descente d’échelle — ou régionalisation climatique — pour les traduire en champs météorologiques à haute résolution. Caillouet et al. (Citation2016) ont ainsi généré une reconstruction probabiliste des champs de précipitation, de température et d’évapotranspiration à une résolution spatiale de 8 km et au pas de temps journalier sur la France, grâce à une méthode de descente d’échelle par analogie à partir de la réanalyse 20CR. Ce jeu de données, SCOPE Climate (Spatially COherent Probabilistic Extended Climate dataset) (Caillouet, Citation2019), a ensuite servi d’ébauche (ou information a priori) pour l’assimilation des observations historiques de Météo-France à l’aide d’un filtre de Kalman d’ensemble (EnKF, Evensen, Citation2003), permettant de créer la réanalyse de surface ensembliste FYRE Climate (French hYdrometeorological REanalysis of Climate) sur la période 1871–2012 (Devers et al., Citation2020, Citation2021). Une modélisation hydrologique continue ainsi que l’assimilation d’observations historiques de débit à l’aide d’un filtre de Kalman d’ensemble ont ensuite permis de créer FYRE Hydro, une réanalyse fournissant des débits journaliers, disponible sur 661 bassins faiblement anthropisés (Devers, Citation2019).

Cet article présente une reconstruction ensembliste des évènements spatio-temporels d’étiage extrême en France depuis 1871, à partir des réanalyses météorologiques Safran et surtout FYRE Climate, sur un grand nombre de bassins versants jaugés et faiblement anthropisés en France.

2. Données

2.1. Observations hydrologiques

Un jeu de 661 bassins versants faiblement anthropisés couvrant la France est sélectionné pour la modélisation hydrologique et l’étude des évènements historiques d’étiage extrême, à partir des travaux de Giuntoli et al. (Citation2013) et Catalogne et al. (Citation2014). Les chroniques journalières de débit ont été extraites de la Banque Nationale de Données pour l’Hydrométrie et l’Hydrologie (Banque HYDRO, données téléchargées website is http://hydro.eaufrance.fr/ en octobre 2014).

2.2. Reconstructions hydrologiques

Les reconstructions hydrologiques utilisées dans le cadre de cette étude sont présentées ci-après. La présente les différents jeux de données hydrologiques utilisés sur deux bassins, la Corrèze (Limousin, régime océanique) et l’Ubaye (Alpes du Sud, régime de montagne).

2.2.1. Modélisation

Le modèle hydrologique GR6J utilisé pour cette étude est un modèle conceptuel spécifiquement développé pour les étiages (Pushpalatha, et al. Citation2011). Il est dérivé du modèle GR4J, avec deux paramètres supplémentaires : un 5e pour mieux modéliser les échanges entre les flux de surface et souterrain et un 6e pour mieux modéliser les étiages. GR6J est combiné avec CemaNeige (Valéry et al., Citation2014), un module neige semi-distribué à 2 paramètres. Le calage a été effectué sur la période 1er janvier 1973–30 septembre 2006, période sur laquelle 90% des stations fournissant les débits observés sont disponibles. Une période d’initialisation de 3 ans est utilisée avant la période de calage pour initialiser les différents niveaux des réservoirs. Le critère de calage est le critère Kling-Gupta Efficiency (KGE) – valeur optimale : 1 – appliqué à la racine du débit. Les paramètres de CemaNeige sont optimisés seulement pour les bassins possédant un ratio neige/pluie supérieur à 10% afin d’éviter des valeurs irréalistes pour les stations ne présentant pas assez d’épisodes neigeux. Pour les stations restantes, les valeurs médianes des paramètres de CemaNeige calés sur les bassins précédents ont été utilisées.

2.2.2. Safran Hydro

L’utilisation de GR6J avec Safran nouvelle version (Le Moigne et al., Citation2020) comme données météorologiques d’entrée permet d’obtenir Safran Hydro, constitué de 661 chroniques de débit journaliers entre le 1er août 1958 et le 31 juillet 2019. Ce jeu de données est majoritairement utilisé dans un objectif de comparaison des évènements d’étiage obtenus sur la période récente.

2.2.3. FYRE Hydro

L’utilisation de GR6J avec FYRE Climate (Devers, et al. Citation2021) comme données météorologiques d’entrée pour la température et les précipitations ainsi que SCOPE Climate pour l’évapotranspiration permet d’obtenir le jeu de données HydRE, constitué de 661 x 25 chroniques de débit journalier entre le 1er janvier 1871 et le 29 décembre 2012. Afin de prendre en compte les incertitudes liées aux observations, 25 chroniques d’observations perturbées avec un modèle d’erreur gaussien sont créées pour chaque bassin. Pour le calage, chacun des membres de FYRE Climate est associé de façon aléatoire à une unique chronique d’observation perturbée, limitant ainsi le nombre de membres des reconstructions et fournissant 25 jeux de paramètres par bassin. Les performances obtenues en termes de KGE sont de l’ordre de 0,9 montrant une bonne reproduction du comportement hydrologique. Un filtre de Kalman d’Ensemble permet enfin de combiner HydRE, considérée comme une ébauche, et l’ensemble des données de débit disponibles dans la Banque Hydro pour les 661 stations (selon le même principe que pour FYRE Climate (Devers et al., Citation2020), pour donner la réanalyse FYRE Hydro.

La permet de constater une très bonne cohérence entre FYRE Hydro, Safran Hydro et les observations, la dispersion des membres de FYRE Hydro (qui représente son incertitude) diminuant avec le nombre de données assimilées dans la réanalyse.

3. Identification et caracterisation spatio-temporelle des étiages extrême

La caractérisation des évènements d’étiages extrêmes utilisée est celle développée par Caillouet et al. (Citation2017) et s’effectue en deux étapes, rappelées ci-dessous. Elle permet d’identifier des événements dans l’espace et le temps à partir de données de débit aux stations, à la fois hétérogène en magnitude, et non continue dans l’espace.

3.1. Caractérisation locale des évènements d’étiage extrême

Les étiages extrêmes locaux sont définis pour chaque station selon des caractéristiques de déficit en dessous d’un certain seuil (Tallaksen et Van Lanen, Citation2004). Une période de déficit en eau est considérée quand le débit passe en dessous d’un seuil, et se prolonge tant que le seuil n’est pas dépassé. Dans le cadre de cette étude, un seuil mixte est considéré : valeur minimum entre un seuil fixe (ici un Q90, signifiant que le débit associé est dépassé 90% du temps, calculé sur la période de calage 1973–2006) et un seuil variable (ici un Q90 journalier interannuel, représentant également les 10% des débits les plus faibles, calculé sur la même période). Le seuil est calé sur chaque chronique utilisée (1 seuil pour Safran Hydro, 25 seuils pour FYRE Hydro). À titre d’exemple, le seuil calculé pour un membre de FYRE Hydro sur le bassin de la Corrèze est représenté sur le volet supérieur de la , avec le déficit de volume associé en rouge.

Figure 2. Méthode de caractérisation des étiages locaux. Le débit (en mm) et le seuil mixte (en mm) sont représentés sur le volet supérieur tandis que le déficit cumulé (ou SPA, en mm), est représenté sur le volet inférieur.

Figure 2. Méthode de caractérisation des étiages locaux. Le débit (en mm) et le seuil mixte (en mm) sont représentés sur le volet supérieur tandis que le déficit cumulé (ou SPA, en mm), est représenté sur le volet inférieur.

Le Sequent Peak Algorithm (SPA) (Tallaksen et Van Lanen, Citation2004), est ensuite appliqué pour rassembler les évènements (voir le volet inférieur de la ). Un déficit est calculé en cumulant la différence entre le débit journalier et le seuil mixte (en mm). Seules les périodes avec un déficit positif sont conservées comme périodes d’étiage extrême. À partir de là, il est possible de définir localement une sévérité – le déficit maximum pendant l’évènement – une date de début d’évènement – date à laquelle le déficit est initié – une date de fin d’évènement – la date du maximum de déficit – et une durée totale de l’évènement – différence entre la date de début et la date de fin.

3.2. Caractérisation nationale des évènements d’étiage extrême

La définition spatiale développée s’appuie uniquement sur les dates de début et de fin des évènements locaux. Des événements locaux sur un jeu de stations sont ici appariés au sein d’un même évènement spatio-temporel s’ils se chevauchent dans le temps. Pour un évènement spatio-temporel, les caractéristiques locales sont recalculées en fonction des évènements qui le constituent : la date de début est la date de début du 1er évènement, la date de fin est la date de fin du dernier évènement, la durée est la somme des durées, et la sévérité est le maximum de sévérité des évènements.

L’objectif est de définir des évènements à l’échelle de la France. Pour cela, le domaine spatial (i.e. le jeu de stations) sur lequel l’appariement est effectué doit être choisi. Il ne faut pas faussement apparier des évènements de régions très différentes, et donc émanant potentiellement de processus météorologiques et hydrologiques différents. L’appariement est ainsi réalisé en deux temps afin de le rendre plus robuste :

  • Un appariement à l’échelle des 22 Hydro-Écorégions (HER) définies par Wasson et al., (Citation2002) sur le territoire. À la suite de cela, des évènements médians sont définis par HER. Ces évènements médians commencent à la date médiane de début des événements locaux, et se terminent à la date médiane de fin des évènements locaux ;

  • Un appariement à l’échelle de la France en utilisant les 22 évènements médians des HER.

Le dernier appariement obtenu est ensuite reporté à l’échelle des stations, toujours au travers du chevauchement temporel entre évènement national et évènement local. Les stations à très forte inertie du fait de la présence de nappes aquifères sont écartées de cet appariement à l’échelle nationale afin de ne pas regrouper de manière indue des évènements issus de sécheresses météorologiques distinctes mais successives. L’appariement à l’échelle nationale est en revanche reporté sur ces stations afin d’obtenir une vision homogène sur l’ensemble des bassins considérés.

Cette méthode, présentée pour un cas déterministe (tel que Safran Hydro), a été adaptée et appliquée au cas ensembliste de FYRE Hydro. Plus de détails sont disponibles dans l’article méthodologique correspondant (Caillouet et al., Citation2017). Les durées (en jour) et sévérité (en mm) sont ensuite converties en période de retour afin de pouvoir comparer les bassins entre eux. Une distribution de Pareto est choisie pour les durées tandis qu’une loi de Pearson type III est choisie pour les sévérités, selon un calage effectué sur chaque chronique étudiée, sur la période 1973–2006.

4. Résultats

4.1. Reconstruction temporelle des évènements d’étiage extrême pour la Corrèze et l’Ubaye

La présente l’ensemble des sévérités obtenues pour chaque évènement spatio-temporel d’étiage extrême pour les bassins de la Corrèze à Brive-la-Gaillarde et de l’Ubaye à Barcelonnette depuis 1871. Les boites à moustache représentent les évènements obtenus avec FYRE Hydro tandis que les points rouges représentent ceux obtenus avec Safran Hydro.

Figure 3. Sévérité des évènements d’étiage extrême (en mm) pour les bassins de la Corrèze et de l’Ubaye depuis 1871. Les délimitations verticales représentent la date de début de disponibilité de Safran Hydro (1958) et de date de fin de FYRE Hydro (2012). Les boites à moustache s’étendent de la plus petite à la plus grande valeur comprise dans 1,5 x l’écart interquartile (en dehors, points noirs).

Figure 3. Sévérité des évènements d’étiage extrême (en mm) pour les bassins de la Corrèze et de l’Ubaye depuis 1871. Les délimitations verticales représentent la date de début de disponibilité de Safran Hydro (1958) et de date de fin de FYRE Hydro (2012). Les boites à moustache s’étendent de la plus petite à la plus grande valeur comprise dans 1,5 x l’écart interquartile (en dehors, points noirs).

Les événements caractérisés par FYRE Hydro sur la période pré-1900 ont une dispersion bien plus importante que ceux plus récents, du fait de la plus forte incertitude de la réanalyse sur cette période. Les événements sur l’Ubaye, bassin méditerranéen dont les phénomènes pluviométriques sont moins bien représentés dans les réanalyses, présentent une incertitude élevée avant les années 1920, du fait du faible nombre de données assimilées. Pour les deux bassins, de nombreux évènements sont identifiés à la fin du xixe siècle, tels que 1874, 1893 ou 1904–1906 pour la Corrèze ainsi que 1878, 1880, ou 1897 pour l’Ubaye. Sur la Corrèze, une période plutôt humide est ensuite identifiée jusque dans les années 1940. Des grappes d’évènements peuvent ensuite être identifiées, telles que les années 1940, ou la période 1985–1990. D’autres évènements sévères ont eu lieu, tels que 1962, 1976, 1990 et 2011 pour la Corrèze ainsi que 1921, 1957, 1985, 1990 et 2007 pour l’Ubaye. Quelques évènements sont communs aux deux bassins, comme 1949 ou encore 1990. La valorisation des évènements sur la dernière décennie avec Safran Hydro présente 3 évènements d’importance sur la Corrèze (dont 2019) et 1 sur l’Ubaye (2017).

Les résultats obtenus avec FYRE Hydro sont tout à fait cohérents avec ceux donnés par Safran Hydro sur la période récente, excepté peut-être pour la sévérité des évènements de 1978 et 1985 pour la Corrèze. Il est important de préciser que les événements spatio-temporels sont identifiés de manière indépendante dans Safran Hydro et dans FYRE Hydro. Il n’y a donc pas nécessairement de correspondance directe dans l’espace et le temps entre un événement identifié, pour une année spécifique par exemple, dans l’un et l’autre des deux jeux de données. Il est en revanche possible d’identifier manuellement des évènements majeurs dans les deux jeux de données pour pouvoir les comparer entre eux Figure (). Les divergences entre Safran Hydro et FYRE Hydro sur les événements de 1978 et 1985 de la Corrèze sont dues à une tendance générale à une sous-estimation des débits de ce cours d’eau par Safran Hydro pendant cette période (non montré).

4.2. Caractérisation spatio-temporelle des évènements depuis 1871 à l’échelle de la France

Comme dit précédemment, la comparaison des évènements issus des deux jeux de données possède des limites, puisque ces derniers ne sont pas appariés entre eux. Ainsi, cette section tend à présenter des comparaisons des résultats entre jeux de données lorsque cela est possible et pertinent, puis à présenter une caractérisation des évènements d’étiage depuis 1871 (sur 1871–2012 avec FYRE Hydro et 2013–2019 avec Safran Hydro).

4.2.1. Comparaisons entre jeux de données

La présente des comparaisons des évènements récents, en termes de durée, caractérisés par FYRE Hydro ou Safran Hydro. La médiane des périodes de retour issues de FYRE Hydro est utilisée, cette dernière étant plus représentative sur la période récente que sur la période ancienne puisque l’ensemble est moins dispersé. Il existe une bonne correspondance entre les événements issus des deux jeux de données. Les événements de 1976 et 2011 ont une période de retour moins importante avec FYRE Hydro, tandis que la répartition spatiale est équivalente pour les deux jeux de données. Il est possible de noter que l’évènements de 1976 a plutôt touché le nord de la France, que celui de 1990 a épargné le nord-est tandis que celui de 2011 a plutôt touché l’ouest. Les événements de 2017 et 2018, caractérisés par Safran Hydro, ont respectivement touché le sud-est et le nord-est.

Figure 4. Période de retour de la durée de quelques événements récents, selon Safran Hydro et FYRE Hydro. En gris, les stations non concernées par l’évènement.

Figure 4. Période de retour de la durée de quelques événements récents, selon Safran Hydro et FYRE Hydro. En gris, les stations non concernées par l’évènement.

La présente les résultats condensés en pastilles. Les périodes de retour médianes de chaque événement (en durée et sévérité) sont considérées sur les axes pour FYRE Hydro. À l’échelle de la France, il arrive que plusieurs évènements soient identifiés la même année. La taille des pastilles présente le maximum d’étendue spatiale. La période de disponibilité de Safran Hydro ne permet pas de caractériser les évènements les plus extrêmes du xxe siècle, identifiés par FYRE Hydro.

Figure 5. Étendue spatiale maximale des évènements spatio-temporels d’étiage extrême issus de FYRE Hydro et Safran Hydro. Les axes présentent les périodes de retour (échelle racine).

Figure 5. Étendue spatiale maximale des évènements spatio-temporels d’étiage extrême issus de FYRE Hydro et Safran Hydro. Les axes présentent les périodes de retour (échelle racine).

Les événements prépondérants représentés par Safran Hydro sur la période commune avec FYRE Hydro sont ceux bien connus de 1976 ou 1990. L’évènement de 2003 a des caractéristiques moindres dans FYRE Hydro que dans Safran Hydro (et donc n’est pas mis en évidence dans le volet droit), mais reste important avec une période de retour médiane de 9 ans en durée et 6 ans en sévérité. Les conclusions des deux jeux de données sur ces évènements sont relativement similaires (excepté pour 1976 dont les périodes de retour sont légèrement plus faibles dans FYRE Hydro). Ces évènements récents sont moins visibles sur la du fait des autres évènements mis en évidence par FYRE Hydro, avant les années 1960. Les évènements de 1921, 1949 et 1954 sont les plus importants sur le siècle dernier. D’autres évènements ayant des périodes de retour très importantes, mais très locaux sont également représentés (1948, 1978). FYRE Hydro étant un jeu de données ensembliste intégrant différentes sources d’incertitudes, il est normal que de plus nombreux évènements d’étiage soient identifiés avec ce jeu de données qu’avec Safran Hydro. Hors période commune, l’évènement de 2019 détecté par Safran Hydro fait également partie des évènements les plus importants en France depuis 1958.

Figure 6. Évènements de référence, les plus longs à gauche et les plus sévères à droite, sélectionnés à partir des caractéristiques médianes sur la période 1871–2012. Les stations qui partagent leurs évènements les plus extrêmes avec moins de 18 autres stations sont représentées en blanc. Les couleurs sont les mêmes que sur la .

Figure 6. Évènements de référence, les plus longs à gauche et les plus sévères à droite, sélectionnés à partir des caractéristiques médianes sur la période 1871–2012. Les stations qui partagent leurs évènements les plus extrêmes avec moins de 18 autres stations sont représentées en blanc. Les couleurs sont les mêmes que sur la Figure 5.

4.2.2. Caractérisations complémentaires des étiages extrêmes depuis 1871

Les comparaisons entre jeux de données étant cohérentes entre elles, il est possible de caractériser les étiages depuis 1871 grâce à FYRE Hydro (jusqu’en 2012) puis avec Safran Hydro. La présente les évènements les plus longs et les plus sévères ayant affecté chaque station selon FYRE Hydro. Quatre évènements ressortent en termes de durée : les évènements de 1921 et 1954 pour le nord et l’est de la France ainsi que celui de 1949 pour le centre et une partie de l’ouest de la France. L’événement de 1990 ressort également pour la Bretagne et les massifs montagneux. D’autres évènements apparaissent pour la sévérité, tels que l’évènement de 1893 pour l’est de la France ou celui de 1906 pour une partie du Massif Central. Les évènements de 1921 et 1949 sont prépondérants, respectivement pour le nord et le sud de la France.

La présente les caractéristiques médianes de cinq évènements de référence (cf ) selon FYRE Hydro. Les évènements représentés ont des caractéristiques différentes selon les stations considérées. L’évènement de 1878 a majoritairement touché le sud de la France, et en particulier la côte Méditerranéenne. L’évènement de 1921 a touché majoritairement la moitié nord de la France ainsi que les Alpes. Le sud du Massif Central et la côte Méditerranéenne n’ont été que peu touchés. L’événement de 1949 a été très intense sur l’intégralité de la France, de même que celui de 1954. Enfin, l’événement de 2003 a plutôt touché la bande nord-est sud-ouest de la France.

Figure 7. Valeurs médianes de la période de retour (en années) pour la durée et la sévérité pour les évènements de 1878, 1921, 1949, 1954 et 2003. En gris, les stations non concernées par l’évènement.

Figure 7. Valeurs médianes de la période de retour (en années) pour la durée et la sévérité pour les évènements de 1878, 1921, 1949, 1954 et 2003. En gris, les stations non concernées par l’évènement.

La présente l’étendue spatiale des évènements spatio-temporels d’étiage extrême. Elle représente le pourcentage maximum de surface en France affectée par l’évènement en question, quelles que soient les valeurs de durée et de sévérité. Des évènements déjà mentionnés précédemment ressortent, tels que 1893, 1906, 1921, ou ceux des années 1940, 1954, 1976, 1990 ou 2011. Les évènements de 1949 et 1990 sont ceux ayant affecté quasiment l’intégralité de la France. Cette figure montre des grappes d’évènements ayant affecté plus de 75% de la France : les années 1880–1900, l’évènement de 1921, les années 1940, les années 1975–1990 et l’évènement de 2011. En rouge, Safran Hydro montre que les évènements des dernières années (2019, 2018, 2017) touchent entre 50 et 75% du territoire. Les deux jeux de données sont cohérents sur les évènements les plus importants (non montré).

Figure 8. Médiane de l’étendue spatiale maximale des évènements spatio-temporels d’étiage extrême issus de FYRE Hydro sur la période 1871–2012. Les évènements issus de Safran Hydro après 2012 sont placés en rouge à titre indicatif.

Figure 8. Médiane de l’étendue spatiale maximale des évènements spatio-temporels d’étiage extrême issus de FYRE Hydro sur la période 1871–2012. Les évènements issus de Safran Hydro après 2012 sont placés en rouge à titre indicatif.

5. Conclusions

Ce travail fournit une analyse innovante des étiages extrêmes passés, fondée sur la nouvelle réanalyse hydrologique FYRE Hydro. Les étiages ont été définis localement, puis recombinés spatio-temporellement pour définir des évènements d’étiage extrême à l’échelle du territoire. Ces évènements sont ensuite qualifiés, quantifiés et comparés entre 1871 et 2012 sur un large panel de bassins versants faiblement anthropisés. Les résultats mettent en avant les évènements de 1949 et 1990, ou ceux, plus anciens, de 1878 ou 1893. Ils mettent également en avant des évènements relativement oubliés, ceux des années 1940 ou 1954. L’évènement de 1921 – ancien mais assez connu dans des archives historiques – est également mis en évidence. Plusieurs comparaisons avec Safran Hydro permettent de montrer la cohérence des analyses effectuées sur la période récente.

Sur la période 1871–1910, la réanalyse FYRE Hydro n’est qu’une reconstruction hydrologique basée sur FYRE Climate, puisqu’aucune donnée de débit n’est disponible pour l’assimilation aux stations considérées. L’incertitude présente dans FYRE Hydro et les étiages associés sur ces années est ainsi beaucoup plus grande que sur les années suivantes. De plus, la méthodologie d’assimilation de données fait que le débit minimum possible dans FYRE Hydro correspond au débit minimum des simulations sous FYRE Climate entre 1958 et 2008.

Ces résultats contribuent à l’amélioration de notre connaissance des évènements historiques en bénéficiant des observations atmosphériques, plus abondantes dans le passé, et des observations hydrologiques disponibles depuis le début du siècle dernier. L’étude d’évènements très sévères du passé comme 1921 ou 1949 pourra permettre de construire des scénarios hydrologiques permettant de tester la robustesse des modes de gestion de l’eau qui n’ont pas été confrontés à de tels étiages.

Références