Abstract
Les débuts littéraires de Dostoïevskii n’eurent pas lieu en 1846, date de la publication de Pauvres gens, mais en 1844 quand il publia la première traduction russe d’Eugénie Grandet. De façon générale les traducteurs de belles lettres dans la première moitié du dix-neuvième siècle ne se souciaient pas d’être spécialement fidèles à l’original. La traduction d’Eugénie Grandet par Dostoïevskii ne fait pas exception. En géneral, Dostoïevskii réduit les passages descriptifs. Le ton du narrateur est souvent modifié et son caractère religieux est très réduit dans le texte russe. Par ailleurs Dostoïevskii introduit des changements importants dans la présentation des personnages, surtout en ce qui concerne Eugénie et son père, et laisse d’autres traces de son passage dans la traduction. Notre étude de celle-ci confirme plusieurs conclusions de L. P. Grossman, qui, plus qu’aucun autre, l’a analysée. Néanmoins, si l’on peut convenir qu’Eugénie Grandet servit d’important laboratoire littéraire à Dostoïevskii, et comme une source de prototypes dans son oeuvre (par exemple, pour le thésauriseur, pour les personnages humbles et doux etc.) l’analyse du texte russe ne révèle pas que Dostoïevskii ait développé les descriptions, ou qu’il ait ajouté des éléments frénétiques dont l’absence justement était si importante dans l’original de Balzac.