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Acta Botanica Gallica
Botany Letters
Volume 160, 2013 - Issue 1
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Résultats d’investigations phytosociologiques récentes au Liban central

Some results of recent phytosociological investigations in Central Lebanon

, &
Pages 65-75 | Received 29 Jan 2013, Accepted 30 Jan 2013, Published online: 13 May 2013

Résumé

Nous présentons ici le résultat des investigations phytosociologiques menées dans la partie centrale du Liban ; notamment nous décrivons les syntaxons nouveaux suivants : Querco infectoriae – Pinetum pineae, Pistacio palaestinae – Cytisetum lanigeri, Sarcopoterio spinosi – Cistetum salviifolii, Salici acmophyllae – Hypericetum hircini, et Mentho microphyllae – Dorycnietum recti. La composition floristique et la structure de ces syntaxons ont été définies en utilisant l’approche synusiale de l'étude de la végétation. Des comparaisons avec ce qui est connu dans les pays voisins sont présentées.

Abstract

Lebanon is well known for its rich plant diversity. However, few works can be found in the literature related to its flora, and related to phytosociological studies. To date and to the best of our knowledge, no articles are devoted to phytosociology in this country. Therefore, we have conducted 50 samplings throughout 21 Lebanese villages to document the discussed vegetation.

In this study, we present for the first time results of phytosociological investigations from central parts of Lebanon. We also describe new syntaxa: Querco infectoriae – Pinetum pineae, Pistacio palaestinae – Cytisetum lanigeri, Sarcopoterio spinosi – Cistetum salviifolii, Salici acmophyllae – Hypericetum hircini, Mentho microphyllae – Dorycnietum recti. The composition species and structure of these communities are subsequently interpreted using the synusial approach of the vegetation, where basic units are delineated by structural floral and biological homogeneity. Comparisons with similar studies from other countries are also investigated. Hence, we hope that our work can be used as a base for a national survey and intensive research concerning phytosociology and plant communities in Lebanon.

I. Introduction; recherches antérieures sur la végétation libanaise

Nous présentons ici le résultat des investigations phytosociologiques réalisées fin avril et début mai 2010 dans la partie centrale du Liban.

D’une manière générale, si le Liban est bien connu sur le plan botanique (Mouterde Citation1966-83) et ethnobotanique (El Beyrouthy Citation2009), la connaissance phytosociologique de ce pays reste encore très peu avancée. Les pays voisins ont déjà fait l’objet d’études antérieures qui pourront être utiles pour la présente étude et les suivantes éventuelles (Zohary Citation1973, pour la phytogéographie générale du Moyen Orient; Quézel et Pamukçuoğlu Citation1973 pour des forêts à Pinus brutia, P. nigra subsp. pallasiana, Fagus orientalis, Abies cilicica, Cedrus libani; Barbéro et Quézel Citation1975 pour les sapinières; Abi Saleh et al. Citation1976 pour les séries de végétation; Barbéro et al. Citation1976 pour les forêts de conifères; Akman et al. Citation1978 pour les groupements à Ceratonia siliqua, Quercus coccifera, Pinus brutia, P. pinea, P nigra subsp. pallasiana, P. sylvestris, Abies cilicica, Cedrus libani, Fagus orientalis,Cupressus sempervirens, à chênes caducifoliés, à Juniperus arborescents; Quézel et al. Citation1978 pour les forêts en général; Barbéro et Quézel Citation1989 pour les matorrals). Pour le Liban proprement dit, il nous faut cependant signaler le travail de Chouchani et al. (Citation1974), la thèse de Abi Saleh (Citation1978), celui sur la carte de la végétation (Abi Saleh et Safi Citation1988).

II Méthodes

Les multiples travaux de phytosociologie forestière qui viennent d’être cités utilisent la méthode phytosociologie sigmatiste habituelle. Sans nous écarter de l’école sigmatiste, nous retenons pourtant une méthode de terrain plus fine, dite synusiale, où les unités de végétation élémentaires qui feront l’objet de relevés sont délimitées sur une homogénéité structurelle, floristique et biologique (Gillet et al. Citation1991). Dans une forêt, cela revient à réaliser des relevés d’arbres, séparés des relevés d’arbustes, d’herbes et sous-arbrisseaux vivaces, de thérophytes, avec les conséquences sur la définition des associations végétales.

Nous avons retenu les coefficients d’abondance-dominance habituels, en les agrémentant parfois de signes: j pour juvénile (par exemple un jeune pin dans une lande à cistes et lavande), ° pour indiquer une vitalité réduite par rapport à un individu normal, ! pour indiquer une vitalité élevée par rapport à un individu normal. Pour gagner de la place dans les tableaux, remplace subsp. La détermination des taxons est basée sur Mouterde (Citation1966–83) mais nous avons cherché à en moderniser la nomenclature.

Les syntaxons nouveaux pour la science phytosociologique seront nommés conformément au code de nomenclature phytosociologique (Weber et al. Citation2000).

III Le système mésoxérophile

Pour étudier le système mésoxérophile développé sur de nombreuses collines de l’arrière-pays du Liban central, nous avons effectué des relevés dans divers boisements à Pinus pinea plus ou moins clairs selon le degré d’exploitation pour le bois qui y règne, surtout sur grès. Outre le bois, ces forêts offrent aux habitants riverains une source de pignons et de plantes médicinales riches en huiles essentielles, dont des Lamiaceae (El Beyrouthy Citation2009). Elles rappellent quelque peu le Pistacio palaestinae – Quercetum calliprini Zohary 1960 qui cependant a été étudié selon les méthodes classiques et sur substrat géologique calcaire.

A La forêt de Pinus pinea

La synusie arborescente de ces forêts est largement dominée par les pins, surtout Pinus pinea, plus rarement P. brutia et P. halepensis, accompagnés de divers chênes; les autres essences sont plus disséminées. Le tableau en rassemble huit relevés (entre 300 et 1130 m d’altitude) et nous autorise à définir une association arborescente nouvelle, le Querco infectoriae – Pinetum pineae ass. nov. hoc loco [syn. Pinetum pineae libanoticum Zohary Citation1973 (Geobotanical foundations…: 528) nom. inval. (art. 2b, 7) p.p.; typus nominis: rel. 2801 du tableau ]. La synusie arborescente de forêts sud-anatoliennes sur gneiss (Table 18 in Akman et al. Citation1978) présente une composition floristique très semblable à celle-ci même si, au-delà de 1000 m, s’y ajoutent aux essences citées Quercus conferta et Castanea sativa absents du Liban. Nous pouvons rattacher cette association à la classe des Pino halepensis – Quercetea ilicis de Foucault et Julve Citation1991 [lectotypus nominis: Quercetalia rotundifolio – ilicis de Foucault et Julve Citation1991 (Bull. Soc. Bot. Centre-Ouest, NS, 22: 413)]Footnote 1  ; mais aucun des ordres actuellement définis, surtout ouest- et centre-méditerranéens, n’est susceptible d’accueillir ce syntaxon est-méditerranéen. Le nombre d’espèces varie beaucoup (1 à 5, avec une moyenne de 3,1 taxons) selon les situations en fonction de l’exploitation du bois.

Tableau 1 Table 1. Querco infectoriae – Pinetum pineae.

B Le fourré à Calicotome villosus

Les fourrés développés en strate arbustive sont assez bien diversifiés; le tableau en rassemble dix relevés (entre 300 et 1115 m), caractérisés par une combinaison de Cytisus lanigerus (= Calicotome villosa), Pistacia terebinthus subsp. palaestina, Myrtus communis, Juniperus oxycedrus, Spartium junceum, Genista monspessulana (= Cytisus syriacus)… Il est très différent du Ceratonio siliquae – Pistacietum lentisci basiphile décrit par Zohary et Orshan (Citation1959) par l’absence de Olea sylvestris, Ephedra campylopoda, Prasium majus, Rhamnus palaestina (fort rare au Liban), Asparagus aphyllus, Clematis cirrhosa. Compte tenu de son originalité, nous proposons de créer le Pistacio palaestinae – Cytisetum lanigeri ass. nov. hoc loco [syn. Ceratonio siliquae – Pistacietum lentisci myrtetosum communis Zohary Citation1973 (Geobotanical foundations… : 510) nom. inval. (art. 2b, 7) p.p., Querco calliprini – Pistacietum palaestinae Zohary Citation1973 (Geobotanical foundations…: 511) nom. inval. (art. 2b, 7) p.p.; typus nominis: rel. 2702 du tableau ]. Les jeunes arbres de cette communauté (Quercus coccifera, Q. infectoria, Pinus pinea, P. brutia, Ceratonia siliqua) apportent des informations sur la strate arborescente à venir quand l’actuelle est dégradée par l’exploitation humaine; ils confirment ici notre Querco infectoriae – Pinetum pineae.

Tableau 2 Table 2. Pistacio palaestinae – Cytisetum lanigeri.

Le nombre de taxons varie de 5 à 14, avec une moyenne de 10. Le nombre de relevés est pour l’instant insuffisant pour mettre en évidence d’éventuelles variations.

C La lande-pelouse à Cistes

La strate basse vivace des pinèdes est peuplée d’une pelouse-lande riche en Cistus creticus, C. salviifolius, Helichrysum sanguineum, Lavandula stoechas, Hypericum lanuginosum, Sarcopoterium spinosum… dont le tableau rapporte six relevés réalisés entre 300 et 1045 m d’altitude. Cette végétation acidiphile est nettement moins riche que le matorral basiphile à Thymbra spicata, Rosmarinus officinalis, Satureja thymbra, Fumana arabica, Hypericum thymifolium, Teucrium divaricatum, Micromeria myrtifolia…, décrit sous le nom de Hyparrhenio hirtae – Thymbretum spicatae par Barbéro et Quézel (Citation1989, … ‘hirti’ art. 41b) que nous avons encore peu étudié, classé dans les Cisto villosi – Micromerietea julianae Oberd 1954, les Cisto villosi – Micromerietalia julianae Oberd 1954 (Oberdorfer Citation1954) et l’Helichryso sanguinei – Origanion syriaci Barbéro et Quézel Citation1989, sur substrat plutôt riche en bases. Quoique proche, il diffère aussi nettement du Cistetum salviifolio – cretici décrit par de Bolòs et al. (Citation1996) de l’île de Céphalonie, en Grèce occidentale.

Tableau 3 Table 3. Sarcopoterio spinosi – Cistetum salviifolii.

Le syntaxon étudié ici semble correspondre au « groupement à Erica manipuliflora – Cistus creticus » de Barbéro et Quézel (Citation1989) que nous proposons de définir comme association nouvelle sous le nom de Sarcopoterio spinosi – Cistetum salviifolii ass. nov. hoc loco (typus nominis: rel. 2803 de notre tableau ). Bien que les phytosociologues français cités dénient la séparation entre Cisto – Micromerietea basiphiles et Cisto ladaniferi – Lavanduletea stoechadis acidiphiles dans les régions est-méditerranéennes, nous pensons que notre Sarcopoterio spinosi – Cistetum salviifolii relève bien de cette dernière classe, mais ordre et alliance restent encore non définis. En moyenne, ce syntaxon héberge 26,5 taxons par relevé.

D La pelouse thérophytique à Aira elegans

Dans cette phytocénose de pinède ouverte, de nombreux thérophytes colonisent les ouvertures de la strate inférieure; il faudra à l’avenir y faire des relevés plus complets quand nous maîtriserons mieux les genres qui y sont richement représentés, notamment Trifolium, Crucianella, Campanula, Bromus, Melilotus, Galium, Lotus, Hippocrepis, Avena, Filago, Cynosurus, Vulpia, Vicia, Lathyrus, Ornithopus. Parmi les taxons reconnus qui nous semblent particulièrement caractéristiques de ces pelouses thérophytiques xérophiles acidiphiles, citons Aira elegans, Tuberaria guttata, Linum strictum, Briza maxima, B. minor, Rumex bucephalophorus, Brachypodium distachyum, Psilurus incurvus, Ornithopus compressus, Linaria pelisseriana, Hippocrepis unisiliquosa, Plantago cretica, Paronychia echinata, Linum strictum, Trifolium arvense, T. stellatum, Petrorhagia dubia, Bellardia trixago, Filago gallica, Silene gallica qui indiquent clairement leur lien avec la classe des Tuberarietea guttatae (de Foucault Citation1999), quoique des taxons caractérisant les Stipo capensis – Trachynietea distachyae soient aussi présents.

E Les pelouses à Isoetes duriei et Radiola linoides

La stagnation temporaire de l’eau en fin d’hiver sur ces pelouses induit l’apparition de taxons hygrophiles (vers Bkassine):

Isoëtes duriei et Ophioglossum lusitanicum pour la pelouse vivace: I. duriei 1, O. lusitanicum 3, Ranunculus paludosus 1, Asphodelus microcarpus 1, Cistus sp. 2, Serapias vomeracea x, Cytisus lanigerus j x, Myrtus communis j x, Lavandula stoechas x; cette belle association, qui reste à définir strictement sur la base de relevés plus nombreux, appartient clairement à l’Ophioglosso lusitanici – Isoëtion histricis de Foucault Citation1988, dans la classe des Isoëtetea velatae de Foucault Citation1988 (de Foucault Citation1988);

Radiola linoides et Centaurium maritimum pour la pelouse thérophytique: R. linoides 3, C. maritimum 1, Trifolium cf. campestre 2, Briza minor 1, B. maxima x, Anagallis arvensis 2, Aira elegans 1, Ornithopus cf. compressus x, Galium sp. 1, Cynosurus sp. x, Brachypodium distachyum x, Paronychia echinulata x, Tuberaria guttata x, Vulpia sp. x, Linum strictum 1; cette végétation se rattache aux Juncetea bufonii de Foucault Citation1988, aux Scirpetalia setacei de Foucault Citation1988 et au Cicendion filiformis (Rivas Goday in Rivas Goday et Borja 1961) Braun-Blanq. 1967 (de Foucault Citation1988); sur ce site n’ont pas été relevés quelques taxons caractéristiques rencontrés pourtant dans d’autres situations lors de nos investigations: Isolepis setacea, Juncus capitatus, Centaurium pulchellum.

F Les ourlets thérophytiques vernaux

Au pied des arbustes et sous-arbrisseaux, au printemps, de petits ourlets thérophytiques sont aisément perceptibles ; nous en avons réalisé deux relevés:

043,006 (Abadiye, N 33 50 26 19, E 35 37 17 08); Theligonum cynocrambe 3, Rhagadiolus stellatus x, Euphorbia peplus 2, Myosotis stricta 1, Pisum sp. 1, Torilis cf. chrysocarpa 1, Anagallis arvensis x, Geranium molle 1, G. robertianum subsp. purpureum +, Anogramma leptophylla x, Briza maxima 1; en outre, non loin, Arabis verna;

050,103 (Chouane N 34 03 48 52, E 35 41 02 65); Theligonum cynocrambe 3, Rhagadiolus stellatus 2, Euphorbia peplus x, Torilis sp. 2, Geranium rotundifolium x, G. robertianum subsp. purpureum 2, G. lucidum 1, Cynosurus effusus x, Campanula retrorsa 1.

Ces communautés se rattachent clairement aux Cardaminetea hirsutae Géhu 1999 et aux Geranio purpurei – Cardaminetalia hirsutae Brullo in Brullo et Marceno Citation1985 sans qu’il soit possible de définir actuellement les associations et alliances correspondantes (Brullo and Marceno Citation1985; de Foucault Citation2009); en d’autres situations, nous avons pu aussi y observer Campanula erinus, Galium murale, Valantia muralis, ce qui montre des liens possibles avec le Valantio muralis – Galion muralis Brullo in Brullo et Marceno Citation1985. Là aussi, il faudrait bien connaître les espèces de certains genres comme Torilis, Rhagadiolus, Pisum… pour réaliser de futurs relevés. Elles rappellent le Veronico cymbalariae – Theligonetum cynocrambes décrit par de Bolòs et al. (Citation1996) de Céphalonie.

Notons que Campanula retrorsa, noté dans notre second relevé, ressemble beaucoup à Galium aparine, présent dans nombre d’associations des Cardaminetea hirsutae ouest- et centre-méditerranéens, par ses aiguillons rétrorses accrochants.

IV Le système hygrophile des vallées

Bien différent du précédent est le système hygrophile qui se développe dans les vallées parcourues de cours à niveau d’eau variable selon les saisons, sur des substrats frais à humides et eutrophes.

A La forêt à Platane

La végétation arborescente des forêts de vallée est, comme en Crète (de Foucault Citation1993) et ailleurs en Méditerranée orientale, caractérisée par Platanus orientalis. Le tableau rassemble huit relevés réalisés du niveau de la mer jusque 1375 m d’altitude, sans grande variation floristique (en moyenne 5,1 taxons/relevé). Cette forêt est caractérisée, outre le platane, par Salix alba, plus rarement Ficus carica et Laurus nobilis arborescents; une liane, Periploca laevigata, peut y grimper. On peut la rapprocher du Salici albae – Platanetum orientalis de Foucault Citation1993 crétois. En altitude, nous avons aussi parfois (Dhour al aabadiyeh) rencontré un boisement à Alnus orientalis dominant et Salix alba, dépourvu de platane qui n’est peut-être qu’une forme fragmentaire de notre Salici – Platanetum.

Tableau 4 Table 4. Salici albae – Platanetum orientalis.

B Les fourrés hygrophiles

Nous avons peu étudié les fourrés hygrophiles associés au Salici – Platanetum car ils sont souvent difficiles d’accès dans le fond des gorges souvent fortement encaissées. Nous avons cependant pu relever un fourré à Tamarix tetrandra:

Chouwan (050,111), vers 425 m

Tamarix tetrandra 2, Crataegus monogyna x,

jeunes arbres et compagnes: Platanus orientalis j 2, Salix alba j x, Ficus carica j x, Rubus sp. 1, Ailanthus altissima j x, Acer syriacum j x.

Au niveau de corniches suintantes à Schoenus nigricans (cf. ci-dessous), peut se rencontrer un fourré hygrophile de corniche à Hypericum hircinum comme le montrent les quatre relevés du tableau ; ce millepertuis arbustif est associé à Salix acmophylla et Spartium junceum, rarement à Datisca cannabina; on peut définir ce syntaxon original sous le nom nouveau de Salici acmophyllae – Hypericetum hircini ass. nov. hoc loco [syn. Salicetum acmophyllae Zohary Citation1973 (Geobotanical foundations…: 604) nom. inval. (art. 2b, 7) p.p.?; typus nominis: rel. 0215 du tableau ]; en moyenne 5 taxons/relevé.

Tableau 5 Table 5. Salici acmophyllae – Hypericetum hircini.

C Quelques végétations herbacées vivaces hygrophiles

Dans nos investigations, plusieurs communautés prairiales hygrophiles ont été observées, tout d’abord les prairies flottantes à Nasturtium officinale et Veronica anagallis-aquatica dans les petits filets d’eau (tableau ), qui peuvent se rattacher au classique Nasturtietum officinalis (Seibert 1962) Oberd. et al. 1967 (classe des Glycerio fluitantis – Nasturtietea officinalis Géhu et Géhu-Franck 1987) à large répartition en Eurasie (Julve Citation1993).

Tableau 6 Table 6. Nasturtietum officinalis.

On peut ensuite évoquer la mégaphorbiaie à Mentha spicata subsp. condensata (= M. microphylla) (tableau , entre 420 et 1350 m d’altitude environ) qui combine, outre la Menthe rappelant M. longifolia, Eupatorium cannabinum, Carex pendula, Rumex conglomeratus, Dorycnium rectum, Dittrichia viscosa, Epilobium hirsutum, Campanula peregrina, Equisetum telmateia, plus rarement Stachys hygrophila, Arum hygrophilum, Melissa officinalis subsp. inodora; elle héberge en moyenne 14,9 taxons par relevé. Se rattachant clairement au Dorycnio recti – Rumicion conglomerati Gradstein et Smittenberg Citation1977 décrit de Crète (Gradstein et Smittenberg Citation1977; de Foucault Citation2011), cette mégaphorbiaie est fort originale et peut être décrite sous le nom nouveau de Mentho condensatae – Dorycnietum recti ass. nov. hoc loco (typus nominis: rel. 0213 du tableau ). Il est possible que les stations naturelles de Dittrichia viscosa, taxon par ailleurs répandu largement dans les friches méditerranéennes, se placent au sein de telles mégaphorbiaies; la perturbation et l’eutrophisation lui permettraient de sortir de ses stations naturelles selon le phénomène dit d’«apophytisation» (Kopecký Citation1985), à l’image de Urtica dioica dans les mégaphorbiaies tempérées et de Laportea aestuans dans les mégaphorbiaies tropicales (de Foucault et al. Citation2011).

Tableau 7 Table 7. Mentho condensatae – Dorycnietum recti.

En relation avec cette mégaphorbiaie, lorsque le piétinement ou plus généralement les pressions biotiques sont marqués, le Mentho – Dorycnietum régresse vers une prairie hygrophile à Carex distans et Juncus inflexus:

Lasa (050,214), vers 1345 m

Mentho longifoliae – Juncion inflexi et Potentillo – Polygonetalia avicularis: Carex distans 2, Festuca arundinacea 1, Juncus inflexus 2, J. effusus 2, J. articulatus 2, Carex flacca x;

Agrostienea stoloniferae: Agrostis stolonifera 1, Trifolium fragiferum 3;

Agrostio – Arrhenatheretea elatioris: Plantago lanceolata 1, Linum bienne x, Lolium perenne 1, Bellis perennis x, Trifolium repens 3, Plantago major 2, Poa trivialis 2, Prunella vulgaris 1;

compagnes: Helosciadium nodiflorum 1, Nasturtium officinale 1, Campanula peregrina x°, Taraxacum sp. 2, Medicago lupulina x, Dorycnium rectum x, Equisetum telmateia 2°, Mentha microphylla 2°, Eupatorium cannabinum 1°.

On note parmi les taxons compagnes ceux qui caractérisent la mégaphorbiaie initiale et qui sont présents ici avec une vitalité plutôt réduite (notation °); elle se rattache sans doute au Scirpoido holoschoeni – Juncion inflexi de Foucault et Catteau Citation2012 (de Foucault et Catteau Citation2012).

Enfin, signalons notre étude d’une communauté de corniche suintante à Schoenus nigricans Adiantum capillus-veneris, Campanula peregrina, Erica sicula reliée spatialement au Salici – Hypericetum hircini décrit plus haut (deux relevés dans le tableau ). Nos données sont encore insuffisantes pour l’interpréter; elle pourrait se rattacher à la classe des Adiantetea capilli-veneris Braun-Blanq. in Braun-Blanq. et al. 1952.

Tableau 8 Table 8. Communauté à Schoenus nigricans.

V Le système halophile

Nos études dans les écosystèmes de moyenne altitude ont écarté notre attention de la végétation littorale. Pourtant une brève incursion vers Anfeh nous ont permis d’en apprécier toute l’originalité:

matorral prostré à arbustes bas anémomorphosés se mêlant aux chaméphytes et hémicryptophytes: Myrtus communis j 3, Pistacia terebinthus palaestina j 2, Crataegus monogyna j x, Cytisus lanigerus j x, Quercus coccifera c. j x, Phillyrea media j x, Olea europaea j x, Smilax aspera 1, Asparagus acutifolius 1, Rubia tenuifolia x, Micromeria myrtifolia x, Sarcopoterium spinosum 3, Dittrichia viscosa x, Dactylis glomerata 1, Moraea sisyrinchium x, Eryngium creticum x, Charybdis maritima x, Hyparrhenia hirta x, Cardopetium corymbosum x, Lotus gr. corniculatus 2, Genista acanthoclada x, Asphodelus microcarpus x, Salvia viridis x; il semble se rattacher aux Cisto villosi – Micromerietea julianae Oberd 1954;

pelouse vivace aérohalophile en bord de falaise exposée au vent de mer: Inula crithmoides 2, Crithmum maritimum x, Andrachne telephiifolia x, Lotus gr. corniculatus x, Limonium graecum 1, L. narbonense x, Juncus acutus x, Frankenia hirsuta x, Halimione portulacoides x, Myrtus communis j x, Smilax aspera x, Pistacia lentiscus j x, à rattacher aux Crithmo maritimi – Staticetea Braun-Blanq. in Braun-Blanq. et al. 1952; Pignatti (Citation1952) a publié un tableau d’une association à Limonium graecum – Inula crithmoides invalide qu’il rattache à une alliance de ces Crithmo – Staticetea décrite à cette occasion, le Matthiolion crassifoliae Pignatti Citation1952;

pelouse thérophytique aérohalophile: Silene sedoides x, Valantia muralis 2, Blackstonia perfoliata x, Parapholis incurva 2, Sedum littoreum 2, Catapodium marinum x, Anthemis palaestina 2, A. leucanthemifolia x, Centaurium erythraea x, Sagina maritima 2, Crucianella sp. x, Plantago coronopus x, Caryophyllaceae indét. x, à rattacher aux Saginetea maritimae Westhoff et al. 1962, aux Saginetalia maritimae Westhoff et al. 1962 et au Sileno sedoidis – Catapodion loliacei de Foucault et Bioret 2010 (de Foucault et Bioret Citation2010).

VI Quelques données sur la végétation rudérale

Compte tenu des activités humaines intenses qui règnent, au moins dans les étages inférieurs, la végétation rudérale est bien représentée mais a été peu abordée. Nous signalerons:

la végétation des murs à Hyoscyamus aureus, décrite par le tableau (en moyenne 5,5 taxons/relevé), surtout étudiée dans le site archéologique de Byblos, à Jbail, et dans la vieille ville de Tripoli, au niveau de la mer; outre la jusquiame dorée, elle associe Parietaria judaica, Galium canum et Capparis spinosa, plus rarement Onosma orientale (= Podonosma orientalis); nous la rattachons à l’Hyoscyamo aureiPodonosmatetum orientalis Brullo et Guarino Citation1998 [‘… Podonosmetum…’ art. 41b; syn. Hyoscyametum aurei Zohary Citation1973 (Geobotanical foundations…: 548) nom. inval. (art. 2b, 7)] déctit de Palestine; elle existe peut-être aussi sur certaines citadelles de Turquie occidentale (observation inédite à Selçuk); elle se rattache à la classe des Parietarietea judaicae Rivas-Mart. in Rivas Goday 1964, ordre des Parietarietea judaicae Rivas-Mart. in Rivas Goday 1964, alliance du Parietario judaicae – Hyoscyamion aurei Brullo et Guarino 1998 (Brullo et Guarino Citation1998);

la végétation des lieux piétinés dans les rues, à Zouk Mikael: Polycarpon tetraphyllum 2, Euphorbia hirta 2, E. chamaesyce 2, Oxalis corniculata x, Portulaca oleracea x, Erigeron bonariensis x, Bromus madritensis x, Anagallis arvensis x, Setaria viridis x, qui paraît se rattacher à l’Euphorbio chamaesyces – Oxalidetum corniculatae Lorenzoni 1964, alliance du Chamaesycion prostratae Rivas-Mart. 1976, ordre des Sagino apetalae – Polycarpetalia tetraphylli de Foucault Citation2010, dans la classe des Polygono arenastri – Poetea annuae Rivas-Mart. 1975 corr. Rivas-Mart. et al. 1991 (Brullo Citation1979; de Foucault Citation2010).

Tableau 9 Table 9. Hyoscyamo aurei – Podonosmatetum orientalis.

Conclusion

Cette mission récente a permis de décrire d’assez nombreux syntaxons nouveaux: Querco infectoriae – Pinetum pineae, Pistacio palaestinae – Cytisetum lanigeri, Sarcopoterio spinosi – Cistetum salviifolii, Salici acmophyllae – Hypericetum hircini, Mentho microphyllae – Dorycnietum recti; il nous reste à espérer que nous pourrons poursuivre ces investigations dans la végétation de ce magnifique pays qu’est le Liban.

Notes

1. Nous en profitons pour lectotypifier ici plusieurs syntaxons décrits in de Foucault et Julve (Citation1991): Aceri monspessulani – Quercetum ilicis (Braun-Blanq 1915) de Foucault et Julve Citation1991: typus nominis = rel. in de de Foucault et Julve Citation1991 (Bull. Soc. Bot. Centre-Ouest, NS, 22: 410, bas de page) ; Aceri monspessulani – Quercion ilicis de Foucault et Julve Citation1991: typus nominis = Aceri monspessulani – Quercetum ilicis (Braun-Blanq. 1915) de Foucault et Julve Citation1991; Quercetalia rotundifolio - ilicis de Foucault et Julve Citation1991 : typus nominis = Aceri monspessulani – Quercion ilicis de Foucault et Julve Citation1991.

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