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La violence à l’égard des femmes fondée sur le genre dans la France contemporaine : bilan de la politique relative aux violences conjugales et aux mariages forcés depuis la Convention d’Istanbul

Pages (iii)-(xxii) | Published online: 05 Jul 2017

Abstract

In 2014, France ratified the Council of Europe’s Convention on Preventing and Combating Violence against Women and Domestic Violence (the Istanbul Convention) and passed the Law for Equality between Women and Men to bring French law into line with it. The Law for Equality between Women and Men situates the fight against violence against women within a broader context of the need to address inequalities between women and men. This is not new at the international level, but it is new to France. When the structural, transformative understandings of violence against women found in international texts are translated into national laws, policy documents and implementation on the ground, they might challenge widespread ideas about gender relations, or they might be diluted in order to achieve consensus. To what extent has French violence against women policy moved into line with United Nations (UN) and Council of Europe initiatives which present violence against women as both a cause and a consequence of gendered power relations? Have internationally accepted concepts of gender and gender-based violence been incorporated into French policy debates and, if so, how? What implications, if any, does all this have for the continued struggle in France and elsewhere to eliminate violence against women?

Résumé

En 2014, la France ratifie la Convention du Conseil de l’Europe sur la prévention et la lutte contre la violence à l’égard des femmes et la violence domestique (dite Convention d’Istanbul) et adopte dans la foulée la loi pour l’égalité réelle entre les femmes et les hommes afin de mettre en conformité la législation française. Cette loi place la lutte contre les violences faites aux femmes dans un contexte de lutte contre les inégalités de genre. Si cela est loin d’être une nouveauté à l’échelle internationale, cela l’est en France. Lorsque les conceptions structurelles et transformatrices des violences faites aux femmes présentes dans les textes internationaux sont traduites à l’échelle nationale en lois, documents d’orientation et mesures de mise en œuvre sur le terrain, elles peuvent alors remettre en question des idées largement répandues sur les rapports de genre, ou au contraire être édulcorées afin d’aboutir à un consensus. Dans quelle mesure la politique de la France relative aux violences faites aux femmes s’est-elle alignée sur les initiatives de l’ONU et du Conseil de l’Europe qui présentent ce type de violences comme étant à la fois une cause et une conséquence des rapports de force liés au genre ? Le genre et la violence fondée sur le genre, qui sont des concepts internationalement reconnus, ont-ils été intégrés dans les débats politiques français, et si oui, de quelle manière ? Quelles en sont les implications le cas échéant sur la poursuite, en France et ailleurs, de la lutte pour éliminer les violences faites aux femmes ?

This article is a translation of:
Gender-based violence against women in contemporary France: domestic violence and forced marriage policy since the Istanbul Convention

En France, en 2014, 118 femmes sont décédées sous les coups de leur partenaire ou ex-partenaire de vie tandis que 25 hommes sont morts victimes de leur compagne, compagnon ou ex-compagne (voir Tableau ). Sur les 143 décès, l’auteur(e) était un homme dans 120 cas (83,92 %) et une femme dans 23 cas (16,08 %). Sur ces 23 femmes, cinq (21,74 %) d’entre elles étaient des victimes connues de violences conjugales de la part de leur compagnon ou ex-compagnon, et c’est ce qui a motivé leur passage à l’acte pour quatre d’entre elles (17,39 %). Par contre, seuls deux des 120 hommes (1,67 %) à avoir tué leur partenaire ont imputé le motif principal de leur acte à des violences conjugales qu’ils auraient subies de la part de la personne qu’ils ont tuée.

Tableau 1. Morts violentes au sein du couple en France.

Tandis que l’on ne saurait réduire les violences conjugales aux morts violentes au sein du couple, ces chiffres participent toutefois au nombre croissant de données démontrant que l’étude des violences conjugales, de même que d’autres types de violences interpersonnelles, ne peut se faire sans l’adoption d’une perspective de genre. Comme le révèle l’étude comparative de l’Agence des droits fondamentaux de l’Union européenne (2014) sur la violence à l’égard des femmes :

Si les femmes peuvent commettre des actes de violence, et les hommes et les garçons peuvent être victimes de violence de la part des deux sexes, les résultats de cette étude, de même que d’autres données, montrent que la violence à l’égard des femmes est essentiellement perpétrée par des hommes. [...] Par conséquent, il convient d’envisager la majorité de la violence à l’égard des femmes comme de la violence fondée sur le genre. (European Union Agency for Fundamental Rights/Agence des droits fondamentaux de l’Union européenne [FRA] Citation2014, 7)

L’émergence de définitions internationales de la violence fondée sur le genre et de la violence à l’égard des femmes remonte au début des années 1990. Ainsi, en 1992, la Recommandation générale du Comité des Nations Unies pour l’élimination de la discrimination à l’égard des femmes (CEDEF/CEDAW) définit la violence fondée sur le genre comme la « violence dirigée contre une femme parce que c’est une femme ou qui touche spécialement la femme » (Article 6). La Déclaration des Nations Unies de 1993 sur l’élimination de la violence à l’égard des femmes (Article 1) propose la première définition de la violence à l’égard des femmes approuvée internationalement, à savoir:

tous actes de violence dirigés contre le sexe féminin, et causant ou pouvant causer aux femmes un préjudice ou des souffrances physiques, sexuelles ou psychologiques, y compris la menace de tels actes, la contrainte ou la privation arbitraire de liberté, que ce soit dans la vie publique ou la vie privée.

D’autres accords et rapports des Nations Unies, du Conseil de l’Europe, de l’Agence des droits fondamentaux de l’Union européenne et de l’Institut européen pour l’égalité entre les hommes et les femmes (EIGE) se rallient largement à ces définitions initiales (FRA Citation2014).

En 2011, la Convention sur la prévention et la lutte contre la violence à l’égard des femmes et la violence domestique (dite Convention d’Istanbul) est adoptée par le Conseil de l’Europe et signée par la France. La Convention d’Istanbul marque un tournant majeur pour les raisons suivantes : elle est juridiquement contraignante ; elle est dotée d’un mécanisme de suivi, le GREVIO (le Groupe d’experts sur la lutte contre la violence à l’égard des femmes et la violence domestique) chargé de veiller à son respect par les parties ; elle définit la violence à l’égard des femmes à la fois comme une cause et une conséquence des rapports de force liés au genre. Elle préconise une approche intégrée qui incorpore la réalisation de l’égalité de genre pour éliminer la violence à l’égard des femmes. En 2014, la France ratifie la Convention d’Istanbul et adopte dans la foulée la loi pour l’égalité réelle entre les femmes et les hommes (loi no 2014-738) en partie pour mettre la législation française en conformité avec ses obligations.

Cette politique française relative aux violences faites aux femmes est née des pressions venant à la fois de la base, à savoir les organisations de la société civile, les prestataires de services et les militantes féministes, et d’en haut. Bien que non contraignantes, les instances que sont les Nations Unies, le Conseil de l’Europe, le Lobby européen des femmes et l’Agence des droits fondamentaux de l’Union européenne exercent une pression morale sur la France pour qu’elle prenne les mesures nécessaires. Le rôle de la France dans les accords internationaux n’a pas pour autant été passif, il s’est même avéré déterminant dans certains cas. Ainsi, la résolution visant à éliminer la violence à l’égard des femmes que l’Assemblée générale de l’ONU adopte en novembre 2014 est une initiative portée par la France et les Pays-Bas. Si, là encore, cette résolution n’est pas contraignante, elle recèle néanmoins un poids moral.

Les violences conjugales ont fait leur apparition dans le débat public et politique français dans les années 1980 sous l’action des féministes, à la suite de leur combat victorieux pour une définition juridique du viol (Allwood Citation1998). Y sensibiliser l’opinion publique et les responsables politiques s’est avéré un long processus. Les associations de soutien aux femmes victimes, notamment le Collectif féministe contre le viol, ont rassemblé et analysé les données recueillies par leur ligne d’écoute et leurs foyers d’accueil, démontrant ainsi une vaste prévalence des violences conjugales dans l’ensemble de la société. La première grande étude à être menée est l’Enquête nationale sur les violences envers les femmes en France (Enveff). Commanditée par le service des Droits des Femmes en 1997, ses premiers résultats sont publiés en 2000. La présentation de l’ensemble des résultats trois ans plus tard suscite une vive polémique dans les médias, de nombreux commentateurs préférant s’en tenir au terrain confortable des types de violences a priori les plus éloignés des populations blanches de classe moyenne, tels que les viols en réunion dans les banlieues, les mutilations sexuelles féminines et le trafic sexuel (Allwood et Wadia Citation2009). Ce qui semblait alors déranger dans l’Enveff était son utilisation des rapports de genre comme cadre conceptuel pour penser la violence. Celle-ci n’était pas présentée comme une aberration, mais comme une expression des rapports de force :

La logique n’est pas neutre – elle s’inscrit dans une logique de genre. Cela n’implique évidemment pas que les hommes sont tous des bourreaux, tandis que les femmes seraient toujours des victimes ; la violence n’est effectivement pas le monopole d’un sexe. Toutefois, elle est sexuée : elle signifie le genre, c’est-à-dire qu’elle s’appuie sur cette inégalité, tout en la renforçant. (Fassin Citation2007, 288)

Le présent article se concentre sur la teneur de la politique relative aux violences faites aux femmes en France en posant la question suivante : Dans quelle mesure la politique de la France relative aux violences faites aux femmes s’est-elle alignée sur les initiatives de l’ONU et du Conseil de l’Europe qui présentent ce type de violence à la fois comme une cause et une conséquence des rapports de force liés au genre ? Le genre et la violence fondée sur le genre, qui sont des concepts internationalement reconnus, ont-ils été intégrés dans les débats politiques français, et si oui, de quelle manière ? Quelles en sont les implications le cas échéant sur la poursuite, en France et ailleurs, de la lutte pour éliminer les violences faites aux femmes ?

Cadre théorique

Cet article s’appuie sur des travaux précédemment menés sur la politique de la France relative aux violences faites aux femmes (Allwood et Wadia Citation2009; Chetcuti et Jaspard Citation2007a, Citation2007b; Delage et Tanné Citation2013; Hamel Citation2014). Tous révèlent la cohérence en France entre les thèses des militantes et des universitaires féministes qui envisagent les violences envers les femmes à la fois comme l’expression et le renforçateur des rapports de force liés au genre. La visibilité de cette analyse dans les documents d’orientation et les débats français varie. Ainsi en 2007, Chetcuti et Jaspard (Citation2007a, 11) relèvent chez les responsables politiques « la montée en puissance des explications psychologisantes – attribuant les comportements violents à des facteurs individuels, au détriment des approches [sociopolitiques] féministes. [...] La mise en avant de la symétrie des violences contre les hommes gagne du terrain. » Le modèle psychopathologique, présenté comme prédominant par les auteurs, « perçoit la violence comme résultant de comportements déviants d’individus dont l’histoire personnelle est gravement perturbée. Cette approche désigne un autre, ‘malade’ ou ‘délinquant’ pouvant être, après examen, puni ou traité médicalement. » Cependant en 2012, Jaspard (Citation2012) affirme que les efforts pour réduire les violences faites aux femmes sont désormais bien ancrés dans un cadre plus large d’égalité de genre.

L’importance de la manière dont on conçoit le problème des violences contre les femmes réside dans l’objectif sous-jacent de son élimination. Si ces violences sont pensées comme le produit des inégalités de genre, alors il faut pour les résoudre parvenir à l’égalité de genre. Cette approche s’appuie sur l’évolution des études féministes des politiques, notamment dans les travaux de Bacchi (Citation1999) et de Lombardo, Meier, et Verloo (Citation2009) qui montrent que la manière dont on aborde les problèmes a d’importantes implications pour les solutions que l’on estime adaptées. On peut citer à ce titre un changement majeur de la politique française relative aux violences faites aux femmes, survenu en 2006 avec la loi du 4 avril (loi no 2006-399) qui introduit l’éviction systématique de l’auteur des faits du domicile du couple, soulignant ainsi la responsabilité, plutôt que le statut de victime. Par ailleurs, le retrait en 2014 (loi no 2014-873) de la médiation familiale ou de la thérapie de couple comme réponses aux violences conjugales illustre bien le lien entre les changements dans la compréhension de ce type de violences et la réforme des politiques publiques. La médiation suggérait l’existence de l’égalité au sein du couple, ignorant de ce fait les rapports de force en présence qui sont à la fois une cause et une conséquence des violences conjugales. Ces dernières étaient alors perçues comme un conflit intrafamilial, plutôt qu’un abus de pouvoir.

À travers cet article, nous prétendons contribuer au débat sur l’emploi du terme « genre » et estimons que malgré une résistance à son utilisation tout au long des années 1980 et 1990, la recherche féministe en France présente beaucoup de points communs avec les études de genre menées dans les pays anglophones. Bien que généralement employé par les universitaires américains et britanniques à partir des années 1980, le « genre » n’a été adopté en France que dans les années 2000. Ce délai ne relève en rien de l’ignorance ou d’un rejet des travaux de recherche menés en langue anglaise. Par contre, ce mot se voyait reprocher d’obscurcir l’asymétrie et les rapports de force entre les femmes et les hommes. Il semblait induire une fausse dichotomie entre le sexe biologique et le genre social et se focaliser sur le discours et le symbolique aux dépens des structures matérielles de la domination (Allwood Citation1998; Bereni et al. Citation2012). Durant les années 1990, les universitaires féministes françaises utilisent des expressions telles que « rapports sociaux de sexe », « histoire des femmes » et « différence des sexes » pour décrire les mêmes attributs alors qualifiés de « genre » aux États-Unis. C’est autour de l’an 2000 que nombre d’entre elles ont commencé à s’approprier ce terme, même si les autres expressions n’ont pas totalement disparu.

Cette résistance française à une adoption inconditionnelle du « genre » nous permet de garder les rapports de force structurels bien à l’esprit dans notre appréhension des violences faites aux femmes. L’emploi de « genre » n’est pas une formule magique pour aborder les inégalités, la discrimination et la subordination. Il peut être utilisé pour dépolitiser les problèmes, les débats et les mesures. Paradoxalement, il peut servir à « dé-genrer » ou bien être utilisé comme synonyme de femmes (Jayasinghe et Noble Citation2015; Walby, Armstrong, et Strid Citation2012). L’expression « violence de genre » peut faire perdre de vue le fait que dans la grande majorité des cas, la violence de genre est perpétrée par les hommes envers les femmes (FRA Citation2014, Montoya Citation2013). En outre, définir la violence fondée sur le genre comme une violence à l’égard des femmes revient à exclure les types de violences commis contre les hommes du fait de leur genre. En 2011, le Lobby européen des femmes (LEF) révèle dans une étude comparative des plans d’action nationaux que de nombreux pays européens ne définissent pas la violence à l’égard des femmes comme le fruit d’inégalités de genre, contrairement à la France dont le plan global de lutte contre les violences faites aux femmes adopte une perspective de genre (European Women’s Lobby [EWL] Citation2011) sans toutefois la nommer.

Que le terme « genre » soit utilisé ou non, la France a toujours eu une propension à privilégier les relations entre les femmes et les hommes, plutôt que la multitude de différences au sein des catégories « hommes » et « femmes » que ce mot peut évoquer. La théorie de l’intersectionnalité, qui occupe une place importante dans la recherche féministe anglophone, est moins convoquée en France (Bassel et Lépinard Citation2014). Ce concept renvoie à la façon dont les inégalités de genre, d’ethnicité et les systèmes d’oppression associés s’entrecroisent et influencent la vie des personnes. Il apparaît pour la première fois dans les travaux de recherche de Kimberlé Crenshaw (Citation1989) pour démontrer l’influence qu’avaient à la fois le genre et la race dans les perspectives d’emploi des femmes noires aux États-Unis. Plus récemment, des études féministes des politiques, telles que celle de Walby, Armstrong et Strid (Citation2012), se sont intéressées non seulement aux références à l’intersectionnalité dans les textes, mais aussi à l’implication des femmes issues des minorités dans la mise en œuvre de ces derniers.

Si la façon dont l’universalisme républicain à la française constitue un obstacle à l’intersectionnalité a été largement démontrée (Bereni Citation2007; Lépinard Citation2013, Citation2014; Lépinard et Mazur Citation2009; Murray Citation2016), rien ne prouve toutefois que d’autres philosophies politiques nationales aient pu engendrer des politiques parvenant à intégrer les analyses intersectionnelles et la différence culturelle dans la mise en œuvre de l’égalité universelle et de l’accès aux droits. S’accrocher à l’objectif universel d’égalité de genre tout en reconnaissant les différences (Lombardo et Verloo Citation2009a, Citation2009b; Phillips Citation1999; Walby, Armstrong, et Strid Citation2012; Yuval-Davis Citation2006) s’avère un exercice délicat. Comment admettre, en effet, différentes formes de violences sans mettre à l’index certaines populations, tout en acceptant l’universalité de la violence à l’égard des femmes fondée sur le genre qui transcende toutes les divisions sociales, dans toutes les sociétés (Montoya et Rolandsen Agustin Citation2013) ? En France, la recherche et les rapports sur les politiques menées s’intéressent peu à peu à ces questions épineuses laissées sans réponse.

Buts, objectifs et méthodes

Dans le présent article, nous tenterons de voir dans quelle mesure la politique de la France relative aux violences faites aux femmes s’est conformée aux approches internationales qui définissent ce type de violences à la fois comme une cause et une conséquence des rapports de force liés au genre. Nous insisterons également sur l’importance d’une méthode intégrée et préventive pour y mettre un terme. À ces fins, nous commencerons par nous intéresser à la relation entre les violences envers les femmes et les rapports de force liés au genre dans les textes et les débats. Les violences faites aux femmes y sont-elles envisagées comme une cause et une conséquence des rapports de force liés au genre, à l’instar de la Convention d’Istanbul ? Les concepts de genre et de violence fondée sur le genre sont-ils employés, rejetés ou évités, et si oui, de quelle manière ? Nous examinerons ensuite la place qu’occupe la prévention dans la politique relative aux violences faites aux femmes comme le recommande la Convention d’Istanbul en préconisant une approche intégrée impliquant une variété d’acteurs. En étudiant les liens entre genre et violence dans un ensemble de documents, nous verrons si l’approche adoptée par les responsables politiques et les prescripteurs est intégrée et privilégie la prévention au détriment de la répression et de la protection (ou si elle coexiste avec ces deux dernières).

Notre analyse porte à la fois sur les textes et les débats qui traitent de la violence à l’égard des femmes en général et ceux consacrés aux violences conjugales et aux mariages forcés. Si les violences conjugales constituent la forme la plus commune de violences faites aux femmes, leur prévalence est notoirement difficile à mesurer. Elles touchent tous les pans de la société et occupent depuis 2001 une part majeure de la politique relative aux violences faites aux femmes, tandis que la question des mariages forcés qui ne concerne que certains groupes de la société française est apparue plus récemment à l’ordre du jour politique. À l’instar de son traitement séparé et spécifique dans les textes et les débats, nous en discuterons dans une partie distincte de l’article. Comparer la politique relative aux violences conjugales, omniprésentes, à celle traitant de la question ethnoculturelle des mariages forcés nous permet d’étudier la façon dont la représentation d’un problème et les propositions de solution diffèrent. Cette comparaison montre combien il est difficile de réconcilier un cadre universel d’égalité de genre avec les spécificités ethniques, à plus forte raison quand les communautés concernées subissent les inégalités socioéconomiques et la marginalisation sociale.

Notre corpus de documents analysés comprend des documents d’orientation français, notamment les lois de 2006, 2010 et 2014, les quatre plans globaux de lutte contre les violences faites aux femmes, les projets de loi, des rapports de commissions parlementaires, des procès-verbaux de commissions d’enquête parlementaires, des dépositions de témoins, des comptes rendus de débats parlementaires, des circulaires ministérielles et des communiqués officiels. Les documents pertinents ont été sélectionnés au cours de recherches dans les bases de données et les archives à l’aide des mots clés : « mariage forcé », « Convention d’Istanbul », « violence », + « femmes »/« domestique »/« conjugale »/« famille », tous les termes relatifs au genre et à l’intersectionnalité, ainsi qu’« interministérialité », « approche intégrée » et « cohérence politique ». L’analyse de certains passages s’est faite au moyen d’une lecture et d’un codage minutieux selon les liens entre genre et violence, et ceux entre prévention, protection et répression. En outre, nous avons effectué les recherches suivantes dans les archives du journal Le Monde (2011–2015) : « genre » + « violence » + « femme », « genre » + « égalité », « Convention du Conseil de l’Europe sur la prévention et la lutte contre la violence à l’égard des femmes et la violence domestique », « mariage forcé » pour ensuite analyser l’ensemble des articles sélectionnés selon la méthode décrite ci-dessus. Enfin, nous avons comparé des publications d’associations (Amnesty International, Collectif féministe contre le viol, Collectif national des droits des femmes, Fédération nationale solidarité femmes [FNSF], Groupe pour l’abolition des mutilations sexuelles [GAMS], Mouvement français pour le planning familial [MFPF], Réseau pour l’autonomie des femmes immigrées et réfugiées [Rajfire], Voix de femmes) et des articles universitaires avec des documents d’associations transnationales et des analyses du genre, de la violence et de l’intersectionnalité menées par des chercheur(e)s anglophones.

Notre analyse visait à présenter et à évaluer les points suivants : les liens entre genre et violence dans la définition du problème des violences faites aux femmes ; les solutions proposées ; la mesure dans laquelle la prévention était privilégiée et qu’une approche intégrée était prônée ou adoptée. De plus, au vu des sources d’informations essentielles qu’elles constituent pour alimenter les débats sur la politique, nous avons inclus dans ce corpus les publications issues de l’enquête Enveff et du projet Violences et Rapports de Genre (VIRAGE), ainsi que leurs débats associés. Les chercheur(e)s à la tête de ces projets sont en contact avec les publications internationales, les méthodologies et les réseaux de recherche, et sont par conséquent impliqués dans les débats et les approches tant nationaux qu’internationaux.

Après une brève introduction à la Convention d’Istanbul et à la politique de la France relative aux violences faites aux femmes, nous discuterons des résultats de notre analyse des documents d’orientation et des débats sur les violences conjugales, puis sur les mariages forcés, avant de présenter nos conclusions dans la dernière partie.

La Convention d’Istanbul

Juridiquement contraignante, la Convention d’Istanbul a été signée et ratifiée par la France. La version française qui constitue l’un des deux textes officiels (avec la version anglaise) utilise les termes « genre » et « violence fondée sur le genre » comme équivalents directs des mots « gender » et « gender-based violence » dont l’emploi dans les textes internationaux anglophones remonte à longtemps alors qu’il a été plus lent et plus progressif dans les versions françaises. Citons l’exemple de la Recommandation générale no 19 adoptée en 1992 par CEDEF/CEDAW qui utilise « gender-based violence » en anglais et « la violence fondée sur le sexe » en français. De même l’expression « gender-sentive training » jugée comme indispensable pour la bonne application de la Convention (article 24b) est exprimée dans la version française comme « une formation qui […] sensibilise aux problèmes des femmes » (Comité pour l’élimination de la discrimination à l’égard des femmes [CEDEF/CEDAW] Citation1992).

La Convention d’Istanbul définit la violence à l’égard des femmes à la fois comme une cause et une conséquence des rapports de force liés au genre. Elle reconnaît que la violence à l’égard des femmes est une manifestation des rapports de force historiquement inégaux entre les femmes et les hommes ; qu’elle est un des mécanismes sociaux cruciaux par lesquels les femmes sont maintenues dans une position de subordination par rapport aux hommes ; et que la réalisation de l’égalité entre les femmes et les hommes est un élément clé dans la prévention de la violence à l’égard des femmes. Elle admet également que les femmes et les filles sont exposées à un risque plus élevé de violence fondée sur le genre que ne le sont les hommes, et que la violence domestique affecte les femmes de manière disproportionnée. La Convention d’Istanbul reprend la définition de « violence à l’égard des femmes » qui a été adoptée en 1993 dans la Déclaration des Nations Unies sur l’Élimination de la violence à l’égard des femmes. Le terme « genre » désigne « les rôles, les comportements, les activités et les attributs socialement construits qu’une société donnée considère comme appropriés pour les femmes et pour les hommes », et celui de « violence à l’égard des femmes fondée sur le genre » comme « toute violence faite à l’égard d’une femme parce qu’elle est une femme ou affectant les femmes de manière disproportionnée » (Article 3).

Son objectif est d’éliminer la violence à l’égard des femmes et la violence domestique en accordant une grande place à la prévention, ce qui exige un changement social de grande ampleur qui dépasse largement les actions ciblant les violences faites aux femmes. Il s’agit là de changer le comportement et les attitudes de tous les membres de la société, en particulier des hommes et des garçons, et d’adopter une approche globale impliquant le gouvernement, la police, la justice, les travailleurs sociaux, les éducateurs et les organisations de la société civile. La Convention d’Istanbul demande aux Parties de mettre en œuvre des politiques d’égalité entre les femmes et les hommes afin d’autonomiser les femmes, d’éliminer les stéréotypes de genre et d’introduire la question de l’égalité entre les femmes et les hommes dans les programmes scolaires.

Elle les contraint également à ériger en infraction pénale le fait de forcer un adulte ou un enfant à contracter un mariage ou de le tromper afin de l’emmener dans un État autre que celui où il réside avec l’intention de le marier de force (Article 37).

Politique de la France relative aux violences faites aux femmes

Sous la double pression des militantes et des accords internationaux, notamment la Déclaration et le Programme d’action de Pékin de 1995, la question des violences faites aux femmes se retrouve à l’ordre du jour publique, politique et universitaire à la fin des années 1990. Commanditée par le gouvernement en réponse aux recommandations édictées lors de la conférence de Pékin, la première grande enquête nationale sur les violences envers les femmes en France (Enveff) inaugure la politique française en la matière (voir Tableau ). Suite à la publication des premiers résultats de l’enquête Enveff en 2000, Nicole Péry, secrétaire d’État aux Droits des femmes, décrète vouloir faire des violences envers les femmes l’une des grandes priorités de son cabinet. Mis en place en réponse à une recommandation de l’Union européenne, le premier plan global de lutte contre les violences faites aux femmes (2005–2007) est suivi par trois autres (2008–10, 2011–13, 2014–16). La législation introduit d’abord la possibilité puis le principe d’éviction du conjoint violent du domicile du couple (loi no 2004-439 et loi no 2005-1549 respectivement) ; renforce les sanctions pénales en cas de violences, dont le viol et les agressions sexuelles, au sein des couples, qu’ils soient mariés, en concubinage ou liés par un pacte civil de solidarité ou qu’ils l’aient été (loi no 2006-399) ; augmente les mesures de protection à l’encontre des victimes (loi no 2010-769, loi no 2013-711) pour en 2014 replacer la lutte contre les violences faites aux femmes dans le contexte de l’égalité entre les femmes et les hommes (loi no 2014-873). Les mesures destinées à éliminer les mariages forcés ont permis de relever l’âge minimum légal pour le mariage des jeunes filles, le faisant passer de 15 à 18 ans (loi no 2006-399) ; d’alourdir les sanctions pour les violences commises dans le but de forcer quelqu’un à contracter un mariage (loi no 2010-769), et d’ériger le mariage forcé en infraction pénale (loi no 2014-873).

Tableau 2. Politique de la France relative aux violences faites aux femmes.

Politique relative aux violences conjugales : lien entre genre et violence

Dans un premier temps, l’analyse des documents d’orientation, des débats et publications sur le sujet s’attache à voir la mesure dans laquelle les politiques relatives aux violences faites aux femmes s’inscrivent dans un engagement global en faveur de l’égalité de genre. Ce type de violences est-il défini à la fois comme une cause et une conséquence des rapports de force liés au genre ? Les concepts de genre et de violence fondée sur le genre sont-ils employés, rejetés ou évités ? L’analyse révèle que le problème des violences conjugales et les solutions proposées pour y remédier sont parfois définis par le prisme du genre, et d’autres fois non. Ainsi, le terme « genre » est employé par certains et rejeté par d’autres. Il arrive que les propositions de loi contiennent des conceptions fortement féministes de la violence à l’égard des femmes fondée sur le genre qui disparaissent au fil de l’examen par les parlementaires et sont remplacées par un texte relatif aux violences au sein du couple ou aux violences conjugales exprimé en termes neutres, sans référence au genre. C’est notamment le cas de la loi de 2006 et de 2010. Ainsi, la proposition de loi élaborée par Danielle Bousquet et Guy Geoffroy (Citation2009) mentionne initialement : « Toutes les violences de genre, c’est-à-dire celles qui sont commises spécifiquement à l’encontre des femmes et qui prennent leur source dans les inégalités persistantes entre hommes et femmes. » Toutefois, lorsque la proposition de loi est adoptée par le Sénat, les violences conjugales ne sont plus présentées comme genrées.

Cette résistance à l’emploi du terme « genre » est présente dans les débats parlementaires et s’appuie parfois sur une opposition sociale plus large. Par exemple, les opposants au mariage pour tous en 2013 se sont par la suite mobilisés contre l’usage du mot « genre » dans les manuels scolaires de science et vie de la terre et contre le projet des ABCD de l’égalité. Expérimenté dans 600 écoles primaires, ce dispositif avait pour objet de familiariser les jeunes élèves à l’égalité entre les filles et les garçons et à lutter contre les stéréotypes sexistes. Très vivement contesté, ses critiques l’ont accusé de véhiculer la « théorie du genre », d’endoctriner les jeunes enfants et de saper leur « identité naturelle » (voir par exemple Fassin Citation2015). Si les débats parlementaires sur la proposition de loi pour l’égalité réelle entre les femmes et les hommes ont prouvé l’existence d’un consensus dans l’ensemble des parties pour l’égalité entre les femmes et les hommes, ils ont également révélé un fort attachement, notamment à droite, à l’égalité par le biais de la complémentarité et à la volonté de conserver la différence « naturelle » entre les sexes. Comme le démontre Joan Scott dans son ouvrage Parité (Citation2005), la crainte de voir s’effacer la différence entre les sexes est très répandue en France. En témoignent les débats au Sénat sur l’examen de la proposition de loi relative à l’égalité réelle entre les femmes et les hommes. Ainsi, André Reichardt, sénateur UMP (Union pour un mouvement populaire) a déclaré : « l’égalité entre les sexes ne signifie pas l’indifférenciation de ces derniers. Le genre humain est fait d’hommes et de femmes, dont les rôles ne sont pas interchangeables ; l’égalité ne peut ni ne doit conduire à l’effacement de l’altérité ! » (Sénat Citation2013)

À l’Assemblée nationale, la députée socialiste Catherine Coutelle a fait valoir que l’emploi du terme « genre » favorise la participation de la France au sein des organisations et mesures internationales :

Si la France veut se faire entendre à un niveau international, il faut qu’elle sache manier ces concepts partagés par tout le monde. Sans vouloir ranimer des querelles […], je dirai qu’il en va de même pour le mot « genre, » lequel n’est rien d’autre qu’une construction sociale pour dire que les filles et les garçons ont un sexe, qu’il y a deux sexes, mais que la construction sociale est faite de stéréotypes qui nous mettent dans des cases. C’est pourquoi il ne serait pas inutile de moderniser notre vocabulaire, notre droit et nos concepts. (Assemblée nationale Citation2014)

Ce à quoi Nicolas Dhuicq (UMP) a rétorqué :

Nous sommes députés de la nation, oui, nous sommes députés français. Nous avons le devoir de défendre notre langue. Ce n’est pas forcément à nous de céder aux diktats extérieurs, c’est à nous de défendre notre culture parce que le monde se portera mieux […] et se portera bien lorsque la voix de la France sera entendue dans le monde. Si nous voulons qu’elle soit entendue dans le monde, il faut que les députés de la nation française défendent leur langue et leur pensée, et ne cèdent pas à des diktats auxquels vous cédez si facilement, pensant être dans la modernité. (Assemblée nationale Citation2014)

Le genre est ainsi perçu comme un concept « international » et une menace pour l’identité nationale française, ce qui n’est pas nouveau. Dans les années 1990, il figurait déjà au centre des débats relatifs au harcèlement sexuel et à la sous-représentation des femmes dans les institutions politiques (Allwood Citation2005). Néanmoins, ce qui a changé c’est que le genre n’est plus explicitement étiqueté comme un concept « américain » ou « anglo-saxon », mais qu’il tend à être qualifié « d’international », c’est-à-dire issu de l’ONU, du Conseil de l’Europe ou de l’Union européenne.

Si les responsables politiques et les fonctionnaires impliqués dans les négociations internationales et européennes emploient les termes de « genre », « violence fondée sur le genre » et « rapports de force liés au genre » plus facilement que d’autres, ils sont aussi susceptibles de les éviter de retour dans leur pays pour s’adresser à un public potentiellement hostile. De même, les chercheur(e)s qui appartiennent à des réseaux internationaux et qui ont l’habitude des publications et méthodologies anglophones et des concepts élaborés par des universitaires de langue anglaise utilisent le mot « genre », même s’il leur arrive de modifier leur terminologie sur la scène nationale. C’est le cas de Christelle Hamel responsable de l’enquête VIRAGE qui, lors de son audition devant la délégation de l’Assemblée nationale aux droits des femmes et à l’égalité des chances entre les hommes et les femmes, a expliqué qu’elle employait le terme « genre » dans son travail de recherche pour évoquer le concept d’inégalités entre les femmes et les hommes de même que l’idée de domination masculine, mais préférait recourir à d’autres expressions telles que « violences sexistes » ou « violences machistes » dans des publications destinées au grand public (Coutelle Citation2013).

L’enquête VIRAGE s’inscrit pleinement dans l’approche des violences faites aux femmes telle que celle définie par les chercheuses féministes aux États-Unis et Royaume-Uni dans les années 1970 et 1980, à savoir qu’elle souligne le caractère structurel de la violence envers les femmes comme une manifestation des rapports de force liés au genre et d’une forme de contrôle social (Hamel Citation2014). Par ailleurs, elle commence à prendre en compte l’intersectionnalité, une approche rarement adoptée dans les analyses françaises. Pour de nombreux chercheur(e)s anglophones, le genre ne se résume pas aux relations entre deux catégories homogènes de femmes et d’hommes. Au contraire, il traverse de nombreuses formes d’inégalités et de rapports de force reposant sur la classe, l’origine ethnique, l’aptitude physique et autres attributs. L’analyse des documents d’orientation et des débats français révèle une certaine attention portée aux « femmes immigrées » dans les parties consacrées à la prévention. Ainsi, le premier plan global de lutte contre les violences faites aux femmes (2005–2007) a mis en avant les besoins spécifiques des femmes issues de l’immigration, justifiant l’allocation de 50 places en foyer aux « jeunes femmes des quartiers pour lutter contre les mariages forcés ». L’enquête VIRAGE s’est engagée à aller plus loin en intégrant l’approche de l’intersectionnalité dans son analyse, ce qui devrait avoir un certain impact étant donné les liens étroits que le projet entretient avec les responsables politiques. Elle recueillera des données sur les violences vécues par les femmes immigrées et celles issues de l’immigration afin de voir si elles sont réellement plus exposées à la violence, comme on a tendance à le croire actuellement, et le cas échéant, quels facteurs autres que l’origine ethnique ou la nationalité pourraient expliquer cette situation, notamment le chômage ou une relation de dépendance face au conjoint pour préserver son titre de séjour. Un rapport sur les femmes immigrées commandité par Najat Vallaud-Belkacem, alors ministre des Droits des femmes, a commencé à combler certaines lacunes de notre compréhension de l’exposition de ces femmes à la violence. Son auteur Olivier Noblecourt (Citation2014) recommande de nuancer la représentation des femmes immigrées comme des personnes totalement dépendantes et contrôlées par leur communauté. Les femmes immigrées, écrit-il, constituent un groupe hétérogène, où certaines sont plus exposées que d’autres : « Le risque d’être victime de violences est parfois moins lié à une conception inégalitaire des rapports entre les sexes qu’à des chemins migratoires dans lesquels la précarité administrative et matérielle surexpose à la violence » (23). Les travaux de Claudie Lesselier (Citation2013), chercheuse et militante au sein du Rajfire, expliquent de manière tout aussi nuancée la multiplicité des expériences vécues par les femmes migrantes, et la complexité de leur confrontation aux différentes formes de discrimination et d’inégalité

Politique relative aux violences conjugales : prévention et approche intégrée

La Convention d’Istanbul insiste sur l’importance de la prévention qui nécessite une approche intégrée ou globale. L’analyse de la politique française relative aux violences conjugales révèle une volonté exprimée à plusieurs reprises de mener cette holistic approach, traduite en français par « approche intégrée » (également employée pour traduire (gender) mainstreaming), « interministérialité » ou « cohérence politique ». Cet engagement officiel à coordonner les différents acteurs de la politique et les organismes a donné lieu notamment à la tenue d’un dialogue et la signature d’accords de partenariat avec des organisations de la société civile. En dépit de quoi les moyens n’ont pas toujours suivis et la mise en œuvre s’est souvent avérée insuffisante. Après tout, l’idée que les violences faites aux femmes ne peuvent pas se régler par le cloisonnement des politiques publiques n’est pas nouvelle en France. Toutefois, une évolution s’est opérée dans l’approche de la prévention, délaissant les mesures préventives spécifiques du départ pour prendre de plus en plus en compte la nécessité d’un vaste changement social et d’une implication de tous les membres de la société dans la lutte contre les violences faites aux femmes. Ainsi, les deux premiers plans globaux de lutte contre les violences faites aux femmes (2005–07 et 2008–10) proposaient des mesures spécifiques pour prévenir les violences dès l’école, sensibiliser le grand public et encourager les femmes à signaler les actes de violence dont elles sont victimes. On retrouve cette approche dans la loi du 9 juillet 2010 (loi no 2010-769) qui rend obligatoires à tous les niveaux scolaires l’information et la sensibilisation des élèves à l’égalité entre les femmes et les hommes et à la lutte contre les préjugés sexistes, les violences envers les femmes et les violences conjugales. Par ailleurs, le 25 novembre est décrété journée nationale de sensibilisation aux violences faites aux femmes.

La loi du 4 août 2014 (loi no 2014-873) instaure une approche nouvelle en faisant de l’égalité réelle entre les femmes et les hommes une condition nécessaire à l’élimination des violences faites aux femmes. Chargée de transposer la Convention d’Istanbul dans la législation française, elle donne de cette manière plus de corps à l’idée d’une approche intégrée. Plutôt que de faire uniquement référence à une coordination interministérielle ou inter-organisme, elle mentionne plus généralement le besoin d’inscrire les mesures destinées à éradiquer les violences faites aux femmes dans une lutte en faveur de l’égalité réelle entre les femmes et les hommes. À la différence des textes précédents axés sur la protection des victimes, la poursuite des auteurs et la prévention des violences, les mesures spécifiques y sont relativement peu nombreuses, signifiant par là même la nécessité pour la prévention de reposer sur une réelle égalité de genre. Cependant, l’une des rares mesures préventives prévoit la création d’un programme de responsabilisation des auteurs de violences afin de renforcer la lutte contre la récidive. Le chapitre suivant de cette loi porte sur la réduction de la diffusion des stéréotypes sexistes pour protéger l’image de la femme dans les médias et mettre en place des dispositifs de lutte contre le sexisme et l’homophobie sur Internet.

Le quatrième plan interministériel de prévention et de lutte contre les violences faites aux femmes (2014–2016) est présenté comme un plan global destiné à changer les attitudes de la société envers les femmes. Il s’articule autour de trois grands axes : veiller à ne laisser sans réponse aucune violence déclarée ; protéger efficacement les victimes ; et mobiliser l’ensemble de la société pour combattre intégralement la violence (via trois volets : répression, protection, prévention). Cela consiste notamment à veiller au respect des droits des femmes dans le champ des médias et d’Internet, à la prévention des comportements sexistes et des violences en milieu scolaire et à la sensibilisation du grand public.

Ce n’est pas la première fois que l’accent est mis sur la cohérence politique et l’interministérialité. Ainsi, le Rapport d’évaluation du premier plan global de lutte contre les violences faites aux femmes (Inspection générale de l’administration et al. Citation2008) note que « le sujet impose une ‘hyper interministérialité.’ » Il constate que cette lutte se situe « à la croisée de nombreuses politiques publiques (de prévention de la délinquance, de la sécurité, d’aide aux victimes, de la politique de la ville, du logement et de l’hébergement d’urgence, de protection de l’enfance et de santé publique), elles-mêmes déjà souvent de nature interministérielle », et qu’il est donc nécessaire de porter cette interministérialité aux niveaux national et local. Comme ces politiques publiques concernent aussi la justice (politique pénale, suivi des condamnations, compensations), les professionnels de la justice doivent y être étroitement associés, de même que les collectivités locales et les organismes chargés de la protection de l’enfance, du revenu minimum d’insertion, etc. La réussite de ce plan, selon le rapport, repose sur l’association de l’ensemble de ces secteurs et acteurs à sa mise en œuvre. Prenant ces recommandations en compte, le deuxième plan global de lutte contre les violences faites aux femmes (2008–10) insiste sur l’importance d’une forte interministérialité et le besoin d’une réponse coordonnée. Cette politique interministérielle a été officiellement adoptée le 30 novembre 2012 (Vallaud-Belkacem Citation2013).

L’approche intégrée de prévention correspond à celle prônée par la Convention d’Istanbul et à la volonté des associations en France et ailleurs, de s’attaquer aux relations structurelles afin d’éradiquer les violences faites aux femmes. Ainsi, l’ONG Action Aid UK (Jayasinghe et Noble Citation2015) constate dans son rapport Fearless : Standing with Women and Girls to End Violence que :

L’incapacité de nombreux gouvernements et d’organismes internationaux à appliquer une approche intégrée et transformatrice constitue un obstacle majeur à l’éradication de la violence envers les femmes. Cette approche pourtant permettrait de reconnaître la cause profonde commune à toutes les formes de violences faites aux femmes, à savoir des inégalités de pouvoir entre les femmes et les hommes solidement enracinées et aggravées par des politiques, des processus et des institutions discriminatoires à l’encontre des femmes. (46)

Selon les spécialistes du gender mainstreaming, si l’on veut que l’adoption d’approches intégrées aux questions interministérielles fasse progresser l’égalité de genre, il faut veiller à ce que ces approches ne se transforment pas en une liste de cases à cocher, mais tendent au contraire vers un objectif clair et explicite d’égalité de genre. De même, elles ne doivent pas compléter des politiques déjà rédigées, mais figurer dès la phase d’élaboration. Par ailleurs, il est essentiel que les questions de genre dans chaque ministère ne soient pas confiées à des personnes peu expérimentées ou employées à court terme (Daly Citation2005; Jacquot Citation2010; Pollack et Hafner-Burton Citation2000; Stratigaki Citation2005). Plus largement, la littérature sur l’égalité de genre et sur les violences faites aux femmes révèle le rôle déterminant que tient la participation des organisations de la société civile et des voix marginalisées à l’élaboration et à la mise en œuvre de la politique dans la réalisation de ces objectifs (Krizsan et Lombardo Citation2013; Krizsan et Popa Citation2014; Lombardo et Meier Citation2008; Merry Citation2009; Montoya Citation2013; Verloo Citation2007; Verloo et Lombardo Citation2007; Walby, Armstrong, et Strid Citation2012). Toutefois, pour ce qui est de la France, cette participation serait encore loin d’être systématique et efficace.

Mariages forcés : lien entre genre et violence

Contrairement aux violences conjugales, les mariages forcés touchent spécifiquement certaines minorités ethniques. Les femmes et les filles y sont exposées du fait de leur genre et de leur appartenance à ces populations. L’analyse des documents d’orientation et des débats relatifs aux mariages forcés nous permet de comparer des réponses à une forme de violence ethnoculturelle avec des mesures destinées à combattre les violences conjugales qui concernent l’ensemble de la société.

La Convention d’Istanbul exige des États signataires qu’ils érigent le mariage forcé en infraction pénale, procédure finalisée par la France en 2014 avec l’adoption de la loi pour l’égalité réelle entre les femmes et les hommes (loi no 2014-873). Néanmoins, la loi du 4 avril 2006 (loi no 2006-399) avait déjà entamé le processus en relevant l’âge minimum légal pour le mariage des jeunes filles de 15 à 18 ans, le fixant au même niveau que pour les hommes (loi no 2006-399) et en augmentant les délais pour contester un mariage contracté sans le consentement des deux parties. La contestation d’un tel mariage est désormais ouverte à l’État, et non plus réservée à l’une des parties non consentantes.

Dans les documents d’orientation et les débats, la mention des mariages forcés, à l’instar de celle de la traite des êtres humains, semble être facilement identifiable et définissable et faire l’objet d’une condamnation unanime. Ainsi, la Mission interministérielle pour la protection des femmes victimes de violences et la lutte contre la traite des êtres humains (MIPROF Citation2014) note que : « Des dénominations variées sont utilisées : mariage forcé, mariage contraint, mariage non consenti, mariage arrangé, mariage précoce… Il s’agit du même phénomène, au moins l’une des deux personnes n’est pas pleinement consentante pour se marier » (2). Elle estime que les mariages forcés confisquent à l’individu la liberté de ses choix, contrôlent la sexualité des filles et les assignent à un rôle de mère et d’épouse. La MIPROF rappelle également que « les relations sexuelles qui ont lieu dans le cadre de mariages forcés sont des viols » (2). Cette affirmation est contestée par Edwige Rude-Antoine (Citation2010) qui invite à prendre davantage en compte le contexte dans lequel ces mariages ont lieu. Selon elle, partir du principe que les relations sexuelles au sein d’un mariage forcé sont toujours des viols peut poser problème, notamment, si l’époux ignore que sa femme a été contrainte par sa famille, ou si aucune des parties n’est consentante.

La CitationFédération nationale GAMS est l’association qui a le plus contribué à l’inscription de la question des mariages forcés à l’agenda politique et à la sensibilisation de l’opinion publique du fait de son travail auprès des femmes et des filles victimes. La place du consentement, ou plutôt du non-consentement, figure, selon elle, au cœur de cette problématique. Une union est considérée comme forcée si l’une des deux parties (parfois les deux) a subi des pressions ou des violences pour l’y contraindre. Au fil de ses entretiens avec les jeunes filles concernées, la Fondation GAMS a recensé une variété de raisons invoquées pour expliquer le comportement des familles, dont la vision traditionnelle du mariage comme une affaire de famille. L’émigration tend à renforcer ce conservatisme, certaines familles ayant à cœur de prouver qu’elles n’ont pas perdu leur identité malgré leur expatriation en France. D’autres peuvent aussi redouter de voir leurs enfants, notamment les filles, entretenir des relations avec des individus d’origines différentes, ou craignent pour leur honneur et leur réputation dont le sort repose démesurément sur le comportement des filles. Les pressions d’autres membres de la famille restés dans le pays d’origine, ainsi que le désir de voir leurs enfants rester sur le droit chemin, ont également leur part d’influence.

C’est grâce à l’action des associations que la question des mariages forcés est devenue une préoccupation politique, solidement ancrée dans la politique nationale relative aux violences faites aux femmes depuis l’obligation imposée par la Convention d’Istanbul aux États signataires d’ériger cette pratique en infraction pénale. Pour celles et ceux qui n’ont de cesse d’y mettre un terme, le problème consiste à savoir reconnaître les spécificités de cette forme de violence tout en préservant l’universalité de la violence à l’égard des femmes fondée sur le genre. Dans son rapport sur les femmes migrantes, Olivier Noblecourt (Citation2014, 20) insiste sur le rôle de l’État dans la lutte contre les mariages forcés qui doit s’inscrire dans l’engagement de ce dernier pour « l’effectivité des droits des femmes ». Toutefois, il recommande « de ne pas alimenter un discours culturaliste qui enferme les immigrées dans une inéluctable altérité ». Il constate en fait un recul des mariages forcés en France. Si « les femmes venues de Turquie, du Maghreb et de l’Afrique subsaharienne sont les plus exposées à ce type d’union », les cultures n’en sont pas pour autant « immuables ». Les filles de la seconde génération sont moins susceptibles de connaître un mariage non consenti, à savoir : 6 % de celles âgées de 31 à 40 ans, soit 2 % de plus que la population féminine majoritaire, et 1 % de celles âgées de 26 à 30 ans contre 0 % de la population majoritaire. La comparaison avec les femmes natives révèle que 10 % de celles âgées de 51 à 60 ans ont également été mariées contre leur volonté ou sous l’influence de leur famille.

Pour Claudie Lesselier (Citation2013, 14, 19), il est important de « prendre en compte les réalités, même si certains les trouvent dérangeantes, dans un souci d’universalité des droits et d’égalité. » Elle estime ainsi qu’« une approche féministe des violences implique nécessairement de prendre en compte tous les rapports sociaux et de pouvoir », et de ne pas se limiter à ceux entre les deux grandes catégories des femmes et des hommes. Pour ce faire, l’action collective, l’action de terrain avec les femmes victimes de violences et l’interaction de ces dernières avec des professionnels sont indispensables pour acquérir des connaissances fondamentales et « mettre en lumière des problèmes ‘nouveaux’ ou plutôt autrefois négligés ou passés sous silence ». Ce constat fait écho aux conclusions suivantes tirées par Action Aid UK (Jayasinghe et Noble Citation2015):

Il est clair que les formes particulières de violences envers les femmes et les filles [les violences sexuelles dans les conflits armés, les mutilations sexuelles féminines, les mariages précoces] nécessitent des stratégies adaptées au contexte, et que ces efforts spécifiques sont le fruit d’années de campagnes acharnées menées par les organisations de défense des droits des femmes. Cependant, si ces stratégies ne s’inscrivent pas dans un cadre global, elles risquent d’isoler ces manifestations de violence envers les femmes et les jeunes filles et de les présenter comme éloignées du continuum insidieux de violences fondées sur le genre que les femmes subissent dans le monde entier. (46)

Mariages forcés : prévention et approche coordonnée

La politique relative aux mariages forcés est très axée sur la prévention qui consiste à cibler les personnes à risque et à sensibiliser leur entourage, notamment les enseignants en France et les personnels d’ambassade ou de consulat dans les pays d’origine des familles. Depuis 2013, outre la réforme législative, les mesures suivantes ont été prises : recensement auprès des consulats de France dans le monde des structures locales d’accueil des victimes ; formation des agents consulaires français en poste à l’étranger ; actions de communication du grand public en France ; renforcement des réseaux régionaux de prévention des mariages forcés mis en place par le MFPF ; signature d’un accord de partenariat avec l’association Voix de femmes ; prise en compte de la problématique des mariages forcés par la plateforme d’accueil téléphonique « 3919 », et l’actualisation du guide d’information de 2007 intitulé L’égalité entre les femmes et les hommes issus de l’immigration afin d’y inclure les problématiques des mutilations sexuelles féminines et les mariages forcés (4e plan interministériel de prévention et de lutte contre les violences faites aux femmes 3.8).

Si la problématique des mariages forcés figure désormais au rang des préoccupations politiques, le débat toutefois porte peu sur les responsables de tels actes et les mesures de prévention à leur encontre. La politique relative aux mariages forcés est axée sur les victimes, sur leur information et leur prise en charge. Dans d’autres domaines de la violence fondée sur le genre, la thèse d’un changement sociétal nécessaire dans les attitudes, les stéréotypes et les normes est avancée afin de pouvoir éliminer les violences faites aux femmes. Par contre, pour ce qui est des mariages forcés, la priorité semble consister à renseigner les victimes sur l’aide à leur disposition et les moyens de fuite ; à informer les travailleurs sociaux et les personnels d’éducation ; à former les agents consulaires à reconnaître les personnes vulnérables aux unions forcées ; et, conformément à la Convention d’Istanbul, à réprimer les auteurs. Nombreuses sont les questions laissées ainsi sans réponse. Qui est chargé de travailler avec les communautés pour faire changer les choses ? Quelles sont les causes, et comment peut-on s’y attaquer ? Les associations sont les mieux renseignées et doivent par conséquent jouer un rôle de premier plan dans l’élaboration et la mise en œuvre de mesures de prévention. S’il convient de constater l’existence d’une approche coordonnée pour ce qui est de cibler l’ensemble des acteurs susceptibles de venir en aide aux victimes et de prévenir des cas individuels de mariage forcé tant en France qu’à l’étranger, il en est en revanche moins le cas pour l’inscription de la lutte contre les mariages forcés dans des mesures plus globales d’égalité de genre et de lutte contre la violence fondée sur le genre.

Conclusion

Tandis qu’Allwood et Wadia (Citation2009) ont montré que « les engagements pris lors de la Plateforme d’action de Pékin pour éradiquer les inégalités de genre à l’origine de la violence fondée sur le genre avaient été remplacés par des approches individualisées de prévention et de protection relevant de la justice pénale » (151), l’arrivée au pouvoir d’un gouvernement socialiste en 2012 a changé la donne avec la création d’un ministère entièrement dédié aux droits des femmes, les mesures de la ministre Najat Vallaud-Belkacem et la nécessité de transposer dans la législation française la Convention d’Istanbul de 2011. La politique de la France relative aux violences faites aux femmes s’est alignée, tout au moins partiellement, sur les initiatives de l’ONU et du Conseil de l’Europe qui présentent ce type de violences à la fois comme une cause et une conséquence des rapports de force liés au genre. Une approche totalement genrée continue néanmoins de se heurter à une forte résistance. Les politiques et débats relatifs aux violences envers les femmes illustrent la relation compliquée que les responsables politiques, les fonctionnaires, l’opinion publique et dans une certaine mesure les universitaires entretiennent en France avec le terme « genre ». Les militantes et chercheuses féministes ont cependant démontré un intérêt constant pour la prévention et l’analyse des violences faites aux femmes comme le fruit des rapports de force entre les femmes et les hommes, dont la solution réside dans un vaste changement de la société. Et ce quand bien même nombre d’entre elles étaient réticentes à utiliser le terme « genre », au prétexte que cela pourrait occulter la nature structurelle des rapports de force entre les femmes et les hommes. En privilégiant la double problématique des violences conjugales et des mariages forcés, le présent article a mis en lumière la difficulté persistante à incorporer la différence et l’intersectionnalité dans les approches universalistes d’égalité de genre, des difficultés dont les responsables politiques, les militantes et les universitaires français semblent de plus en plus conscients.

Il en ressort qu’en dépit d’une réticence résiduelle française à l’emploi du terme « genre », on note un retour des analyses structurelles des violences faites aux femmes qui considèrent le changement social comme une condition sine qua non à leur éradication. Si l’élimination de ce type de violences dépend de la réalisation de l’égalité de genre, alors les mesures mises en place dans ce but à l’aide d’une approche interministérielle intégrée pourraient être les plus importantes qu’un État puisse prendre. Or, la France, notamment depuis 2012, a fait montre de sa volonté de mener cela à bien.

Cependant, cette approche globale ne saurait masquer le manque criant de moyens des ministères des Droits des femmes. En effet, l’interministérialité a parfois servi de pis-aller à un ministère des Droits des femmes entier et solidement doté. Or si un poste interministériel sans personnel et sans influence réelle sur les autres cabinets peut tout au mieux servir le discours de l’intégration du genre dans les politiques, l’objectif d’égalité de genre reste hors de sa portée. C’est dans sa mise en œuvre que l’on peut juger de la qualité de la politique relative aux violences faites aux femmes. Cela dépend des moyens et de l’interprétation qu’en font les tribunaux, les fonctionnaires de l’administration, les associations et les prestataires de services. Si les moyens nécessaires ne sont pas alloués et que l’égalité de genre n’est pas une véritable priorité, cette politique n’a que peu de chances de réussir. Malgré la ratification de la Convention d’Istanbul et la promulgation de la loi pour l’égalité réelle entre les femmes et les hommes, la France a maintenant réduit l’importance accordée aux droits des femmes, en remplaçant la ministre Najat Vallaud-Belkacem, en charge d’un ministère de plein exercice, et porte-parole du gouvernement, par Pascale Boistard, secrétaire d’État aux Droits des femmes sous la tutelle du Ministère des Affaires sociales, de la Santé et des Droits des femmes. Cette question essentielle de la mise en œuvre, de même que celle de la participation au processus politique, fera l’objet d’une plus ample réflexion dans le prochain volet de ce projet.

Déclaration de divulgation

Aucun conflit d'intérêts potentiel n’a été rapporté par le(s) auteur(s).

Notes

Cet article est paru pour la première fois en anglais dans la revue Modern and Contemporary France 24: 4, 2016 https://doi.org/10.1080/09639489.2016.1203886. Traduction française par Audrey Langlassé, À la carte translations (http://www.alacarte-translations.com/)

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