L'Édition lesbienne: un héritage du féminisme?

Abstract

Cet article examine l'apparition de la production littéraire lesbienne en France par rapport à l'édition féministe ainsi que les liens historiques qu'entretiennent les mouvements féministe et lesbien français. Nous montrons que la production lesbienne apparaît comme la manifestation d'une double autonomie: vis-à-vis du mouvement des femmes, mais aussi vis-à-vis de l'organisation sociale hétérosexuelle. Si quelques structures éditoriales sont apparues dans les années quatre-vingts, ce n'est que dans la seconde moitié des années quatre-vingt-dix qu'ont été fondées la plupart des maisons et collections spécialisées et que s'est amorcée l'intégration de la production lesbienne dans l'édition traditionnelle. L'examen des politiques éditoriales permet d'identifier les différentes orientations théoriques qui se sont manifestées.

Notes

[1] Monique Wittig (1935–2003) est l'une des fondatrices et des premières militantes du MLF. En mai 70, elle coécrit dans L'Idiot international un manifeste ‘Pour un mouvement de libération des femmes’ avec sa sœur Gille Wittig, Marcia Rothenburg et Margaret Stephenson (pseudonyme de Namascar Shaktini). Elle fonde la tendance matérialiste du féminisme avec Christine Delphy, dont l'évènement fondateur a eu lieu le 26 aoÛt 1970: le dépôt d'une gerbe sous l'Arc de Triomphe à la mémoire de la femme du soldat inconnu, en réponse à la grève nationale des femmes (journée sans travail ménager, ni maternage, ni devoir conjugal) organisée par les féministes américaines pour fêter le 50^è anniversaire de l'obtention du droit de vote des femmes aux Etats-Unis. Elle militait ensuite au sein du groupe de lesbiennes Les Gouines Rouges.

[2] Cf. Ti-Grace Atkinson (1974) Odyssée d'une amazone, Editions Des Femmes, Paris, ou Monique Wittig (1969) Les Guerrillères, Minuit, Paris.

[3] Cette citation faisait partie d'une communication de Monique Wittig, présentée lors du Colloque de la Modern Languages Association (MLA) aux Etats-Unis en 1978, publiée dans Feminist Studies, 1, 1980 et traduite dans Questions féministes, 7 février 1980.

[4] Marie-Jo Bonnet cite l'élection de Marguerite Yourcenar à l'Académie Française en 1980, l'attribution du prix Femina la même année à Jocelyne François pour Joue-nous España, l'apparition de journaux (Les Femmes s'aiment (1978–1980), Désormais (1979), Lesbia magazine (1982), les revues Masques, Vlasta, Amazones d'hier, lesbiennes d'aujourd'hui, le Mouvement d'information et d'expressions lesbiennes (MIEL) fondé en 1982 et la création des Archives lesbiennes à Paris en 1984.

[5] Marie-Jo Bonnet cite Cineffable (cinématographique) en 1989, A Tire d'Elles à Rennes (1985), Bagdam Café à Toulouse (1989), Centre Evolutif Lilith et le café les 3G (Marseille), Un autre regard (Dijon), Immédianes (Amiens) (Cf. site internet mentionné plus haut).

[6] Hélène de Montferrand (1990) Les Amies d'Héloïse, Editions De Fallois, Paris.

[7] Anne et Marine Rambach (2001) Les Intellos précaires, Fayard, Paris. Anne Rambach a aussi publié La Culture gaie et lesbienne (Paris, Fayard, 2003) ainsi que trois thrillers aux éditions Calmann-Lévy: Tokyo Chaos (2000), Tokyo Atomic (2001) et Tokyo Mirage (2002) dont l'héroïne est lesbienne.