Intégration de questions socialement vives (QS) en cours de biologie par des enseignants et enseignantes du collégial et du lycée

Résumé

Les percées récentes dans le domaine des biotechnologies permettent d’envisager l’intervention dans la production des êtres vivants en manipulant le matériel génétique. Or, cette capacité soulève des controverses à grande portée sociale. Qu’il s’agisse d’utilisation de cellules souches ou des OGM, la biologie contemporaine soulève de questions vives en lien avec les enjeux éthiques qu’elle recèle. Mais qu’en disent les enseignantes et enseignants de biologie ? Cet article présente des résultats de recherche obtenus lors d’entretiens biographiques de six enseignants et enseignantes de biologie au cours desquels ils ont traité de leur rapport au vivant. Ces résultats suggèrent que ces derniers s’intéressent à ces questions et qu’ils les prennent en charge de différentes façons malgré certaines contraintes, notamment curriculaires.

Abstract

Recent breakthroughs in biotechnology have made the possibility of intervening in the production of living organisms through the manipulation of genetic material a conceivable notion. However, this capacity raises controversial issues that have vast social implications. Whether it is through the use of stem cells or GMOs, modern biology raises acute questions in line with the ethical quandaries hidden at its core. What do biology teachers have to say about these issues? This article presents the results of biographical interviews conducted with six biology teachers, who during the interviews described their relationship with living things. The results suggest that teachers are interested in these types of questions and that they do address them in various ways, despite certain constraints they encounter (curriculum-based, in particular).

Notes

1. Pour une présentation plus approfondie à propos des courants STS, SSI, voir Sadler (2008) et Simonneaux et Simonneaux (2005). Notons que Pedretti, ajoute STSE (incluant le E pour « Environnement »). L’appellation « questions socialement vives » (en anglais SAQ ‘socially acute question’) dans l’enseignement des sciences a été largement diffusée par Simonneaux, qui la tiendrait d’auteurs œuvrant dans le champ des sciences économiques et sociales, soit Alpe et Legardez (2000). J’ai employé ici le terme de « questions socialement vives », mais en simplifiant le sigle (QS) afin de souligner les enjeux sociaux dont ces questions ne peuvent se détacher.

2. Dans le système français de formation, le DEA est un Diplôme d’études approfondies; le CAPES, un Certificat d’aptitude au professorat de l’enseignement du second degré.

3. Notons en outre que l’expérimentation animale implique des incertitudes dans le champ épistémologique lorsqu’on considère des « cosmologies » organisées différemment à la nôtre (Descola, 2008). Ainsi, Descola distingue quatre ontologies ou modes d’identification à la nature qui sont le totémisme, l’animisme, l’analogisme et le naturalisme. Dans cette dernière, qui est celle dans laquelle nous baignons, « les humains sont seuls à posséder le privilège de l’intériorité tout en se rattachant au continuum des non-humains par leurs caractéristiques matérielles » (Descola, 2008, p. 8). Dans cette vision du monde, les expérimentations animales ne posent pas de problèmes puisque les animaux ne partagent pas le privilège de l’intériorité. En revanche, selon une vision du monde différente, par exemple l’animisme, selon lequel la plupart des existants sont réputés avoir une intériorité semblable, les expérimentations animales ne vont pas de soi et on peut supposer – dans le cas où elles seraient acceptées – qu’elles nécessiteraient le respect de précautions rituelles. Voir également Brunois (2005).

4. Les rapports entretenus avec les travaux pratiques en biologie en général et avec l’expérimentation animale en particulier ont été évoqués comme des éléments importants dans les parcours des enseignants et enseignantes interviewés. Dans la prolongation de l’approche STS, des liens peuvent être faits entre ses pratiques expérimentales et la représentation que les élèves se forgent de la production des savoirs scientifiques et de la socialité des sciences (Désautels, 2007), et plus particulièrement, de la construction d’un rapport au vivant.

5. À ce propos, l’enseignante et les deux enseignants français sont agrégés et deux d’entre eux sont engagés dans une réflexion de recherche sur l’enseignement des sciences. Du côté des enseignants québécois, deux d’entre eux ont fait partie d’une expérience d’introduction de controverses dans l’enseignement des sciences et le troisième a suivi, dans le cadre de sa formation continue, des cours de deuxième cycle qui incluaient notamment l’introduction d’amorces afin de contextualiser socialement les savoirs.