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Evolution des caractéristiques des pluies journalières dans le bassin versant du fleuve Sénégal: Aavant et après rupture

Variability of daily rainfall characteristics over the Senegal River basin: before and after the abrupt rainfall change

, &
Pages 905-913 | Received 01 Jan 2014, Accepted 19 Jun 2014, Published online: 17 Feb 2016

RÉSUMÉ

L’objectif de cet article est d’analyser à l’échelle du bassin du fleuve Sénégal l’évolution de quatre classes de précipitations journalières, le nombre de jours de pluie et la durée de la saison des pluies. La méthode consiste à appliquer des tests statistiques d’homogénéité aux séries de pluies annuelles sur la période 1950–1998 pour détecter des ruptures et caractériser l’évolution de ces six variables de part et d’autre des dates de rupture. Les séries de pluie annuelle présentent une rupture entre 1966 et 1970. Les déficits de jours pluvieux de la période après rupture par rapport à celle d’avant varient entre 6,2% à Kédougou et 38,6% à Saint Louis. La classe de pluie de plus de 50 mm (P4) présente les déficits les plus importants qui varient entre 14,8% à la station de Mamou et 66,6% à la station de Nioro du Sahel.

ABSTRACT

The objective of this paper is to analyse, for the Senegal River basin, the evolution of four classes of daily precipitation, the number of rainy days and the duration of the rainy season. The approach is to apply statistical tests of homogeneity to the series of annual rainfall over the period 1950–1998 to detect abrupt changes and to characterize the evolution of these six variables on each side of the change dates. The time series present an abrupt change (break) between 1966 and 1970. Deficits of rainy days in the period after the break compared to before vary between 6.2% at Kédougou and 38.6% at Saint Louis. The class of rain of more than 50 mm (P4) has the largest deficit, ranging from 14.8% at Mamou station to 66.6% at Nioro du Sahel.

Editeur Z. W. Kundzewicz; Edithur Associé E. Gargouri

1 Introduction

Les mesures directes de facteurs climatiques en Afrique Occidentale et Centrale ont commencé au milieu du XIXe siècle (Liénou Citation2007). L’importance des précipitations pour les populations et les écosystèmes fait que la plupart des travaux portent sur cette variable. Ces travaux identifient et évaluent les sécheresses successives au fur et à mesure qu’elles apparaissent (Liénou Citation2007). Ainsi, trois principales périodes sèches ont été reconnues (Sircoulon Citation1976): 1911–1913, 1940–1943 et 1968 à nos jours. Cette dernière qui dure depuis le début des années 1970 est évidemment la mieux documentée (Nicholson Citation1986, Hubert et Carbonnel Citation1987, Hubert et al. Citation1989, Olivry et al. Citation1994, Paturel et al. Citation1998a, Mahé et Olivry Citation1999, Servat et al. Citation1999, Nicholson et al. Citation2000). Ces études ont montré que depuis la fin des années 1960 et le début des années 1970, on a assisté à une baisse importante des totaux pluviométriques annuels. Cette baisse des précipitations a globalement entraîné l’amenuisement des ressources en eau (Hubert et al. Citation2007, Abrate et al. Citation2013), la modification des écosystèmes naturels et des systèmes socio-économiques (Liénou Citation2007).

A cause des effets néfastes sur les activités humaines de la baisse des précipitations, plusieurs travaux ont caractérisé la variabilité des pluies en Afrique subsaharienne (Lamb Citation1982, Chaouche Citation1988, Servat Citation1994, Paturel et al. Citation1995, Servat et al. Citation1998, Paturel et al. Citation1998b, Servat et al. Citation1999, Nicholson et al. Citation2000, L’Hôte et al. Citation2002, Le Barbé et al. Citation2002, Dacosta et al. Citation2002, Niel et al. Citation2005, Ali et al. Citation2008, Lebel et Ali Citation2009, Mahé et Paturel Citation2009). Ces études ont clairement montré la diminution des totaux annuels et mensuels durant la période sèche actuelle, sans toutefois rechercher quelles sont les variables qui ont évolué de façon significative. En effet, la plupart des études climatiques réalisées se sont limitées à l’analyse des données pluviométriques annuelles ou mensuelles. Ainsi, des variables afférentes aux pluies journalières telles que les fréquences par classe des pluies journalières, le nombre de jours de pluie et la durée des saisons pluvieuses, ont généralement été très peu étudiées. Cela pourrait se justifier par la difficulté d’acquisition de données journalières, fiables et comportant peu de lacunes (Kouassi et al. Citation2010). Cependant, depuis quelques décennies, le souci de gestion durable des ressources en eau, dans un contexte de péjoration climatique, a conduit à la création d’organismes de bassin tels que l’Organisation pour la Mise en Valeur du fleuve Sénégal (OMVS), l’Organisation pour la Mise en Valeur du fleuve Gambie (OMVG), et l’Autorité du Bassin du fleuve Niger (ABN). Pour remplir leurs missions, ces organismes de bassin ont besoin de données. A cet effet, ils ont constitué, en collaboration avec les services techniques (météorologiques et hydrologiques) de leurs états membres, des bases de données aussi bien hydrologiques que climatiques à différentes échelles (annuelle, mensuelle, journalière et même infra-horaire avec les intensités de pluie dans certains cas). Ces bases de données permettent aujourd’hui d’envisager une analyse de la variabilité climatique à des échelles de temps plus fines.

C’est dans ce contexte que s’inscrit cette étude qui a pour objectif d’analyser l’influence de la sécheresse sur les pluies journalières par l’analyse de la variabilité des classes de précipitation journalières, du nombre de jours de pluie et de la durée de la saison pluvieuse pour voir quelles sont les caractéristiques des pluies journalières (dont la sommation donne les pluies mensuelles et annuelles) qui ont changé. L’étude des jours pluvieux peut en effet contribuer à améliorer notre connaissance des déficits pluviométriques saisonniers et annuels ainsi que des changements susceptibles d’affecter l’évolution des pluies (Kouassi et al. Citation2010). En effet, ces auteurs soulignent que ces déficits peuvent résulter de la diminution de la fréquence des fortes précipitations atteignant ou dépassant un certain seuil. Ensuite, selon eux, du point de vue agronomique et hydrologique, la diminution de la fréquence des fortes pluies et la répartition des pluies au sein de la saison pluvieuse sont des données importantes. Elles doivent être prises en compte dans la modélisation de la variation du taux d’humidité du sol, dans le calage des ouvrages évacuateurs des eaux de ruissellement et d’irrigation ainsi que dans les modèles de prévision des crues des rivières (Kouassi et al. Citation2010).

Le cadre de cette étude est le bassin du fleuve Sénégal qui s’étend depuis les confins du Sahara au Nord jusque dans la région tropicale humide guinéenne au Sud (Dione Citation1996). Ce bassin draine une superficie de 300 000 km2 (Bodian Citation2011) et s’étend à cheval sur quatre pays qui sont, d’amont en aval, la Guinée, le Mali, le Sénégal et la Mauritanie (). La pluviométrie dans le bassin est due au déplacement de la Zone de Convergence Intertropicale (ZCIT) du Sud vers le Nord induisant la pénétration de la mousson ouest-africaine régie par le contraste thermique entre la mer et le continent (Bodian et al. Citation2012).

Figura 1. Localisation des stations pluviométriques dans le bassin versant du fleuve Sénégal.

Figura 1. Localisation des stations pluviométriques dans le bassin versant du fleuve Sénégal.

2 Données et méthodes

2.1 Données disponibles

Les données utilisées dans cette étude proviennent des Directions de la Météorologie Nationale (DMN) de Guinée, du Mali, du Sénégal et de la Mauritanie et ont été stockées dans la base de données de l’OMVS. Elles concernent quatre-vingt stations pluviométriques (). Elles sont de qualité et de durée variables, notamment en fonction du pays. Une période de référence, allant de 1950 à 1998, a été choisie sur la base d’un critère de qualité des données (rareté des lacunes dans les séries observées). Cette période a la particularité de présenter des données communes pour pratiquement l’ensemble des stations retenues pour l’étude (). Nous avons ensuite calculé le pourcentage de lacunes (par lacune, nous entendons les jours sans mesure disponible même en saison sèche) dans les séries de données pour la période 1950–1998. Sur la base de ce résultat ()) 23 stations pluviométriques, présentant moins de 5% de lacunes à l’échelle journalière (la plupart de ces lacunes sont constituées de jours sans mesure en saison sèche), ont été retenues comme stations de référence pour cette étude (). La répartition spatiale de ces stations est donnée sur la ).

Figura 2. Pourcentage de stations manquantes par année sur un total de 80 stations.

Figura 2. Pourcentage de stations manquantes par année sur un total de 80 stations.

Figura 3. (a) Lacunes dans les séries de données de la période de référence 1950–1998 (lire 0 pour les taux de lacunes supérieurs à 50%, 1 pour les taux de lacunes compris entre 50% et 25%, 2 pour les taux de lacunes compris entre 25% et 10%, 3 pour les taux de lacunes compris entre 10% et 5%, et 4 pour les taux de lacunes inférieurs à 5%). (b) Répartition spatiale des stations retenues pour l’étude.

Figura 3. (a) Lacunes dans les séries de données de la période de référence 1950–1998 (lire 0 pour les taux de lacunes supérieurs à 50%, 1 pour les taux de lacunes compris entre 50% et 25%, 2 pour les taux de lacunes compris entre 25% et 10%, 3 pour les taux de lacunes compris entre 10% et 5%, et 4 pour les taux de lacunes inférieurs à 5%). (b) Répartition spatiale des stations retenues pour l’étude.

Tableau 1. Liste des stations pluviométriques retenues pour l’étude.

2.2 Méthodologie

L’approche adoptée comporte les opérations suivantes: (1) détection de ruptures au sein des séries pluviométriques annuelles complètes, (2) calcul du nombre de jours de pluie par an de part et d’autre de la rupture, (3) détermination des dates de début et de fin de la saison pluvieuse puis calcul de la durée de la saison de pluie en jours, et (4) caractérisation de la variabilité des classes de précipitation journalières de part et d’autre des dates de rupture.

2.2.1 Détection des ruptures au sein des séries pluviométriques annuelles

Les séries chronologiques annuelles complètes de la période 1950–1998 ont été analysées à l’aide du logiciel KhronoStat (IRD Citation1998) en vue de détecter une éventuelle rupture liée à une non-stationnarité. Nous avons ainsi appliqué différents tests d’homogénéité (homogénéité étant comprise ici dans le sens d’absence de rupture dans la série) : test de Mann Whitney modifié par Pettitt (Citation1979), statistique U de Buishand (Citation1982, Citation1984), procédure de Lee et Heghinian (Citation1977) et ellipse de contrôle de Bois (Citation1971, Citation1986). Tous ces tests sont adaptés à la détermination d’une rupture unique (Chaouche Citation1988, Bodian et al. Citation2011). Ils sont d’usage très répandu, comme en témoigne l’abondante bibliographie qui existe dans la littérature scientifique sur leurs différentes applications. Nous n’allons donc pas les décrire en détail dans cet article (voir Carbonnel et Hubert Citation1985, Hubert et Carbonnel Citation1987, IRD Citation1998). Il faut juste rappeler que pour l’ensemble de ces tests, l’hypothèse nulle H0 correspond à l’absence de rupture. Ils sont particulièrement sensibles à un changement de moyenne et, si l’hypothèse nulle d’homogénéité de la série est rejetée, ils proposent une estimation de la date de rupture (Bodian et al. Citation2011).

2.2.2 Calcul du nombre de jours de pluie par an

Le nombre de jours de pluies par an a été calculé à partir des chroniques de pluies journalières. On considère comme étant pluvieuse toute journée de l’année qui reçoit une quantité de précipitation supérieure où égale à 1mm. Ensuite, le nombre de jours pluvieux moyen a été calculé de part et d’autre des dates de ruptures. Ceci nous a permis d’évaluer les déficits de la période après rupture par rapport à celle d’avant rupture en termes de nombre de jours pluvieux.

2.2.3 Détermination de la durée de la saison pluvieuse

Plusieurs auteurs se sont intéressés à la caractérisation de la saison pluvieuse en Afrique de l’Ouest (Chaouche Citation1988, Sivakumar et al. Citation1993, Diop Citation1996, Traoré et al. Citation2000, Camberlin et Diop Citation2003, Ndong Citation2003, Marteau et al. Citation2010). Ainsi, on trouve dans la littérature différents critères de définition du début et de la fin de la saison des pluies reposant sur des données pluviométriques ou des variables édaphiques (Balme et al. Citation2005). Ces auteurs dans leurs études en identifient trois : (i) le critère climatique, (ii) le critère hydrologique, et (iii) le critère agronomique. Pour plus de détails sur ces différents critères on pourra se référer à ces auteurs. Dans cette étude, la durée de la saison pluvieuse est définie comme la période recevant entre 5% (date du début de la saison de pluies) et 95% (date de fin) des précipitations annuelles (Reiser and Kutiel Citation2008, Ibrahim et al. Citation2012, Vellinga et al. Citation2013). Cette démarche a permis de calculer la durée de la saison pluvieuse exprimée en jours pour chaque année. Ensuite, les valeurs moyennes ont été calculées de part et d’autre des dates de ruptures.

2.2.4 Caractérisation de la variabilité des classes de précipitation journalières

La méthode consiste à calculer, pour chaque station pluviométrique, la fréquence des classes de précipitations journalières de part et d’autre de la date de rupture dans les séries annuelles. Les différentes classes sont définies en fonction du nombre de jours de pluie de hauteur comprise entre: 1 et 10 mm (P1); 10 et 30 mm (P2); 30 et 50 mm (P3) et supérieurs à 50 mm (P4). Cette typologie des précipitations journalières que nous proposons est liée aux normes internationales de seuil définies par l’Organisation Météorologique Mondiale (OMM Citation1990) puis repris par Kouassi et al. (Citation2010) dans leur étude.

3 Résultats

3.1 Tests d’homogénéité sur les pluies annuelles

Les résultats des tests sont synthétisés au . L’examen de ces résultats permet de constater que toutes les séries analysées présentent une rupture à l’exception de la station de Bakel. Pour l’ensemble des vingt trois stations de référence la rupture s’est produite entre 1966 et 1970. Ces observations corroborent les résultats de Hubert et Carbonnel (Citation1987), du programme ICCARE de l’IRD (Servat et al. Citation1998, Servat et al. Citation1999), et de Laaroubi (Citation2007), qui situent la plupart des ruptures entre la fin de la décennie 1960 et le début de la décennie 1970 en Afrique Occidentale et Centrale. Entre les deux périodes, le déficit pluviométrique de la seconde est compris entre –0,09% à Siguiri et –0,46% à Louga ().

Tableau 2. Dates de ruptures des séries pluviométriques annuelles et variation relative en pourcentage.

3.2 Variation du nombre de jours de pluie de part et d’autre de la rupture

Dans cette partie on ne considère que la moyenne du nombre de jours de pluie calculée de part et d’autre de la date de rupture identifiée dans les séries de pluie annuelle. L’objectif est de comparer le nombre de jours de pluie avant et après rupture pour voir l’impact de la sécheresse sur l’évolution du nombre d’événement pluvieux. L’analyse de la montre que durant la sécheresse actuelle, le nombre des jours pluvieux a considérablement baissé pour l’ensemble des stations retenues pour cette étude. Seule, la station de Diéma au Mali fait figure d’exception. Les déficits de jours pluvieux de la période après rupture par rapport à celle d’avant rupture varient entre 6,2% à Kédougou et 38,6% à Saint Louis.

Figura 4. (a) Variation du nombre de jours de pluie de part et d’autre de la date de rupture dans les séries pluviométriques annuelles, (b) pourcentage du déficit en jours pluvieux de la période après rupture, et (c) évolution du déficit en jours pluvieux en fonction de la latitude.

Figura 4. (a) Variation du nombre de jours de pluie de part et d’autre de la date de rupture dans les séries pluviométriques annuelles, (b) pourcentage du déficit en jours pluvieux de la période après rupture, et (c) évolution du déficit en jours pluvieux en fonction de la latitude.

Quatre zones climatiques ont été définies à l’échelle du bassin du fleuve Sénégal par Dione (Citation1996) : zone guinéenne (précipitation annuelle moyenne, P > 1500 mm) ; zone sud-soudanienne (1000 < P < 1500 mm) ; domaine nord soudanien (500 < P < 1000 mm) ; et domaine sahélien (P < 500 mm). Une comparaison des déficits en fonction de ces zones climatiques permet de constater que les déficits du nombre de jours de pluie les plus importants ont été enregistrés dans le domaine sahélien. Mais on remarque aussi que les déficits du domaine guinéen sont légèrement plus importants que ceux du domaine sud-soudanien, et vu le nombre de stations limités du domaine guinéen (deux), cette remarque est statistiquement fondée sur des classes peu représentatives.

3.3 Variation de la durée de la saison de pluie de part et d’autre de la rupture

Comme pour le nombre d’événements pluvieux, on ne considère dans cette partie que les dates moyennes calculées de part et d’autre de la date de rupture. L’objectif est de comparer la durée moyenne de la saison des pluies avant et après rupture. L’analyse des résultats () montre deux situations: (i) une première qui concerne les stations comprises entre les latitudes 15,30 et 17°N, qui est caractérisée par une tendance nette à la diminution de la durée de la saison des pluies ; et (ii) une seconde situation où on a une alternance entre les écarts positifs et négatifs même si ces derniers sont les plus nombreux en termes de valeur absolue ; cette seconde situation prévaut entre les latitudes 10 et 15,23°N.

Figura 5. (a) Variation de la durée de la saison des pluies de part et d’autre de la datte de rupture, (b) écarts entre la période après et avant rupture, et (c) évolution des écarts en fonction de la latitude.

Figura 5. (a) Variation de la durée de la saison des pluies de part et d’autre de la datte de rupture, (b) écarts entre la période après et avant rupture, et (c) évolution des écarts en fonction de la latitude.

3.4 Variation des classes de précipitation journalière de part et d’autre de la rupture

Nous avons montré l’influence de la sécheresse sur les pluies journalières par l’étude des classes de pluviométries journalières. L’analyse des résultats obtenus () montre qu’elles évoluent de façon indépendante. Les déficits moyens calculés pour l’ensemble des 22 stations (la station de Bakel ne présentant pas de rupture dans les séries de pluie annuelle) varient de 13,9%, 23,3%, 26,1% et 40,7% pour les classes P1, P2, P3 et P4 respectivement. Comparés à P3 et P4, les classes P1 et P2 varient peu. La classe P4 présente les déficits les plus importants pour l’ensemble des stations à l’exception de celle de Oualia, où on note une augmentation de la fréquence des précipitations supérieures à 50 mm durant la période après rupture par rapport à celle d’avant rupture (). Ainsi, de manière générale, une tendance à la diminution des précipitations supérieures à 50 mm (qui sont considérées comme les grosses pluies) semble se dessiner à partir des années de rupture (1966–1970) avec des déficits qui varient de 14,8% à la station de Mamou à 66,6% à la station de Nioro du Sahel pour cette classe. Une comparaison des déficits de la classe P4 permet de constater que les déficits les plus importants pour cette classe sont enregistrés dans le domaine sahélien. En outre, on note également dans la partie sahélienne une forte variation de toutes les classes tandis que dans la zone soudanienne seule la classe P4 est affectée ().

Figura 6. (a) Déficits des fréquences de la période après rupture, et (b) évolution des déficits de la classe P4 en fonction de la latitude.

Figura 6. (a) Déficits des fréquences de la période après rupture, et (b) évolution des déficits de la classe P4 en fonction de la latitude.

4 Conclusion et discussion

Cette étude a pour objectif d’analyser la variabilité des précipitations à l’échelle journalière pour compléter les travaux qui ont déjà fait ce type d’analyse à l’échelle annuelle et mensuelle. Dans un premier temps, des séries chronologiques annuelles complètes de la période de référence 1950–1998 ont été analysées à l’aide du logiciel KhronoStat (IRD Citation1998) en vue de détecter une éventuelle rupture liée à une non-stationnarité. Ensuite, l’évolution du nombre de jour de pluie, de la durée de la saison pluvieuse et de la fréquence des classes de précipitation journalière a été analysée de part et d’autre de date de rupture pour voir quelles grandeurs des pluies journalières ont changé.

Pour les vingt trois stations considérées, l’analyse des données pluviométriques annuelles montre que les chroniques ne sont pas stationnaires et qu’elles ont subi une rupture dont la date est comprise entre 1966 et 1970. Ces observations sont en phase avec les résultats de Hubert et Carbonnel (Citation1987) et ceux du programme ICCARE de l’IRD (Servat et al. Citation1998, Citation1999). Seule, la station de Bakel présente une chronique stationnaire. Le déficit des précipitations annuelles moyennes de la période après rupture par rapport à la période avant rupture varie entre –0,09% à Siguiri et –0,46% à Louga.

L’analyse des chroniques de pluie journalière a montré, en accord avec les travaux de Chaouche (Citation1988) et de Frappart et al. (Citation2009), que le nombre des jours pluvieux a considérablement baissé durant la période sèche actuelle pour toutes les stations retenues pour cette étude, à l’exception de la station de Diéma au Mali. Les déficits en jours pluvieux varient entre 6,2% à Kédougou et 38,6% à Saint Louis. Une comparaison des déficits en fonction des zones climatiques permet de constater que les déficits les plus importants d’événements pluvieux sont enregistrés dans le domaine sahélien, mais aussi que les déficits du domaine guinéen sont plus importants que ceux du domaine sud-soudanien.

L’analyse de la durée de la saison des pluies de part et d’autre des dates de rupture fait ressortir deux situations : (i) une première qui est caractérisée par une tendance au raccourcissement de la saison des pluies durant la période sèche; et (ii) une seconde où on a une alternance entre les écarts (différence entre la durée de la saison après et avant rupture) positifs et négatifs. Donc les stations de la zone sahélienne ont plus subi l’impact de la sécheresse sur la longueur de la saison que les stations méridionales. Toutefois, la méthode utilisée pour définir la date de début et de fin de la saison pluvieuse ne permet pas, selon Traboulsi (Citation2012), une définition pertinente de la saison pluvieuse parce qu’elle néglige une caractéristique importante des précipitations, à savoir les périodes sèches intercalaires séparant les épisodes pluvieux et qui sont parfois très longues. A cet égard, Chaouche (Citation1988) a montré, en travaillant sur les postes pluviométriques du Burkina-Faso situé entre les 12° et 13°N, que la durée de la saison pluvieuse ne suit pas une tendance à la réduction parallèle à celle de la hauteur annuelle ou à celle du nombre annuel de jour de pluie.

L’évolution des classes de pluviométriques journalières, définies par l’OMM (Citation1990), a été analysée. Les résultats obtenus montrent qu’elles évoluent de façon indépendante de part et d’autre de la date de rupture des pluies annuelles. La classe P4 (P > 50 mm) présente les déficits les plus importants pour l’ensemble des stations. Une tendance à la diminution des précipitations >50 mm semble ainsi se dessiner à partir des années de rupture avec des déficits qui varient entre 14,8% à la station de Mamou et 66,6% à la station de Nioro du Sahel. Ces résultats sont en phase avec ceux trouvés au Burkina-Faso par Carbonnel (Citation1985) et Albergel (Citation1986) et sur le bassin de la Casamance par Dacosta (Citation1989). En outre, Bodian et al. (Citation2011) en utilisant les données de pluie journalière des stations de Mamou, Labé et Siguiri sur la période 1925–2004, ont montré que ces grosses pluies (définies dans cette étude comme >40 mm) expliquent en moyenne à elles seules, pour l’ensemble des trois stations, 60% de la variation de la pluviométrie annuelle. Albergel (Citation1986) souligne cependant que les événements pluvieux extrêmes sont indépendants de la pluie annuelle et que la probabilité d’occurrence des averses exceptionnelle n’a pas diminué.

Hubert et al. (Citation2007) ainsi que Lebel et Ali (Citation2009) ont montré dans leurs travaux une tendance à la hausse des débits du fleuve Sénégal et des précipitations dans certaines régions du Sahel (principalement le Sahel central) au cours de la dernière décennie du XXe siècle. Il serait intéressant d’intégrer dans des recherches futures la période récente (1999–2013) pour voir comment se comporte les trois variables analysées dans cette étude (nombre de jours de pluie, longueur de la saison des pluies et les classes de précipitations journalières) durant cette période. Les résultats de la montrent que dans la zone Sahélienne, la station côtière de Saint Louis a connu le déficit le plus faible sur la longueur de la saison des pluies. Il serait donc intéressant de comparer dans une même zone climatique les stations côtières et continentales pour voir l’impact de la mer sur le changement des caractéristiques de la pluviométrique.

Remerciements

Les auteurs de cet article remercient Monsieur Pierre Hubert dont les critiques et les suggestions ont permis d’améliorer le présent article. Ils tiennent aussi à remercier l’éditeur associé, Dr Emna Gargouri ainsi que les deux réviseurs anonymes pour leurs commentaires. Ils ont également une pensée toute particulière pour tous les observateurs des services nationaux de météorologie des pays membres de l’OMVS, sans qui ce travail n’aurait pas vu le jour.

Déclaration de divulgation

Aucun conflit d'intérêts potentiel n’a été rapporté par les auteurs.

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