Abstract
Dans la continuité du chant idiolectal de Joyce ou des glossolalies d’Artaud, le parler animal que propose Valère Novarina est une exploration de l’expérience de dire et une étape-clef de la défiguration de l’homme par laquelle il sera regénéré. Le théâtre des oreilles cherche en l’animalité de quoi ressourcer en animalitude et en pantinitude nos esprits asséchés par excès de cérébralité, engourdis par abus de symbolisation et abrutis par l’obsession de la signification. Plus qu’une origine à laquelle s’arracher, l’animalité est l’aimant de notre devenir, notre chance et notre finalité : c’est la condition de toute vraie créativité, de toute authentique inventivité. À travers la parole animale et le souffle théâtral, se réconcilient le verbe et la viande, se réparent la séparation, la discontinuité et la désadhérence dont témoignent l’origine de et la condamnation à la langue. Le languisme animal répond donc à la question de l’origine (« rouge ») de l’art, et propose une expression de son mandat : créer un espace (« furieux ») de communication transmentale et transculturelle qui ne concède rien à l’abrutissement des slogans et des discours médiatiques. À l’époque de la communication de masse, de l’indifférenciation et de la globalisation, l’animalitude est un paradigme de résistance et de résilience.