89
Views
0
CrossRef citations to date
0
Altmetric
Articles

Le féminin en vedette: micro-lecture de deux romans paysans de la Belle Époque

Pages 265-279 | Published online: 14 Sep 2011
 

Abstract

Cet essai compare deux romans paysans de la Belle Époque d'inspiration catholique: La Terre qui meurt (1899) de René Bazin et Aimée Villard, fille de France (1924) de Charles Silvestre. Malgré le quart de siècle qui les sépare, ces romans, écrits par des auteurs célèbres en leur temps, se distinguent du reste de la production régionaliste par le fait qu'ils s'en remettent à une figure féminine, virginale et tendre pour sauver l'exploitation familiale de la ruine et assurer la survie du vieil ordre. Je proposerai de reconnaître dans ce recours inattendu à un féminin idéalisé le recoupement de deux influences: d'une part, la tentation exemplaire qui parcourt la littérature catholique à visée édifiante à partir de la deuxième moitié du dix-neuvième siècle et, d'autre part, l'influence de l'iconographie politique de la Belle Époque où la nation française, qu'elle prenne les traits de Jeanne d'Arc ou de Marianne, est typiquement figurée sous les traits d'une femme.

This essay compares two peasant novels of Catholic inspiration from the Belle Époque: La Terre qui meurt (1899) by René Bazin and Aimée Villard, fille de France (1924) by Charles Silvestre. Despite the quarter-century that separates the two novels, written by authors who were famous in their time, these texts can be distinguished from the rest of regionalist cultural production by the fact that they leave it to a tender feminine virginal figure to save the family farm from ruin and ensure the survival of the old order. In this unexpected recourse to an idealised femininity I identify two sources of influence: on the one hand, the genre of the “exemplum” or exemplary tale after which much of the Catholic moralizing literature written after 1850 is modelled and, on the other, the influence of the political iconography of the Belle Époque where the French nation, whether represented as Joan of Arc or as Marianne, is typically figured as a woman.

Notes

[1] On peut se demander pourquoi le roman de Silvestre ne fait jamais allusion aux morts de la Grande Guerre pour expliquer la pénurie de main d'œuvre qui affecte la campagne. Certes, Silvestre lui-même n'avait pas participé aux combats, ayant été réformé pour raison de santé. Mais il est possible aussi qu'il ait voulu éviter de faire d'Aimée Villard une œuvre d'actualité pour lui conserver ce caractère universel et intemporel auquel aspire en général le genre exemplaire.

[2] D'après le calendrier perpétuel, c'est en 1899, l'année où La Terre qui meurt est publié, que le 20 février tombe un dimanche. On peut donc imaginer Bazin consultant le calendrier de l'année en cours pour trouver sa date. Coïncidence amusante, le 20 février se trouve être aussi le jour de la sainte Aimée.

[3] C'est précisément ce que fait Lamartine après son échec aux élections présidentielles de 1848 quand il décide de regagner l'appui du peuple en écrivant des romans édifiants à son intention. Cf. Gantrel (Citation1999).

[4] Autre coïncidence amusante, Charles Silvestre publia en 1923 une étude sur un écrivain régionaliste catholique nommé… Jean Nesmy, comme l'amoureux de Rousille. Le livre, intitulé Jean Nesmy, l'homme et l'œuvre (avec portrait et extraits), est consacré à un écrivain né dans le Limousin, de son vrai nom Henri Surchamp (1876-1959), qui fut pendant de nombreuses années le conservateur des eaux et forêts pour les départements de l'Aube et de l'Yonne.

[5] On note ici la grande divergence d'opinion entre Bazin et Silvestre concernant le service militaire – une divergence d'autant plus inattendue qu'ils sont tous les deux de fervents patriotes. Le royaliste qu'est Bazin ne saurait oublier que le service militaire est l'institution républicaine par excellence, celle qui a fait son apparition en 1792 en pleine Révolution. Par conséquent, il lui prête tous les défauts du régime républicain: c'est en faisant son service militaire que, selon lui, le paysan perd son amour de la terre et le respect des valeurs traditionnelles. Tous les fils de Lumineau, sauf, ironie du sort, Mathurin, voudront quitter la Fromentière en revenant du régiment. Silvestre, au contraire, voit dans le service militaire une institution bénéfique qui développe l'amour de l'endroit où l'on est né en même temps que l'amour de la patrie. Le jeune homme auquel Aimée unit son destin à la fin du roman s'appelle de façon significative Martial, prénom guerrier s'il en est. Contrairement à ce qui se passe dans La Terre qui meurt, Martial revient forci de ses années de service et plus apte que jamais au travail de la terre. Sur Silvestre et le service militaire, cf. Grondin (Citation2006).

[6] Il est possible que cette date soit une manière très indirecte de rendre un hommage silencieux aux morts de la Grande Guerre. En effet, pendant la Première Guerre Mondiale, le Pape Benoît XV avait étendu la pratique bénédictine de célébrer trois messes le 2 novembre à toute l'Église, en demandant aux fidèles de prier spécifiquement pour les morts de la guerre.

Log in via your institution

Log in to Taylor & Francis Online

PDF download + Online access

  • 48 hours access to article PDF & online version
  • Article PDF can be downloaded
  • Article PDF can be printed
USD 53.00 Add to cart

Issue Purchase

  • 30 days online access to complete issue
  • Article PDFs can be downloaded
  • Article PDFs can be printed
USD 328.00 Add to cart

* Local tax will be added as applicable

Related Research

People also read lists articles that other readers of this article have read.

Recommended articles lists articles that we recommend and is powered by our AI driven recommendation engine.

Cited by lists all citing articles based on Crossref citations.
Articles with the Crossref icon will open in a new tab.