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Special Section: Prévision des crues et inondations, Novembre 2023

Consensus hydrologique de la tempête ALEX du 2 et 3 octobre 2020 dans les Alpes-Maritimes

Towards a hydrological consensus about the 2–3 October 2020 ALEX storm event in the French “Alpes-Maritimes” region

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Article: 2363619 | Published online: 24 Jun 2024

RÉSUMÉ

Suite aux inondations catastrophiques les 2 et 3 octobre 2020 dans le département des Alpes-Maritimes, le Cerema a été chargé de coordonner une expertise hydrologique sur les bassins versants du Var et de la Roya. Elle a été réalisée dans le cadre d’un retour d’expérience (RETEX) technique piloté par la Direction Départementale des Territoires et de la Mer (DDTM 06) pour le compte du Préfet des Alpes-Maritimes. Les principaux résultats, qui ont fait l’objet d’un consensus avec les partenaires, permettent de caractériser l’évènement ALEX pour les vallées de l’Estéron, de la Tinée, de la Vésubie, du Var et de la Roya. Le travail de consensus s’est appuyé sur une comparaison graphique de diverses approches d’estimations provenant des différents organismes impliqués. L’objectif était de faciliter la visualisation des convergences et divergences des multiples estimations de débits de pointe pour aboutir à un consensus. Le résultat final permet la fourniture de graphiques de débit de pointe par vallée avec des estimations basses et hautes. Cela permet un partage commun d’information associé à des incertitudes des débits sur ce type de retour d’expérience, en particulier dans un contexte torrentiel.

ABSTRACT

Following the catastrophic floods on 2 and 3 October 2020, in the Alpes-Maritimes department, Cerema has been asked to coordinate a hydrological expertise on the Var and Roya river basins. It was carried out within the framework of a technical post-event survey (RETEX) led by the Departmental Directorate of Territories and the Sea (DDTM 06) on behalf of the Prefect of the Alpes-Maritimes. The main results, which were the subject of a consensus with the partners, make it possible to characterise the ALEX event for the Estéron, Tinée, Vésubie, Var and Roya rivers. The consensus work was based on a graphical comparison between various approaches provided by different organisations. The aim was to facilitate the visualisation of the differences between the various estimations of peak flows to reach a consensus. The final result provides peak flow graphs by valley with low and high estimations. This allows a common sharing of information associated with flow uncertainties on this type of flood event, especially in a torrential context.

1. Retour sur l’événement hydrométéorologique ALEX

1.1. Une pluviométrie exceptionnelle

Après avoir touché l’Ouest de la France, la tempête ALEX a provoqué des pluies intenses et persistantes dans les Alpes-Maritimes, du vendredi 2 octobre 2020 en début de matinée jusqu’au milieu de la nuit du vendredi au samedi 3 octobre, avant de s’évacuer en direction de l’Italie. Ces zones de relief sont difficilement couvertes par les radars météorologiques et peu de postes pluviométriques y sont implantés, d’où une sous-estimation des pluies en temps réel. La pluviométrie de cet épisode est localement exceptionnelle, sur des durées comprises entre 6 heures et 24 heures, et dépasse les maximums connus dans les Alpes-Maritimes et la région Provence Alpes Côte d’Azur. Avec 663 mm en 24 heures au poste pluviométrique des Mesces sur le bassin de la Roya (Gestionnaire EDF), l’évènement du 2 octobre 2020 rejoint la catégorie des évènements extrêmes et des records historiques recensés en France sur le pourtour méditerranéen (Cerema, Citation2021–2).

La fournit les résultats de cumul maximum sur 24 heures provenant d’une réanalyse de la lame d’eau Météo France à partir de très nombreux postes pluviométriques, français et italiens et d’organismes très divers.

Figure 1. Cumul maximal de pluie sur une durée de 24 h lors de la tempête ALEX.

Figure 1. Cumul maximal de pluie sur une durée de 24 h lors de la tempête ALEX.

Dans le bassin versant de la Roya (Est), s’écoulant vers l’Italie, des cumuls de pluie ont dépassé les 500 mm en 24 h sur la rive droite de la Roya.

Sur le bassin versant du Var (Ouest), la Vésubie amont est touchée par des cumuls moindres mais de manière plus homogène que la Roya. Sur la Tinée, le secteur le plus touché (plus de 500 mm en 24 h) se situe juste à l’aval avant sa confluence avec le fleuve Var. Le Var amont et la Tinée amont sont épargnés par les très forts cumuls. Pour finir sur le bassin versant du Var, l’Estéron est touché par des cumuls moindres.

1.2. Une crue particulièrement morphogène

Ces fortes pluies, particulièrement intenses sur certaines parties des hauts bassins versants ont provoqué une rapide augmentation des débits ; les pics de crue ont été atteints en quelques heures seulement. L’expertise hydrologique visait à quantifier les débits de pointe en différents points des cours d’eau touchés par l’événement. Cette estimation est particulièrement complexe pour les raisons suivantes :

  • La violence des écoulements a provoqué des évolutions morphologiques majeures et irréversibles, tant en extension qu’en altimétrie, dans les lits mineurs et majeurs de la Tinée, de la Vésubie () et de la Roya listés d’Ouest en Est. Dans certains secteurs, les comparaisons topographiques avant et après évènement indiquent que l’altitude du fond a varié de plusieurs mètres, avec des phénomènes de surcreusement (incision du lit) ou de comblement (exhaussement). La largeur de la bande active a également subi de profondes modifications avec de fortes érosions de berges. De plus, la géométrie du cours d’eau au moment du pic de crue n’est pas connue. Des hypothèses très fortes ont donc dû être retenues sur cette donnée d’entrée qui influence directement et fortement les calculs de capacité hydraulique des cours d’eau ;

    Figure 2. Vésubie – Photos IGN aériennes avant/après ALEX et photo oblique Cerema sur le secteur de Roquebillière.

    Figure 2. Vésubie – Photos IGN aériennes avant/après ALEX et photo oblique Cerema sur le secteur de Roquebillière.

  • Des volumes considérables de matériaux érodés ont été charriés (transport solide), des tronçons entiers de ripisylve (forêts alluviales) ont été emportés et ont provoqué des embâcles sur les ouvrages, des berges, des ponts, des portions de route et de nombreuses habitations ont été détruites. De plus, la chronologie de ces évènements est peu ou pas documentée. La prise en compte de ces phénomènes naturels complexes est illusoire dans les calculs hydrauliques utilisés classiquement en ingénierie opérationnelle.

2. Estimations des débits de pointe

Il n’y a pas de solution unique pour estimer les débits de pointe lors de tempête type ALEX. Pour cela, les différents partenaires se sont appuyés sur plusieurs méthodes listées ci-dessous.

2.1. Exploitation des données hydrométriques

Dans le cas de crues de grands cours d’eau, les données hydrométriques sont souvent centrales dans les estimations de débit et de périodes de retour, de temps de propagation d’une station à une autre et de calcul de volume écoulé.

Les mesures de hauteur d’eau au droit des stations hydrométriques apportent également des informations sur la dynamique de crue (chronologie de la montée des eaux). Cependant, dans le cas de la tempête ALEX, certains capteurs ont été arrachés (cas du bulle à bulle à Utelle sur la Vésubie), vu la violence des phénomènes et l’importance du transport solide. Les capteurs d’une même station ont parfois fourni des mesures incohérentes (limites physiques et techniques des mesures, surfaces d’écoulements très irrégulières et perturbées). Sur la Tinée et la Vésubie, l’important transport solide et les changements morphologiques qui en découlent viennent modifier les relations hauteur débit au droit des stations et rendent inapplicables les courbes de tarage établies avant l’événement. Aucun jaugeage n’a été effectué pendant cet évènement étant donné la rapidité, la dangerosité des phénomènes et les difficultés d’accès (routes coupées). Des vidéos « amateurs » ont été récupérées mais leur exploitation sur les parties amont était trop complexe (écoulements très irréguliers).

2.2. Approches par modélisation hydrodynamique

Au-delà de ces quelques stations, les modèles numériques utilisés par le Cerema (Citation2021), les évaluations réalisées dans le cadre d’HyMeX (Payrastre et al., Citation2022) et les estimations RTM, simulent l’écoulement de débits injectés dans le cours d’eau, pour essayer d’atteindre les niveaux des repères des plus hautes eaux (PHE) ou ceux des traces laissées par les crues lors des débordements (laisses de crues ; ). De nombreuses incertitudes conduisent à ne pouvoir techniquement proposer, sur de nombreux secteurs étudiés, que des intervalles de débits jugés plausibles.

Figure 3. Exemples de méthodes de cartographies par approche hydraulique suite à des reconnaissances terrain – Approche hydraulique 1D (bandeau de gauche, de haut en bas, Vésubie, Station d’Utelle), mesure terrain de laisses de crue, calcul 1D pour atteindre les niveaux mesurés – Approche hydraulique 2D (bandeau de droite, de haut en bas, Roya secteur de Tende), Analyse de l’extension de la crue (marque sur les escaliers Google Street View) avec le survol IGN post-ALEX et comparaison avec un modèle hydraulique 2D basé sur le Lidar IGN post-ALEX.

Figure 3. Exemples de méthodes de cartographies par approche hydraulique suite à des reconnaissances terrain – Approche hydraulique 1D (bandeau de gauche, de haut en bas, Vésubie, Station d’Utelle), mesure terrain de laisses de crue, calcul 1D pour atteindre les niveaux mesurés – Approche hydraulique 2D (bandeau de droite, de haut en bas, Roya secteur de Tende), Analyse de l’extension de la crue (marque sur les escaliers Google Street View) avec le survol IGN post-ALEX et comparaison avec un modèle hydraulique 2D basé sur le Lidar IGN post-ALEX.

Le principal paramètre de réglageFootnote1 des modèles (le frottement) est difficile à estimer précisément dans ce genre de cours d’eau et pour un évènement de cette ampleur. On est donc contraint d’associer un intervalle plausible de valeurs de ce paramètre de frottement avec un intervalle de valeurs de débits, afin de reproduire les hauteurs d’eau atteintes.

2.3. Approches par modélisation hydrologique

Afin de valoriser les données pluviométriques, d’autres partenaires ont utilisé des modèles hydrologiques dont l’objectif est de convertir les pluies en débits dans les cours d’eau. Ces modèles sont sensibles à divers paramètres de calcul, notamment ceux caractérisant la part des pluies s’infiltrant dans le sol des bassins versants et celle ruisselant et contribuant aux écoulements de surface alimentant les cours d’eau. Ces paramètres sont difficiles à caractériser et varient en fonction notamment de la nature des sols et sous-sols, de leur degré de saturation initiale, de l’intensité et de la durée des pluies. Plusieurs types de modèles hydrologiques ont été utilisés, des modèles continus (avec un paramétrage défini) et des modèles évènementiels. Pour ces derniers le réglage/calage des paramètres du modèle nécessite de s’appuyer en général sur des mesures avec reconstitution d’un hydrogramme de crues. Le calage s’effectue sur la base d’analyses de sensibilité du modèle hydrologique aux paramètres (). La tempête ALEX ayant été très dynamique, le calage ne peut s’effectuer parfois que sur la partie de la crue mesurée aux stations de mesure ou sur le pic de crue.

Figure 4. Modélisation hydrologique et sensibilité aux paramètres du Curve Number (Modèle KLEM – UCA).

Figure 4. Modélisation hydrologique et sensibilité aux paramètres du Curve Number (Modèle KLEM – UCA).

3. Construction d’un consensus hydrologique

Pour confronter ces résultats et leur cohérence d’ensemble, un consensus de ces différentes approches (hydrométrie, hydraulique et hydrologique) a été lancé (Cerema et al., Citation2021 ; Pons et al Citation2022a–1 ; Pons et al., Citation2022b–2). Un travail commun des acteurs opérationnels et de ceux issus de la recherche est nécessaire dans ce type d’évènement afin de partager et mutualiser les connaissances et expertises (fonctionnement du territoire, mesures, etc.), ainsi que répondre à l’ensemble des besoins (). L’objectif recherché en matière d’efficience publique était également d’aboutir à la production de données techniques qui résulte d’un consensus des acteurs impliqués et concernés, et couvrant l’ensemble des secteurs touchés. Un des facteurs de réussite repose sur le temps consacré à l’aboutissement de ce type de consensus.

Tableau 1. Eléments techniques fournis par chaque organisme.

3.1. Représentation des données

L’objectif était de comparer, d’évaluer et de proposer des intervalles de débit dans les différentes vallées touchées. Pour atteindre un consensus, toutes les données ont été mises en commun et standardisées. Un atelier de travail et de nombreux échanges ont permis à chaque équipe de partager ses connaissances et les incertitudes associées à son travail.

Pour chaque cours d’eau, un graphique est proposé ( à ) avec :

Figure 5. Vésubie – Estimations fournies par les réseaux de mesure.

Figure 5. Vésubie – Estimations fournies par les réseaux de mesure.
  • en abscisse (axe horizontal), la surface du bassin versant. L’axe des abscisses évolue de l’amont (faibles surfaces drainées) vers l’aval (fortes surfaces drainées) du cours d’eau ;

  • en ordonnée (axe vertical), les estimations de débits de pointe.

Sur l’axe des abscisses, les affluents principaux sont notés avec leur nom et la surface drainée associée. Sur les principaux cours d’eau, sous l’axe des abscisses, les communes en rive droite et en rive gauche des cours d’eau sont indiquées.

Les diverses estimations de débits, sur l’exemple de la Vésubie, sont représentées successivement provenant des réseaux de mesure (), des estimations issues de modèles ou de calculs hydrauliques (), des estimations issues de modèles hydrologiques () et des valeurs de débits de pointe qualifiées en termes de période de retour (). Ces dernières valeurs de débits de pointe proviennent des données issues des études d’aléas de Plans de Préventions de Risques d’inondations, d’études locales ou de la base de données SHYREG (INRAE).

Figure 6. Vésubie – Estimations issues de modèles ou de calculs hydrauliques.

Figure 6. Vésubie – Estimations issues de modèles ou de calculs hydrauliques.

Figure 7. Vésubie – Estimations issues de modèles hydrologiques.

Figure 7. Vésubie – Estimations issues de modèles hydrologiques.

Figure 8. Vésubie – Valeurs de débits de pointe qualifiées en termes de période de retour.

Figure 8. Vésubie – Valeurs de débits de pointe qualifiées en termes de période de retour.

Il est intéressant de voir la répartition géographique des estimations :

  • La station d’Utelle a pu fournir une estimation basse en bas de vallée (),

  • Les estimations hydrauliques sont fournies uniquement sur quelques secteurs qui pouvaient faire l’objet de tests d’estimations hydrauliques (), de nombreux secteurs avec un fort transport solide ayant été écartés,

  • Les estimations hydrologiques sont beaucoup plus continues, les modèles fournissant des données en de nombreux endroits (). Nous avons fait le choix de montrer la sensibilité aux paramètres de calage des modèles SCS,

  • Et nous avons également représenté les débits de pointe des études anté-ALEX (), utiles aussi pour montrer les écarts de ce type d’estimations (valeurs disponibles avant la crue).

3.2. Recherche d’un consensus hydrologique

Avec la mise dans un standard de comparaison de ces différentes valeurs, il a été ensuite plus aisé de comparer les différentes approches. Cette comparaison a permis à chaque partenaire de voir son positionnement par rapport à un large panel d’estimations. Dans un premier temps, les estimations sortant d’une fourchette de valeurs communes ont été souvent retirées par leur propre producteur. Un produit de cet atelier a été la livraison de fourchettes de débits sur de très nombreux tronçons affectés par la tempête en compilant les éléments des à . La présente l’exemple du rendu pour la Vésubie. Dans un deuxième temps, seules les données qui semblaient cohérentes entre elles ont été retenues, certaines ayant été écartées après des discussions techniques sur leur représentativité. Le croisement d’approches permet de réduire les fortes incertitudes inhérentes à ce type d’estimations dans le contexte de la tempête (cf. plus haut) et de disposer sur l’ensemble des vallées d’une estimation des débits de pointe jugée plausible et dans tous les cas partagée. Ce travail d’analyse a été mené sur plus d’une vingtaine de cours d’eau. Les principaux cours d’eau, disposant de plusieurs approches d’estimation, ont fait l’objet d’une démarche supplémentaire afin de retenir une fourchette de valeurs de débits de pointe sur des points d’intérêt (Roya, Vésubie, Tinée, Var, Estéron …). La fourchette de valeur retenue est représentée en noir pour la Vésubie () à la confluence avec le cours d’eau principal. Ainsi, en fonction de besoins spécifiques, et en ces points d’intérêt, l’utilisateur est en mesure de faire sa propre démarche d’analyse afin de retenir une fourchette des débits de pointe de la tempête Alex.

Figure 9. Vésubie – Comparaison des débits de pointe entre méthodes.

Figure 9. Vésubie – Comparaison des débits de pointe entre méthodes.

La fréquence d’occurrence de tels débits a également été recherchée. L’évaluation des périodes de retour des débits de pointe est particulièrement complexe pour des évènements rares, en l’absence de longues séries de données fiables. Pour les estimer, la démarche de consensus s’est appuyée sur les valeurs indiquées dans les études produites pour l’établissement des Plans de prévention des risques inondations (PPRi), disponibles sur le site de la préfecture des Alpes-Maritimes, une compilation de données de débits « 100 ans » provenant de l’ONF/RTM ainsi que sur les résultats statistiques des modélisations effectués par l’INRAE (base de données SHYREG ; ). L’estimation des périodes de retour dans ces gammes de débit de pointe doit être appréciée avec beaucoup de prudence et de modestie.

Sur la Roya et la Vésubie, les estimations des débits de pointe atteints durant la tempête Alex issues de la démarche de consensus atteignent ou dépassent les plus fortes valeurs de débits annoncées dans les études antérieures réalisées pour l’établissement des PPRi. Sur les autres cours d’eau étudiés (Tinée, Estéron, Var amont et aval), les estimations sont plutôt inférieures aux débits qualifiés de centennaux dans les études précitées. Ces résultats sont à analyser au cas par cas sur les affluents fortement touchés de la Tinée aval, certains affluents de la Vésubie, et les affluents en rive droite de la Roya. Ils ont fait l’objet d’un porter à connaissance auprès des acteurs locaux (Préfecture Alpes-Maritimes, Citation2021a–1).

Ce travail de consensus établi sur les débits dans le cadre de la partie hydrologique du Retex doit être mis en parallèle avec la partie torrentielle du Retex pilotée par l’ONF/RTM (Préfecture Alpes-Maritimes, Citation2021b–2). Le débit de pointe, facteur important et majeur ne doit pas faire oublier que l’intensité des transports solides et des modifications morphologiques, en particulier sur les parties amont de la Vésubie et de la Roya, comme sur bon nombre de leurs affluents et de la Tinée aval, peuvent avoir des fréquences inférieures (périodes de retour plus importantes) à celle estimées pour les débits, favorisée en particulier par la durée de la crue.

4. Synthèse

Les estimations de débit de pointe sont souvent menées lors d’épisodes majeurs, à des échelles opérationnelles locales comme pour rechercher l’évènement le plus important connu dans le cadre de PPRi (JORF n°0156 du 7 juillet, Citation2019) et à des échelles internationales dans le cadre de travaux de recherche (Gaume et al., Citation2009).

La recherche d’un consensus post-ALEX, à l’échelle des vallées touchées, entre les acteurs opérationnels et ceux issus de la recherche nous semble originale.

Pour les travaux sur la tempête Alex, de nombreuses méthodes ont été utilisées par les différents partenaires pour estimer les débits au cours de ce type d’évènements extrêmes en région méditerranéenne. Il ressort de l’analyse qu’une seule discipline (hydrométrie, hydrologie, hydraulique, terrain …) ne permet pas de déterminer de manière incontestable des débits de pointe mais qu’une analyse croisée des diverses estimations permet d’aboutir à un consensus partagé. Le principal apport a été de mettre en place un outil graphique facilitant le partage entre acteurs et les comparaisons sans pour autant privilégier une approche. Les différentes techniques d’estimations ont toutes un intérêt en fonction du secteur traité et en raison du caractère torrentiel des écoulements. Les graphiques, représentant à la fois les cours d’eau/affluents et les communes, répondent à la fois aux besoins des scientifiques et techniciens travaillant sur le bassin versant, la rivière, ou l’affluent, mais également à ceux des élus et des autorités qui travaillent à cette échelle administrative (en particulier la commune). Cette représentation simple a permis à un large public de comprendre ces estimations par rapport à ses intérêts, et de représenter les fortes variations de débits au niveau de certains affluents contributeurs majeurs, comme sur la Tinée aval. La représentation des fourchettes d’incertitudes fournies pour les diverses estimations ont aussi contribué à sensibiliser les divers acteurs à la difficulté de ce type d’exercice.

La Préfecture des Alpes-Maritimes, « a porté à connaissance des valeurs « de référence administrative » de débits pour ces crues, lesquelles ne devront pas faire oublier les marges d’incertitude, parfois importantes qui les accompagnent. Ces éléments sont essentiels pour la planification et le dimensionnement des aménagements et la bonne appréhension d’éventuelles crises ».

Ce travail est une contribution au socle de connaissance de la tempête ALEX, important à capitaliser sur ce type d’évènement. Les valeurs « administratives » de débit de pointe retenues sont à utiliser dans le cadre réglementaire défini dans le Porter à Connaissance. En complément, les fourchettes hautes et basses peuvent être utilisées par la communauté scientifique pour des analyses de sensibilités de modèles, ou des acteurs opérationnels dans la conception d’aménagements pour évaluer les hauteurs d’eau, des emprises d’inondations ou des champs de vitesses très sensibles aux valeurs de débit considérées.

Notes

1 Le terme « réglage » est employé ici plutôt que « calage » utilisé dans la terminologie classique, car ce dernier suppose de s’appuyer sur des données de niveaux d’eau atteints en crue plus exhaustives, précises et fiables (faible degré d’incertitudes) que celles disponibles dans le retour d’expérience

Références

  • Cerema. (2021), RETEX technique ALEX, Inondations des 2 et 3 octobre 2020 Expertise hydrologique, Rapport d’étape
  • Cerema, D. D. T. M. 0. 6., PACA, D. R. E. A. L., EauAzur, E. D. F., INRAE, M. N. C. A., & ONF-RTM, S. M. I. A. G. E. (2021). SPC (Météo France), UCA, Univ. Eiffel. RETEX technique ALEX, Inondations des 2 et 3 octobre 2020. Consensus Hydrologique.
  • Gaume, E., Bain, V., Bernardara, P., Newinger, O., Barbuc, M., Bateman, A., Blaškovičová, L., Blöschl, G., Borga, M., Dumitrescu, A., Daliakopoulos, I., Garcia, J., Irimescu, A., Kohnova, S., Koutroulis, A., Marchi, L., Matreata, S., Medina, V., Preciso, E., … Viglione, A. (2009). A compilation of data on European flash floods. Journal of Hydrology, 367(1–2), 70–9. https://doi.org/10.1016/j.jhydrol.2008.12.028
  • JORF n°0156 du 7 juillet (2019). Décret n° 2019-715 du 5 juillet 2019 relatif aux plans de prévention des risques concernant les « aléas débordement de cours d’eau et submersion marine » – NOR : TREP1909017D https://www.legifrance.gouv.fr/eli/decret/2019/7/5/TREP1909017D/jo/texte
  • Payrastre, O., Nicolle, P., Bonnifait, L., Brigode, P., Astagneau, P., Baise, A., Belleville, A., Bouamara, N., Bourgin, F., Breil, P., Brunet, P., Cerbelaud, A., Courapied, F., Devreux, L., Dreyfus, R., Gaume, E., Nomis, S., Poggio, J., Pons, F., … Sevrez, D. (2022). Tempête Alex du 2 octobre 2020 dans les Alpes-Maritimes : Une contribution de la communauté scientifique à l’estimation des débits de pointe des crues. LHB. https://doi.org/10.1080/27678490.2022.2082891
  • Pons, F., Bonnifait, L., Criado, D., Payrastre, O., Billaud, F., Brigode, P., Fouchier, C., Gourbesville, P., Kuss, D., Le Nouveau, N., Martin, O., Nomis, S., Paquet, E., & Cardelli, B. 2022a, May 23–27. Towards a hydrological consensus about the 2nd–3rd October 2020 ALEX storm event in the French “Alpes Maritimes” region. EGU General Assembly 2022. EGU22-7913. https://doi.org/10.5194/egusphere-egu22-7913
  • Pons, F., Bonnifait, L., Criado, D., Payrastre, O., Billaud, F., Brigode, P., Fouchier, C., Gourbesville, P., Kuss, D., Le Nouveau, N., Martin, O., Nomis, S., Paquet, E., & Cardelli, B. (2022b, June). Towards a hydrological consensus about the 2nd–3rd October 2020 ALEX storm event in the French “Alpes Maritimes” region. IAHS Scientific Assembly. https://doi.org/10.5194/iahs2022-383
  • Préfecture Alpes-Maritimes. (2021a). Tempête Alex – Retour d’expérience technique – Données hydrométéorologique.
  • Préfecture Alpes-Maritimes. (2021b). Tempête Alex – Retour d’expérience technique – Volet torrentiel.