RÉSUMÉ
L’article considère l’étude de l’appropriation des ressources naturelles et des territoires dans une perspective d’économie politique internationale hétérodoxe à partir d’une double synthèse: d’une part, celle de l’évolution des cadres règlementaires miniers en Afrique et, d’autre part, celle de l’héritage normatif du free mining au Canada. La notion de pouvoir structurel met en lumière comment certaines normes – qui structurèrent les formes institutionnelles antérieures – pèsent sur l’évolution des processus de reconfiguration des institutions au Canada et en Afrique. Cette perspective permet de mieux comprendre comment ces normes reproduisent, à travers le temps, les rapports de pouvoir asymétriques entre les acteurs impliqués au sein des nouveaux régimes miniers.
ABSTRACT
The article considers how we study the processes of appropriation of natural resources and territories from a heterodox international political economy perspective through a double synthesis of the evolution of mining legislations in Africa and of the normative legacy of free mining in Canada. The notion of structural power underlines how some norms – structuring anterior institutional forms – influence institutional reconfiguration processes in Canada or Africa. This perspective highlights how those norms reproduce over time asymmetrical power relations between the actors involved within new mining regimes.
Déclaration
Aucun conflit d’intérêts potentiel n’a été rapporté par les auteurs.
Les auteurs
Bonnie Campbell est professeure d’économie politique au Département de science politique, de l’Université du Québec à Montréal (UQAM), directrice du Centre interdisciplinaire de recherche en développement international et société (CIRDIS) et du Groupe de recherche sur les activités minières en Afrique (GRAMA). Elle est responsable de la création d’un réseau international sur la mise en valeur des ressources et du territoire (Afrique, Asie, Amérique latine REINVENTERRA), l’auteur de très nombreux articles, de seize volumes et membre de la Société Royale du Canada.
Philippe Dufort est professeur à l’école d’études de conflits de l’Université Saint-Paul et membre régulier du Centre interdisciplinaire de recherche en développement international et société (CIRDIS). Il a réalisé une thèse de doctorat à l’Université Cambridge au Royaume-Uni. Ses recherches actuelles portent sur l’innovation stratégique, les théories critiques des Relations Internationales, le capitalisme d’État et la géopolitique.
Notes
1 Cet article s’appuie sur certains éléments d’un texte publié antérieurement dans cette Revue pour illustrer des arguments nouveaux et propres aux enjeux méthodologiques soulevés par ce numéro spécial. Voir B. Campbell (Citation2010).
2 Voir aussi Keene et al. (Citation2015).
3 Voir Moreda et Spoor (Citation2015), par exemple sur les acquisitions de terres en Éthiopie.
4 Tel que le concluait cette étude, ceci exigeait « a clearly articulated mining sector policy that emphasizes the role of the private sector as owner and operator and of government as regulator and promoter » (World Bank Citation1992, 53).
5 Voir les recommandations de l’étude commandée par la Banque mondiale : « Permettre et accroitre un accès privé aux ressources jusqu’alors réservées à l’État, ce qui entraine un changement majeur dans la conception de la souveraineté de nombreux pays en développement » (Naito, Remy, et Williams Citation2001, 6; notre traduction).
6 Cette section est reprise de Campbell et Laforce (Citation2010). Nous sommes reconnaissants à Myriam Laforce pour les mises à jour depuis l’adoption au Québec de la nouvelle Loi sur les mines en décembre 2013.
7 Au Québec, la Loi sur les mines adoptée en décembre 2013 remet en partie en question la préséance des droits miniers sur les autres usages du territoire en permettant aux municipalités régionales de comté (MRC) de désigner, dans leur schéma d’aménagement et de développement, tout territoire incompatible avec l’activité minière. Cependant, cette nouvelle disposition laisse plusieurs questions non résolues (notamment en ce qui a trait à la définition des critères qui détermineront « l’incompatibilité » d’un territoire avec l’activité minière) et ne permet pas, pour l’instant du moins, d’évaluer dans quelle mesure l’orientation du free mining pourra véritablement être remise en cause par son opérationnalisation. Dans quelle mesure les MRC pourront-elles se prévaloir de ce nouveau pouvoir? Par ailleurs, si « la substance minérale faisant partie du domaine de l’État et se trouvant sur un terrain pouvant faire l’objet d’un claim compris dans un territoire incompatible avec l’activité minière sera soustraite à la prospection, à la recherche, à l’exploration et à l’exploitation minières à compter de la reproduction de ce territoire sur les cartes conservées au bureau du registraire des mines », il importe de préciser que « cette soustraction ne peut entrer en vigueur si elle n’est pas conforme aux orientations du gouvernement » (Buteau et al. Citation2014), lesquelles demeurent sujettes à des modifications au fil des ans.
8 Il faut préciser que les territoires sur lesquels des concessions minières ont déjà été accordées sont automatiquement exclus (” grandfathered ») des zones susceptibles d’être classées inaliénables. Selon Virginia Gibson, le free mining aurait ainsi pour effet, puisqu’instauré en système depuis des décennies, de favoriser encore aujourd’hui le concept de terra nullius, lequel contraint les démarches de reconnaissance de l’inaliénabilité des terres, telles que mises de l’avant par les groupes autochtones : « The onus is never on the federal government to prove that there are no relevant land claims in the region before mineral rights are granted. Rather, mineral rights are granted and sizeable chunks of land are then extracted from possible land withdrawals » (Gibson Citation2008, 161).
9 La Loi sur les mines du Québec de 2013 vise à corriger en partie cette situation en prévoyant l’élaboration, par le ministre des Ressources naturelles, d’une politique de consultation des communautés autochtones propre au secteur minier (Gouvernement du Québec, LRQ, c M-13.1, article 2.3). La loi devra aussi « être interprétée de manière compatible avec l’obligation de consulter les communautés autochtones » (Gouvernement du Québec, LRQ, c M-13.1, article 2.1) et impose au gouvernement l’obligation de les consulter de manière distincte lorsque les circonstances le requièrent (Gouvernement du Québec, LRQ, c M-13.1, article 2.1). Il est encore trop tôt pour savoir comment ces nouvelles dispositions seront développées, interprétées et appliquées sur le long terme.
10 Dr. Thomas Akabzaa, géologue, est maintenant Directeur de l’administration au Ministère du Pétrole de l’Énergie du Ghana.
11 Voir aussi Borras et al. (Citation2012) Geissler (Citation2015).