840
Views
5
CrossRef citations to date
0
Altmetric
Original Articles

Influence du Bani sur la variabilité saisonnière et interannuelle de la crue du fleuve Niger dans le delta intérieur au Mali

Influence of the Bani River on seasonal and inter-annual variability of the Niger River flood in the inner delta in Mali

, , &
Pages 2737-2752 | Accepted 22 Oct 2015, Published online: 11 Dec 2017

RÉSUMÉ

Le delta intérieur du fleuve Niger est une zone humide sahélienne dont l’inondation dépend de la pluviométrie des bassins supérieurs du fleuve Niger et de son principal affluent, le Bani. La crise climatique qui a débuté en 1970 a très peu influencé les dates de passage des maximums de crue sur le Niger amont et son principal défluent, le Diaka. L’influence par contre est très forte sur le Bani, à la confluence avec le Niger à Mopti et sur le delta aval avec des dates de passages des maximums plus précoces qu’auparavant. Cela est dû à la faiblesse des superficies inondées au cours des années sèches. Pendant les années humides, l’importance des débordements latéraux ralentit la propagation de la crue avec pour conséquence des dates de passages plus tardives des maximums. Par ailleurs pendant les années humides antérieures à 1970 l’importance des débordements latéraux conférait au delta amont un caractère d’autorégulation par écrêtage des crues au niveau de certaines station.

ABSTRACT

The inner delta of the Niger River is a Sahelian wetland, the extent of whose floodplain depends on the rainfall over the upper basins of Niger and its main tributary, the Bani River. The climate crisis that began in 1970 has very little influence the date of the flood peak on the upper reaches of the Niger and its main distributary the Diaka. Conversely, the influence is very strong on the Bani, at the confluence with the Niger at Mopti and in the downstream delta, with earlier dates of flood peak than before. This is due to the smaller extent of the flooded area during dry years. During wet years, the large amount of lateral overflows slows the spread of the flood, resulting in later dates of maximum flood peak. Furthermore, during wet years prior to 1970, these lateral overflows conferred on the upper delta a self-regulatory character by reducing floods at certain stations.

Editeur M.C. Acreman; Editeur Associé pas assigné

Introduction

Le delta intérieur du fleuve Niger (ou DIN ou delta central ou cuvette lacustre) au Mali a fait l’objet, pendant plusieurs décennies, de nombreuses études en géographie physique (Auvray Citation1960, Gallais Citation1967) et humaine (Gallais Citation1967, Gourou Citation1969, Fay Citation1989). Après la sécheresse des années 1970, les études ont été plus axées sur les conséquences de cette sécheresse sur les ressources en eau (Brunet-Moret et al. Citation1986, Kamaté Citation1980, L’Hôte and Mahé Citation1996, Bricquet et al. Citation1997, Mahé et al. Citation1997, Mahe et al. Citation2001). Tous les travaux menés jusque-là montrent que le DIN est un écosystème complexe où s’articulent l’espace, le temps et la dynamique de la ressource en eau. La plupart des activités qui s’y déroulent sont très dépendantes des hauteurs de crue qui déterminent ainsi les superficies inondées et donc la productivité du milieu.

Les populations suivent avec attention différentes caractéristiques des hautes eaux telles que les hauteurs de crue, les dates de passage et les temps de transfert d’un point à un autre des maximums de crue. Ce sont des informations importantes pour les populations et leur connaissance leur permettent de pouvoir mieux anticiper le calendrier de leur activité. Des essais de modélisation de l’inondation du DIN (Olivry Citation1995, Poncet et al. Citation2001, Orange et al. Citation2002) ont été initiés pour mieux saisir la complexité du fonctionnement hydrologique du delta. Les travaux de Olivry (Citation1995) sur la période 1955–1990 et de Picouet (Citation1999) sur la période 1990–1997 mentionnent des informations sur les dates de passage et les temps de transfert des maximums de crue. L’étude récente de Mariko (Citation2004) apporte également quelques informations sur les dates de passage de la crue sur la période 1990–2000, pour une étude de la variabilité des surfaces inondées par télédétection NOAA. Ces différentes études ont été exclusivement menées sur le fleuve Niger sans tenir compte de son affluent principal, le Bani. Pourtant, bien qu’apportant un volume d’eau plus modeste que le Niger, le Bani joue un rôle important dans le delta. En effet, il contribue au maximum de crue enregistré à Mopti (confluence Niger-Bani) et participe majoritairement à l’inondation de la mésopotamie Niger-Bani (axe Tilembeya–Bénény–Kégny–Mopti), ainsi qu’à l’inondation du delta en aval de Mopti.

Pour compléter les précédentes approches, la présente étude a pour objectif de contribuer à l’approfondissement des connaissances sur la dynamique de la crue dans le DIN. Le DIN sera considéré dans sa globalité en intégrant les stations situées sur le Bani et en incluant des périodes de données plus récentes. L’accent sera porté sur les maximums de crue, l’analyse des périodes de passage et des délais de transfert du maximum de crue entre les différentes stations, puis sur l’évolution du signal à l’intérieur des différentes ramifications du delta. Avec la crise climatique des années 1970, l’analyse portera également sur l’évolution de ces différentes variables afin de déterminer des tendances selon les types d’année en termes de caractéristiques pluviométriques. Ces résultats doivent pouvoir être utiles aux principaux usagers du DIN.

Géographie du milieu

L’environnement physique du delta

Le delta intérieur du fleuve Niger constitue une singularité hydrologique de par sa situation géographique ; il est une zone inondable au milieu de la zone sahélienne au Mali (). Les superficies inondées varient selon l’hydraulicité de l’année et peuvent atteindre jusqu’à 40 000 km2 pour le maximum trouvé dans la littérature. L’inondation dépend de la pluviométrie des bassins supérieurs du Niger et du Bani, les pluies locales ne contribuant que pour 5 à 10% (Mahé et al. Citation2009). Le réseau hydrographique est dense et formé d’innombrables ramifications alimentées par le fleuve Niger et son affluent le Bani qui le rejoint à Mopti. La morphologie du DIN est constituée de deux entités principales (Gallais Citation1967, Picouet et al. Citation2002). On distingue :

Figure 1. Le delta intérieur du fleuve Niger (Mali). Stations hydrologiques, principaux bras et lacs.

Figure 1. Le delta intérieur du fleuve Niger (Mali). Stations hydrologiques, principaux bras et lacs.

* le delta amont qui s’étend des entrées du delta (Ké-Macina sur le Niger et Douna sur le Bani) jusqu’aux lacs centraux (Wallado–Débo–Korientzé). La superficie maximale inondable pourrait atteindre 30 000 km2 (Mariko et al. Citation2003). Cette région se caractérise par de nombreux défluents dont le principal est le Diaka situé en amont de la confluence avec le Bani, et par la présence de nombreuses mares et chenaux creusés ou sur-creusés de façon artisanale. Une particularité du fonctionnement hydrologique du delta amont est l’écrêtage des crues au-delà d’un seuil de débit, limitant ainsi les maximums de crue les années de forte hydraulicité (Brunet-Moret et al. Citation1986, Auvray Citation1960).

* A l’aval du lac Débo, s’étendent trois axes drainants (Olivry Citation1995) qui constituent le delta aval. A l’Ouest, le bras principal du Niger, l’Issa Ber, peut assurer le transfert de 80 à 87% des eaux du lac Débo (Mahé et al. Citation2002). Le Bara-Issa, bras central à la sortie du lac Débo achemine 10 à 12% des volumes du Débo et rejoint l’Issa Ber à El-Oualadji, 16 km en amont de Diré. A l’Est du lac, le Koli-Koli, petit défluent, dessert le lac de Korientzé et rejoint le Bara-Issa aux environs de Saraferé. Il exporte de 3 à 10% des sorties du lac. La totalité des écoulements est quasiment réunie à Diré après la confluence de l’Issa Ber et du Bara Issa. De part et d’autre des deux rives du delta aval, existent de grands lacs dont le remplissage se fait en cascade à partir d’une certaine hauteur correspondant au niveau 630 cm à l’échelle de Mopti (Orange et al. Citation2002). Les volumes dérivés pour le remplissage des lacs périphériques ne sont majoritairement pas restitués au système deltaïque. Ils sont lentement évaporés. La superficie des zones inondables du delta aval est de l’ordre de 10 000 km2 (Mahé et al. Citation2011a). Il y a un décalage temporel entre l’inondation maximale du delta amont et l’inondation maximale du delta aval qui commence 2 décades plus tard.

L’hydrologie du delta a subi des modifications suite à la baisse des apports des bassins amont ces dernières décennies.

Les apports fluviaux ont baissé suite aux sécheresses surtout pour le Bani avec un déficit des apports à l’entrée du delta de 69% (). Cette diminution des apports fluviaux a eu un impact sur l’extension de l’inondation dans le delta. Sur ces périodes et en appliquant différentes méthodes, des auteurs ont estimé les superficies maximales inondées ().

Tableau 1. Déficit d’écoulement après la sécheresse de 1970 (Mahé et al. Citation2011b).

Tableau 2. Principales caractéristiques des superficies inondées dans le delta intérieur du Niger d’après différents travaux.

Les périodes d’observations de ces travaux étant différentes, il est difficile de comparer les caractéristiques des superficies maximales inondées dans le DIN. Toutefois, le modèle d’Olivry (Citation1995), utilisant la méthode du bilan hydrologique, tend à donner les valeurs les plus fortes alors que le modèle agro-écologique de Orange et al. (Citation2002) donnent les valeurs les plus faibles. Ces derniers expliquent que les valeurs fortes obtenues par Olivry sont dues aux pertes en eau liées au remplissage des lacs périphériques: bien que le remplissage des lacs ne contribue pas à l’inondation des plaines, les pertes en eau engendrées sont prises en compte dans le bilan. Les travaux plus récents sur l’extension de l’inondation (Mariko et al. Citation2013, Ogilvie et al. Citation2015), ne prenant pas en compte les années de forte hydraulicité, antérieures à 1970, donnent des superficies maximales inondées bien inférieures et des caractéristiques plus semblables.

Populations et activités dans le delta

Outre la dynamique hydrologique, une des particularités du delta concerne l’exploitation de ses ressources. Un dixième de la population du Mali, environ un million d’habitants, vit sur le delta. Trois principaux groupes socioprofessionnels tirent leurs moyens de subsistance de son écosystème, les agriculteurs, les pêcheurs et les éleveurs. Ils exploitent le même espace mais à des échelles de temps différentes.

L’agriculture du delta se répartit entre cultures sèches sur les parties non inondables et la riziculture, culture prédominante, sur les parties inondables. On distingue trois types de riziculture:

  • la riziculture irriguée en maîtrise totale de l’eau par pompage ;

  • la riziculture en submersion contrôlée avec maîtrise partielle de l’eau aux moyens de digues et prises d’eau ; et

  • la riziculture pluvio-fluviale à submersion libre ou traditionnelle, qui est le système rizicole le plus ancien dans le delta qui occupe le plus d’espace.

Dès le retrait progressif des eaux des superficies inondées, le delta offre aussi la possibilité de pratiquer la culture de décrue, essentiellement du sorgho, surtout développée dans la région des lacs et dans la partie aval du delta.

L’activité de pêche dans le delta couvre 80% des besoins du Mali et est essentiellement artisanale. On y trouve deux principaux types de pêcheurs: les migrants et les sédentaires. La pêche collective existe également à l’échelle du village. Elle est toujours précédée d’une mise à défend et se pratique dans le fleuve et les mares à pied, à l’aide de filets à deux mains (Durand Citation1994).

En plus d’être le domaine de l’eau, le delta est le domaine de l’herbe. Par la richesse de ses pâturages, le delta est par excellence le domaine de l’élevage. La principale source d’alimentation du bétail est le bourgou (Echinochloa stagnina) qui pousse dans les zones profondes du delta et dont les pâturages sont appelés bourgoutières. Le delta est fréquenté chaque année par environ 2 millions de têtes de bovins et autant d’ovins et caprins (MDRE Citation1992). Les pâturages sont exploités lors de la transhumance des troupeaux et le cheptel représente 20% du cheptel national.

Activités et inondation dans le delta

Dans le delta, le régime hydrologique et la dynamique de l’environnement naturel sont étroitement associés aux activités (Kuper et al. Citation2002). D’un point de vue spatial et temporel, cette dynamique hydrologique influence la productivité et le calendrier des activités.

Dynamique spatiale et activités

La production rizicole est dépendante de la superficie des inondations, donc des hauteurs de crues, pour la technique en submersion libre et dans une moindre mesure pour la submersion contrôlée car durant les mauvaises années l’inondation ne parvient pas jusqu’aux rizières. En submersion libre, l’agriculteur détermine l’emplacement des rizières en fonction des conditions hydrologiques. Du fait de la baisse des apports fluviaux évoqués plus haut à partir des années 1970, les régions hautes du delta sont abandonnées au profit des cuvettes profondes, en particulier les bourgoutières, dont 25% ont été défrichées en 1989. En effet, le niveau moyen de l’emplacement des rizières est passé de 5,36 m en 1952 à 4,74 m en 1989, le 0 étant considéré au niveau 267,2 m à l’échelle de Mopti (Marie Citation2002). Les milieux « rizicultivables » sont passés de 850 000 à 650 000 ha, soit une baisse de l’ordre de 20–25%.

La production halieutique est également fonction des superficies en eau. En 1969 les lacs centraux du delta aval couvraient une superficie de 3100 km2 alors qu’ils se sont complètement asséchés en 1984, année où la crue du Niger a été à son plus bas niveau jamais enregistré jusqu’alors (Welcomme Citation1979). En 1979 on dénombrait 343 réserves de pêche contre 177 en 1991 (Koné Citation1991). Les pêcheurs sont donc confrontés à une réduction des superficies exploitables, ce qui conduit à une baisse de la productivité. Ainsi, la production avoisine 90 000 t/an en bonne année hydrologique, mais peut chuter à 37 000 t/an pendant les mauvaises années (Laë and Mahé Citation2002).

De la même façon, les variations de superficie et de hauteur d’inondation impactent considérablement la qualité et la quantité de pâturages, cette dernière pouvant varier du simple au quintuple (Kuper et al. Citation2002). Des valeurs seuils de hauteur de submersion assurant la production des différents types de pâturages ont ainsi été déterminées. Ces valeurs sont de 3 m pour le bourgou et de 0,6 m pour le vétiver (Wuillot Citation1994). Les bourgoutières constituant des zones de frayères des poissons et leur servant de nourriture, une diminution en superficie des bourgoutières représente moins de zones de frayères et moins de nourriture, ce qui impacte aussi la ressource halieutique.

Dynamique temporelle et activités

Rythme de la crue et calendrier des activités

Le régime hydrologique du delta se caractérise par quatre périodes principales: (a) la période de montée de la crue qui dure de juillet à août  (b) la période des hautes eaux de septembre à octobre ; (c) la période de décrue de novembre à février ; puis (d) la période d’étiage de mars à juin. Au cours d’une même année et selon ces différentes périodes, un même site peut successivement être une rizière, une pâture ou un lieu de pièges à poisson (Poncet Citation2002). La fin de l’étiage et l’installation des premières pluies, généralement en mai, correspondent aux activités de semis pour les agriculteurs et la sortie des animaux du delta pour l’éleveur (juin). Pendant la crue et les hautes eaux, les activités se limitent à l’entretien des rizières et à la préparation du matériel de pêche que sont les pirogues et les filets. La décrue marque la période de récolte du riz (novembre-décembre), le début des cultures de décrue, l’entrée des animaux dans le delta et le début de la campagne de pêche qui se poursuivra jusqu’à la fin de l’étiage. La pêche collective a essentiellement lieu en période d’étiage quand le fleuve et les mares sont en cours d’assèchement. Les grands pêcheurs du delta sont généralement migrants encore appelé les « nomades du fleuve ». Dès novembre–décembre ils redescendent dans le delta amont où la décrue est déjà amorcée puis suivent l’onde de décrue en se déplaçant vers le delta aval. Tout comme le pêcheur migrant, le calendrier de l’éleveur est fonction de la décrue. Les animaux rentrent dans le delta par Diafarabé dans le delta amont et remontent vers le Nord au fur à mesure que les eaux se retirent. Le calendrier moyen des activités est résumé dans le .

Tableau 3. Calendrier moyen des principales activités dans le delta.

Importance de la date de passage de la crue pour les activités

La date du maximum de crue à Mopti est importante car le cumul des apports à la date du maximum de la crue constitue un bon paramètre d’estimation de la surface maximale d’inondation (Olivry Citation1995, Mariko et al. Citation2003). Cette date s’avère utile pour l’éleveur car il peut déterminer ainsi le niveau de production du pâturage et prendre les dispositions pour son troupeau. La date du maximum de crue est également un indicateur prépondérant car, lors de la conférence des bourgoutières qui a lieu à Mopti à la décrue, l’assemblée fixe la date d’entrée des animaux dans le DIN.

Pour une partie des riziculteurs, cette date a moins d’importance car leur activité débute en fin d’étiage, bien avant le passage du maximum de crue. Néanmoins, elle peut s’avérer utile pour ceux qui pratiquent les cultures de décrue dans le delta aval car elle marque l’amorce de la décrue. Elle l’est plus pour ceux qui pratiquent les pépinières de riz dans des petites surfaces inondées par les premières pluies: la connaître un mois à l’avance s’avère déterminant pour apprécier la date probable de repiquage au moment où la submersion sera maximale.

Pour le pêcheur, cette date est importante car elle permet de planifier l’achat de matériels de pêche. En effet, lorsque les pêcheurs savent que le niveau de la crue sera élevé, une condition primordiale d’une bonne production halieutique, ils achètent des filets et des pirogues. La date de passage du maximum est également un repère pour le pêcheur migrant qui va se déplacer par rapport à la décrue.

Données hydrologiques

Les données de cette étude proviennent de la Direction Nationale de l’Hydraulique (DNH) du Mali et ont été complétées par la base SIEREM (http://www.hydrosciences.fr/SIEREM/ ; Boyer et al. Citation2006). Elles portent sur des séries chronologiques de débits journaliers. Les données ont été contrôlées et critiquées suite à une analyse fine des hydrogrammes de crue, année hydrologique par année hydrologique ; celle-ci commençant le mois où sont observés les débits les plus faibles et le début de la reprise des écoulements. A Mopti, au milieu du delta, l’année hydrologique débute en Mai. C’est cette date référence à Mopti que nous utiliserons pour toutes les stations étudiées. L’étude a été réalisée sur les séries de 10 stations, dont les informations sont résumées dans le .

Tableau 4. Stations hydrologiques étudiées dans le delta intérieur, périodes d’observation et lacunes.

Les entrées du delta considérées dans notre étude sont Ké-Macina sur le Niger et Douna sur le Bani. La station de Kara est la station de référence sur le Diaka, où transite un tiers des eaux passant à Ké-Macina, le reste des eaux constituant les volumes à Tilembeya sur le Niger. La station d’Akka mesure les débits à la sortie du lac Débo sur l’Issa Ber. La station de Diré est considérée comme la sortie du delta car celle de Koryoumé plus en aval, près de Tombouctou possède une série de données plus courte et la diffluence vers le lac Faguibine entre Diré et Tombouctou est peu mesurée.

Les lacunes n’ont pas été comblées pour éviter des biais dans les analyses.

Méthodes d’analyse

Dans un premier temps, pour chaque station, des séries temporelles des maximums de crue et de leur date de passage sont constituées et analysées en se basant sur des méthodes statistiques :

  • le test de corrélation sur le rang pour vérifier le caractère aléatoire ou non d’une série, au seuil d’erreur de 1% ; et

  • le test de Pettitt (Pettitt Citation1979) et la méthode de segmentation (Hubert et al. Citation1989) pour détecter une ou plusieurs ruptures au sein d’une série. Le seuil d’erreur associé au test de Pettitt est de 1%. Le principe de la méthode de segmentation est de « découper » la série en m segments (m > 1) de telle sorte que la moyenne calculée sur tout segment soit significativement différente de la moyenne du (ou des) segment(s) voisin(s). Une telle méthode est appropriée à la recherche de multiples changements de moyenne. La détermination de la segmentation optimale satisfait à la contrainte que les moyennes de deux segments contigus soient significativement différentes, par application du test de Scheffé. Aucun niveau de signification n’est attribué à ce test (Hubert et al. Citation1989).

Les ruptures, au sens d’une modification nette, statistiquement significative, de la moyenne, au sein des séries ont été déterminées à l’aide du logiciel Khronostat [http://www.hydrosciences.org/spip.php?article239 (accédé 10 janvier 2015)]. Sur les séries lacunaires importantes, où l’emploi de Pettitt et la méthode de segmentation ne sont pas possibles, nous avons choisi de faire quand même un test de différence de moyennes: le test de Student.

Dans un second temps, des séries de temps de transferts de la crue d’une station à une autre sont constituées et analysées par les mêmes méthodes statistiques.

Evolution des maximums de crue

Les résultats de l’application du logiciel Khronostat sur les séries de débits maximums sont résumés dans le .

Tableau 5. Tests statistiques sur les séries de maximums de crue (NA: non aléatoire), pour évaluer la stationnarité et déterminer les dates de rupture dans les séries.

Les lacunes dans les séries de Tilembeya et Bénény-Kégny étant trop nombreuses, elles n’ont pas été testées. Nous ferons l’hypothèse par la suite que les périodes de ruptures de Tilembeya et de Ké-Macina sont les mêmes, car deux tiers des débits de Ké-Macina transitent à Tilembeya. De même, du fait des apports négligeables du bassin intermédiaire, nous assimilons les périodes de rupture de Bénény-Kégny à celles de Douna.

Toutes les stations sont considérées comme non aléatoires (test de corrélation sur le rang au seuil d’erreur de 1%). Le test de Pettitt et la méthode de segmentation mettent en évidence plusieurs ruptures au sein des séries de maximum de débit. Selon le test de Pettitt, les dates de rupture les plus nettes se situent entre 1969 et 1971 et correspondent donc au même phénomène. Pour synthétiser, 1970 sera considérée comme le point de rupture commun à toutes les stations. La méthode de segmentation met également en évidence 1982 et 1994 pour toutes les stations comme autres dates de ruptures. 1982 est une rupture négative traduisant la baisse des maximums de crue qui ont débuté en 1970 et 1994 une rupture positive avec une hausse sensible des débits maximums. Pour la suite des analyses, nous considéreront un seul point de rupture négatif (1970) et donc trois périodes résumées dans le .

Tableau 6. Moyenne en m3/s des maximums de crue par période de rupture (*moyenne calculée sur 8 ans), pour toutes les stations du delta intérieur et Koulikoro.

L’analyse du montre des maximums les plus élevés les années antérieures à 1970 avec une baisse en moyenne de l’ordre de 34% sur le Niger et le Diaka, de 54% sur le Bani et 34% après la confluence Niger-Bani sur la période 1970–1993. A partir de 1994, on constate une remontée des maximums de crue qui restent cependant inférieurs à ceux des années antérieures à 1970. Par rapport à la période 1970–1993, cette hausse est en moyenne de l’ordre de 15% sur le Niger et le Diaka, de 18% sur le Bani à Douna, et de 12% à partir de Mopti jusqu’à la sortie du delta.

L’évolution des maximums de crue dans le delta suit les mêmes tendances climatiques que celle observée sur les hauts bassins du Niger et du Bani. Depuis 1970, le Niger et ses affluents sont soumis à un fort déficit pluviométrique, accentué durant la décennie 1980 (Kouamé et al. Citation1997, Sangaré et al. Citation2002, Dezetter et al. Citation2010) avec 1983–1984 comme années exceptionnellement sèches. Une reprise de la pluviométrie est constatée à partir de 1994 (Mahé et al. Citation2000, Paturel et al. Citation2010). Cependant, la baisse des pluies provoque une baisse amplifiée des débits du fait de la baisse durable et concomitante du niveau moyen des nappes et des apports en eaux souterraines aux débits de surface (Mahé Citation2009, Mahé et al. Citation2013). Ceci amplifie le déficit d’écoulement des fleuves, et la perte d’hydraulicité du Bani dépasse 50% depuis les années 1970, alors que la pluie n’a baissé que de 19%.

Analyse des dates de passage des maximums

Delta amont: le Niger amont et le Diaka

La montre que la date du passage du maximum de crue aux différentes stations dans le delta amont, avant la confluence avec le Bani, ne semble pas liée à la valeur du débit maximum: quelles que soient les valeurs du maximum de crue, la date peut être précoce ou tardive. On constate également aux stations de Ké Macina, et surtout de Kara et Tilembeya, que durant la période 1950–1969, les maximums de crue atteignent des valeurs très proches, quelque soit l’année – alors que ce n’est pas le cas en amont, à Koulikoro, ce qui indique un effet limitant de la capacité de diffluence du Diaka (à Kara), et dans une moindre mesure du bras principal à Tilembeya. Cette particularité disparaît après 1970, quand les débits diminuent fortement, ce qui implique très probablement que jamais après 1970 la capacité maximale de submersion n’a été atteinte dans le Diaka, ni très certainement dans le reste du delta. Les bonnes années en termes de pluviométrie sur les bassins en amont, le débit maximum peut se maintenir 10 jours en moyenne pour Tilembeya et Kara. Il peut se maintenir plusieurs semaines comme en 1957 (année à pluviométrie très forte) où les débits sont restés pendant 24 jours autour de 3300 m3/s à Tilembeya et pendant 25 jours autour de 1700 m3/s à Kara. Cette caractéristique avait déjà été observée par Auvray (Citation1960) et Brunet-Moret et al. (Citation1986) qui parlaient alors « d’effet de seuil ». Ce phénomène n’est observé que pendant les années à forte hydraulicité (avant 1970). La valeur-seuil pour Ké-Macina oscille autour de 5500 m3/s. Ces valeurs sont les mêmes que celles trouvées par Auvray et Brunet-Moret sauf pour Ké-Macina où la valeur seuil avait été estimée proche de 5300 m3/s. Cet écart est inférieur à 5% et peut donc paraître négligeable.

Figure 2. Evolution des dates des maximums de crue dans le Niger amont et le Diaka.

Figure 2. Evolution des dates des maximums de crue dans le Niger amont et le Diaka.

Le résume les résultats des tests sur les séries de dates de passage des maximums de crue sur le Niger amont (stations de Koulikoro et de Ké-Macina) et le Diaka (station de Kara).

Tableau 7. Tests statistiques sur les dates de passage des maximums de crue sur le Niger amont et le Diaka (A: aléatoire), pour évaluer la stationnarité et déterminer les dates de rupture dans les séries.

Compte tenu des lacunes importantes dans la série Tilembeya nous avons appliqué le test de Kruskal et Wallis sur les périodes 1950–1969, 1984–1994 et 1997–2004. Au seuil d’erreur de 1%, les moyennes des segments ne sont pas significativement différents.

Il n’y a donc pas de rupture sur les séries de dates de passage du maximum de crue du Niger amont et du Diaka. Les sécheresses qui ont débuté en 1970, ont influencé les valeurs du maximum de crue mais pas leurs dates d’apparition. Ces dates ne sont donc pas liées à la valeur que peut prendre la valeur du maximum de crue, ce qui est confirmé par les graphiques de la .

Delta amont: le bani et la confluence Niger-Bani (Mopti)

Comme à Tilembeya pour des raisons de nombreuses lacunes nous avons appliqué le test de Student sur l’échantillon de Bénény-Kégny. Au seuil d’erreur de 1%, les moyennes des segments sont significativement différentes. Contrairement au Niger amont et au Diaka, on remarque une certaine évolution des dates de passages des maximums de crue au niveau des stations situées sur le Bani (Douna et Sofara) et à Mopti (). Les années sèches se démarquent avec des dates d’apparition du maximum de crue plus précoces par rapport aux années humides.

Figure 3. Evolution des dates des maximums de crue dans le Bani et à la confluence Niger-Bani.

Figure 3. Evolution des dates des maximums de crue dans le Bani et à la confluence Niger-Bani.

L’effet de seuil évoqué plus haut ne s’observe pas à Douna mais apparaît à Beneny-Kegny et Sofara. Les crues sont écrêtées quand le seuil prend une valeur dans l’ordre de 2800 m3/s à Bénény-Kégny et 1640 m3/s à Sofara. Ces débits plafonnent en moyenne pendant 7 jours avec un maximum de 13 jours observé en 1956.

L’analyse du confirme les observations de la et montre que plus les maximums de crue sont faibles plus la date de passage est précoce. Sur le delta amont, sur le Bani, la sécheresse a impacté les dates de passage des maximums de crue avec des dates de passage plus précoces par rapport aux années humides. A Douna, la date moyenne de passage des maximums est précoce de 12 jours sur la période 1967–2004 par rapport à la période 1950–1967. A Sofara cette date moyenne est précoce de 23 jours sur la période 1968–1985 par rapport à la période 1952–1967 et atteint 1,5 mois sur la période 1986–1993. L’impact des sécheresses sur les dates de passage des maximums de crue sur le Bani est également le même à Mopti à la confluence Niger-Bani. Sur la période 1970–1993, la date moyenne de passage du maximum de crue est plus précoce de 24 jours par rapport à la période 1950–1969. La reprise de la pluviométrie à partir de 1994 à Douna, n’a pas impacté les dates de passages ; par contre à Mopti, cette reprise a modifié la date de passage du maximum qui est proche de celle de la période 1970–1975 mais qui reste cependant plus précoce de 12 jours par rapport à la période humide 1950–1969.

Tableau 8. Tests statistiques sur les dates de passage de maximums de crue sur le Bani et à confluence Niger-Bani (NA: Non Aléatoire), pour évaluer la stationnarité et déterminer les dates de rupture dans les séries.

Le delta aval

Comme sur le Bani et à Mopti, les sécheresses ont impacté les dates d’apparition des maximums de crue dans le delta aval avec des dates moyennes dont la précocité peut atteindre 2 mois pour Akka et 1,5 mois pour Diré ().

Figure 4. Evolution des dates des maximums de crue dans le delta aval.

Figure 4. Evolution des dates des maximums de crue dans le delta aval.

La période 1955–1970, aux maximums de crue importants, se caractérise par des dates de passage des maximums plus tardives que les autres périodes (). Les périodes où sont observées les dates de passage les plus précoces sont 1980–1993 pour Akka et 1977–1993 pour Diré. Ces deux périodes incluent le paroxysme de la sécheresse, la décennie 1980. Après 1994, la pluviométrie présente une légère hausse moyenne interannuelle (Sangaré et al. Citation2002), et les dates de passage du maximum de crue sont proches de celles de la décennie 1970, au début de la sécheresse, mais restent plus précoces que durant les années plus humides d’avant 1970 (d’au moins 1,5 mois).

Tableau 9. Tests statistiques sur les dates de passage de maximums de crue dans le delta aval (NA: Non Aléatoire), pour évaluer la stationnarité et déterminer les dates de rupture dans les séries.

Délais de transfert des maximums de crue

Sur les tronçons Ké-Macina–Tilembeya et Tilembeya–Mopti sur le Niger, nous avons appliqué le test de Student sur les temps de transfert pour cause de lacunes sur la série de Tilembeya (). Au seuil d’erreur de 1%, les échantillons des segments avant 1970 et après 1970 ne sont pas significativement différents sur le tronçon Ké-Macina–Tilembeya avec une moyenne de 4 jours. Par contre, la différence est significative sur les échantillons des tronçons Tilembeya-Mopti avec une moyenne de 20 jours avant 1970 et de 10 jours après 1970. Cependant, nous émettons des réserves sur l’impact des sécheresses sur le bief Tilembeya-Mopti du Niger amont car les dates de passage des maximums de crue à Mopti sont influencées par le Bani.

Tableau 10. Tests statistiques sur les temps de transfert (Tt) des maximums de crue dans le delta, pour évaluer la stationnarité et déterminer les dates de rupture dans les séries (A: Aléatoire, NA: Non Aléatoire).

Compte tenu des lacunes importantes sur la série de Bénény-Kégny nous avons considéré un tronçon unique de Douna à Sofara sur le Bani.

En considérant les tronçons du Bani, on remarque que les sécheresses ont seulement impacté les temps de transfert du tronçon Douna-Sofara avec des délais raccourcis en moyenne de 14 jours. Cela explique l’amplification de la différence des dates moyennes de passage des maximums de crue entre années sèches et années humides en descendant le Bani avec une différence moyenne qui passe de 12 jours à Douna à 1,5 mois à Sofara.

Les années de sécheresses ont également impacté le temps de transfert du maximum de crue en réduisant les délais sur les tronçons Kara–Akka, Mopti–Akka et Akka–Diré (). Par contre sur les autres biefs du delta amont Koulikoro–Ké-Macina, Ké-Macina–Kara et Ké-Macina–Tilembeya, où les dates d’apparition diffèrent peu selon les années, le maximum de crue transite vite et le temps de transfert du maximum de crue ne diffère pas significativement selon les types d’année. La présente les temps de transfert des maximums de crue au niveau des différentes stations.

Figure 5. Temps de transfert du maximum de crue entre les différentes stations du delta (en jours).

Figure 5. Temps de transfert du maximum de crue entre les différentes stations du delta (en jours).

De l’entrée du DIN sur la branche mère du fleuve Niger à la sortie du DIN, de Ké-Macina à Diré, le temps de transfert varie entre 15 et 72 jours (). Olivry (Citation1995) évaluait ce temps de transfert entre 18 à 78 jours et Picouet (Citation1999) entre 30 et 70 jours. Sur le Bani, de Douna à Diré, le temps de transfert varie de 22 à 92 jours, respectivement en hydraulicité très faible et en hydraulicité très élevée.

Figure 6. Temps de propagation des maximums de crue des entrées à la sortie du delta en année humide (1967–1968) et en année sèche (1984–1985).

Figure 6. Temps de propagation des maximums de crue des entrées à la sortie du delta en année humide (1967–1968) et en année sèche (1984–1985).

Discussion

Dans le delta on distingue deux caractères spécifiques suivant le type d’année.

Le premier caractère relatif au maximum de crue et particulier aux années de forte hydraulicité est l’effet de seuil qui se manifeste sur toutes les stations du delta amont sauf à Douna. Sur le Niger à Ké-Macina, Tilembeya et Kara les débits maximums sont écrêtés. Auvray (Citation1960), dans la monographie de la cuvette lacustre explique cet effet de palier à Ké-Macina par la proximité en aval de la défluence du Diaka. A Kara et Tilembeya, l’écrêtement des crues est dû à l’effet des déversements latéraux dont l’importance croit avec le niveau des crues (Brunet-Moret et al. Citation1986). Selon Lamagat et al. (Citation1996), cette valeur seuil correspond physiquement à un changement de valeur des paramètres hydrauliques régissant le transfert de la crue. L’existence de ces valeurs-seuils impacte également la variabilité interannuelle de l’inondation dans le Diaka qui, contrairement au delta en aval des lacs centraux, atteint très rapidement un palier de surface inondée d’après le modèle d’Olivry (Citation1995), et ce quelque soit le module annuel atteint par le fleuve Niger. Sur le Bani, à Beneny-Kegny et à Sofara, l’effet de seuil s’explique par l’écrêtage des crues maximums par les débordements latéraux.

Le second caractère est relatif à l’évolution des dates de passage des maximums de crue. Sur le Niger amont, les dates de passage des maximums de crue n’ont guère évolué en dépit de la succession des périodes de sécheresse qu’a connu la région. Par contre, sur le Bani, on observe que les dates de passage des maximums de crues sont plus précoces durant les années sèches que durant les années humides, majoritairement antérieures à 1970. Cette particularité observée au niveau du Bani peut s’expliquer par un transfert très lent du maximum de crue pendant les années humides, probablement dû aux importantes pertes des volumes d’eau du fleuve. En effet, une partie des eaux du Bani s’écoule par le Mayo Manga qui rejoint le Niger entre Tilembeya et Mopti. En l’absence de mesure sur ce bras, cette fraction dérivée n’est pas quantifiable. En plus, l’irrigation des plaines de la mésopotamie Niger-Bani se fait principalement par les débordements du Bani, ce qui augmente les pertes induites par les débordements latéraux. En moyenne, le Bani perd 25% de son volume entre Douna et Sofara en années humides contre 6% en années sèches. S’ajoutent également des pertes non quantifiables, mais non moins négligeables entre Sofara et Mopti.

Ceci indique clairement que la variabilité climatique associée à la sécheresse ne modifie que très peu la date du maximum sur la branche mère du fleuve Niger venant de Guinée, du Nord-Ouest de la Côte d’Ivoire et du Sud-Ouest du Mali, ceci malgré une nette baisse des pluies annuelles (Sangaré et al. Citation2002) et de l’apport en eau souterraine à la crue, ainsi qu’attesté par l’étude des tarissements des tributaires du fleuve Niger (Bricquet et al. Citation1997). Le décalage temporel est beaucoup plus important sur le bassin du Bani en terme de précocité du maximum de crue, ceci pouvant être relié là aussi à une baisse importante des pluies et du niveau des nappes aquifères (Mahé et al. Citation2000, Mahé and Paturel Citation2009). Il n’est cependant pas possible d’identifier une cause précise qui serait à l’origine de cette différence entre les deux bassins, si ce n’est qu’une part plus importante des pluies qui arrosent le Bani se produit en situation de type ligne de grain plutôt qu’en type mousson, et que la variabilité des premières est plus liée au régime sahélien, tandis que les secondes sont plus en liaison avec la climatologie de l’Atlantique équatorial, dont le rythme saisonnier a été probablement moins perturbé qu’au Sahel (Sultan and Janicot Citation2003).

Ce qui est remarquable, c’est que cette différence déjà importante constatée à Douna est présente à Mopti, et ne cesse de s’accroître en descendant le fleuve. Cela s’explique par les faibles surfaces inondées au cours des périodes sèches, diminuant ainsi à la fois les taux d’emmagasinement temporaires dans les mares et lacs et les pertes par évaporation (Mahé et al. Citation2009).

D’après Mahé et al. (Citation2000), le volume de pluie tombé sur le bassin versant du Bani à Douna représente 39% des pluies tombées sur le bassin du Niger à Koulikoro. Le Niger apporte plus de ressource hydrique au Delta, mais c’est le Bani qui impose le signal des dates de passage des maximums de crue de Mopti jusqu’au delta aval, avec des dates de passage d’autant plus tardives que la valeur du maximum journalier est élevée.

Ce nouvel éclairage sur les particularités hydrologiques du delta, et sur les dates de passage du maximum de crue en particulier, peut être intéressant pour améliorer la gestion des eaux du delta. Avec la crise climatique, le décalage temporel entre l’inondation du delta amont et du delta aval se trouve réduit. En années humides, dans le delta amont la décrue s’amorce dans la période septembre-octobre et décembre pour le delta aval soit un décalage d’environs deux à trois mois. En période sèche ce décalage est réduit à un mois car la décrue s’amorce plutôt dans le delta aval en octobre-novembre. Cela impacte le calendrier d’activité des pêcheurs migrants qui doivent raccourcir la durée de leur migration pour rejoindre la zone lacustre de l’aval plus favorable à la pêche. Par ailleurs, des dates de passage de maximum de crue dorénavant précoces sont synonymes d’un début de décrue précoce. Ceci induit un début anticipé des activités dont le calendrier est calé sur le rythme de la décrue comme pour la pêche et l’élevage. Cela entraîne des risques d’empiétement des surfaces cultivées non encore récoltées avec un accroissement des conflits. Au contraire, les dates de passage du maximum de crue dans le Diaka et la région du Niger en amont de Mopti ne sont que très peu impactées par la sécheresse, mais subissent cependant des variations de volume. D’un point de vue prévision, les temps de transfert représentent la marge de manœuvre pour les populations pour mieux caler le calendrier de leurs activités. Selon les études de Mariko et al. (Citation2003), Mahé et al. (Citation2011b), Ogilvie et al. (Citation2015), les superficies maximales inondées dans le delta sont corrélées aux hauteurs maximales de Mopti pour le delta amont et de Diré pour le delta aval. On peut donc établir une corrélation entre les débits maximums () afin d’estimer à l’avance les superficies maximales inondées.

Figure 7. Corrélation entre les maximums de crue (a) entre Douna et Mopti ; et (b) entre Mopti et Diré.

Figure 7. Corrélation entre les maximums de crue (a) entre Douna et Mopti ; et (b) entre Mopti et Diré.

A partir des observations à Douna, on peut déterminer le maximum à Mopti avec un coefficient de corrélation R2 égal à 0,908. Ce maximum calculé à Mopti peut être utilisé pour calculer le maximum à Diré.

QDiré = 7,0587QMopti0,712(1)

QMopti = 1026,8ln(QDouna)4676,4(2)

QDiré = 983,8(ln QDouna – 4,6)0,712(3)

En année sèche, à partir de Douna, on peut donc prévoir le maximum à Diré avec en moyenne 22 jours à l’avance et 92 jours soit 3mois environ en année humide.

Conclusion

L’étude fait ressortir deux particularités du fonctionnement hydrologique du delta. D’une part, la confirmation de l’existence d’un débit maximum plafond dû à l’écrêtage des maximums de crue par déversement sur les plaines d’inondation. Spécifique aux années de bonne hydraulicité, ces seuils avoisinent 5500 m3/s pour Ké-Macina, 3300 m3/s pour Tilembeya et 1700 m3/s pour Kara. Sur le Bani, ce seuil tourne autour de 2800 m3/s à Bénény-Kégny et de 1640 m3/s à Sofara.

D’autre part, les dates de passage du maximum de crue varient peu pour les stations situées sur le Niger supérieur à Koulikoro et sur le Niger amont, quelle que soit l’hydraulicité de l’année. Cependant, le Bani a un caractère différent du Niger, avec des dates d’apparition précoces les années sèches par rapport aux années humides. C’est également ce même caractère qui est conservé de Mopti jusqu’à la sortie du delta (Diré). Le Bani apporte un volume d’eau moins important avant la confluence avec le Niger mais impose à partir de Mopti le signal des dates d’apparition des maximums. Ce signal influence également les temps de transferts qui sont plus longs en années humides. Ces dernières années sèches sont donc caractérisées par des dates de passage de maximum de crue précoce. Ceci induit des décrues, c’est à dire un retrait des eaux des plaines d’inondation, plus précoce également. Ceci est une information utile pour les populations de pêcheurs et d’éleveurs dont les calendriers d’activité sont calés par rapport à la décrue. La réduction du décalage temporel entre l’aval et l’amont du delta tend à rendre les migrations aléatoires. En effet, les années sèches, les pêcheurs migrants doivent réduire la durée de la période de migration d’un mois environs pour rejoindre la région des lacs en aval du delta qui est plus propice à la pêche. Egalement, le temps d’attente de l’éleveur dans la partie amont peut être réduit car il peut accéder très tôt aux pâturages du delta aval. Pour les usagers du delta aval, bien que la marge de manœuvre soit passée de 3 mois (années humides) à 3 semaines ces dernières années, il est possible d’estimer la productivité du milieu à partir des superficies maximales inondables. En effet avec de bonnes corrélations (R2 = 0,908 entre Douna et Mopti et 0,911 entre Mopti et Diré) entre les maximums observés à Douna et Mopti, puis Mopti et Diré ; on peut calculer le maximum de crue probable à Diré et déterminer la superficie maximale du delta aval.

Déclaration de divulgation

Aucun conflit d’intérêts potentiel n’a été rapporté par les auteurs.

References

  • Auvray, C., 1960. Monographie du Niger, 2: la cuvette lacustre. Paris: Orstom. Disponible à http://horizon.documentation.ird.fr/exl-doc/pleins_textes/divers14-09/32720.pdf
  • Boyer, J.-F., et al., 2006. SIEREM: an environmental information system for water resources. In: Water resource variability: Hydrological impacts. (Proceedings of the 5th FRIEND World Conference, La Havana, Cuba, November 2006). Wallingford, UK: IAHS, IAHS Publ. 308, 19–25. Disponible à : http://iahs.info/uploads/dms/13630.08-19-25-111-308-Boyer.pdf
  • Bricquet, J.-P., et al., 1997. Evolution récente des ressources en eau de l’Afrique atlantique. Revue des sciences de l’eau/Journal of Water Science, 10 (3), 321–337. Disponible à http://www.rse.inrs.ca/art/volume10/v10n3_321.pdf
  • Brunet-Moret, Y., et al., 1986. Monographie hydrologique du Fleuve Niger. Tome I: Niger supérieur ; Tome II: Cuvette lacustre et Niger moyen. Monographies Hydrologiques, 8. Paris, ORSTOM. Disponible à http://horizon.documentation.ird.fr/exl-doc/pleins_textes/pleins_textes_7/b_fdi_03_01/25394.pdf
  • Dezetter, A., et al., 2010. Prise en compte des variabilités spatio-temporelles de la pluie et de l’occupation du sol dans la modélisation semi-spatialisée des ressources en eau du haut fleuve Niger. In: Global Change: Facing risks and threats to water resources (Proc. of the Sixth World FRIEND Conference, Fez, Morocco, October 2010). Wallingford, UK: IAHS, IAHS Publ. 340, 544–552. Disponible à : http://iahs.info/uploads/dms/abs_340_0544.pdf
  • Durand, J.-R., 1994. Dynamique actuelle de la ressource. In: Lapêche dans le delta central du Niger, Paris, ORSTOM. 209–212. Disponible à http://horizon.documentation.ird.fr/exl-doc/pleins_textes/divers/40732.pdf
  • Fay, C., 1989. Systèmes halieutiques et espaces de pouvoirs: transformation des droits et des pratiques de pêche dans le delta central du Niger (Mali): 1920–1980. Cahiers des Sciences Humaines, 25, 1–2. Disponible à http://horizon.documentation.ird.fr/exl-doc/pleins_textes/pleins_textes_4/sci_hum/30756.pdf
  • Gallais, J., 1967. Le delta intérieur du Niger: étude de géographie régionale. Sénégal: Ifan Dakar.
  • Gourou, P., 1969. Le delta intérieur du Niger. L’Homme, 9 (1), 74–77. Disponible à: http://www.persee.fr/doc/hom_0439-4216_1969_num_9_1_367022
  • Hubert, P., Carbonnel, J.P., and Chaouche, A., 1989. Segmentation des séries hydrométéorologiques—application à des séries de précipitations et de débits de l’Afrique de l’ouest. Journal of Hydrology, 110 (3–4), 349–367. doi:10.1016/0022-1694(89)90197-2
  • Kamaté, C., 1980. Climat. In: Atlas du Mali, les éditions J.A., 14–17.
  • Koné, M., 1991. Pêches collectives et aménagement des mares dans le Delta Central du Niger. Rapport de stage, Montpellier, USTL-CREUFOP.
  • Kouamé, B., et al., 1997. Variations hydroclimatiques en Afrique de l’Ouest et Centrale. In: H. Virji, et al., eds. START/WCRP/ORSTOM/SCOWAR Workshop on Climate Variability, Water Resources and Agricultural Productivity: Food Security Issues in Tropical Sub-Saharan Africa. Cotonou, Benin, 260–267.
  • Kuper, M., et al., 2002. La modélisation intégrée d’un écosystème inondable: le cas du delta intérieur du Niger. In: Séminaire International GIRN-ZIT, Colloques et séminaires, IRD. 773–798.
  • L’Hôte, Y. et Mahé, G., 1996. Afrique de l’Ouest et Centrale: Précipitations moyennes annuelles (période 1951–1989) / West and Central Africa: Mean annual rainfall (1951–1989). Carte. Bondy, France: Orstom.
  • Laë, R. et Mahé, G., 2002. Crue, inondation et production halieutique. Un modèle prédictif des captures dans le delta intérieur du Niger. In: D. Orange, et al., eds. Gestion intégrée des ressources naturelles en zones inondables tropicales. Paris, France: IRD, Collection Colloques et Séminaires, 865–882.
  • Lamagat, J.-P., Sambou, S., et Albergel, J., 1996. Analyse statistique de l’écoulement d’un fleuve dans une plaine d’inondation: application aux cotes maximales du fleuve Niger dans la cuvette lacustre. In: L'hydrologie tropicale: géoscience et outil pour le développement (Actes de la conférence de Paris, mai 1995). Wallingford, UK: IAHS, IAHS Publ. 238, 367–380. Disponible à : http://iahs.info/uploads/dms/iahs_238_0367.pdf
  • Mahé, G., 2009. Surface/groundwater relationships in two great river basins in West Africa, Niger and Volta. Hydrological Sciences Journal, 54 (4), 704–712. doi:10.1623/hysj.54.4.704
  • Mahé, G., et al., 2002. Dynamique hydrologique du delta intérieur du Niger (Mali). In: D. Orange, et al., eds. Gestion intégrée des ressources naturelles en zones inondables tropicales. Paris, France: IRD, Collection Colloques et Séminaires, 179–195. Disponible à http://horizon.documentation.ird.fr/exl-doc/pleins_textes/divers09-03/010030365.pdf
  • Mahé, G., et al., 2009. Water losses in the Niger River inner delta: water balance and flooded surfaces. Hydrological Processes, 23 (22), 3157–3160. doi:10.1002/hyp.7389
  • Mahé, G., et al., 1997. Bilan hydrologique du Niger à Koulikoro depuis le début du siècle. Acta Hydrotechnica, 15, 191–200.
  • Mahe, G., et al., 2001. Trends and discontinuities in regional rainfall of West and Central Africa: 1951–1989. Hydrological Sciences Journal, 46 (2), 211–226. Disponible à http://hydrologie.org/hsj/460/hysj_46_02_0211.pdf
  • Mahé, G., et al., 2011a. Le fleuve Niger et le changement climatique au cours des 100 dernières années. In: Hydro-climatology variability and change (Proceedings of symposium J-H02 held during IUGG 2011, Melbourne, Australia, July 2011). Wallingford, UK: IAHS, IAHS Publ. 344, 131–137. Disponible à : http://iahs.info/uploads/dms/16774.25-131-137-344-08-Mahe-corr.pdf
  • Mahé, G., Mariko, A., et Orange, D., 2013. Relationships between water level at hydrological stations and inundated area in the River Niger Inner Delta, Mali. In: G. Young, et al., eds. Deltas: landforms, ecosystems and human activities (Proceedings of HP1, IAHS-IAPSO-IASPEI Assembly, Gothenburg, Sweden, July 2013). Wallingford, UK: IAHS, IAHS Publ. 358. 110–115. Disponible à : http://iahs.info/uploads/dms/15453.358%20110-115.pdf
  • Mahé, G., et al., 2000. Relations eaux de surface–eaux souterraines d’une rivière tropicale au Mali. Comptes Rendus de l’Académie des Sciences – Series IIA – Earth and Planetary Science, 330 (10), 689–692.
  • Mahé, G., et al., 2011b. Estimation of the flooded area of the Inner Delta of the River Niger in Mali by hydrological balance and satellite data. In: Hydro-climatology: Variability and change (Proceedings of symposium J-H02 held during IUGG2011 in Melbourne, Australia, July 2011). Wallingford, UK: IAHS, IAHS Publ. 344, 138–143. Disponible à : http://iahs.info/uploads/dms/16775.26-138-143-344-30-Mahe-et-al-corr.pdf
  • Mahé, G. et Paturel, J.-E., 2009. 1896–2006 Sahelian annual rainfall variability and runoff increase of Sahelian Rivers. Comptes Rendus Geoscience, 341 (7), 538–546. doi:10.1016/j.crte.2009.05.002
  • Marie, J., 2002. Enjeux spatiaux et fonciers dans le Delta intérieur du Niger (Mali): Delmasig, un SIG à vocation locale et régionale. In: D. Orange, et al., eds. Gestion intégrée des ressources naturelles en zones inondables tropicales. Paris, France: IRD, Collection Colloques et Séminaires, 557–586. Disponible à http://horizon.documentation.ird.fr/exl-doc/pleins_textes/divers09-03/010030388.pdf
  • Mariko, A., 2004. Caractérisation et suivi de la dynamique de l’inondation et du couvert végétal dans le delta intérieur du Niger (Mali) par télédétection. Thèse. Université Montpellier 2.
  • Mariko, A., Mahe, G., et Orange, D., 2013. Monitoring of flood propagation into the Niger Inner Delta: Prospective with the Low Resolution NOAA/AVHRR Data. In: G. Young, et al., eds. Deltas: landforms, ecosystems and human activities (Proceedings of HP1, IAHS-IAPSO-IASPEI Assembly, Gothenburg, Sweden, July 2013). Wallingford, UK: IAHS, IAHS Publ. 358, 101–109. Disponible à : http://iahs.info/uploads/dms/15452.358%20101-109.pdf
  • Mariko, A., Mahé, G., et Servat, E., 2003. Les surfaces inondées dans le delta intérieur du Niger au Mali par NOAA/AVHRR. Bulletin-Société française de photogrammétrie et de télédétection, 172, 61–68.
  • MDRE (Ministère du développement rural et de l’environnement), 1992. Recensement du cheptel national. MDRE, Bamako, Mali.
  • Ogilvie, A., et al., 2015. Decadal monitoring of the Niger Inner Delta flood dynamics using MODIS optical data. Journal of Hydrology, 523, 368–383.
  • Olivry, J.-C., 1995. Fonctionnement hydrologique de la Cuvette Lacustre du Niger et essai de modélisation de l’inondation du Delta intérieur. In: Grands bassins fluviaux périatlantiques: Congo, Niger, Amazone. Paris: ORSTOM, 267–280.
  • Orange, D., et al., 2002. Hydrologie, agro-écologie et superficies d’inondation dans le delta intérieur du Niger. In: D. Orange, et al., eds. Gestion intégrée des ressources naturelles en zones inondables tropicales. Paris, France: IRD, Collection Colloques et Séminaires, 209–229.
  • Paturel, J.-E., et al., 2010. Caractérisation de la sécheresse hydropluviométrique du Bani, principal affluent du fleuve Niger au Mali. In: Global change: Facing risks and threats to water resources (Proceedings of the Sixth World FRIEND Conference, Fez, Morocco, October 2010). Wallingford, UK: IAHS, IAHS Publ. 340, 661–667. Disponible à : http://iahs.info/uploads/dms/abs_340_0661.pdf
  • Pettitt, A.N., 1979. A non-parametric approach to the change-point problem. In: Applied statistics. 126–135.
  • Picouet, C., 1999. Géodynamique d’un hydrosystème tropical peu anthropisé: le bassin supérieur du Niger et de son delta intérieur. Thèse. Université de Toulouse. Disponible à http://hydrologie.org/THE/PICOUET.pdf
  • Picouet, C., et al., 2002. Rôle du delta intérieur du fleuve Niger dans la régulation des bilans de l’eau et de sédiments. In: D. Orange, et al., eds. Gestion intégrée des ressources naturelles en zones inondables tropicales. Paris, France: IRD, Collection Colloques et Séminaires, 245–258.
  • Poncet, Y., 1994. Les milieux du delta central. In: J. Quensière, éd. La pêche dans le delta central du Niger. Paris, France: IER Orstom-Karthala, 58–66.
  • Poncet, Y., 2002. Hydrosystèmes, sociosystèmes. In: D. Orange, et al., eds. Gestion intégrée des ressources naturelles en zones inondables tropicales. Paris, France: IRD, Collection Colloques et Séminaires, 33–48.
  • Poncet, Y., et al., 2001. Représenter l’espace pour structurer le temps: la modélisation intégrée du delta intérieur du Niger au Mali.
  • Sangaré, S., et al., 2002. Bilan hydrologique du fleuve Niger en Guinée de 1950 à 2000. Sud Sciences et Technologies, 9, 21–33. Disponible à http://horizon.documentation.ird.fr/exl-doc/pleins_textes/divers16-04/010034319.pdf
  • Sultan, B. et Janicot, S., 2003. The West African monsoon dynamics. Part II: The “preonset” and “onset” of the summer monsoon. Journal of Climate, 16 (21), 3407–3427. doi:10.1175/1520-0442(2003)016<3407: TWAMDP>2.0.CO ;2
  • Welcomme, R.L., 1979. Fisheries ecology of floodplain rivers [tropics]. London: Longman.
  • Wuillot, J., 1994. Les phytocénoses aquatiques. In: J. Quensière, éd. La pêche dans le delta central du Niger. Paris, France: IER Orstom-Karthala, 66–70.

Reprints and Corporate Permissions

Please note: Selecting permissions does not provide access to the full text of the article, please see our help page How do I view content?

To request a reprint or corporate permissions for this article, please click on the relevant link below:

Academic Permissions

Please note: Selecting permissions does not provide access to the full text of the article, please see our help page How do I view content?

Obtain permissions instantly via Rightslink by clicking on the button below:

If you are unable to obtain permissions via Rightslink, please complete and submit this Permissions form. For more information, please visit our Permissions help page.