La fin des relations triangulaires Ottawa-Québec-Paris? Harper, la « diplomatie robuste » et les relations France-Canada

Abstract

Les relations diplomatiques entre la France et le Canada sont souvent définies comme triangulaires, parce que Québec y joue un rôle de premier plan. Cet article montre que dans ses rapports avec la France, Stephen Harper peut s'appuyer sur un abandon progressif par les présidents français du volontarisme gaulliste sur la question québécoise. Il entretient de bonnes relations avec Nicolas Sarkozy (2007-2012) puis François Hollande (depuis 2012). Harper se révèle ainsi plus francophile que ce que l'on aurait pu croire, trouvant notamment avec la France une alliée pour sa « diplomatie robuste », particulièrement en Afghanistan et en Libye. Il prolonge une normalisation franco-canadienne en germe depuis les années 1970. Les relations Ottawa-Québec-Paris semblent ainsi avoir cessé d’être triangulaires.

Keywords:

• Canada-France relations
• triangular relations
• robust diplomacy
• Quebec's foreign policy
• Harper government

Notes

1. L'auteur tient à remercier Justin Massie, David Morin, Stéphane Paquin, et Stéphane Roussel, ainsi que les deux évaluateurs anonymes de la revue, pour leurs suggestions.

2. La paradiplomatie identitaire est une diplomatie qui ne remet pas en cause l'inclusion du Québec dans le Canada, le Québec nouant des relations diplomatiques en parallèle du Canada, pour compléter sa politique étrangère. Dans le cas de la protodiplomatie au contraire, « l'objectif des entrepreneurs identitaires est d'aller chercher les ressources qui leur font défaut sur le plan interne en plus de tenter de se faire reconnaître comme nation sur le plan international, processus essentiel de toute tentative de construction de la nation» (Nossal et al. 2007, pp. 555–556).

3. De Gaulle et Trudeau se sont affronté à de nombreuses reprises (Head et Trudeau 1995, pp. 10, 290, Duguay 2010, pp. 293–320).

4. On soulignera que la France, avec cette politique, répond à une demande du Parti québécois, qui ne voit pas l'ingérence de la France d'un bon œil (C. Morin 1987).

5. La question du Québec est également un enjeu politique entre Valéry Giscard d'Estaing et Jacques Chirac à la fin des années 1970 (Nossal et al. 2007, p. 584).

6. Mulroney s'était quant à lui servi du premier sommet de la Francophonie pour dénoncer l'apartheid en Afrique du Sud (Mulroney 2007, p. 417).

7. Pour plus de détails sur cette série de discours de Sarkozy, voir Duguay (2010).

8. Par exemple, autour de la constitution d'une éventuelle Agence québécoise de solidarité internationale en remplacement de l'Agence canadienne de développement international qui a été fusionnée avec le ministère des Affaires étrangères et du Commerce international.

9. Ainsi entre 1985 et 1994, lorsque le parti libéral de Robert Bourassa est au pouvoir à Québec, les relations franco-québécoises ont connu un certain déclin. Les rencontres alternées entre premiers ministres n'ont presque jamais eu lieu. À cette époque, la bonne entente entre Paris et Ottawa est palpable. Inversement, lorsque Jacques Parizeau devient Premier ministre en 1994, il relance les relations France-Québec, et les rencontres alternées des premiers ministres reprennent, tandis que les relations Ottawa-Paris se tendent.