1,160
Views
4
CrossRef citations to date
0
Altmetric
Original Articles

FLN et OAS: deux terrorismes en guerre d'Algérie

Pages 325-342 | Published online: 29 Oct 2007
 

Abstract

Au cours de la dernière guerre coloniale de son histoire, la France a eu à affronter de multiples sources de terrorisme. Cet article se propose d'étudier et de comparer les actions terroristes des deux principaux groupes y ayant eu recours: le Front de Libération Nationale et l'Organisation Armée Secrète. La comparaison permet de saisir les liens entre le terrorisme et les autres modes d'expression politique, d'une part, et de saisir les enjeux d'une telle violence en contexte colonial, d'autre part, en observant, en particulier, les manières dont l'Etat français y a répondu.

Notes

 [1] Par le décret Crémieux de 1870, les Juifs d'Algérie connaissent un statut à part puisqu'ils sont considérés collectivement comme citoyens français et traités, dès lors, comme des citoyens de plein droit quand les Algériens musulmans dépendent d'un statut qui les rapprochent de celui de sujets ou, au minimum, de citoyens minuto jure. Ainsi ils sont soumis au code de l'indigénat qui leur réserve certaines corvées, impôts ou sanctions. Ils sont aussi privés de l'égalité de vote.

 [2] Communiqué du gouvernement général cité par CitationHarbi, 1954, la guerre commence en Algérie.

 [3] Loi du 3 avril 1955.

 [4] Message hebdomadaire du général en chef au ministre des armées, semaine du 26 novembre au 2 décembre 1961, 1R 274 (SHD).

 [5] Voir CitationStora, Messali Hadj (1898–1974) pionnier du nationalisme algérien.

 [6] Voir le témoignage de son fils, CitationGavoury, Mort pour la France: 31 mai 1961, Alger, précédé de CitationOuld Aoudia, La bataille de Marignane. 6 juillet 2005: la République, aujourd'hui, face à l'OAS.

 [7] Le responsable OAS de Bab el Oued, quartier populaire d'Alger, camp retranché de l'organisation, estimant même que les soldats français n'étaient plus que des ‘troupes au service d'un gouvernement étranger’.

 [8] Il s'agit de Marcel Basset, Robert Eymard, Mouloud Feraoun, Ali Hammoutene, Max Marchand et Salah Ould Aoudia.

 [9] Voir CitationOuld Aoudia, L'assassinat de Château-Royal.

[10] Dans le cas de la lutte meurtrière que mènent FLN et MNA. Sur ce point dans le Nord de la France, où les messalistes étaient très implantés, on peut lire CitationGenty, L'immigration algérienne dans le Nord-Pas-de-Calais, 1909–1962.

[11] Par l'expression ‘Européens d'Algérie’ sont désignés à l'époque les habitants d'Algérie jouissant d'un statut de pleine citoyenneté et votant, depuis le statut de 1947, au sein du premier collège de l'assemblée algérienne. Le deuxième collège comprend, quant à lui, l'immense majorité des ‘Français musulmans’. L'appellation d'Européens rappelle que la plupart des Français d'Algérie sont en fait originaires des pays européens: ils ont souvent été naturalisés, leurs enfants bénéficiant par ailleurs du droit du sol.

[12] Dans son étude du terrorisme du FLN, Martha Crenshaw Hutchinson distingue un ‘terrorisme d'isolation’, visant à séparer les Algériens de la France, et un ‘terrorisme de démoralisation’ dont le but est d'effrayer et de décourager les Européens. CitationCrenshaw Hutchinson, Revolutionary Terrorism.

[13] Il faut mentionner ici le cas particulier des Juifs d'Algérie. Leur statut complexe d'indigènes d'origine, devenus citoyens français de plein droit, par la seule volonté de la loi, les a toujours maintenus dans une situation compliquée voire ambiguë vis-à-vis des autres indigènes (i.e. les ‘Français musulmans’) comme des autres citoyens français ou Européens d'Algérie. Le régime de Vichy leur a d'ailleurs retiré le bénéfice de la citoyenneté. Pendant la guerre d'Algérie, leur destin collectif est celui des autres Français d'Algérie mais, individuellement, certains se distinguent soit par leur soutien actif au FLN, soit, au contraire, par leur engagement dans l'OAS. Voir CitationStora, Juifs d'Algérie.

[14] Ce qui conduit les terroristes a opté pour le camouflage. Ainsi, en 1957, les porteuses de bombes du FLN s'habillent à l'occidentale pour pénétrer incognito dans les lieux fréquentés exclusivement par des Européens. A la fin de la guerre, la seule présence d'un individu au faciès arabe dans certains quartiers habités par des Européens signait son arrêt de mort: l'OAS avait réussi à produire une ségrégation spatiale de fait.

[15] Sur le Cinquième bureau, création de la guerre d'Algérie destinée à promouvoir la ‘guerre psychologique’, voir: CitationDescombin, Guerre d'Algérie 1959–1960.

[16] Dans le cas du FLN, cette lutte est également menée en France métropolitaine. L'OAS n'a pas autant de moyens sur ce territoire.

[17] Voir CitationHeymann, Les libertés publiques et la guerre d'Algérie. CitationErrera, Les libertés à l'abandon. Et CitationSalinas, L'Algérie au parlement, 1958–1962.

[18] L'Union Démocratique du Manifeste Algérien (UDMA) recueillait, quant à lui, 18% des voix.

[19] En ballottage favorable dans plusieurs circonscriptions, le MTLD remporte 9 sièges au premier tour et aucun au second tandis que l'UDMA en remporte 7 au premier tour et un seul au second. En revanche, 41 sièges reviennent à des candidats de l'administration.

[20] Sur la crise interne du MTLD, on peut lire les ouvrages de , notamment: Aux origines du FLN: le populisme révolutionnaire en Algérie. Et Le FLN, mirage et réalité, des origines à la prise du pouvoir (1945–1962).

[21] Voir CitationMeynier, Histoire intérieure du FLN: 1954–1962.

[22] C'est ainsi que sont désignés les partisans de Messali Hadj, regroupés au sein du Mouvement National Algérien (MNA), conséquence de la naissance du FLN par scission du MTLD.

[23] L'organisation du FLN repose, bien sûr, sur le peuple algérien qui fournit les commissaires politiques, les collecteurs de fonds, etc. Leur désignation n'a rien de démocratique, pas plus que les modalités de désignation des plus hautes autorités du FLN.

[24] C'est cependant une période caractérisée par une multiplication des enlèvements d'Européens—pratique nouvelle qui peut aussi être assimilée au terrorisme.

[25] En réalité, les oppositions sont encore très fortes au sein du FLN et la lutte fratricide est simplement mise sous le boisseau. Dès avant la célébration de l'indépendance, le 5 juillet 1962, elle se manifeste par des assassinats entre membres du FLN/ALN, regroupés depuis 1956, en 6 grandes unités territoriales (les wilayas 1, 5, 6 et un groupe dissident de la wilaya 2 s'opposant aux wilayas 4 et 3). Plus largement, pendant l'été, la violence déferle de nouveau en Algérie. Elle s'en prend aussi aux harkis, assimilés à des ‘traîtres’: témoignage d'un champ politique marqué durablement par la thématique de l'unicité, où toute divergence est nécessairement déviance ou trahison. Sur cette crise de l'été 1962, on peut lire, par exemple, les témoignages suivants: CitationBen Khedda, L'Algérie à l'indépendance. La crise de 1962. CitationHaroun, L'Eté de la discorde. Algérie 1962. CitationKafi, Du Militant politique au dirigeant militaire. Mémoires, 1946–1962.

[26] CitationVoir Ageron, “L'opinion française à travers les sondages”, 25–44.

[27] En Algérie, l'armée a été engagée dans des actions de nature très politiques: elle avait pour tâche de convaincre la population algérienne des bienfaits de la présence française, qu'elle était alors quasiment la seule à incarner. Ainsi les soldats soignaient-ils les populations, éduquaient-ils les enfants, etc.

[28] Voir CitationSantoni, Le jardin fou. Une femme de l'OAS à la Petite Roquette. Sur la prison de la Petite Roquette, on peut aussi lire le témoignage d'Hélène Cuénat, membre du réseau de porteurs de valises dit ‘réseau Jeanson’, qui s'évada de la prison avec quelques compagnes en 1961. CitationCuénat, La porte verte.

[29] Dans une lettre au président de la commission de sauvegarde des droits et libertés individuels, qui tente de s'informer, le délégué général reconnaît ainsi: ‘Il apparaît hors de doute qu'à un moment indéterminé de cet interrogatoire des violences certes infiniment moins graves que les tortures détaillées par la propagande rebelle, aient été exercées sur Mme Salasc.’ Lettre de Jean Morin à Maurice Patin, le 16 octobre 1961 (CAOM, cab15/17).

[30] Voir CitationVidal-Naquet, La torture dans la République: essai d'histoire et de politique contemporaines, 1954–1962. CitationEt Branche, La torture et l'armée pendant la guerre d'Algérie, 1954–1962.

[31] Sur ce point voir CitationDelarue, L'OAS contre de Gaulle. CitationKauffer, O.A.S. Histoire de la guerre franco-française.

[32] Près de 100 000 Français d'Algérie ont quitté progressivement l'Algérie pour la France, depuis 1959. Mais, entre avril et septembre 1962, c'est la quasi-totalité d'entre eux qui arrive en métropole, soit 865 000 personnes.

[33] CitationVoir Branche, “La lutte contre le terrorisme urbain”, 469–87.

[34] Cette réorientation est décidée lors du congrès dit de la Soummam réuni en août 1956 mais des attentats aveugles contre les civils ont déjà été commis avant cette date.

[35] Ainsi, une étude sur la lutte contre le terrorisme urbain précise qu’‘abattre le terrorisme dans les villes fait partie intégrante de l'œuvre de pacification entreprise dans l'ensemble de l'Algérie, au même titre que la lutte contre les rebelles en Kabylie ou dans l'Aurès’. Rapport de la commission d'étude du contre-terrorisme urbain réunie sous la présidence du général Massu, fin 1956, 1H 4292/3 (Service Historique de la Défense).

[36] Cette réorientation correspond à l'arrivée au poste de commandant en chef de Raoul Salan et d'une recrudescence du terrorisme urbain. Elle aboutit à une redéfinition des missions de l'armée qui intègre dès lors à son domaine d'intervention la lutte contre le terrorisme urbain. Alger en est le terrain d'expérimentation privilégiée à partir de janvier 1957 lors de ce qui est alors appelé la ‘bataille d'Alger’.

[37] On peut, par exemple, citer le général Massu: ‘On ne peut lutter contre la “guerre révolutionnaire et subversive”, menée par le communisme international et ses intermédiaires, avec les procédés classiques du combat, mais bien également par des méthodes d'action clandestines et contre-révolutionnaires’. Note de service du général Massu, commandant le corps d'armée d'Alger, le 29 mars 1957, 1R 339/3* (SHD).

[38] R.P. Delarue, “Réflexions d'un prêtre sur le terrorisme urbain”. Texte diffusé en annexe de la note de service du général Massu du 29 mars 1957, 1R 339/3* (SHD).

[39] Ce qui ne signifie pas que le FLN n'ait pas eu recours à la violence pour convaincre, nous l'avons déjà évoqué.

[40] On pense en particulier à la pratique des camps de regroupement dans lesquels l'armée française a regroupé près du quart de la population algérienne, estimant qu'elle parviendrait ainsi à priver les membres du FLN et les maquisards de l'ALN de tout soutien logistique. Voir notamment CitationCornaton, Les camps de regroupement de la guerre d'Algérie (rééd. L'Harmattan, 1998).

[41] Plus étonnamment, on retrouve aussi cette idée dans le texte de CitationTillion, Les ennemis complémentaires.

[42] Pour une présentation rapide du terrorisme urbain pendant la guerre d'Algérie, voir CitationPervillé, “Le terrorisme urbain dans la guerre d'Algérie (1954–1962),” 447–67.

[43] Cité par CitationSchmitt, La théorie des partisans, 262.

[44] L'instruction des ministres de la Défense et de l'Intérieur au commandant la 10e RM 1R 296* (SHAT).

[45] L'idée se trouvait aussi, dès avant la guerre, sous la plume d'Hocine Aït-Ahmed, chef de l'Organisation Spéciale du MTLD—d'où sortirent plusieurs fondateurs du FLN. Estimant que le ‘terrorisme généralisé ne pouvait être le ‘vecteur principal du combat libérateur’, il écrivait, dès 1948, que le ‘terrorisme sous sa forme défensive ou d'appoint, c'est-à-dire le contre-terrorisme, peut jouer un rôle dans le cadre de la guerre populaire comme en Indochine’. Voir son rapport au comité central élargi du Parti du Peuple Algérien (MTLD), décembre 1948. Publié in CitationHarbi, Les archives de la révolution algérienne.

[46] Edmond Jouhaud accède au plus au rang de l'armée de l'air pendant la guerre d'Algérie. Il est général d'armée aérienne et nommé chef d'état-major de l'armée de l'Air. En 1960, il devient inspecteur général de l'Armée de l'air—signe d'une mise à l'écart du terrain opérationnel. A la fin de l'année, il demande à être placé en disponibilité puis quitte l'armée. Il participe ensuite au putsch d'avril 1961 et entre à l'OAS.

[48] Il s'agit du colonel Vaudrey qui avait, auparavant, servi dans l'armée française dans l'Oranais (secteur de Géryville) et le Constantinois (secteur de Collo).

[49] Communiqué en forme de démenti daté du 27 février 1962, suite à des ‘ratonades’, cité par CitationDard, Voyage au cœur de l'OAS, 186.

[50] Texte de Pérez, 28 février 1962, cité par Dard, op. cit., 187. Le mépris pour les militaires passés à l'OAS est palpable chez ce civil, acteur principal de la stratégie de la ‘terre brûlée’ mise alors en œuvre.

[51] Déclaration de Raoul Salan devant le Haut tribunal militaire, en mai 1962. Cité par Schmitt, op. cit., 272.

[52] Schmitt, op. cit., 213.

[53] Voir par exemple l'analyse de la violence à Oran dans les derniers mois de la guerre in CitationSoufi, “Oran, 28 février 1962–5 juillet 1962. Deux événements pour l'histoire, deux événements pour la mémoire”, 635–76.

[54] Une petite plaque située dans l'herbe, à ses pieds, précise en effet ‘Aux martyrs de l'Algérie française’.

[55] Sur les liens entre l'OAS et l'extrême droite française après la guerre, on peut lire les travaux d'CitationAnne-Marie Duranton-Crabol.

[56] Sur l'histoire de ce projet et les réactions qu'il suscita voir CitationOuld Aoudia, La bataille de Marignane. 6 juillet 2005. La République, aujourd'hui face à l'OAS.

[57] A l'époque, M. Simonpieri a choisi une étiquette politique plus discrète: ‘divers droite’.

[58] Jean Bastien-Thiry est le principal responsable de l'attentat dit du Petit-Clamart contre le général de Gaulle, Roger Degueldre commandait les commandos Delta d'Alger, Albert Dovecar et Claude Piegts ont été condamnés pour leur participation à l'assassinat du commissaire Gavoury.

[59] Sur ces points on peut lire par exemple Thénault, Einaudi, ou House et MacMaster. Voir CitationThénault, Une drôle de justice: les magistrats dans la guerre d'Algérie. CitationEinaudi, Octobre 1961: un massacre à Paris. CitationHouse et Macmaster, Paris 1961: Algerians, State Terror and Postcolonial Memories.

Log in via your institution

Log in to Taylor & Francis Online

PDF download + Online access

  • 48 hours access to article PDF & online version
  • Article PDF can be downloaded
  • Article PDF can be printed
USD 53.00 Add to cart

Issue Purchase

  • 30 days online access to complete issue
  • Article PDFs can be downloaded
  • Article PDFs can be printed
USD 612.00 Add to cart

* Local tax will be added as applicable

Related Research

People also read lists articles that other readers of this article have read.

Recommended articles lists articles that we recommend and is powered by our AI driven recommendation engine.

Cited by lists all citing articles based on Crossref citations.
Articles with the Crossref icon will open in a new tab.