152
Views
0
CrossRef citations to date
0
Altmetric
Original Articles

La fratrie: des frères ou des individus?

Pages 705-718 | Received 01 Jul 2009, Accepted 15 Nov 2009, Published online: 11 Oct 2010
 

Abstract

Le texte pose le problème général de la conception de «l'identité des germains» que se fait une société donnée, conception qui conditionne la notion d'inceste et l'ensemble des règles qui président aux échanges matrimoniaux. En occident, le christianisme impose, à la fin de l'Antiquité et pendant le Haut Moyen Age, à travers la notion d'una caro, une complète identité des germains: frères et sœurs sont des êtres semblables et l'affinité qu'ils nouent par leur mariage rejaillie sur tous les germains d'alliés, voire sur les alliés de ces alliés (affinité de 2e et 3e genre). En 1215, le Concile du Latran limite l'affinité au 1er genre (les germains de l'allié du seul Ego). Frères et sœurs restent identiques mais chacun acquiert une «autonomie» matrimoniale par rapport à l'autre: les échanges de sœurs, les mariages «doubles» (deux frères avec deux sœurs) redeviennent possibles. Les XVIIIe et XIXe siècles sapent complètement cette conception chrétienne des germains: frères et sœurs redeviennent des êtres différents. Les interdits d'alliance fondamentaux tombent: le lévirat et le sororat sont légalisés, les empêchements dans la consanguinité sont limités à des degrés très proches (cousins germains ou oncle/nièce).

Notes

 1. CitationHéritier, Les deux sœurs et leur mère.

 2. Je me limite à trois titres: «CitationFratello/sorella», dans Quaderni Storici; CitationCassagnes-Brouquet et Yvernault, Frères et sœur; CitationLett, Histoire des frères et sœurs. Les ouvrages de sociologie ou de psychologie traitant des problèmes de la fratrie sont nombreux. Je me limite à deux titres: CitationEdwards, ed., Sibling Identity and Relationships; CitationBourguignon, Le fraternel.

 3. La bibliographie sur le sujet est considérable. Une des approches les plus intéressantes reste celle de CitationGoody, et al. , Family and Inheritance. Un exemple particulier de transmission par le cadet dans CitationJeanneau, «Liens adelphes et héritage».

 4. CitationGoody, The Oriental, the Ancient and the Primitive.

 5. CitationDelille, Famille et propriété dans le Royaume de Naples (XVe-XIXe siècle).

 6. Le terme “germains” se réfère à des frères et sœurs nés du même couple de parents. Le terme anthropologique anglais courant est celui de “sibling”.

 7. CitationRadcliffe-Brown and Forde, eds, African systems of kinship and marriage; CitationRadcliffe-Brown, Structure and function in primitive society.

 8. CitationHéritier, L'exercice de la parenté, cf. 98. Héritier considère ici le problème des paires identiques. Si celles-ci ne le sont pas, la définition d'inceste et les possibilités de relations matrimoniales peuvent varier pour chacun des germains: dans certaines ethnies de l'Asie du sud-est, un homme doit éviter toute relation avec les sœurs aînées de son épouse mais il peut, éventuellement, épouser une cadette, cfr. CitationBernot, «Lévirat et sororat en Asie du sud-est». La distinction peut aussi concerner les sexes; par exemple, tous les germains mâles sont considérés identiques tandis que les germains femelles ne le sont pas (monde juif ancien).

 9. CitationMoreau, Incestus et prohibitae nuptiae. L'inceste à Rome.

10. CitationMoreau, Incestus et prohibitae nuptiae. L'inceste à Rome, cf. 240–3.

11. Pour les mérovingiens et les wisigoths, voir Citation Europäische stammtafeln . Pour les angles, CitationVenerabile Beda, Storia ecclesiastica degli angli.

12. Sur cet épisode, voir CitationGaudemet et Basdevant, Les canons des conciles mérovingiens, Cf. vol. 1, 127–9.

13. CitationAzzari et Gasparri, Le leggi dei Longobardi, cf. 53 et 147.

14. CitationSaint Basile, Lettres, cf. T. II, CLX, «à Diodore», vers 373.

15. Un des topos des récits de sainteté et de l'hagiographie du Haut Moyen age est de désigner les époux qui décident de rester chastes par les termes «frère» et «sœur», cf. CitationRéal, «Représentations et pratiques des relations fraternelles dans la société franque du haut Moyen Age», 80.

16. Héritier, Les deux sœurs.

17. Dans ses lettres, Saint Paul inclut sous les termes «frères et sœurs» des personnes ou des groupes situés en dehors de toute parenté biologique ou sociale: l'homme chrétien, les différents groupes de chrétiens, tous les chrétiens en général, les membres de l'Eglise, les individus d'une famille, l'époux et l'épouse, l'homme et la femme, le maître et l'esclave. La théorie de «la même chair» découle directement de cette extension du lien de fraternité. Certains toutefois restent exclus: ceux qui ne sont frères que par le nom, les «faux frères», les juifs qui ont rejeté le message du Christ. Sur cette interprétation des lettres de Saint Paul, voir l'ouvrage remarquable de CitationAasgaard, My Beloved Brothers and Sisters: Christian Siblingship in Paul.

18. Réal, «Représentations», 79.

19. Sur tous ces aspects, voir CitationAbramowicz, «Frères et sœurs dans les univers épiques et courtois».

20. CitationSaint Augustin, Œuvres (livre XV, chap. 16).

21. CitationBoureau, «Le mariage égyptien entre frère et sœur et son oubli occidental».

22. Art. 161 et 162 du code civil français.

23. Pour tous ces aspects, voir CitationDelille, «Le lien fort». Il convient de souligner que le canon du Concile ne cite que des paires de même sexe (deux frères, deux sœurs), c'est-à-dire en relation parallèle. Les relations croisées ne sont pas nommées et on peut se demander si des unions les impliquant restaient permises ou si pour les pères byzantins, l'assimilation entre paires parallèles et paires croisées allait de soi. Notons à ce sujet qu'en droit roumain, les mariages parallèles (deux frères avec deux sœurs) sont interdits mais que les croisés (un frère et une sœur avec une sœur et un frère) sont, au contraire, permis (cit. par Héritier, Les deux sœurs, 121).

24. Pour une vue générale sur la législation canonique en matière de mariage et d'inceste, on consultera: CitationBrundage, Law, Sex and Christian Society in Medieval Europe et CitationEismein, Le mariage en droit canonique.

25. CitationCorbet, Autour de Burchard de Worms.

26. Héritier, L'exercice, 169.

27. Jusque vers le milieu du XVe siècle, l'Église n'accorde pas – les exceptions sont rarissimes – de dispenses pour consanguinité au 2e degré canonique (cousins germains). Cette règle est peu à peu abandonnée mais les dispenses pour le 2e degré, voire pour le 1er/2e, n'augmenteront, d'abord lentement, qu'à partir de la fin du XVIe siècle.

28. CitationHautecoeur, «De l'Harmonie à la scission: analyse du motif de la fraternité amoureuse dans quelques romans du XVIIe et du XVIIIe siècle.»

29. CitationBels, Le mariage des protestants français jusqu'en 1685.

30. CitationGouesse, «Mariages de proches parents (XVIe-XXe siècle). Esquisse d'une conjoncture», 31–61.

31. CitationDelille, «Réflexions sur le système européen de la parenté et de l'alliance (note critique.)»

32. CitationEdwards, Sibling Identity.

Log in via your institution

Log in to Taylor & Francis Online

PDF download + Online access

  • 48 hours access to article PDF & online version
  • Article PDF can be downloaded
  • Article PDF can be printed
USD 53.00 Add to cart

Issue Purchase

  • 30 days online access to complete issue
  • Article PDFs can be downloaded
  • Article PDFs can be printed
USD 612.00 Add to cart

* Local tax will be added as applicable

Related Research

People also read lists articles that other readers of this article have read.

Recommended articles lists articles that we recommend and is powered by our AI driven recommendation engine.

Cited by lists all citing articles based on Crossref citations.
Articles with the Crossref icon will open in a new tab.