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Special Section: Prévision des crues et inondations, Novembre 2023

Prévision des crues en milieu montagneux sous climat tropical : exemple de La Réunion

Flood forecasting in tropical mountainous regions: example of Reunion island

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Article: 2374540 | Published online: 23 Jul 2024

RÉSUMÉ

La Cellule de Veille Hydrologique (CVH) de La Réunion assure la surveillance de 17 cours d’eau sur ce territoire montagneux sous climat tropical. Du fait des spécificités hydrométéorologiques de l’île et de la jeunesse de la CVH, la cellule n’affiche pas encore pour le grand public une vigilance crues à 24 h mais émet, depuis 2015 via le site www.vigicruesreunion.re, des vigilances “à réaction ou avec une faible anticipation”, qui s’apparentent à de la surveillance. Une stratégie de passage à la prévision a été mise en place depuis 2020 avec des résultats opérationnels déjà présents. Cette stratégie repose sur le croisement des résultats issus d’abaques et de deux modèles hydrologiques développés par INRAE (GRP et SMASH) alimentés par les lames d’eau observées (ANTILOPE) et prévues (AROMEOI). Les scores de performance des outils de prévision hydrologique sont jugés satisfaisants avec des perspectives qui laissent espérer le passage à une vigilance à 24 h à moyen terme.

ABSTRACT

The Hydrological Watch Cell of La Reunion is responsible for flood monitoring of 17 subcatchments in a context of tropical mountainous region. Currently only flood observations are published on the public flood information website (www.vigicruesreunion.re). A strategy to increase forecasting capabilities has been set up and implemented since 2020. This plan is based on flood forecasting systems developed by INRAE: the GRP (GR model for flood Prediction) tool for flood forecasting based on a lumped hydrological model with flow assimilation and the SMASH tool (Spatially distributed Modelling and Assimilation for Hydrology) based on a distributed modelling approach. The forcing data are based on the radar product ANTILOPE and rainfall forecasts issued by the regional weather model AROMEOI developed and operated by MeteoFrance. The performances of hydrological systems are promising, with interesting perspectives in terms of improvement in forecasting efficiency.

1. Contexte hydro-météorologique de La Réunion

Le climat de l’île de La Réunion est tropical humide. Mais il se singularise surtout par de grandes variabilités liées à la géographie de l’île. L’influence du relief (le Piton des Neiges culmine à 3070 m) est tout aussi fondamentale que les effets de l’insularité (Jumaux et al., Citation2011). Qu’elles soient d’origine advective ou d’évolution diurne, les précipitations tendent à se concentrer sur les régions directement exposées à l’humidité océanique apportée par les alizés de secteur Est : régions “au vent”. A l’inverse, les régions “sous le vent”, qui bénéficient de l’abri du relief, sont beaucoup plus sèches et les régimes de brise y sont prédominants (Jumaux et al., Citation2011). Le climat tropical humide associé à l’influence du relief entraîne une pluviométrie très importante (plus de 10 m par an dans certains secteurs de l’île) caractérisée par les records mondiaux de cumuls de pluies entre 12 heures et 15 jours (Jumaux et al., Citation2011).

La Réunion est une île de petite taille (2 500 km2) avec un relief marqué. Il en résulte des bassins versants avec des tailles réduites, en moyenne d’une trentaine de kilomètres carrés (213 km2 pour le plus grand), avec des pentes marquées (95 % du réseau hydrographique de l’île est caractérisé par une pente supérieure à 1%). Malgré une forte capacité d’infiltration due à la pédologie et la géologie du territoire, les temps de concentration n’en demeurent pas moins très courts, avec un maximum de l’ordre de 5 heures pour les plus grands bassins versants. Ces caractéristiques couplées à des précipitations de très fortes intensités engendrent des crues rapides et violentes.

2. Stratégie de la CVH Réunion pour la prévision des crues

Actuellement, la Cellule de Veille Hydrologique (CVH) de La Réunion qui a été créée en 2010, assure la surveillance de 17 cours d’eau de l’île, avec une trentaine de stations permettant un suivi des hauteurs d’eau en quasi temps réel (pas de temps de 5 min). Du fait des spécificités hydrométéorologiques de l’île et de la jeunesse de la CVH, la cellule n’affiche pas encore pour le grand public une vigilance crues à 24 h mais émet, depuis 2015 via le site www.vigicrues-reunion.re, des vigilances “à réaction ou avec une faible anticipation” qui s’apparentent à de la surveillance sur les 17 cours d’eau du réseau Vigicrues Réunion (voir ). Une stratégie de passage à la prévision a été mise en place depuis 2020 avec des résultats opérationnels déjà présents. Toutefois le passage à une vigilance à 24 h, dans le cadre édicté par l’instruction gouvernementale de juin 2021, reste compliqué à atteindre pour des raisons techniques liées notamment à la prévision quantitative des pluies sur le secteur. En effet, du fait de la faible taille des bassins versants de l’île, caractérisés par des temps de réponse très courts et la variabilité spatio-temporelle des pluies, la seule possibilité de prévenir le niveau de risque maximal sur un cours d’eau pour une échéance donnée (supérieure au temps de réaction des bassins) est d’objectiver d’un point de vue hydrologique les prévisions de pluies données par les modèles météorologiques disponibles sur la région Sud-Ouest de l’Océan Indien, en particulier le modèle AROME Océan Indien (largeur de maille : 1.3 km) de Météo France. La stratégie de prévision des crues de la CVH Réunion repose donc sur le croisement des résultats issus d’abaques et de deux modèles hydrologiques développés par INRAE (GRP et SMASH) alimentés par les lames d’eau observées (ANTILOPE) et prévues (AROME-OI).

Figure 1. Réseau Vigicrues Réunion au 1er Octobre 2022 sur lequel des vigilances à réaction sont émises.

Figure 1. Réseau Vigicrues Réunion au 1er Octobre 2022 sur lequel des vigilances à réaction sont émises.

3. Développement des outils de prévision et application opérationnelle

Les outils de prévision de la CVH Réunion permettant d’estimer la fourchette de débits de pointe maximaux pour une échéance donnée (a priori 24 heures) sur les cours d’eau surveillés reposent sur des approches empiriques ou conceptuelles :

  • Abaques : approche globale et empirique basée sur les caractéristiques pertinentes des pluies au vu du contexte hydrologique de l’île : seuils de cumul de pluies sur 1 h ou 3 h et d’intensité des précipitations en lien avec le temps de concentration pour chaque bassin versant.

  • Boucle de modélisation hydrologique basée sur le modèle GRP (Viatgé et al., Citation2019) développé par INRAE-HYCAR pour 12 cours d’eau : modèle continu, conceptuel, global à 3 paramètres avec assimilation de données (Tilmant & Perrin, Citation2021).

  • Boucle de modélisation hydrologique basée sur la plateforme SMASH (Spatially-distributed Modelling and ASsimilation for Hydrology) développée par INRAE-RECOVER (Jay-Allemand et al., Citation2020) et HYDRIS hydrologie : modèle continu, conceptuel, distribué et régionalisé à l’échelle de l’île (Organde et al., Citation2021).

3.1. Boucle de modélisation hydrologique basée sur le modèle GRP

Concernant la boucle de modélisation basée sur le modèle GRP 2018 (Viatgé et al., Citation2019), celui-ci a été calé aux pas de temps 15 minutes et horaire entre le 01/12/2013 et le 31/12/2019 pour s’adapter à la disponibilité des données de pluies notamment (ANTILOPE). Différents tests de sensibilité ont été réalisés sur les options de calage du modèle (configuration de correction des erreurs, seuil de calage, seuil de vigilance) pour évaluer le modèle et convenir d’une configuration optimale.

De manière générale, l’efficacité du modèle, les probabilités de détection et les indices de succès critique sont bons pour la quasi-totalité des bassins évalués (voir ). Les seuils de vigilance choisis pour déterminer les scores de contingence correspondent aux seuils de vigilance jaune de chaque station ou à la moitié de ces seuils lorsque le nombre d’évènements n’était pas assez important (inférieur à 10). Deux horizons de calage ont été testés : l’un au regard du temps de réaction des bassins versants (horizon de calage : 1 heure) et l’autre en fonction des objectifs opérationnels (horizon de calage : 24 h). Les valeurs des paramètres sont proches pour les deux horizons : l’horizon d’1 h a finalement été retenu. Concernant la stabilité du jeu de paramètres entre le calage complet et le calage sur les deux sous-périodes, celle-ci a été jugée satisfaisante. Lorsque des différences entre les jeux de paramètres de chaque sous-période ont été observées lors de la phase de calage-contrôle, en raison d’hétérogénéité des évènements majeurs entre les deux sous-périodes, le jeu de paramètres obtenu lors du calage complet se rapproche du paramétrage de la sous-période contenant les évènements majeurs.

Tableau 1. Valeurs des paramètres GRP au pas de temps 1 h pour les 12 cours d’eau retenus (sur les 13 étudiés) avec les critères de performance obtenus pour la période de calage (Eff : Critère de persistance et scores de contingence obtenus vis-à-vis du seuil de vigilance – POD : Probabilité de détection, FAR : Taux de fausses alertes au sein de l’ensemble des dépassements prévus, CSI : Indice de succès critique).

Les très hauts débits sont généralement sous-estimés par le modèle qui n’arrive pas à reproduire certains évènements extrêmes. Parmi les treize bassins étudiés, les performances ont été jugées satisfaisantes pour dix bassins, moyennes pour deux bassins et insuffisantes pour un bassin (Tilmant & Perrin, Citation2021). En ce qui concerne les valeurs de paramètres (ROUT [mm] : Capacité du réservoir de routage ; CORR [-] : Coefficient correcteur des pluies efficaces ; TB [h] : Temps de base de l’hydrogramme unitaire), les valeurs obtenues sont cohérentes avec les caractéristiques des bassins versants réunionnais, à savoir une capacité d’infiltration importante (Corr inférieur à 0,5 en moyenne) et des hydrogrammes marqués en terme de montée/descente de crues (Tb compris entre 2 et 3 h et un réservoir de routage inférieur à 200 mm pour la quasi-totalité des cours d’eau).

La boucle de modélisation basée sur le modèle GRP 2018 est opérationnelle à la CVH Réunion depuis fin 2020/début 2021. Il est donc possible d’évaluer les performances du modèle sur les événements pluvieux marquants de la saison 2021 et 2022, dans une logique de validation (évènements en-dehors de la période de calibration) sur des épisodes où les attentes des services de sécurité civile sont les plus fortes. Pour ce faire, l’utilitaire de prévision du modèle GRP en mode « temps différé » a été utilisé à partir des données de pluies ANTILOPE disponibles en « temps différé ». Au total, 7 évènements « marquants » ont été retenus pour des rejeux sur GRP 15 min et 1 h (deux exemples de lame d’eau correspondant au cumul maximal sur une durée de 3 h sont présentés à la ) :

  • Tempête DANILO : 11 au 16 janvier 2021

  • Tempête IMAN : 06 au 09 mars 2021

  • Fortes pluies : 13 au 19 avril 2021

  • Fortes Pluies : 26 au 31 août 2021

  • Fortes Pluies : 09 au 19 janvier 2022

  • Cyclone BATSIRAI : 01 au 08 février 2022

  • Fortes Pluies : avril 2022

Figure 2. Exemple de lames d’eau (cumuls max 3 H) pour deux épisodes de fortes pluies pris en compte dans les rejeux GRP (fortes pluies du 15/01/2022 à gauche et cyclone BATSIRAI 03/02/2022 à droite).

Figure 2. Exemple de lames d’eau (cumuls max 3 H) pour deux épisodes de fortes pluies pris en compte dans les rejeux GRP (fortes pluies du 15/01/2022 à gauche et cyclone BATSIRAI 03/02/2022 à droite).

Pour chaque bassin versant, seuls les évènements ayant entraîné une réaction significative (dépassement de seuil jaune) du cours d’eau ont été traités.

Les simulations GRP ont été lancées, par rapport au pic de crue observé, à H-24 (délai opérationnel) et à H-6 (délai permettant de prendre en compte l’historique de pluies en diminuant son influence sur le débit initial du cours d’eau au moment de l’instant de prévision). La comparaison entre les deux instants de prévision montre que GRP obtient des performances très proches. La mise à jour des états du modèle au regard des précipitations précédant le pic d’intensité pluviométrique a, semble-t-il, peu d’influence sur les performances de la boucle de modélisation. Cela s’explique en partie par la prédominance du forçage météorologique sur la réaction des bassins versants au regard des intensités très fortes des précipitations qui peuvent survenir au paroxysme des événements. Cette observation est cohérente avec les abaques hydrologiques pour lesquelles l’influence de l’historique pluviométrique sur les relations « pluies/débits » mises en évidence a été jugée relativement faible. Seuls les résultats des prévisions à H-24 ont donc été analysés en détails. Un exemple des rejeux effectués pour la rivière Langevin et la rivière des Roches est présenté à la . Afin de juger les performances du modèle, trois paramètres ont été sélectionnés :

  • analyse du décalage temporel par rapport au pic de crue (critère n°1),

  • analyse de la différence entre le débit max observé et le débit max simulé (critère n°2),

  • analyse du décalage temporel par rapport au dépassement du seuil jaune (critère n°3).

Figure 3. Exemple de rejeux effectués sur le modèle GRP (pas de temps 15 min et 1 h) sur la rivière Langevin (Sud-Ouest de l’île) et sur la rivière des Roches (Est de l’île).

Figure 3. Exemple de rejeux effectués sur le modèle GRP (pas de temps 15 min et 1 h) sur la rivière Langevin (Sud-Ouest de l’île) et sur la rivière des Roches (Est de l’île).

L’appréciation des écarts est qualifiée au regard des tolérances suivantes :

  • de ± 3 h sur le décalage temporel ;

  • de ± 20 % sur les débits (par analogie avec la précision des calculs de débits issus des courbes de tarage).

Le donne une synthèse des trois critères pour l’ensemble des événements hydrométéorologiques considérés (modèle GRP au pas de temps 15 min).

Tableau 2. Rejeux modèle GRP (pas de temps 15 min) : récapitulatif des 3 critères pour les cours d’eau couverts par la boucle de modélisation et l’ensemble des événements considérés (OK : critère respecté ; X : critère non respecté ; FA : fausse alerte du modèle ; AM : alerte manquée du modèle).

La boucle de modélisation basée sur GRP présente des résultats satisfaisants sur les épisodes de fortes pluies des saisons cycloniques 2021 et 2022. Au vu du faible nombre d’événements considérés pour cette évaluation, il n’est pas pertinent d’extraire des scores de contingence mais les résultats obtenus sont souvent aussi bons voire meilleurs que ceux de la période de calibration. Le modèle GRP a tendance à sous-estimer les débits de pointe dans le cas d’hydrogrammes très marqués, caractérisés par une montée de crue et une décrue rapide. Concernant la ravine Blanche dans le Sud de l’île, les alertes manquées sont cohérentes avec les faibles performances du modèle pour ce cours d’eau. Le fonctionnement de la ravine n’est pas correctement représenté par le modèle qui tord ses paramètres pour parvenir à reproduire le caractère intermittent de la ravine. Le paramètre CORR est inférieur à 0,1. Une des pistes d’explication pour cette faible performance est la forte capacité d’infiltration au sein du bassin versant de la planèze Tampon/St-Pierre avec des pluies essentiellement concentrées en amont du bassin (Plaine des Cafres/hauts du Tampon).

Au regard de la cinétique rapide des crues sur le territoire avec des hydrogrammes marqués, le pas de temps 15 min semble plus adapté, d’un point de vue opérationnel, pour bien suivre les montées de crue (voir par ex. Obled et al., Citation2009). Si les performances de modèles obtenues à des pas de temps différents sont toujours délicates à comparer de manière stricte, la bonne tenue des indicateurs de performance du modèle GRP au pas de temps 15 min semble indiquer que le modèle est apte à fournir des informations utiles tout en suivant de manière plus fine les dynamiques réelles des crues. Dans cet objectif, l’assimilation des données est certainement un élément essentiel pour aider le modèle à suivre ces dynamiques rapides propres au contexte réunionnais.

3.2. Boucle de modélisation hydrologique basée sur la plateforme SMASH

La boucle de modélisation basée sur la plateforme SMASH a été développée dans l’optique de l’ouverture à moyen terme du service Vigicrues Flash à La Réunion en dehors du réseau jaugé avec l’application de la méthode AIGA (Javelle et al., Citation2016). Néanmoins celle-ci a montré des performances intéressantes dans le cadre de la prévision des crues sur le réseau surveillé de la CVH notamment pour les tronçons de cours d’eau non couverts par GRP.

La boucle tourne au pas de temps 15 minutes et au pas d’espace de 250 m : elle est alimentée par la lame d’eau ANTILOPE (SMASH Anticipation) et la lame d’eau prévue par AROME-OI (SMASH Prévision). A partir d’un calage local sur 23 bassins versants de l’île, les variantes à 4 et 5 paramètres de la modélisation SMASH ont été retenues en s’appuyant sur des critères événementiels calculés sur une période de calage de 5 ans et sur une période de validation de 15 mois (voir ). Dans l’objectif de disposer d’une paramétrisation applicable en milieu non-jaugé (utilisation dans le cadre de la méthode AIGA), il a été mis en œuvre, sur une période de 5 ans, un calage régional uniforme sur six “régions” de l’île (voir ) : le critère d’optimisation NSE est calculé pour l’ensemble des bassins versants retenus pour le calage d’une “région” donnée. Les performances des différents scénarios de calage ont été évaluées sur les bassins versants ayant servi au calage mais également sur des bassins versants de validation. Une validation temporelle a également été menée sur une période de 21 mois de janvier 2020 à septembre 2021. D’une manière générale, les scores de contingences obtenus en validation spatiale, temporelle ou spatio-temporelle sont encourageants.

Figure 4. Structure du modèle SMASH pour La Réunion_ Cp (capacité du réservoir de production), Ctr (capacité du réservoir de transfert rapide), Alpha (coefficient de répartition des écoulements entre réservoirs de transfert rapide et lent), Beta (coefficient de percolation pour la vidange de fond du reservoir de production).

Figure 4. Structure du modèle SMASH pour La Réunion_ Cp (capacité du réservoir de production), Ctr (capacité du réservoir de transfert rapide), Alpha (coefficient de répartition des écoulements entre réservoirs de transfert rapide et lent), Beta (coefficient de percolation pour la vidange de fond du reservoir de production).

Figure 5. Régions retenues pour le calage régional à gauche, exemple de régionalisation du paramètre Cp (taille du réservoir de production en mm) à droite.

Figure 5. Régions retenues pour le calage régional à gauche, exemple de régionalisation du paramètre Cp (taille du réservoir de production en mm) à droite.

La version opérationnelle finalement retenue a ensuite fait l’objet d’un calage régional sur la période du 1er janvier 2015 au 30 septembre 2021 en s’appuyant sur les données de débits de 27 stations hydrométriques (voir ). Depuis la date correspondant à la fin de la période de calibration, le nombre d’événements pluvieux marquants n’a pas été pas suffisant pour mener le même exercice que pour le modèle GRP à savoir une validation indépendante du calage sur des événements pluvieux récents

Tableau 3. Valeurs des paramètres SMASH Réunion pour 12 cours d’eau avec les critères de performance correspondants (scores de contingence obtenus en calibration vis-à-vis du seuil de vigilance pour la période de calage, optimum à 1). POD : taux de bonnes détections (pourcentage de dépassements du seuil de vigilance correctement détectées) ; FAR : taux de fausses alertes au sein de l’ensemble des dépassements prévus ; CSI : indice de succès critique.

4. Développement des outils de prévision et application opérationnelle

Le développement des outils de prévision présentés ci-dessus permet aujourd’hui à la CVH d’établir, pour le cadre d’astreinte de la DEAL et la préfecture, des chronologies de vigilances crues (en lien avec les chronologies de vigilances météo) lors du passage de minimums dépressionnaires à proximité de La Réunion et lors d’évènements météorologiques marqués. Les deux boucles de modélisation « pluies/débit » ont des résultats satisfaisants sur la quasi-totalité des bassins versants surveillés avec de meilleures performances sur le Nord pour le modèle GRP et sur l’Est pour la boucle SMASH. L’évaluation des performances de la boucle SMASH doit être poursuivie sur des évènements en-dehors de la période de calibration, dans une logique de validation.

L’objectif est de passer à moyen terme à une vigilance à 24 h produite quotidiennement pour le grand public (à l’image de la vigilance crues métropolitaine). Pour cela, un certain nombre d’améliorations sont d’ores et déjà identifiées (en dehors des aspects organisationnels) :

  • Production quotidienne d’une pluie expertisée type AP/BP (bulletin de prévision sur une période de 24 h décomposée en quatre durées de cumuls de 6 h) sur douze zones identifiées sur l’île (zonage SIPEX) afin d’objectiver les sorties brutes du modèle AROME-OI déterministe qui alimentent les boucles de modélisation hydrologique. Un travail est en cours pour qualifier la capacité d’AROME_OI déterministe à retranscrire les caractéristiques de pluies ayant une influence hydrologique sur l’île, à savoir les cumuls maximaux sur une durée entre 1 h et 3 h et les pics d’intensité (en lien avec les temps de concentration des bassins versants surveillés). En raisonnant en pluies de bassin, pour différents épisodes pluvieux, plusieurs quantiles de pluies prévues sont comparés aux pluies observées. L’objectif de ce travail est d’identifier, à partir des données brutes de prévision d’AROME_OI déterministe, les scénarios de pluies prévues les plus pertinents à intégrer en données d’entrée des boucles de modélisation hydrologique. Cette approche permet également d’avoir une série d’ensembles qui sont utilisés d’un point de vue opérationnel.

  • Intégration de différents scénarios de pluies issus d’AROME-OI ensembliste (opérationnel chez Météo France OI pour la saison cyclonique 2023/24) afin de tendre vers une prévision hydrologique ensembliste et de déterminer les incertitudes de la prévision.

  • En ce qui concerne la boucle de modélisation GRP, le passage à GRP 2021 est prévu en augmentant la période de calibration et en ajoutant de nouveaux bassins versants dont le recul de données hydrométriques est suffisant. Le test expérimental d’une version plus réactive aux intensités de pluie devrait également être source d’amélioration des prévisions (Astagneau et al., Citation2022).

  • Pour la boucle de modélisation SMASH, outre l’agrandissement de la période de calibration incluant deux saisons cycloniques supplémentaires, une adaptation de la méthode de calage (approche multi-critère) et de régionalisation (« pré-régionalisation ») doit être testée afin d’améliorer la restitution des débits de pointe et des critères de contingence.

Déclaration de divulgation

Les auteurs ne déclarent aucun intérêt concurrent.

Références

  • Astagneau, P. C., Bourgin, F., Andréassian, V., & Et Perrin, C. (2022). Catchment response to intense rainfall: Evaluating modeling hypotheses. Hydrological Processes Journal, 36(8), e14676. https://doi.org/10.1002/hyp.14676
  • Javelle, P., Organde, D., Demargne, J., Saint-Martin, C., De Saint-Aubin, C., Garandeau, L., & Janet, B. 2016. Setting up a French national flash flood warning system for ungauged catchments based on the AIGA method. In Conférence FLOODrisk 2016, 3rd European Conference on Flood Risk Management. https://doi.org/10.1051/e3sconf/20160718010
  • Jay-Allemand, M., Javelle, P., Gejadze, I., Arnaud, P., Malaterre, P.-O., Fine, J.-A., & Organde, D. (2020). On the potential of variational calibration for a fully distributed hydrological model: Application on a Mediterranean catchment. Hydrology and Earth System Sciences, 1–9. https://doi.org/10.5194/hess-24-5519-2020
  • Jumaux, G., Quetelard, H., & Roy, D. (2011). Atlas Climatique de La Réunion. Sainte-Clotilde : METEO FRANCE.
  • Obled, C., Zin, I., & Hingray, B. (2009). Choix des pas de temps et d’espace pour des modélisations parcimonieuses en hydrologie des crues. La Houille Blanche, 95(5), 81–87. https://doi.org/10.1051/lhb/2009059
  • Organde, D., Javelle, P., Garambois, P.-A., Jay-Allemand, M., Demargne, J., & Fine, J.-A. (2021). Développement de la méthode AIGA sur l’île de La Réunion, Rapport d’étude. Dans H. Hydrologie (Ed.), Hydris hydrologie2 (p. 101). Montferrier-sur-Lez.
  • Tilmant, F., & Perrin, CA. 2021. Amélioration des capacités de prévision de la CVH Réunion. Mise en place opérationnelle du modèle de prévision des crues GRP sur des bassins réunionnais. Rapport d’étude. INRAE-HYCAR.
  • Viatgé, J., Pinna, T., Ficchì, A., Perrin, C., Dorchies, D., Garandeau, L., & Tilmant, F. (2019). Vers une plus grande flexibilité temporelle du modèle opérationnel de prévision des crues GRP. La Houille Blanche, 105(2), 72–80. https://doi.org/10.1051/lhb/2019017