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Une « citoyenneté » kali'na? Constructions citoyennes, affirmations identitaires, jeux de niveau en Guyane française

Pages 981-991 | Received 28 Sep 2009, Accepted 08 Jul 2011, Published online: 30 Jan 2012
 

Abstract

Institués en « populations primitives » pendant la période coloniale, les Amérindiens de Guyane française se sont vu imposer au moment de la « départementalisation » une citoyenneté légale, pensée à l'intérieur du modèle français de la citoyenneté et de la Nation qui reconnaît l'individu mais ignore l'appartenance au groupe. Et si, depuis quelques années, la maturation d'un sentiment national en Guyane transforme le rapport à la France et à l'État, la classe politique locale met en œuvre sur place une même représentation de la citoyenneté. Comment, pour penser leur place dans cet univers, les Amérindiens s'efforcent-ils aujourd'hui d'articuler trois constructions citoyennes qu'ils se sont progressivement appropriées – la citoyenneté « légale », une citoyenneté « autochtone » et une citoyenneté « culturelle » ?

Established as ‘primitive populations’ during the colonial period, legal citizenship was imposed upon French Guyana Amerindians during départementalisation; this citizenship was conceived within the French model of citizenship and the Nation and recognises the individual but ignores group membership. For some years, the growth of a national feeling in Guyana has been changing the relationship to France and the State, but local politicians implement the same representation of citizenship. How, in order to think about their place in the world, do Amerindians today try to link three citizenship-building processes they have been progressively taking for themselves: ‘legal’ citizenship, ‘autochthonous’ citizenship, and ‘cultural’ citizenship?

Notes

 1. L'analyse proposée ici s'appuie sur un travail d'enquête de terrain conduit chez les Kali'na, en Guyane française et au Suriname, sur la question des transformations du politique indigène dans l'histoire coloniale et dans le contexte national et « global » contemporain (Collomb Citation1997, Citation2001, Citation2008).

 2. L'évaluation du nombre d'Amérindiens dans la population globale de la Guyane est délicate car elle a d'évidentes implications politiques. On peut l'estimer aujourd'hui à environ 7 000 personnes, dont 4 000 Kali'na, sur une population totale de 150 000 à 200 000 personnes en forte croissance (dont environ 100 000 guyanais « français »). Le vote amérindien ne représente donc pas, dans l'absolu, un enjeu très important, mais la concentration d'une bonne partie des électeurs amérindiens dans quelques communes leur confère un poids significatif dans les scrutins locaux, où ils peuvent se trouver en position d'arbitres.

 3. Du nom d'une rivière du sud de la Guyane.

 4. Certaines de ces populations, issues des phénomènes de marronnage d'esclaves dans les plantations surinamiennes aux dix-septième et dix-huitième siècles, se sont établies depuis la fin du dix-huitième siècle en Guyane française ou à cheval sur le fleuve Maroni, qui forme la frontière avec l'ancienne Guyane hollandaise (aujourd'hui le Surinam).

 5. La loi de départementalisation de 1945 a transformé les « vieilles colonies » (Guadeloupe, Martinique, Guyane et Réunion) en « départements français d'outre-mer ». Depuis 1833 les personnes libres des colonies françaises d'Amérique et de la Réunion étaient régies par le code civil et avaient le droit de vote, mais cette disposition ne s'appliquait pas complètement en Guyane, où les « indigènes » restaient en marge de la société coloniale et conservaient un statut personnel.

 6. L. Dumont explique que ce lien est particulièrement fort dans la construction de l'idée de la Nation en France, où l'appartenance citoyenne est « la forme que prend […] l'ethnocentrisme, disons plutôt sociocentrisme, que l'on rencontre dans toute société, qui porte à poser une différence fondamentale, en valeur, entre ‘nous’ et ‘les autres’ » (cité in Neveu Citation1997, p. 82).

 7. Les homes disparaîtront au début des années quatre-vingt, lorsque seront créées des écoles publiques dans les villages et que sera mis en place un réseau de transports scolaires.

 8. Les aides sociales représentaient, dans certaines familles, un complément au salaire des hommes employés sur les chantiers qui se sont multipliés à la même époque, notamment pour la construction de la base spatiale de Kourou.

 9. Cette situation se donne à lire, dans l'histoire récente, dans les glissements sémantiques par lesquels on a tenté de rendre acceptable ou de masquer cette marginalité de fait, peu compatible avec une appartenance citoyenne: désignés comme « populations primitives » lorsque se met en place la « francisation », les Amérindiens deviendront plus récemment dans le discours administratif les « populations indiennes » ou les « populations sylvicoles », cette dernière expression ne s'éloignant des représentations évolutionnistes antérieures que pour mieux les saisir à travers une lecture naturalisante.

10. L'importance du mouvement autochtone en Amérique du nord, et la place qu'il a progressivement conquise dans la vie politique et culturelle au Canada et aux États-Unis au cours des années soixante-dix et quatre-vingt, n'avaient pas échappé aux responsables amérindiens de Guyane française en quête de modèles pour organiser leurs propres luttes (Chalifoux Citation1992).

11. Notamment dans le cadre de la COICA (Coordination des organisations indigènes du bassin amazonien).

12. Une catégorie construite comme une valeur universelle par les institutions internationales, à travers un certain nombre de textes fondateurs auxquels se réfèrent les organisations indigènes: Déclaration universelle des droits de l'Homme, Convention 169 de l'Organisation Internationale du Travail, Déclaration sur les droits des peuples autochtones de l'ONU.

13. Les années quatre-vingt ont été marquées dans les DOM-TOM par une montée des revendications indépendantistes et nationalistes et par l'exacerbation de la crise néo-calédonienne dans l'automne de 1984. En Guyane même, quelques années auparavant (en 1979–1980), un sursaut des revendications indépendantistes dans les milieux politiques créoles avait conduit à des actions violentes (Mam-Lam-Fouck Citation1996).

14. Le fort accroissement de l'immigration, notamment brésilienne, haïtienne et en provenance du Surinam et du Guyana, a multiplié par trois la population de la Guyane en 30 ans.

15. Intervention du Président du Conseil régional, au colloque tenu à Cayenne en 1995 sur le thème « L'identité guyanaise en question ». La formule évoque l'éclatement de l'ancienne Yougoslavie, mais aussi la guerre civile à base ethnique qui a touché le Surinam voisin pendant 10 années, provoquant l'exil en Guyane de milliers de réfugiés.

16. Document de présentation du Festival.

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