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Hydroscience Journal
Volume 108, 2022 - Issue 1
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Special Section: HydroES 2021

Synthèse du colloque HydroES 2021 : l’hydroélectricité, un catalyseur de la transition énergétique en Europe

Hydropower and Environmental Sustainability (HydroES 2021) conference: synthesis hydropower as a catalyst for the energy transition in Europe

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Article: 2058825 | Published online: 16 May 2022

1. Contexte

Hydropower and Environmental Sustainability (HydroES-2021) s’inscrit dans un cycle de conférences organisées par la SHF depuis une dizaine d’année avec de nombreux partenaires Français et Européens. Sa 7éme édition consacrée à « L’hydroélectricité, un catalyseur de la transition énergétique en Europe » s’est tenue du 22 au 24 septembre 2021 à l’ENS de Lyon et à distance sur une plateforme numérique. Cette année, le colloque a été organisé en partenariat avec Forum Hydropower Europe, France Hydro Electricité (FHE) et CNR.

Il a été organisé autour de quatre thématiques essentielles pour l’hydroélectricité :

  1. Hydroélectricité et l’optimisation des outils d’exploitation et de maintenance

  2. Hydroélectricité et le changement climatique

  3. Hydroélectricité, environnement et société

  4. L’hydroélectricité, innovation et services aux ENR intermittentes

2. Les défis de l’hydroélectricité en France

C’est le thème de la conférence d’ouverture présenté par Ghislain Weisrock, référent affaires européennes et système électrique (FHE). Pour lui l’hydroélectricité a une place centrale dans le Green Deal et un rôle de témoin des révolutions en Europe qu’il s’agisse de la décarbonation où la flexibilité de l’hydro qui devient indispensable. Elle a un rôle à jouer dans la stratégie pour la biodiversité où elle peut montrer le chemin de l’avenir en rupture des utopies passéistes type « rivières sauvages ». Les deux défis de l’hydroélectricité sont la biodiversité et la flexibilité. Mais l’hydro que l’on pensait comme éternelle, est mortelle. Le futur serait dans l’éolien, le PV, les batteries et le big data.

Depuis les débuts de l’électricité, l’hydroélectricité a été au cœur de la flexibilité du système électrique. Avec la prépondérance des EnR variables, les besoins de flexibilité vont augmenter très fortement et exiger des investissements massifs. Cependant, le modèle économique actuel, dessiné autour de grandes unités de production avec coût de combustible et leur fourniture à la marge de services systèmes, n’est plus adapté. La variabilité des EnR doit être compensée par des sources indépendantes et réparties de flexibilité, ce qui entraîne deux problématiques : celle de la tenue de la fréquence et celle de la gestion des réseaux locaux. Le modèle économique reste à réinventer notamment celui de la flexibilité pour délivrer un signal pertinent à l’investissement. Compass Lexecon vient de terminer une étude sur le sujet à la demande de FHE. Les pistes sont d’agir sur la finesse de découpage des blocs de marché, de rémunérer la valeur assurantielle des sources de flexibilité, de compléter le mécanisme de capacité pour du MW « just in time » et de combler les lacunes de rémunération des services système.

L’avenir de l’hydro est dans la flexibilité rémunérée justement avec une vision de la biodiversité tournée vers l’avenir.

3. Optimisation des outils d’exploitation et de maintenance

L’optimisation des outils d’exploitation et de maintenance des équipements est un axe très important pour garantir la compétitivité de l’hydroélectricité dans un marché très volatile et peu prévisible. Des méthodes et procédures récentes avec des innovations remarquables dans divers domaines ont été présentées lors de cette session notamment :

  • La mesure des débits, dans les conduites des groupes, en temps réel et avec une très grande précision utilisant des équipements Ultrason validés, au préalable par des modélisations CFD et des mesures ADCP. Appliquée sur la centrale de moyenne chute de Génissiat sur le Rhône, cette connaissance s’avère être un des facteurs clés pour l’optimisation de sa production d’énergie.

  • La mise en œuvre d’un suivi in situ des conduites forcées en temps réel par un « Systèmes Innovants de Diagnostic de COnduites Forcées», qui permet de diagnostiquer, analyser l’état des ouvrages par introspection robotisée, d’améliorer le traitement des données et d’assurer le monitoring à distance.

  • La conception d’un dispositif spécial permettant de réaliser la réparation des rails de vannes tout en assurant la continuité du débit et un accès aux rails des vannes, à sec, garantissant ainsi un accès sécurisé aux intervenants.

  • Une nouvelle technologie SIBELONMAT®, pour restaurer l’étanchéité d’un canal sans le vider et sans affecter son exploitation appliqué un projet pilote dans le Grand Canal d’Alsace, à Kembs.

  • Une solution de dragage des retenues par une technologie alternative utilisant un robot permettant de gérer les sédiments de manière régulière, voire en continu, permettant de réduire la discontinuité sédimentaire causée par le barrage du Sautet.

  • Un Outil de Suivi et de Surveillance des Étiages en Cohérence sur le Rhône (OSSEC) qui vise à suivre et caractériser en temps réel un événement d’étiage sur le Rhône et ses affluents (période de retour, étendu spatial, durée, gravité globale …) et ainsi d’adapter la gestion du fleuve.

  • Une méthode d’optimisation stochastique conjointe d’une chaîne hydroélectrique et de moyens de production intermittents (éolien, photovoltaïque) conduisant à envisager la flexibilité de production hydro-électrique comme moyen pour compenser les écarts de prévision sur le périmètre d’équilibre CNR.

  • Un Retour d’expérience sur le déploiement d’une GMAO sur un parc de petites centrales hydroélectriques qui permet d’améliorer le pilotage de l’activité avec une meilleure traçabilité pour affiner la stratégie de maintenance (historique des incidents, indicateurs techniques et financiers, …)

En conclusion, cette Session a clairement démontré que l’innovation dans l’hydroélectricité est toujours très vivante, et qu’elle n’est pas une technologie mure et figée.

4. Hydroélectricité et changement climatique

Le secteur de l’hydroélectricité est sensible aux variables climatiques car elles affectent directement la production (offre) et la consommation (demande) d’énergie. Des outils et services se développent pour évaluer les opportunités/risques sur les aménagements Hydroélectriques et optimiser leur production future.

Un guide de résilience climatique publié par l’IHA en 2019 fournit une aide à la décision pour justifier la durabilité, des projets neufs ou des projets de réhabilitation d’ouvrages existants et pour justifier les investissements. L’évaluation est basée notamment sur la performance de production, la sûreté des installations, les besoins multi-usages de l’eau et la performance environnementale. Elle utilise les informations, fournies par les services spécialisés, sur les variations attendues des variables climatiques et hydrologiques en fonction de différents scénarios et modèles. Trois cas d’application ont été présentés sur :

  • L’évolution des référentiels méthodologiques pour la résilience climatique des aménagements EDF, utilisant plusieurs modèles climatiques basés sur un scénario de référence et des scénarios de projections climatiques à différents horizons. L’objectif est d’intégrer les résultats des risques/opportunités dans les plans de mangement des risques de la gestion des actifs.

  • L’estimation de la vulnérabilité au changement climatique du secteur hydroélectrique en Côte d’Ivoire appliquée sur deux bassins versants comprenant quatre aménagements hydroélectriques en services et six en projet. Elle s’appuie sur les projections issues du programme Cordex Africa et sur la modélisation hydrologique pour déterminer les risques/opportunités induits par le changement climatique sur la ressource en eau à horizons 2040 et 2080.

  • Le développement d’indicateurs du changement climatique sur la gestion des réservoirs hydroélectriques pour évaluer ses impacts sur la gestion par les courbes guides des réservoirs hydroélectriques.

D’autres présentations proposent des solutions d’adaptation, notamment :

  • Une méthodologie géomorpho-climatique par descente d’échelle à la convergence des outils géotechnique et des systèmes de monitoring pour évaluer l’impact du changement climatique sur les infrastructures hydrauliques.

  • L’utilisation de turbines adaptées pour faire face au stress Hydrique.

5. Hydroélectricité, environnement et société

Cette session s’est principalement consacrée aux problèmes de rétablissement de la continuité écologique des cours d’eau et à l’efficacité de réhabilitation des cours d’eau dans le cadre de la DCE. Selon les espèces de poissons présentes dans le cours d’eau et son classement, les producteurs d’hydroélectricité sont amenés à installer des ouvrages pour accompagner sans dommage la dévalaison des poissons migrateurs à l’aval de leur centrale. La prise d’eau de la centrale est alors qualifiée d’ichtyocompatible. Ont été présentés :

  • Un retour d’expérience d’exploitants sur 63 prises d’eau ichtyocompatibles récemment installées sur des petites centrales hydroélectriques (100 kW à 13 MW). L’objectif de l’enquête est de recueillir les premiers retours sur les coûts, l’efficacité selon les dispositifs installés (en majorité des grilles inclinées, espacement inter-barreaux inférieur à 20 mm) et les contraintes liées à l’exploitation.

  • La recherche utilisant la mécanique des fluides numérique (CFD) pour la conception des prises d’eau ichtyocompatible.

Deux exemples de restauration des milieux aval barrage par :

  • La mise en œuvre de lâchers morphogènes sur la rivière Selves ;

  • L’établissement d’un débit écologique variable, des apports de graviers par érosion maitrisée des berges ou injection directe et la création d’une vaste annexe de 100 hectares sur l’île de Kembs, traversée par un nouveau cours d’eau, le Petit Rhin. Les suivis réalisés montrent que tout projet de restauration doit prendre en compte l’ensemble des facteurs (pression hydromorphologique, pollution chronique toxique, invasions biologiques récentes …) et leurs synergies/antagonismes pour déterminer les mesures les plus efficaces pour la biodiversité en prenant en compte les couts-bénéfices.

6. Hydro, innovation et service aux Enr intermittentes

L’hydroélectricité est connue pour sa flexibilité mais dans quelle mesure peut-elle assurer une intégration massive des ENR, variables et intermittentes, dans les systèmes électriques ?

Une étude de cas sur la centrale hydroélectrique d’Akosombo (Ghana) montre que jusqu’à 20% de contribution des ENR à la production totale, la variabilité de la demande résiduelle peut être totalement lissée par la centrale. Au-delà, elle ne peut la réduire que partiellement selon la demande résiduelle dominante (solaire ou éolien) dans le mix énergétique. Cette étude fournit une aide à la stratégie de développement des ENR dans la région.

Un outil développé par ISL permet le dimensionnement d’installation combinée entièrement ou partiellement hybridée. Le solaire et l’hydroélectricité peut être considéré comme une centrale électrique unique ou l’hydro compensant les variations solaires rapides. L’outil peut être utilisé pour d’autre combinaison de projets.

L’Union Européenne a lancé un appel à projet (H2020) visant la production hydroélectrique et les leviers de flexibilité innovants, permettant l’intégration des ENR pour disposer rapidement de solutions industrielles susceptibles d’assurer la fiabilité du réseau dans le contexte de la transition énergétique. Deux projets de consortiums retenus ont été présentés : XFLEX HYDRO, proposant deux démonstrateurs : hybridation par batterie à Vogelgrun et pompage/turbinage simultané à Grand Maison et SOFLEX’HY, démonstrateur de centrale virtuelle gérant conjointement la production d’hydroélectricité et de fermes solaires et éoliennes sur le bassin de la Durance.

Le stockage d’énergie grâce aux centrales hydroélectriques de pompage-turbinage est actuellement la seule solution mature de stockage d’électricité à grande échelle avec une capacité installée mondiale de plus de 100 GW. Une solution de stockage à plus petite échelle a été étudiée sur deux sites dans le Val de Bagnes dans le canton du Valais, pour assurer le contrôle local de la tension et la gestion de la congestion des lignes aux réseaux de distribution active moyenne tension. Une autre solution propose une modulation pour équilibrer des ENR intermittentes par un pompage/turbinage, qui peut être installée sur des sites industriels abandonnés ou en activité (carrières, mines …).

D’autres solutions proposent faire appel à de nouvelles technologies de turbines (par exemple une turbine à effet venturi) ou des modifications d’ouvrage. Ainsi pour améliorer la flexibilité d’une petite centrale hydroélectrique au fil de l’eau, située à la source du Rhône et équipée de deux turbines Pelton, le démonstrateur « SmallFlex » propose de dénoyer sa conduite forcée permettant ainsi de disposer d’un volume de stockage utilisé lors des pics de puissance pour fournir des services systèmes au réseau.

Comment concrétiser le couplage des énergies renouvelables (production d’énergie) et de l’hydrogène (vecteur de stockage d’énergie) ? C’est la question à laquelle a tenté de répondre la fédération « Electricité Autonome Française » dont la synthèse a été présenté par ATESyn. La maturité des technologies d’électrolyse et d’hydroélectricité ainsi que la mise en lien des acteurs de la filière hydrogène offrent des opportunités, mais des freins au développement persistent, notamment les coûts rédhibitoires de production à petite échelle et le faible développement des usages.

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