Abstract
Le gouvernement de Stephen Harper met-il de l'avant une politique de sécurité internationale en rupture avec l'internationalisme privilégié par les gouvernements précédents ? Cet article vise à questionner l’émergence d'une contre-culture stratégique canadienne, sur la base d'une nouvelle idéologie néoconservatrice. Il procède à une analyse comparée de la gestion de crises des gouvernements Harper et Chrétien face aux guerres en Libye et au Kosovo. Il en ressort que, autant aux plans de l'alignement diplomatique que de la justification rhétorique, le gouvernement Harper a adopté des positions qui contrastent considérablement vis-à-vis de celles de ses prédécesseurs libéraux. En termes d'usage de la force militaire toutefois, les gouvernements Chrétien et Harper exprimèrent une prudence similaire, ce qui n'est pas le propre du néoconservatisme. Ceci nous amène à conclure que si une rupture idéologique semble être en cours, elle se manifeste pour l'essentiel en une stratégie de communication visant à mettre de l'avant une nouvelle identité internationale du Canada, plutôt que par la mise en œuvre d'une politique de sécurité internationale réellement guidée par des principes néoconservateurs.
Notes
1. Les auteurs tiennent à remercier le Conseil de recherches en sciences humaines pour l'assistance financière qui a permis la production de cet article. Ils remercient également Jean-Christophe Boucher, Philippe Lagassé, David Morin, Stéphane Roussel, ainsi que les évaluateurs anonymes pour leurs précieux commentaires.
2. Il est à noter qu'il existe une dépendance entre les deux études de cas. La prise de décision en Libye a certainement été influencée par l'expérience au Kosovo. La crainte d'une catastrophe humanitaire en Libye et le peu de temps accordé par l'Occident à la poursuite d'une solution pacifique ont sans doute été influencés par la gestion de crises humanitaires précédentes, dont celle au Kosovo.
3. Les frappes de combat incluent les missions d'appui aérien rapproché (close air support), d'interdiction aérienne (battlefield air interdiction) et de frappes des systèmes de défense anti-aériens (suppression of enemy air defenses).