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Hydroscience Journal
Volume 108, 2022 - Issue 1
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Special Section: Hydrometrie 2021

Peut-on compléter la donnée in situ par la donnée satellite ?

Can we supplement in situ data with satellite data?

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Article: 2090289 | Published online: 20 Jul 2022

RÉSUMÉ

La gestion des ressources en eau nécessite l’utilisation de données hydrométriques provenant principalement de stations in situ. Malgré les efforts déployés pour la mise en place et le maintien d’un réseau de stations (hydrométriques ou météorologiques), les gestionnaires de ressources en eau font face à de nombreux problèmes (dégradation des équipements lors des crues, vandalisme, inaccessibilité, moyens financiers pour la maintenance …). Les données satellitaires peuvent enrichir le suivi des ressources en eau, quels que soient les objectifs de ce suivi (gestion stratégique des ressources en eau, gestion des ouvrages, prévision des crues et étiages …). Ces données présentent l’avantage de couvrir à pas-de-temps régulier le monde entier, y compris des territoires difficiles d’accès. A travers plusieurs projets, différents partenaires scientifiques et industriels (IRD, CNES, CLS, CNRS, CENEAU …) ont contribué à évaluer et à valoriser l’usage des données satellitaires pour la gestion des ressources en eau à l’échelle d’un bassin-versant (e.g. l’Amazone) ou d’un territoire (l’Ouganda). L’objectif est de délivrer des indicateurs hydrologiques issus de l’association de modèles hydrologiques, de données in-situ et de données satellitaires. Cet article présente les possibilités et les limites actuelles de l’utilisation des données satellitaires afin d’optimiser le suivi des ressources en eau.

ABSTRACT

Water resources management requires the use of hydrometric data mainly from in situ stations. Despite the efforts made to set up and maintain a network of stations (hydrometric or meteorological), water resource managers face various issues (degradation of equipment during floods, vandalism, inaccessibility, lack of financial means for maintenance, etc.). Satellite data can enrich water resources monitoring, whatever the objectives of this monitoring (strategic management of water resources, management of structures, flood and low-water forecasting, etc.). These data have the advantage of covering the whole world, including territories that are difficult to access, in regular time steps. Through several projects, different scientific and industrial partners (IRD, CNES, CLS, CNRS, CENEAU …) have contributed to assess and enhance the use of satellite data for water resources management at the scale of a catchment (e.g. the Amazon) or a territory (Uganda). The objective is to deliver hydrological indicators from the combination of hydrological models, in-situ data and satellite data. This article presents the current possibilities and limitations of using satellite data to optimise the monitoring of water resources.

1. Introduction

Un nombre croissant de bassins versants est soumis aux aléas climatiques (et à son changement) et à leurs impacts sur la ressource en eau. Or, cette dernière revêt un caractère stratégique pour la survie des populations qui en dépendent plus ou moins directement. La gestion des ressources en eau, aux échelles locale et régionale, nécessite l’utilisation de données hydrométriques et météorologiques. Ces données proviennent traditionnellement de stations in situ, dont la localisation sur un réseau hydrographique conditionne la connaissance des écoulements. Malgré les efforts mis en œuvre dans la mise en place et le maintien d’un réseau de stations (hydrométriques ou météorologiques), les gestionnaires des ressources en eau font face à de nombreux problèmes :

  1. L’emplacement des stations n’est pas systématiquement optimal (localisation inadéquate sur le réseau hydrographique, site d’installation inadéquat), en particulier dans les pays du Sud (contexte géopolitique, difficultés d’accès …) ;

  2. Le nombre de stations fonctionnelles est insuffisant, surtout dans les pays du Sud ;

  3. Les données ne sont pas disponibles sur une période suffisamment longue pour analyser l’historique et comprendre les impacts du changement climatique ;

  4. Il est difficile d’obtenir des informations sur la qualité de la mesure.

Par conséquent, les seules données hydrométriques in situ sont souvent insuffisantes pour le dimensionnement d’ouvrages hydrauliques (lors des événements extrêmes) ou pour gérer la ressource (Vörösmarty et al., Citation2001).

Quant aux données météorologiques de terrain, elles sont souvent trop peu nombreuses, à la fois historiquement et spatialement, ce qui limite leur utilisation (e.g construction d’une pluie spatiale, analyse fréquentielle ; Lebel et al., Citation1997 ; Li & Heap, Citation2008)

Depuis les deux dernières décennies, les données provenant du spatial permettent de compléter en partie les données hydrométriques et météorologiques in situ. Deux domaines d’application du spatial sont particulièrement importants pour l’hydrologie :

  1. L’altimétrie spatiale : les satellites équipés d’altimètres sont couramment employés pour mesurer la hauteur des plans d’eau et/ou des cours d’eau du globe (depuis le précurseur Geosat, en passant par Topex/Poseïdon, ENVISAT, Saral/AltiKa Jason 2 et jusqu’aux Jason-3, Sentinel 3A et 3B, voire la future mission SWOT, etc. ; Paris, Citation2015) ;

  2. La météorologie spatiale : différents centres de recherche s’emploient à intégrer l’information satellitaire, à produire des données spatialisées (pluie, ETP, température) puis à les comparer entre elles avec les données au sol (Satge et al., Citation2019).

Ce potentiel de données spatiales est particulièrement intéressant pour les grands bassins versants de la planète tels que le Nil, le Congo, le Mékong, etc., qui sont souvent les plus démunis en termes de suivi in situ.

En parallèle, le domaine de l’hydrologie est en pleine expansion et développe de nombreux outils d’analyse, de traitement géostatistique et de modélisation. Ces outils peuvent être utilisés afin de générer des informations à des résolutions spatiales variables (pixel de 1 km2 à plusieurs centaines de km2) et temporelles (de 30 minutes au mensuel) même pour des régions dépourvues de mesure.

Le couplage de données spatiales avec les données in situ et différents outils hydrologiques permet de répondre en partie au problème d’instrumentation (Andriambeloson et al., Citation2020 ; Bogning et al., Citation2018 ; Garambois et al., Citation2017 ; Huang et al., Citation2020 ; Paiva et al., Citation2013 ; Paris et al., Citation2016).

L’étude propose l’utilisation d’une approche mêlant altimétrie, données in situ et modélisation dans le cadre de deux projets :

  1. Le projet HydroSim a pour objet d’étudier le bassin versant de l’Amazone ; il est financé par la région Occitanie (France) et piloté par CLSFootnote1 (France) ;

  2. Le projet SmartBasin se concentre sur le réseau hydrographique de l’Ouganda ; il est financé par la Direction Générale du Trésor Public (France) et piloté par BRL Ingénierie.

2. Objectifs et méthode

2.1. Objectifs

Les satellites équipés d’un altimètre peuvent mesurer la hauteur d’un cours d’eau (). Comme tout satellite, ils sont caractérisés par :

  1. Leur orbite ; la trajectoire du satellite autour de la Terre est fixe.

  2. Leur fréquence de passage au-dessus d’un même point ; selon le satellite, elle varie de quelques jours (7 jours) à plus d’un mois.

Figure 1. Trajectoire d’un satellite autour du globe. Notions de traces et d’inter-traces.

Figure 1. Trajectoire d’un satellite autour du globe. Notions de traces et d’inter-traces.

La trace au sol d’un satellite correspond à la projection de son orbite sur la surface de la Terre.

L’objectif des projets HydroSim et SmartBasin est d’utiliser conjointement des données in situ, des données satellites et des modèles hydrologiques pour enrichir la connaissance sur la ressource en eau dans les bassins pré-cités.

2.2. Méthode

2.2.1. Approche générale

L’approche générale appliquée pour les trois projets a suivi les étapes suivantes :

  1. Identification des stations virtuelles,

Sur la zone d’étude, cette étape vise à identifier les sites où les satellites équipés d’altimètre mesurent correctement la hauteur d’eau.

  • (2) Modélisation d’une chronique de débit au droit des stations virtuelles (),

    Figure 2. Schéma de l’approche générale appliquée pour la modélisation du débit au droit des stations virtuelles (BRL Ingénierie).

    Figure 2. Schéma de l’approche générale appliquée pour la modélisation du débit au droit des stations virtuelles (BRL Ingénierie).

Cette étape vise à modéliser le débit au droit des stations virtuelles.

  • – Collecte et analyse de données hydrométriques et météorologiques in situ,

  • – Calage du modèle pluie-débit au droit des stations hydrométriques,

  • – Modélisation du débit au droit des stations virtuelles,

  • – Comparaison des débits modélisés avec les données de l’altimétrie spatiale,

Cette étape vise à mettre en relation les variations de débit modélisé avec les hauteurs d’eau mesurées par l’altimétrie spatiale sur une période historique. Elle permet de construire des courbes de tarage virtuelles.

  • (3) Vérification des débits modélisés au droit des stations virtuelles

Cette étape consiste à calculer en temps réel le débit à partir de la donnée altimétrique, grâce à la courbe de tarage virtuelle.

Cette méthodologie est aujourd’hui fréquemment utilisée dans la communauté scientifique, et s’est révélée utile pour le suivi par satellite de nombreux bassins à travers le globe (Andriambeloson et al., Citation2020 ; Bogning et al., Citation2018 ; Paris et al., Citation2016). Elle est aussi la source du déploiement d’estimations de débits par altimétries libres et gratuites sur le site Theia/Hydroweb (http://hydroweb.theia-land.fr/).

2.2.2. Spécificités de chaque projet

Chaque projet présente des spécificités concernant les données utilisées, les modèles mis en œuvre ou la méthode de vérification des débits modélisés.

Caractéristiques des zones d’études

Les deux zones se distinguent par leur emplacement géographique, la première située en Afrique de l’Est et la seconde en Amérique du Sud.

Ces deux régions sont caractérisées par :

  1. Une pluviométrie, pour l’Ouganda de 600–800 mm (au Nord-Est, région du Karamoja) à plus de 2 000 mm (autour du lac Victoria), pour l’Amazone de 1 000 mm au sud du bassin à 3 500 mm au Nord.

    La pluie moyenne interannuelle du bassin versant de l’Amazone est de 2 210 mm. La particularité de ce bassin est l’inversion des régimes de pluvieux : au nord, les pluies les plus importantes ont lieu durant les mois de mai, juin et juillet alors que pour les régions du sud, les pluies les plus importantes se déroulent pour les mois de novembre, décembre, janvier et février.

  2. Une évapotranspiration potentielle, pour l’Ouganda de l’ordre de 1 000 mm au niveau du Mont Rwenzori et des chaines de volcan à la frontière avec le Rwanda et jusqu’à 1 800 mm au nord-est, dans la région du Karamoja.

    Pour l’Amazone, on note une variabilité moindre avec une évapotranspiration potentielle de 1 500 mm pour le rio négro et de 990 mm pour la rivière Solimoes.

Nous présentons dans le paragraphe suivant les tailles de bassin en superficie (S) en km2 et leur module (Qˉ) en m3/s. Sur l’Ouganda, l’étude se focalise sur l’ensemble du réseau hydrographique qui inclue des bassins versants de différentes tailles : le Nil (S = 427130 km2, Qˉ= 1 289 m3/s), la rivière Mpologoma (S = 3 610 km2, Qˉ = 27 m3/s), la rivière Tochi (S = 2 190 km2, Qˉ = 8,6 m3/s), la rivière Mayanja (S = 2 286 km2, Qˉ = 10,2 m3/s), la rivière Mpanga (S = 4 670 km2, Qˉ = 14,2 m3/s), la rivière Agu (S = 25385 km2, Qˉ = 10 m3/s) et enfin la rivière Semiliki (S = 23620 km2, Qˉ = 8,6 m3/s).

Sur le bassin de l’Amazone, le projet s’est concentré sur les affluents principaux, comme l’Uatuma (S = 4844471 km2, Qˉ = 178500 m3/s), le Solimoes (S = 2364915 km2, Qˉ= 10400 m3/s), le Putamayo (S = 1346439 km2, Qˉ= 62500 m3/s), le Madeira (S = 1331936 km2, Qˉ = 33650 km2), le Tapajos (S = 449197 km2, Qˉ = 13162 m3/s) et l’Ucayali (S = 379207 km2, Qˉ = 12067 m3/s).

Les présentent les stations hydrométriques retenues et leur bassin-versant pour chaque zone d’étude.

Figure 3. Stations hydrométriques et bassins versants étudiés sur le territoire de l’Ouganda.

Figure 3. Stations hydrométriques et bassins versants étudiés sur le territoire de l’Ouganda.

Figure 4. Stations hydrométriques et bassins versants étudiés sur le bassin-versant de l’Amazone.

Figure 4. Stations hydrométriques et bassins versants étudiés sur le bassin-versant de l’Amazone.

Stations virtuelles

Dans le cadre du projet HydroSim, les stations virtuelles disponibles sur HydroWebFootnote2 ont été utilisées. HydroWeb met à disposition les données corrigées de 981 stations virtuelles pour l’ensemble du bassin-versant de l’Amazone, réparties entre 3 missions satellites : 97 stations virtuelles pour les missions satellites Jason et Jason 2, 143 stations virtuelles pour Sentinel-3A et 741 stations virtuelles pour Envisat. Les données altimétriques utilisées s’étendent sur une période allant de septembre 2002 à juin 2019. Selon la mission satellite, les données sont disponibles pour des fréquences de 10 jours (Jason et Jason 2), 27 jours (Sentinel 3A) et 35 jours (Envisat). L’ensemble des stations virtuelles a été retenu.

Pour le projet Smart Basin, 68 stations virtuelles ont été identifiées par CLS sur l’ensemble de réseau hydrographique ougandais et les données brutes ont été extraites. 34 stations virtuelles ont été identifiées pour la constellation Jason2/Jason3 et 34 stations virtuelles ont été identifiées pour le satellite Sentinel 3A. Les données collectées s’étendent sur une période allant de juillet 2008 à février 2019. La fréquence des données disponibles est de 10 jours pour les satellites Jason et Jason 2 et de 27 jours pour Sentinel 3A.

La mesure de la hauteur d’eau par altimétrie spatiale est influencée par :

  • (1) La troposphère sèche et humide ;

  • (2) L’ionosphère et les marées ;

  • (3) La présence d’autres surfaces de la nature qui influencent l’écho mesuré par le satellite ;

  • (4) La localisation de la rivière par rapport à la trace au sol du satellite : écartement du satellite par rapport à la position centrale (évolution d’une centaine de mètre possible) ;

  • (5) L’état de la surface en eau (plan d’eau calme ou agité).

Après réanalyse, les données de 28 stations virtuelles ont été jugées de qualité insuffisante et 39 stations virtuelles ont été retenues.

Données in situ

Dans le cadre du projet HYDROSIM, les données de plus de 1 200 stations pluviométriques ont été récupérées de différents pays (Brésil, Pérou, Bolivie), et de différentes sources (ANA/IRD,Footnote3 SENAMHI PérouFootnote4 et OMMFootnote5). Pour le projet Smart Basin, les données de 17 stations ont été récupérées du Ministère de l’eau et de l’Environnement Ougandais et de l’OMM. Après analyse des données avec l’outil KRITIKOR [EDF-DTG], seulement 413 stations pluviométriques ont été retenues comme pertinentes (minimum de 10 ans de données, seuil sur les lacunes dans les séries, etc.) sur le bassin de l’Amazone et 17 sur l’Ouganda.

Sur le bassin de l’Amazone, les chroniques de débits observés proviennent de l’IRD et de sa base de données HYBAM ; sur l’Ouganda elles proviennent du Ministère de l’Eau et de l’Environnement. Toutes les stations ont été analysées et critiquées. Au final, 119 stations hydrométriques ont été retenues sur le bassin de l’Amazone. Pour l’Ouganda, les données hydrométriques collectées ont été jugées pour la plupart douteuses : au final, sur ce territoire, seulement 8 stations hydrométriques ont été retenues.

Choix du modèle pluie-débit

Dans la littérature, il existe actuellement 2 principaux types de modèles :

  1. Les modèles à base physique, tel que SWAT. Ils représentent les processus de la relation pluie-débit en utilisant les lois physiques régissant ces processus ;

  2. Les modèles conceptuels, tels que les modèles GR. Ces modèles visent à représenter les principaux processus hydrologiques de manière simplifiée sans recourir aux paramétrisations des lois physiques qui les gouvernent.

Ces deux types de modèles présentent chacun des avantages et des inconvénients. Les modèles à base physique, tel que SWAT (Arnold, Citation1998), fournissent une information distribuée sur l’ensemble de la zone d’étude. Une fois le modèle hydrologique calé sur des débits observés au droit des stations in situ (sur l’ensemble d’un bassin, ou sur des parties de ce bassin appelées sous-bassins), le modèle fournit une chronique de débit modélisé sur l’ensemble du réseau hydrographique dont au droit des stations virtuelles.

Le modèle conceptuel GR5J (Le Moine, Citation2008) est un modèle global, c’est-à-dire qu’il y a autant de modèles que de stations. Afin de modéliser le débit au droit des stations virtuelles, il est nécessaire de passer par une étape de régionalisation des paramètres.

Les modèles suivants ont été utilisés selon le projet :

  1. HydroSim : le débit a été modélisé avec le modèle SWAT et avec le modèle GR5J ;

  2. Smart Basin : le débit a été modélisé avec le modèle GR5J.

Performances des modèles mis en œuvre

Dans le cadre du projet HydroSim, une comparaison des débits modélisés par les modèles SWAT et GR5J au droit des stations virtuelles a été réalisée.

3. Résultats & discussions

Nous présentons ci-après les résultats obtenus pour 2 sous bassins versants pilotes du bassin-versant de l’Amazone : les sous bassins Madeira et Tapajos. Ces sous bassins versants ont été modélisés avec 2 modèles pluie-débit : SWAT et GR5J. Sur ces sous bassins versants, 266 stations virtuelles ont été étudiées.

La montre un exemple de corrélation entre la hauteur d’eau mesurée par le satellite et le débit régionalisé du modèle GR. Cette bonne correspondance hauteur d’eau – débit permettrait de construire une courbe de tarage : une variation de hauteur d’eau mesurée par altimétrie spatiale est corrélée avec une variation de débit. Ici, le coefficient de détermination est significatif : 0,95.

Figure 5. Corrélation entre les débits modélisés et les hauteurs d’eau satellites – Courbes de tendance avec une loi polynomiale – Station amz-amz-0139-01 (S =4696804km2)

Figure 5. Corrélation entre les débits modélisés et les hauteurs d’eau satellites – Courbes de tendance avec une loi polynomiale – Station amz-amz-0139-01 (S =4696804km2)

La montre la répartition spatiale des coefficients de détermination R2 entre les débits modélisés (GR5J à gauche et SWAT à droite) et les hauteurs d’eau satellite. Nous nous plaçons dans l’hypothèse que toute variation de hauteur d’eau altimétrique est associée à une variation de débit. Nous supposons également que les débits sont naturels, c’est à dire non ou peu impactés/influencés par des activités anthropiques locales.

Figure 6. Répartition spatiale des coefficients de détermination R2 (hauteur d’eau satellite – débits modélisés) sur les sous bassins versants Madeira et Tapajos. Coefficients de corrélation entre les hauteurs d’eau satellite et les débits modélisés au pas de temps journalier et aux dates pour lesquelles on dispose de données altimétriques et modélisées avec GR5J à gauche et avec SWAT à droite.

Figure 6. Répartition spatiale des coefficients de détermination R2 (hauteur d’eau satellite – débits modélisés) sur les sous bassins versants Madeira et Tapajos. Coefficients de corrélation entre les hauteurs d’eau satellite et les débits modélisés au pas de temps journalier et aux dates pour lesquelles on dispose de données altimétriques et modélisées avec GR5J à gauche et avec SWAT à droite.

La montre clairement que les débits modélisés par les modèles SWAT et GR5J sont bien corrélés avec les hauteurs d’eau des stations virtuelles : en moyenne les R2 sont de 0,79 avec GR5J et de 0,77 avec SWAT. Sur les parties amont des sous bassins versants, les coefficients de corrélation sont plus faibles. Ceci peut s’expliquer par :

  1. la taille réduite des cours d’eau rendant l’interprétation des échos radar plus complexes, et donc présentant une plus grande incertitude sur les valeurs de hauteurs d’eau ;

  2. une moins bonne modélisation des débits (absence de données hydrométriques dans ces parties amont, représentation des précipitations en zone andine complexe, etc.).

Nous avons examiné les coefficients de corrélation en fonction du type de satellite (Sentinel 3A, Jason2 ou Envisat). Pour cela, les coefficients de corrélation ont été analysés en fréquence (classement des valeurs de R2).

La présente les distributions de fréquence des coefficients de corrélation en fonction du type de modèle (GR5J et SWAT) et du type de données satellites :

  1. JASON2 : 2008–2012

  2. ENVISAT : 2002–2010

  3. SENTINEL 3a : 2016–2019

Figure 7. Distribution de fréquence des coefficients de détermination en fonction du type de modèle et du type de données satellites.

Figure 7. Distribution de fréquence des coefficients de détermination en fonction du type de modèle et du type de données satellites.

De manière générale, il est important de noter que les deux modèles donnent de bonnes corrélations entre le débit modélisé et la hauteur d’eau satellitaire et ce, quel que soit le produit satellitaire (compte tenu de l’ensemble des hypothèses pour chacun des modèles et des données satellites). Toutefois, les coefficients de corrélation calculés avec le produit Sentinel 3A et la modélisation SWAT sont moins élevés que sur les autres données. Ceci s’explique par le nombre de données en commun : le modèle SWAT s’arrête en 2016. Le R2 n’est pas significatif d’un point de vue statistique.

Sur le réseau hydrographique de l’Ouganda, 39 stations virtuelles ont été étudiées. La montre la répartition spatiale des coefficients de détermination R2 entre la hauteur d’eau satellite et le débit modélisé sur le réseau hydrographique de l’Ouganda.

Figure 8. Répartition spatiale des coefficients de détermination R2 (hauteur d’eau satellite – débits modélisés) sur le réseau hydrographique de l’Ouganda.

Figure 8. Répartition spatiale des coefficients de détermination R2 (hauteur d’eau satellite – débits modélisés) sur le réseau hydrographique de l’Ouganda.

Sur l’Ouganda, les résultats sont moins bons que ceux de l’Amazone. En particulier à cause du manque de données in situ collectées, ce qui n’a pas permis pour le moment de caler suffisamment (en qualité et en quantité) de modèles pluie-débit et de pouvoir correctement régionaliser leurs paramètres.

4. Conclusions et perspectives

Les données satellitaires ont l’avantage de couvrir la terre entière et fournissent des informations altimétriques régulières et homogènes (mêmes méthodes de mesure) sur des régions avec peu ou pas de mesures in situ. Les projets HydroSim et Smart Basin confirment l’intérêt de ces informations spatiales, en particulier de l’altimétrie spatiale, pour le suivi des ressources en eau continentales.

La combinaison des données issues de l’altimétrie spatiale et des outils de l’hydrologie vise à compléter efficacement les réseaux de collecte in situ. Dans le cadre des projets HydroSim et Smart Basin, il est envisagé dans un futur proche d’utiliser systématiquement les données d’altimétrie spatiale pour confirmer les résultats de modélisations hydrologiques en temps réel en de nombreux points du réseau. Il sera possible, dans quelques mois, d’utiliser des informations satellitaires supplémentaires suite au lancement de la mission Surface Water Ocean Topography (SWOT) (Biancamaria et al., Citation2016) avec une résolution temporelle et spatiale beaucoup plus précise que les précédents satellites.

Les outils d’analyse produits dans le cadre de ces deux projets seront probablement utilisés par les hydrologues de demain.

Déclaration de divulgation

L’auteur ne déclare aucun intérêt concurrent.

Disponibilité des données

Les données relatives aux résultats de cette étude sont disponibles auprès de l’auteur, Thomas Legay, suivant une requête raisonnable.

Remerciements

Les résultats présentés dans cet article sont issus du travail de plusieurs partenaires : BRLi, CENEAU, CLS, CNES, CNRS, DG-Trésor, IRD et Région Occitanie.

Disclosure statement

No potential conflict of interest was reported by the author(s).

Notes

2. http://www.legos.obs-mip.fr/fr/soa/hydrologie/hydroweb/ développé par le CNES/LEGOS (France).

3. IRD : Institut de Recherche pour le Développement (https://www.ird.fr/).

4. SENAMHI Pérou: Servicio Nacional de Meteorología e Hidrología del Perú (http://www.senamhi.gob.bo/).

5. OMM : Organisation Météorologique Mondiale (https://public.wmo.int/fr).

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