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MACHINE ZÉRO

POINT DE FUSION

Pages 435-461 | Published online: 19 Aug 2013
 

Abstract

Le texte qui suit n’est pas la retranscription fidèle d’une communication donnée au colloque « Traversées, frictions, fusions » au printemps 2012. C’est un peu plus et un peu moins. Soyons clairs: ceci n’est pas un article. C’est un essai. Un essai où trois voix cherchent à se faire entendre autrement. Autrement avec autre chose, un autre truc, un autre machin. Un machin, en effet, pour parler de machine, mais une machine sans histoire, une machine débarrassée d’elle-même, une machine d’avant le temps de la machination, une machine « zéro » et qui ne vaut que pour cette qualité-là. Car c’est bien ainsi qu’a été conçue la séance où la chose s’est mise en branle. Où le branle, en vérité, à force de tourner à vide, a pris conscience de ses égarements et de ses digressions, cherchant dès lors, mais dans sa pratique même, à répondre à l’esprit du colloque et à ses mots d’ordre. Plutôt que de se livrer l’une à la suite de l’autre, les lectures d’André Benhaïm (Proust), d’Aymeric Glacet (Camus) et d’Éric Trudel (Viel) ont ainsi fait de la traversée, de la friction et de la fusion leur modus operandi.

Notes

1 « Mais je m’éloigne, je parle, et le film n’avance pas » (Cinéma 40).

2 J’aurais pu le dire par exemple de l’écrivain Grand de Camus, Joseph Grand qui dans La Peste passe son temps, joue sa vie, à n’écrire et récrire, et réécrire encore – tout son pauvre manuscrit n’est que cela – une seule et même phrase où il faudrait pouvoir dire (mais mieux, toujours mieux, c’est une question de vie ou de mort) : « ‘Par une belle matinée du mois de mai, une élégante amazone parcourait, sur une superbe jument alezane, les allées fleuries du Bois de Boulogne’ » (La Peste 105).

3 Sur le « Zut » de Proust, voir Esquisse LV (Proust I: 836). Dans le manuscrit, on trouve : « Zut que c’est beau ». « Et depuis je n’ai fait guère autre chose en un certain sens et pour une partie au moins de ce que j’ai écrit quand j’écrivais, que d’essayer de revenir sur ces minutes heureuses où l’on crie : ‘Zut, que c’est beau’, et de dire que c’était la minute heureuse, que ‘Zut, que c’est beau’ ne dit pas, d’essayer de voir ce qu’il y a sous les mots que chacun dit… » On verra aussi l’ouvrage Proust et Flaubert. Un secret d’écriture (CitationNaturel 333).

4 Voir la belle lecture de cette scène par Hannah Freed-Thall qui insiste sur le fait que cette interjection n’a d’autre fonction que celle proche de la fonction phatique en linguistique.

5 Zut ! est l’émission de la machine infructueuse qui s’ébranle malgré tout, la machine littéraire qui puise dans le désordre pour en faire une matière artistique. Ainsi Calvino affirmait que « la vraie machine littéraire sera celle qui sentira elle-même le besoin de produire du désordre » (13).

6 On verra à ce sujet les propos de Frankin sur le site web consacré à son personnage : <http://www.gastonlagaffe.com/saga/naissance/>.

7 Ainsi, voyez la manière dont il maltraite (toujours involontairement) l’homme qui désire désespérément signer les contrats avec Prunelle de la maison Dupuis, comment il fait inlassablement échouer cette mystérieuse (et inquiétante) signature. N’est-ce pas parce que Aimé Demesmaeker, est, lui, comme son nom l’indique (transcription phonétique avec accent francophone), « The Mess Maker » ? C’est lui l’ange du chaos (capitalisme, consumérisme).

8 « La Roue de Bicyclette est mon premier readymade, à tel point que ça ne s’appelait même pas un readymade. Voir cette roue tourner était très apaisant, très réconfortant, c’était une ouverture sur autre chose que la vie quotidienne. J’aimais l’idée d’avoir une roue de bicyclette dans mon atelier. J’aimais la regarder comme j’aime regarder le mouvement d’un feu de cheminée ». « J’ai probablement accepté avec joie le mouvement de la roue comme un antidote au mouvement habituel de l’individu autour de l’objet contemplé ». « C’était un gadget, et c’est devenu important seulement beaucoup plus tard, quand des gens l’ont découverte et ont pensé qu’ils pourraient en parler et dire quelque chose » (CitationGervais 59-80).

9 La chose est soulignée par Ari Blatt, qui remarque aussi que « turning the tradition of adaptation from text to film inside out, Viel's contemporary take on the avant-garde practice of the ‘readymade’ projects a series of images and sounds from the screen onto the page » (379).

10 On verra à ce sujet « Seconde main : entretien avec Thomas Clerc et Tanguy Viel ».

11 Sur tout ceci (trois derniers extraits cités), voir Roger-Michel Allemand, « Tanguy Viel : imaginaires d’un romancier contemporain ».

12 Comme le remarque Johan Faerber, « Tanguy Viel affirme souvent qu’il ne possède aucune imagination, que ses personnages et les scènes qu’il met en œuvre proviennent de réminiscences cinématographiques, d’images tirés de films qu’il porte en lui comme autant de souvenirs » (82–83).

13 S’il s’agit ici d’abord d’une reprise au sens strict, il est évident que le geste du « remake » informe toute l’œuvre de Viel (ce que notait déjà Blatt 379 ; Citationce que confirme Faerber 82). Ainsi, par exemple, L’Absolue perfection du crime (2001) reprend-t-elle très visiblement, mais avec un épuisement certain, une inévitable distance ironique, les codes du polar à l’écran.

14 J’emprunte ces mots à Dominique Rabaté qui parle, lui, du Bavard de Louis-René Citationdes Forêts (45).

15 « Initially, […] the narrator is clearly as confident in language's capacity to overcome the essential impossibility of ekphrasis as was Diderot centuries earlier. […But he soon] acknowledges the inadequacy of the ekphrastic ideal » (CitationBlatt 381–382).

16 Spectateur compulsif du film, le narrateur ne conçoit qu’on pût nier que le film est « formidable » et s’indigne devant ceux qui le jugent « pas formidable ». L’adjectif apparaît sans cesse, comme un leitmotiv.

17 Et ce même si le narrateur, désireux de se confondre entièrement au film dans une étreinte tenant du sacrifice en vient à s’exclamer, au comble du délire: « Tout ce que vous faites à Sleuth, c’est à moi que vous le faites » (Cinéma 117). Il est notable que le titre du film, qui jusqu’à la page 96 apparaissait en caractères italiques, devient, sur cette même page, d’une phrase à l’autre, le nom d’un être à part entière (désormais en caractères romains), vers qui se porte tout l’amour du narrateur.

18 « Savons-nous seulement ce que nous avons à dire et même si nous écrivons avec le souci de dire quelque chose ? » (Louis-René Citationdes Forêts, cité dans Quignard 30).

19 Blaise Cendrars, La Prose du Transsibérien et de la petite Jehanne de France, 27. Proust a lu, en 1919, Du Monde entier et avait écrit « à peu près 14 pages à Cendrars [pour lui dire] la grande impression que son livre [lui] a faite » Lettre de 1920 à J. Cocteau (Correspondance 398).

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